« Ils ne vous feront pas de mal » qu'on lui dit, alors qu'elle n'entend plus et ne voit plus que ce qui tourne en boucle dans sa tête. La réalité est lointaine, son corps livré à cette surcharge d'émotions. Elle cligne des yeux, laissant retomber ses mains. Le visage de l'ami de Dorreh… Enfin, elle croit voir un homme frisé, du moins. Sa gorge refuse de lui revenir, alors qu'elle grogne pour se réveiller, pour chasser le contrôle d'Alkonost. Rendant plus flou ce qu'elle a perçu. Moins tangible. Elle croit entendre une voix connue prononcer son prénom, cherche à localiser le propriétaire, n'y parvenant qu'à la seconde fois. Elle veut dire quelque chose, se trouve couper par le contact chaud et familier. Lyov. Qui la relève, tremblante. Toujours sous l'emprise de cette putain de vision à la con. Esfir plisse les yeux, quand elle croit entendre le proxénète s'adresser à elle, incapable de l'en empêcher, se retrouver jeter comme une poupée de chiffon dans les bras d'un autre homme. Yulian, si elle en croit l'odeur. Une odeur, qu'elle n'a jamais oubliée. Pas depuis qu'il est devenu son premier en… tellement de choses. La rouquine secoue la tête pour se reprendre. Perce un peu le brouillard qui la piège, pour sourire penaude à Yulian. « HEY EDGARD, T'ES QU'UNE TÊTE DE GLAND ET JE M'Y CONNAIS EN BITE! » C'est un éclair dans les brumes d'Alkonost, qui se refoule un instant. Lui laissant vaguement l'impression de vouloir hurler à plein poumons et griffer tout ce qui lui tombe sous la main. Elle serre même le bras qu'elle tient, sans le vouloir, enfonçant ses ongles avant de tout relâcher et de vaciller sur ses jambes.

« Putain! » Voilà un mot qu'elle prononce facilement. Sans un regard en arrière, elle réussit tant bien que mal à suivre le vieil idiot, est bousculé plus qu'il ne faut et atterrit presque en chute libre sur le dos de celui qui a largement insulté le Tsar. Elle s'agrippe à lui et serre les dents, reprenant peu à peu le véritable contrôle de son corps. « T'EN AS PAS EU ASSEZ D'UNE MORT! » Ces paroles sont murmurées, mais emplit de sa colère. Tristement, l'écran géant lui fait regretter sa décision. Elle se fige, alors qu'on se jette sur les gardes, qu'est-ce qu'elle a manqués encore? Pour toute réponse, elle trouve la force se couvre le nez, alors que du gaz lacrymogène l'entoure, que des cris réveillent ses sens et qu'elle se met à trembler d'autant plus. Qu'une seule phrase lui glisse sur la langue. « Ce n'est pas ce que j'ai entendu… » Apeuré, elle se mord la langue et agrippe le collet de sa malédiction vivante. Essayant de l'entraîner à contresens, alors qu'ils se trouvent au cœur même du carnage. « Suit pour une fois, le vieux. »

« Ceci dit, si vous voulez mourir avec moi, un jeune homme saigne par là-bas. » Sigyn regarde l'homme qui s'adresse à elle, avec un sourire qui sonne faut. Même le mot sang ne lui donne pas envie de le suivre. D'autant plus que mourir… Elle a essayé à de nombreuses reprises. Mais, comment pourrait-il savoir ce qui pourrit dans ses veines? « Merci, Pasteur. Mais nous jouerons une prochaine fois. » Que Sigyn lui répond, avant de détourner ses yeux pour fixer la foule d'inconnus. Sa tête se penche lentement sur le côté et elle hume presque l'odeur de la tension qui s'ajoute à celle de la curiosité qui a regroupé autant de personnes. Ses tympans sont dérangés par le grésillement et le tintement des micros, de l'écran. Elle plisse les yeux, pour mieux observer la silhouette sans visage, encapuchonné derrière l'anonymat. Elle l'écoute, soupire à la mention du Culte, avant de sourire légèrement. Ce qui était une tension se transforme en une vibration et Sigyn hésite. Le sang coulera, elle adore l'idée d'en prendre sa part.

Avec un contrôle dû aux années, elle se détourne au moment même que la première brebis se jette sur la sécurité. Il vaut mieux qu'elle disparaisse, avant qu'on la remarque. Elle, la draugr illégale, celle qui officiellement ne vit pas à Moscou depuis cinquante ans. Avec un peu d'avance, elle a une chance de s'installer quelque part de discret. Peut-être, les égouts de la ville? Le temps que les puces soient installées… Ignorant l'émeute naissante, elle vacille dans ses pensées, marchant à contrecourant. Trop détaché, trop insensible à son entourage, piège vicieux du temps. Les tirs se font entendre et l'un vient trouver refuge à même son ventre, transperçant sa chaire depuis son dos. Le choc la fait flancher et Sigyn se retrouve rapidement sur le sol, piétiner par plusieurs, contourner par d'autres. Le sang s'échappe depuis sa plait… La mort est proche. Un rire lui échappe, malgré la douleur, puisque ce n'est pas la mort qui se rapproche, mais sa faim.

Faible petite chose aux yeux de tous, elle écoute la voix de son époux la guider dans cette folie qui s'annonce. Blotti contre son corps chaud, se pâmant presque. Ridicule. Comme si… Zorya est attentive, grave chaque parole, chaque décision dans son esprit. Commence à calculer le prix à payer pour ces décisions et intérieurement, Gorgonia s'esclaffe. ‘'Tout ce chaos qui s'annonce, n'est-ce pas charmant? ‘' La Domachev ne peut qu'acquiescer. Le chaos, le changement perpétuel est source de possibilités. Zorya n'est pas contre, si elle trouve de quoi se nourrir quelques temps. Tirer son épingle du jeu et c'est sur Dahlia que ses pensées se focalise. Douce, douce, qui n'est pas douce, Dahlia. Une porte dans cette lumière. Une première marche vers les opportunités. Elle serre sa grippe sur le chandail de Slave et lui dépose même un baisé à la naissance de son cou. Là, où la peau se dévoile. « Rentrons Zorya. Les gens s'excitent… ça va mal finir. » Relevant la tête pour essayer de discerner le visage de son époux, elle caresse sa barbe naissante. Ne distingue que de vague traits, alors que sa vue agressé par la journée lui échappe. « MMmm… Et je suppose, que je devrais être sage et rentrer faire un résumé à mon Tonton favori. » Elle sait que dans cette foule, personne ne l'entendra et se permet l'ironie qui lui est familière en privé. Elle acquiesce à la demande de Slave, siffle une fois, pour rappeler Styx à l'ordre et s'apprête suivre son garde du corps, aux allures d'avocat.

Mouvement interrompu, décision avorté. Elle entend cette voix, cet appel à la violence et laisse filer un sifflement plus serpentin entre ses dents. Elle n'y voit rien. Entend l'escalade de violence, sursaute au premier tir. En aparté de la foule, Nyx n'est pas emporté par le mouvement. N'en reste pas moins plus malmené par ceux qui fuient. Elle se colle à Desislav. Trop consciente de son inutilité en pleine journée. « Sort moi d'ici. » Styx gronde, collé à ses jambes.