« Un entraînement qui porte ses fruits. » Le contact de sa peau, son odeur et la réaction de son corps, sont des choses que Sigyn prend plaisir à observer. Autant que celles qui précèdent, lorsqu'elle observe une autre. Loin d'un cœur qui se brise, la draugr observe la scène avec intérêt, quelque chose dans sa mémoire cherchant à lui rappeler une émotion, un souvenir sûrement semblable. « Seulement le massacre de ceux qui me gênerais, j'imagine? » C'est un sourire amusé qu'elle laisse transparaître pour Orphédia, alors que le souvenir d'une autre soirée lui revient en mémoire. Une autre danse plus mortelle les suivant. « Tu es une bonne raison pour me livrer à un massacre. » Un compliment à la charogne. Aussi charmante, qu'elle peut l'être. Sigyn la serre légèrement, ramène leurs corps aussi proche que possible.

Sigyn se laisse ensuite prendre au piège, résistant à son instinct de fuir celle qui s'agrippe plus fortement. Se rappelant que ce n'est pas la blonde qui sortira un chalumeau pour la griller. Peu de chance néanmoins, encore moins en pleine salle de bal. Entre les bras de sa compagne de la soirée, elle s'oblige à détendre ses muscles. À se concentrer sur elle et non pas, sur ses propres réactions. « Puis-je… te demander quelque chose…? Je ne voudrais abuser de toi, alors n'hésite aucunement à me stopper. » Haussement de sourcil, suivi de son propre regard qui se focalise sur son visage. Attendant la demande, cherchant à comprendre le rôle qu'on souhaite la voir tenir. « La femme qui occupe mon esprit… Elle m'a brisé, jadis. Je veux la briser, à mon tour… » Avec agilité, elle fait virevolter leur couple sur la piste, faisant valser les robes, troublant la routine qui s'est installé sur la piste de danse. Elle ne cherche pas de nouveau, le regard de l'autre femme. Pas un instant. Préférant noter le rose sur les joues de la créature, les mots qui s'infiltrent jusqu'à sa compréhension. « Je suppose qu'on ne discute pas de la possibilité de lui casser les os? » Murmure pour n'être entendu, que d'Orphédia. Alors qu'elle réfléchit quelques instants. Ce genre d'histoire la laisse indifférente, mais le visage devant elle… Lui non. Elle libère l'une de ses mains pour la déposer sur sa taille, ralentissant la cadence, glisse la seconde le long du cou de la blonde. « Ça ne me dérange pas. Utilise-moi ce soir. Demande-moi ce que tu veux. Pense simplement à me fixer une limite à ne pas franchir. »

Le petit lampadaire gonfla les joues, surjouant l’agacement quand en réalité, le ton affectueux lui réchauffait l’âme. Elle l’aimait bien, beaucoup, son cousin, si bien même qu’elle le considérait un peu comme son oncle. Et l’avantage de vivre sous le même toit, c’était que les liens se renforçaient avec les années. Avant qu’il ne perde sa femme et son fils, elle aimait passer du temps auprès d’eux, à leur rendre visite dans les haras du coin. Et puis après leur mort, Cornélius avait disparu de la surface de la terre, et même s’il se murmurait qu’il s’était découvert l’âme d’un pirate, ils n’avaient jamais de réponse concrète à leurs questions. Résignée à le laisser nimbé de mystère, elle s’était contentée de le retrouver avec beaucoup de tendresse. Car après tout, qui mieux que lui pouvait comprendre la douleur de la perte brutale d’un être aimé ? Il savait. Alors le petit lampadaire roula des yeux, semblant contrariée par le surnom – plus encore par la question qui suivit. « Pas vraiment, sauver la vie de mon émissaire semblait être de premier ordre. » Une main qui s’enroula autour de la partie plus longue de sa robe, celle qui ne dévoilait pas sa cuisse. « Mais si mon grand lampadaire veut bien m’excuser, je m’en vais de ce pas frayer avec de plus gros poissons. » La musique leur parvint lorsque la porte pivota de nouveau, laissant cette fois passer deux hommes qui ôtèrent leurs masques. En parallèle à cette entrée, la voisine du lavabo d’à-côté interpella. Automatiquement, le regard de la mimi vint la trouver, curieuse quant aux courbes, admirative presque. C’est qu’elle est belle, Néhémie. Son visage en particulier retint son attention, semblant presque familier. Elle l’avait déjà vue quelque part, et pourtant elle ne parvenait pas à remettre le doigt dessus. « Clochette s’en sortira, du moment qu’on croit en lui. » Oh, le cliché.

Elle aurait bien aimé rajouter quelque chose, d’un ton tout aussi blasé et pourtant amical, mais l’ombre d’une dernière personne – reflet dans le miroir où la belle fait ses retouches – la fit se raidir imperceptiblement. La haute stature de l’homme lui était inconnue, l’impact de ses prunelles claires la mit immédiatement mal à l’aise. Il lui rappelait presque Jones et ses œillades emplies d’incompréhension. Lost puppy. Astrea entrouvrit les lèvres pour demander à la ronde s’il y avait une réunion, mais fut prise de court par le compliment que lui adressa Malphas. Son épiderme s’hérissa d’un frisson, et les orbes bleutés s’accrochèrent silencieusement à lui, intensément. Après deux secondes, au bout desquelles il retourna son regard vers son compagnon, elle fit mine de réajuster son masque et se reconnecta avec les personnes présentes. Surtout avec la silhouette qui tentait de s’extirper de l’imbroglio de faciès dubitatifs. Elle avait beau ne pas apprécier faire des simagrées devant les nobles du coin, elle n’était pas non plus venue pour faire une « toilet party. »

Prenant la réflexion de Cornélius à la lettre – il lui avait bien dit de danser, non ? – elle se détourna d’eux, faisant un signe léger de la tête à Mikhail, et au passage glissa son bras sous celui d’un Yulian en pleine tentative de fuite. « Maintenant, vous avez une invitation, » qu’elle lui lâcha, lui proposant de ce fait d’être son cavalier pour la soirée. Pourquoi ? Et pourquoi pas ? Comme avec Régulus, son air déboussolé l’avait appelée. Ou tout du moins, c’était ainsi qu’elle justifiait son kidnapping. Encore qu’il avait parfaitement la force et le droit de se défaire de son étreinte, laquelle était beaucoup plus délicate qu’il n’y paraissait. Elle ne le traînait pas, elle voulait simplement l’entrainer ailleurs. Il était libre de partir dès qu’il le souhaitait. Mais la musique était entraînante, et Anastasia dansait dans les dessins animés. Alors pour parfaire l’illusion, Astrea se glissa entre les paires langoureuses, proposition muette à son compagnon d’infortune de faire de même. Ses doigts glissèrent, aériens, le long de son avant-bras, lui rendant sa liberté avant l’heure. « Une danse ? »

Et pourquoi pas ?