La Drioma râlait, intéressée par la posture qui était celle avec laquelle elle déclenchait des cauchemars, mais les dormeurs devaient avoir peur d'elle et ne pas toucher comme ça les cuisses de son hôte en la caressant au passage.
Et Sacha qui ronronnait presque comme une chatte heureuse ! Ladite Sacha se fichait pas mal de savoir si son comportement déplaisait à la vieille folle, et s'appuya délicatement sur le torse de Niilo, perchée sur lui comme si c'était sa place. Elle sourit alors qu'il ne semblait pas impressionné du tout par la perspective d'une créature légendaire assoiffée de terreurs nocturnes, ce qui la changeait agréablement parce que sinon beaucoup de gens avaient peur d'elle et c'était un rien pénible.

« Tu es très bien aussi », affirma-t-elle en se penchant dans son cou pour dessiner de la pointe de la langue un itinéraire fantasque sa peau. « S'ils nous entendent un peu c'est pas grave, ils seront juste jaloux », fit-elle remarquer avec une sagesse teintée d'une pointe d'insolence. « Je ferai attention », rit-elle alors qu'elle ne l'avait clairement pas fait avant.

Elle sentait sous ses lèvres les pulsations calmes du cœur de grand sportif de Niilo, lequel au vu de leurs poids respectifs n'avait aucun mal à la soulever dans un mouvement des hanches qui réveilla nombre d'envies au creux des reins de Sacha.
Et elle ne pensait pas en avoir encore autant, d'envies, au vu de la journée qu'elle avait passé. Attirée par l'alcool qui avait dégoutté dans le creux des clavicules du soldat, elle baissa le nez, se penchant pour lécher délicatement la peau et la débarrasser de la vodka.

Elle étouffa un rire à la promesse de Niilo, retenant son souffle alors qu'il la provoquait en laissant traîner ses dents contre son oreille, et acquiesça à la demande télépathique qui fit protester la Drioma, toujours autant agacée qu'on ose la déranger dans son fief, et surtout pour dire des choses aussi écoeurantes.

Sacha répondit dans un souffle bas qu'elle avait envie de le sucer et descendit le long de son corps, le plus lentement du monde, laissant traîner la langue jusqu'à trouver ce qu'elle cherchait.

Sacha ne fit pas mine de protester quand il rassembla quelques unes de ses mèches de cheveux dans sa poigne à la force respectable, ne s'en servant que très peu sans lui faire mal, alors qu'elle cherchait le moyen le plus sûr de le faire perdre pied.
Appliquée et méthodiquement, elle glissait ses lèvres partout adjoignant sa langue agile, décidée à plaire à son amant et lui laisser un vif souvenir qui ne le ferait pas regretter de passer la nuit dans un quartier où ses supérieurs ne seraient sans doute pas ravis de le voir.

La main de Sacha qui ne la soutenait pas, maintenant qu'elle s'était calée entre les jambes de son amant en ramassant sa silhouette interminable, en profitait pour caresser son corps sculptural, soutenant ses gestes, jouant sur la corde sensible des nerfs comme si elle l'avait visualisée. Sa propre excitation menaçait de déborder comme une rivière en crue, et elle finit par remonter pour se remettre à cheval sur lui, les lèvres échauffées et colorées à cause de la friction.
Elle avait chaud et savait très bien ce qu'elle voulait – se doutait un peu aussi que malheureusement les voisins entendraient une bonne partie des choses, tant pis.

« J'ai envie de toi », fit-elle remarquer sur un ton empressé, presque animal.

Sacha n'eut pas besoin d'explication embarrassante sur le fait qu'elle attendait quelque chose dont ils n'avaient plus la moindre réserve. Ou peut-être quelque part dans l'appartement encore dévasté puisqu'elle avait trouvé bien mieux à faire de sa journée que de ranger, et encore. C'était trop loin et ça repoussait trop l'échéance.
Elle écarta donc un peu mieux les jambes autour des hanches de Niilo, les genoux calés dans la matière douce du plaid avec la sensation aiguë – et délicieuse – de commettre une parfaite imprudence, et de s'en foutre.
D'une main légère elle guida le corps de son amant, le chevauchant avec la science qu'elle avait appris de son corps, laissa échapper un souffle tremblant à la sensation toujours renouvelée, toujours un peu différente, et dont elle parvenait maintenant à appréhender toutes les étapes sans interruption.

