Le souffle de Sacha sonne comme une brise dans les feuillages. Ou peut-être s’agit-il du froufroutement des arbres que tu n’entends pas d’ordinaire, et auquel tu prêtes attention plus que de coutume en cet instant, exacerbant tes sens de survie à cause des récents événements.
Le calme, pourtant, demeure.

Ta nuque se redresse un peu, suivant le mouvement de Sacha qui s’étire, élançant davantage sa silhouette, pour se coller contre toi. Passée la seconde de surprise, tu attrapes les pans de sa robe en suspension sur ses bras pour la faire glisser plus bas. L’ampleur de la toilette, arrachée de tout repère finit en vérité par gagner le sol dans un froissement plus visible qu’il n’est écoutable tant il est doux.
Tout est doux dans cette pièce et les seuls voyeurs sont des mésanges, dissimulées dans le lierre, et peut-être un ou deux lézards, rescapés de l’hiver.

Tout est doux jusqu’à la position de tes mains sur ses flancs qui capitonnent bientôt ses hanches comme pour donner une autre saveur à ses courbes et dessiner une autre silhouette. Même le Vice qui rampe sous ton derme, palpite au creux de ta poitrine, se pare de tendresse et de raffinement, car les Alfes baisent avec la primitivité de la Nature et la grâce des Anges.

Tes lèvres poussent sa nuque tandis que tes hanches poussent ses reins, et bientôt la chute en avant n’est empêchée que par le meuble qui se trouve devant vous et sur lequel elle peut poser ses mains. Tes doigts glissent sous l’élastique de ses sous-vêtement sans décoller trop la dentelle de la peau, par pudeur suspecte autant que par délectation du temps qui s’arrête.

Le regard noir de Sacha est soutenu par le tien, sans honte et sans pudeur, dans l’habitude de ce genre de choses, sans pour autant que l’acte ne soit mécanique. Tu finis cependant par abandonner ce jeux de miroir, fermant les yeux pour apprécier quelques instants le brasier qui te calcine les entrailles quand bien même il te laissera épuisé, dans l’obligation d’être presque porté par les membres de ta famille vers la forêt la plus proche pour te nourrir, comme cela arrive bien trop en ce moment. Le mouvement humide de sa main entre ses jambes te court-circuite les synapses, te faisant lâcher un halètement excité et sans augmenter la cadence, approfondir tes mouvements de hanches pour chercher avant tout ta propre extase – et tant mieux si elle trouve la sienne au passage. Tes cuisses cognent contre le meuble qui grince sous la force des mouvements et tu dois bientôt t’accrocher aux cuisses de Sacha pour te maintenir, les dents plantées dans ta lèvre pour éviter de perturber le sommeil de tes pairs, et le calme de cette jungle voyeuse.

Tu t’es résolu à abandonner Sacha mais quelques secondes plus tard, elle ne te laisse pas le choix de rester à l’intérieur, sa chair verrouillée autour de la tienne par palpitations intenses dans une voracité qui n’a rien d’humain. La puissance de l’extase qui te fauche comme un coup de poing dans le ventre te coupe le souffle et tu vois blanc l’espace d’une seconde.

Les plantes s’ébouriffent un instant, semble-t-il lourdes des hormones qui pétillent comme des lucioles dans toute la serre.

Le corps luisant de sueur, tu te retires et manques de tomber à genoux sur le sol, ne tenant debout que par la force de l’adrénaline générée par l’acte. Tu prends juste le temps de relâcher doucement les jambes de Sacha que tu maintenais si fort, jouant du poignet pour le libérer de l’étreinte de la catin.

« Sacha, il faut me lâcher maintenant. »

Le surnom finalement t’a échappé, mais la phrase te semble terriblement lointaine, comme dite par quelqu’un d’autre dont tu serais spectateur. Ta vision tremble jusqu’au lit où tu t’écroules, le corps alourdi par un mélange d’endorphines et d’épuisement. Une petite plante sur la table de nuit tend ses branches vers ton doigt, s’enroule autour de tes phalanges et frémit, crépite, se vide de sa sève et de ses minéraux, jusqu’au dernier, sans pouvoir te rassasier.
Sèche, morte, elle se fige finalement sous le soleil, dans un silence ouaté de cathédrale.