Tu ne cesses d’appuyer contre le corps de Sacha que lorsque tu as conscience de la posséder tout entière, jusqu’à la moindre parcelle de son corps palpitant, jusqu’au moindre nerf, jusqu’au moindre gémissement que tu commandes aussi bien que lorsque tu commandais tes armées. Tu l’emplis de tout ce que tu peux donner à l’intérieur de son être, jusqu’à cette fine frontière entre le plaisir et la douleur, entre le contentement absolu et le trop plein insupportable pour un être humain.
Mais Sacha n’est pas un être humain.

Tu t’es souvent demandé comment les Légendes supportaient les caprices lascifs de leurs hôtes, et tu te le demandes encore alors que tu pousses à l’intérieur d’elle dans un ultime battement de hanches, proche du bord de ta petite falaise personnelle, en guise de vengeance pour la morsure qu’elle t’administre.
Elle a la bonne idée de se rendre juste avant toi, de se liquéfier comme du bronze prêt à mouler le plus fabuleux des bijoux dans l’écrin de ta paume. L’orgasme te fauche sans t’arracher autant d’énergie que cette nuit – ou que dans ta folle jeunesse humaine – ce qui te permet de transporter Sacha jusqu’au seul endroit à peu près sûr et pas entièrement dévasté par Eowin, son garde et toi cette nuit, à savoir un minuscule balcon où elle pourra à peine se replier, mais qui fera bien l’affaire pour les prochaines minutes.

« Là, je vais te prendre quelque chose à boire. » finis-tu en te redressant.

Tu te faufiles à travers l’appartement comme une branche de lierre sur la devanture d’une maison abandonnée : de manière invasive comme si les lieux t’avaient toujours appartenu, mais avec une discrétion froufroutante sur laquelle le temps n’a pas de prise. Préservée par son taux d’alcool, une bouteille de vodka probablement laissée ici par un des clients de Sacha – ou vu la marque probablement par Salomé qui ne buvait pas d’alcool et donc achetait basiquement n’importe quoi – trouva refuge dans ta main. Mais le plus drôle était sans nul doute les quelques trois verres à pied qui se battaient en duel dans le haut du placard, ceux qu’on ne sort que pour des grandes occasions qui n’arrivent jamais, et qui donc détonnent avec le reste de l’atmosphère. Avec cette ridicule vodka dans ces si beaux verres, tu te retrouves finalement dans une position aussi sexy qu’humiliante, les genoux plantés dans les mailles d’un plaid naufragé mais vierge d’éclat de verre, étalé sur le balcon devenu banquette de fortune, et la queue de Sacha suspendue à tes lèvres, paresseusement soutenue par ta langue qui n’y connaît rien.

« C’est vraiment dégueulasse. » confies-tu en même temps que le verre que tu échanges avec elle. « Non pas toi, toi tu es délicieuse. »

Tu lui a confié entre deux baisers comme un interlude gracieux dans cette tempête insensée que tu voulais la sucer depuis le premier regard cette nuit.
Ta main s’enroule autour de sa cuisse, le blanc de ta chair norvégienne détonnant avec le cuivre encore moite de la sienne. Sans doute que si tu lui avais planté la puce dans la chair comme elle plantait sa queue dans ta gorge, elle aurait moins souffert.

La peau de Sacha a un de ces goûts subtiles et indescriptible des choses qui nous reviennent de manière impromptue sans raison apparente sur le bout de la langue et se rattachent à un souvenir intense et profond. Aussi profond que ta gorge qui s'étire avec maladresse. Un mouvement de langue plisse le bronze du derme quand un pincement de lèvres le fait au contraire s'étendre et les bruits de la rue, rares sous ce soleil mat des saisons plus chaudes, se sont effacés au bord de tes tympans au profit du froissement du plaid entre les doigts de Sacha, le son bref de la succion tranquille et les soupirs de contentement comme si vous étiez en train de vous endormir l'un contre l'autre. Ta main obéit à ma calme injonction de la sienne, et l'autre glisse de sa cuisse pour aller trouver de quoi faire patienter ta propre frustration, dans un mouvement doux et connaisseur cette fois. Cent ans à connaître un corps qui ne change pas ravage les nerfs au moindre mouvement bien placé.
Un baiser fleurit sa hanche d'une manière plus jolie que la puce sur sa colonne vertébrale, car c'est une autre colonne que tes lèvres décorent jusqu'à ses bourses qu'elles butinent avec lenteur, profitant de toute la place octroyée par la souplesse irréelle de l'escorte, jusqu'à descendre beaucoup trop bas pour que ce soit décrit à vos petits yeux sensibles. Ton souffle s'alourdit, plus calme mais aussi plus chaud, comme celui d'un volcan qui prend le temps de s'éveiller.
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« Ca me va. »

Plutôt être détesté pour ce que l’on est vraiment qu’être aimé pour ce que l’on n’est pas, comme on dit souvent. Tu te mords discrètement la lèvre quand elle effleure un téton sensibilisé par vos escapades coïtales dans une sensibilité inavouée et très peu virile dirait-on, avant de glisser naturellement tes mains le long de ses cuisses fuselées, presque maigres même, quand elle grimpe à califourchon sur toi.

« Oh, ne t’inquiète pas. Les cauchemars, je connais. J’y survivrai. »

En vérité, tu n’as plus beaucoup l’occasion d’en connaître ces temps-ci ; l’avancement des phases de pouvoir te donne de douloureuses et longues insomnies que tu traites à grand coups de somnifères les soirs où tu ne peux pas t’extasier dans les draps de quelqu’un jusqu’à l’épuisement. Car oui, l’obsession des relations sexuelles trompe ainsi le repos trop léger entre les mailles du filet duquel les mauvais rêves peuvent se glisser.
Et puis faire la seconde guerre mondiale vous change un être, quelque soit sa nature.

« T’es belle. » froufroutes-tu dans le noir piqueté de lucioles orangées créées en ombres chinoises par les lampadaires à travers le pochoir du feuillage de la plante. La fresque danse sur le mur, balayée par le vent chaud de l’été qui s’annonce. « Mais tu prends des risques. Il ne faudrait pas qu’on nous entende. »

Tes mains remontent dans le creux de ses hanches.

« Surtout toi, tu fais du bruit. »
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