Yeva se sent lourde, terriblement lourde. Son ventre s'alourdit de jour en jour. Elle est assise sur un siège lui facilitant la posture, mais le plus dur à porter reste le spectacle en face d'elle. Elle devrait se réjouir de l'arrestation des membres des sectes pourrissant le cœur de sa ville... Mais.. Pas de cette manière-là. Enchaînés et agenouillés comme elle ne sait dans quel siècle... Elle jette un coup d'œil au Tsar. Encore une fois, la pertinence de ses choix lui échappe. Voudrait-il définitivement condamner la légitimité de sa famille ? Elle se maudit de suite d'avoir eu cette pensée impie. Qui est-elle pour juger des décisions de son oncle ? Elle n'est qu'une pâtissière.. Dans la branche secondaire qui plus est. Elle est simplement inquiète, un procès normal, dans un tribunal, n'aurait pas été plus judicieux ? Si l'on s'inquiète de l'opinion publique, que l'affaire concerne grandement, il n'y avait qu'à.. La retransmettre à la télévision ? Quand elle y repense, tous ces récents choix lui faisaient penser à un système féodal, le choix de suzerains délégués en maîtres totales sur leurs terres, un procès enchaîné en place public...

En parlant des émissaires, ils ne sont pas loin d'elle et elle les entends discuter. Ce doit être la première fois qu'elle voit Cornelius Thompson sobre depuis plusieurs mois... Enfin, elle croit. Mais bien plus grave, elle ne sait ce qui est le plus triste. Qu'il n'y est aucune cohérence entre eux, Orphédia Bellavance signifiant à Dahlia Cohen qu'elle devrait être enchaînée avec les autres, ou qu'en effet, un membre de ces horribles cultes prend effectivement place ici, pour juger ses propres congénères ? Ou alors, est-ce que le pire serait leur ineffable inaction dans tout ceci ? Qu'ont-ils fait ces derniers mois, à part attiser la colère des citoyens envers sa famille.. ? Ses mains se serrent sur ses accoudoirs. Puis elle soupire, se détendant. Ce qui la ronge est plus cette incompréhension des actions et des décisions... Elle ne peut s'empêcher de leur murmurer, dans un soupir. Plus amère qu'en colère au final,

« - Si ce n'est ni votre idée de la justice, ni la mienne... Comment pouvons-nous encore agir.. ? »

Yeva est plus dépitée qu'autre chose, ses mots sont plus un reproche ou une remarque envers elle-même. Elle voudrait simplement la paix et la sûreté d'un avenir plus apaisé pour sa nation... Qu'importe les émissaires, les sectes et autres justicière douteuse. Sa main glisse sur son ventre comme son regard vers le père de cet enfant. Non, ce n'est pas l'homme assis à côté d'elle, malgré toute l'estime et le respect qu'elle a pour son mari. Elle déglutit en voyant le fer l'entravant. Quel avenir pour leur bébé, dans ce Moscou au bord de l'apocalypse ? Ils assistent peut-être en direct à sa condamnation. Et même si Ilya sera toujours là pour faire de son mieux en tant que père exemplaire, elle ne peut s'empêcher de regretter. La responsabilité de cette grossesse non-désirée, l'avoir imposée à Yulian tout en lui refusant la paternité officielle, pour une histoire politique... Elle se sent terriblement coupable, trop pour lui en vouloir d'être affilié dans une de ces sectes. Elles n'ont plus d'importance aujourd'hui, quand elle voit ses proches prêts à être condamné...

Elle observe l'inflexible véhémence de Yulian, même dans cette situation, ce qui la place à cheval entre un sourire et une inquiétude. Cependant, quand il s'adresse à son oncle avec cette déclaration pure par sa simplicité et son cinglant, elle ne peut s'empêcher un esclaffement, camouflé dans sa main tant elle est surprise par cette phrase soudaine. Même si elle eut peur un instant qu'en plus de dévoiler avoir pris sa fille, il lui déclare avoir engrossé sa nièce aux yeux de tous. Mais l'audace déplacée de son ancien amant la fait plus sourire que la crainte. Et elle a assez confiance en lui pour croire qu'il ne la mettra pas en danger... Enfin, elle espère. C'est cette attitude qui le différencie de tout ce qu'elle a connue qui la toujours charmée chez lui... Cependant, son sourire s'efface vite quand la réponse du Tsar se fait sentir, Yulian se prenant un violent coup de matraque le mettant à terre. Elle se redresse, la violence crue lui rappelant soudainement l'endroit et le moment. Puis elle baisse les yeux, accablée...