Rien d'étonnant à ce que la chaleur éclate immédiatement au creux de son ventre et remonte les artères dans un coup de fouet sensationnel.
La Drioma râla encore une fois, fila l'équivalent d'un coup de balai dans le plafond pour faire taire les voisins, avec le même résultat qu'une mamie criant pour couvrir le bruit d'une fête en expliquant qu'elle, elle aurait bien voulu dormir.

Sacha laissa échapper un gémissement vibrant et profond qui rida la nuit sans la perturber, hormis peut-être faisant se tendre quelques oreilles sensibles, rien de bien méchant pour le moment. Elle déploya une main sur un des pectoraux de Niilo en assurant sa prise et sa position.

L'acte te frappe par sa continuité lascive et l'intensité de son mouvement cette fois-ci privé de toute contrainte. Il te faut un long et profond souffle pour appréhender les sensations qui pétillent soudain, plus fortes et plus chaudes que jamais dans la maîtrise non seulement du geste mais du corps de l'autre. Tu attrapes l'un des barreaux du balcon non recouvert par la plante grimpante pour te maintenir fermement et si Sacha commence à disparaître dans l'obscurité de la nuit et n'étant plus que gémissements d'outre-tombe, tu parviens encore à demeurer presque silencieux, dans un contrôle respectueux non seulement des autres, mais de ta carrière qui pourrait flamber en une seconde si quelqu'un te reconnaissait. Tu ressens chaque doigt comme chaque patte d'une immense araignée exotique s'étendre sur ton torse et ta fleur cardiaque frémit dans la proximité de cet être légendaire foncièrement mauvais. Et sous l'effort, accessoirement.
Le corps de Sacha s'écarte lentement autour de toi, plus rapidement qu'une première fois mais pas avec la même fluidité que si vous étiez deux amants réguliers.
Quoique.

Tu tiens fermement les rênes de ton souffle pour l'empêcher de s'emballer et de lancer un mouvement infernal qui lui ferait mal, mais l'épuisement bienfaisant et l'excitation de faire ça dehors à la portée des oreilles de tous viendra bientôt à bout de ta résistance.
Et tu ne saurais en avoir honte.

En se concentrant un petit peu, Sacha avait l'impression de parvenir à dresser un animal dangereux, alors que l'Alfe sous son corps ne faisait que bien vouloir se contenir. Elle mordit dans sa lèvre à l'occasion d'un long mouvement glissant, évitant la fleur fragile et affolée, puisqu'elle partageait le manque d'envie de faire mal, essayant vraiment de ne pas être repérable vocalement.
Pour le moment elle y parvenait, mais c'était elle qui dirigeait les mouvements, dansant presque au-dessus de Niilo en déployant sa longue silhouette noire et fine, une vraie allure de cauchemar – mais là, doublé d'un rêve franchement érotique.

Ses nerfs auraient pu se montrer émoussés par la journée qu'elle venait de passer mais en fait il lui semblait qu'ils avaient gagné en précision, et la chaleur était difficilement supportable. Câline, elle se pencha sur l'Alfe pour l'embrasser, cherchant ses mains pour qu'il les pose sur elle, la contienne, la réclame comme sienne au moins le temps d'une embrassade intime.

Elle glissa la langue dans sa bouche, fermant les yeux, ses cheveux sombres drapant le corps de son amant.

Un mouvement de recul te saisit quand elle se penche au dessus de toi, moins parce qu'elle a plus que jamais l'allure d'une créature cauchemardesque dans son ombre noire étirée, fuselée de longs cheveux noirs comme un Soulages arraché au mur sans scrupules, que parce qu'elle semble vouloir t'embrasser. Un geste intime que tu ne fais somme toute jamais, surtout quand ta partenaire donne l'impression de vouloir aspirer ton âme du bout des lèvres. Le souffle court et la queue en feu, tu finis par épouser la forme de sa bouche de la tienne, accueillant sa langue d'abord avec méfiance puis peu à peu te laissant aller en lui donnant la tienne. Si tu lâches le balcon c'est pour soutenir sa mâchoire comme si tu avais peur qu'elle fusionne avec toi et que sa légende change d'hôte quand bien même elle te déteste, juste histoire de te faire chier.
Le baiser de Sacha a un goût intense d'orage, une froideur mat de cendre et une profondeur lourde des nuits d'hiver. Il s'étire jusqu'au bout de ta langue, sur chacune de tes papilles, distillant sur le flot de la vodka l'appréhension comme l'avidité, et te coupe le souffle pour mieux faire résonner un gémissement plus grave, plus personnel, vibrant d'une saveur inconnue.

Comme ils avaient littéralement passé la journée à perfectionner leur manière de faire l'amour ensemble, Sacha savait parfaitement comment chevaucher le soldat pour en tirer le maximum de sensations plaisantes, qui éclosaient comme autant de fleurs fragiles au creux de son ventre.
Elle se redressa un peu, sans parvenir à déployer sa non négligeable taille, haletant un encouragement un peu sifflant, cherchant à le provoquer pour qu'il explose en coups de reins furieux comme ça lui arrivait quand il n'en pouvait plus.

Ça n'était pas quelque chose qu'elle aimait particulièrement chez ses amants habituellement, mais ça devait être comme pour le double des clés, et Niilo faisait figure de cas particulier. Ou d'exception qui confirme la règle.

Elle mordit délicatement son épaule, y laissant le croissant de sa dentition aiguë de prédateur nocturne.

« Vas-y », ronronna-t-elle, la tête tournant d'un trop-plein de sensations qui ne trouvait pourtant pas sa résolution.

Formé à l'obéissance comme enclin à la rébellion grâce à un virus dont tu ne guéris jamais, tu laisses les secondes s'étirer dans la nuit quand elle te demande de cette voix vibrante des femmes qui n'en peuvent plus et réclament qu'on les défonce, d'y aller. Il te faut le temps de reprendre un souffle dont la rapidité n'a plus rien d'humain et focaliser tes forces sur ce bassin qui appelle à la torture sans scrupules, sans retour en arrière.
Bien sûr que tu vas te débrouiller pour la faire crier, n'est-ce pas ce qu'elle essaie de faire elle-même en profitant de la maîtrise qu'elle a acquise de toi depuis la veille ? Rares sont les personnes que tu revoies. Rares donc, sont celles qui savent te toucher pour te tirer un cri un peu plus aigu, rouler des hanches pour appeler des mouvements plus violents, positionner leurs lèvres pour avoir un baiser digne de ce nom.
Sacha sait tout ça, sans avoir pris le temps de le chercher. Il lui a juste suffi de te poignarder l'esprit d'un regard sombre, de foncer et de conquérir, non sans peine comme le montre cet instant de méfiance, mais avec une issue décisive.

Donc tu y vas, après une attente qui a dû lui sembler interminable mais qui pour toi est absolument et précisément juste. Un bref mouvement plein de sécheresse rude d'épuisement vient lui fendre la chair, s'étirer sur une onde qui semble creuser encore plus profond que tu ne l'as fait jusqu'à présent. Elle est penchée sur toi, et vous êtes bien trop proches pour deux personnes qui se sont rencontrées hier. Pourtant, sans savoir si c'est parce que le cul rapproche à un point indescriptible ou parce que Salomé l'a beaucoup évoquée, tu as l'impression de la connaître depuis longtemps.
Mais c'est la première fois que tu l'approches assez près pour pouvoir poser ton front contre le sien, le regard flou, les lèvres entr'ouvertes sur le prochain baiser.

Elle mit à profit la poignée de secondes de calme avant la tempête pour tenter de récupérer un brin de souffle, de tenir ses nerfs en laisse et de maîtriser ses cordes vocales ; c'était un beau projet mais Niilo avait décidé que la réalisation serait impossible.
Au premier coup de reins les longs doigts de Sacha s'imprimèrent dans le biceps du soldat, alors qu'elle s'agrippait à lui dans un geste qui n'avait rien à voir avec une peur de l'abandon. Elle émit contre sa bouche puisqu'il était fort près un gémissement empressé et surpris, quoiqu'à moitié.
En fait elle aurait peut-être dû avoir peur de toute cette énergie, mais clairement, elle n'attendait que de voir ce dont il était capable ; la Drioma trouvait ça désespérant.

Elle se pencha un peu plus pour déposer un baiser sur ses lèvres, chercher sa chaleur et sa saveur, mais ça n'empêcha pas les voisins de profiter du hm, spectacle ? Quelques uns levèrent le nez avec des exclamations amusées, heureusement, la configuration en cour intérieure de l'immeuble de Sacha rendait impossible la localisation précise du son.
Une belle nuit d'été trop chaud avec toutes les fenêtres ouvertes vit par contre le public multiplié par autant d'habitants dans l'immeuble.

Il sembla à Sacha que Niilo avait réussi à la soulever en jouissant en elle, et elle qui s'était redressée, tout muscles tendus à l'approche de l'orgasme, se vit fauchée, toute énergie vidée. Elle se laissa donc glisser, se recouchant sur la poitrine somme toute accueillante de son amant, ferma les yeux.

« Je suis épuisée », fit-elle remarquer, ce qui était suffisamment rare pour être signalé ; être l'hôte de la Drioma voulait le plus souvent dire, être privé de sommeil la nuit.

C'est toujours particulier de constater les ressources dont dispose le corps surtout s'il n'est pas humain même au bord de l'épuisement. Passée la gêne douloureuse tu n'as plus qu'à explorer dans toute leur intensité les sensations que tu ne faisais que toucher du doigt lorsque le manque de connaissance et de confiance l'un envers l'autre vous tenait à distance respectable.
Ainsi tu la soulèves effectivement lorsque la faux d'une extase plus puissante que toutes les autres cisaille tes nerfs à vif.

Le souffle bousculé et la vision plus floue que jamais tu accueilles une ultime fois le corps de Sacha contre le tien, caressant ses cheveux à la longueur raccourcie par les nœuds que tu as tressés dedans.

-C'est bien. Tu vas pouvoir dormir correctement cette nuit.

Autant qu'on peut dormir en étant l'incarnation du cauchemar.


Lorsque quelques heures plus tard, aux premières lueurs de l'aube, tu quittes l'appartement de l'hôte de la Drioma, l'appartement est parfaitement ordonné, comme si une sorte de fée de la nature l'avait traversé. Ou comme si personne n'était jamais venu. Le calme est revenu sur le quartier le plus dangereux de la ville.
Et il y a bien une clé en moins dans le tiroir à côté de la porte.

Malgré son taf qui s'apparentait franchement à de la prostitution par moment, Sacha avait ses côtés grande dame auxquels elle tenait comme à la prunelle de ses yeux : ainsi elle avait donné rendez-vous au militaire dans le parc, où elle attendait juchée sur ses échasses, et portant pour une fois un chemisier à manches longues pour masquer ses tatouages.
Elle ne savait pas exactement ce qu'elle risquait avec cette nouvelle puce, on s'était bien gardé de la prévenir – sans doute pour se ménager un effet de surprise aussi efficace que celui de la nuit des perquisitions & puçages – mais elle ne voulait pas tenter le diable...
Le tissu clair de son chemisier bouffait vers la poitrine en simulant assez bien une poitrine peu généreuse, la peau naturellement hâlée de Sacha mettant en valeur une médaille en or un peu bruni, qui avait l'air ancienne et chère. La tenue était complétée par une jupe qui aurait pu être stricte si elle n'était pas faite pour mettre autant en valeur ses longues jambes.
Habituée aux regards un peu étranges – trop grande, trop maquillée, l'air trop salope – Sacha ne faisait pas attention aux quelques coureurs et promeneurs qui regardaient dans sa direction, certains avec plus d'insistance que d'autres.

Seule l'apparition de la silhouette immanquable de Niilo amena un sourire sur ses lèvres discrètement maquillées de brun, alors qu'une petite boule de chaleur s'étira, contente, dans son ventre.