clairvoyance
intrigue

FRIMELDA

Ils furent entrainés plus loin sur ordre du tsar tandis que ce dernier condamnait à mort les personnes restantes. Claus, Alasaïs et Yulian. Dorreh dû se faire violence pour ne pas les rejoindre malgré la position qu’il venait de prendre. Une décision qui allait contre tout ce qu’il avait appris, tout ce qui savait, et il espérait que ça serait la bonne décision.

Les gardes n’eurent pas le temps de les mener bien loin. Claus s’écroula la première et Dorreh dû retenir les larmes qui montèrent à ses yeux. Il connaissait Claus depuis longtemps et sa présence forte et rassurante avait été en parfait accord avec l’intransigeance de l’Infernale et la volonté du Chaos. La voir se faire abattre, froidement, de la main de celui qui se disait clément et juste, c’était un véritable blasphème et tout ce qu’il souhaitait, c’était de le voir mort, de préférence par sa propre main.

C’était à croire qu’on l’avait entendu, à peine avait-il formulé cette pensée qu’Igor Romanov s’écroulait à côté des victimes de sa tyrannie. Il ne l’avait pas tué lui-même mais c’était tout aussi bien. Une fin parfaite pour un homme tel que lui. Même si cela avait demandé le sacrifice du Comte. Combien de personnes allaient-ils encore perdre ce soir ?

Mais tout cela avait plongé l’assistance dans le chaos et déjà d’autres prisonniers s’étaient libérés de leurs fers. Il était temps qu’il fasse de même. Passant sa main dans ses cheveux, il en tira une épingle  cheveux qui avait jusque là échapper à l’inspection des gardes. Crocheter des serrures faisait partie des choses que Volodya lui avait enseigné. Quelques instants plus tard, les larges menottes rejoignirent le sol, libérant ses poignets écorchés qui guérirent en un instant.

Sans perdre un instant de plus, il rejoignit Ilya et Yulian, donnant un coup de poing au seul garde encore attentif et qui tenta de l’en empêcher. Sans se préoccuper du carnage de la folle, il arriva à leur hauteur à l’instant où Yulian demande à la blonde qui était enchainée avec lui de lâcher Ilya. Comment osait-elle poser les mains sur lui ? Et Yulian, toujours menotté, qui semblait au bord de la crise de nerfs. Non, non et non.

L’heure n’étant pas à la subtilité, Dorreh réunit les photons autour de lui jusqu’à ce que sa main brille comme une étoile. Puis il dirigea le rayon de lumière pure droit dans les yeux de la blondasse, déjà en proie à ce que Yulian venait de lui faire, qui avait osé poser les mains sur l’homme qu’il aimait. Le rayon n’était pas aussi puissant qu’il l’aurait voulu, pas assez pour lui brûler la rétine mais assez pour l’aveugler pendant deux ou trois minutes. Assez pour qu’elle lâche sa prise sur Ilya. Il dirigea ensuite son rayon sur la dingue qui brandissait la tête du tsar, l'aveuglant à son tour, essayant de prévenir une action de sa part.

Cela fait, il entreprit ensuite de libérer ce dernier des fers qu’il ne méritait pas. S’il caressa la peau qui se trouvait là alors qu’il faisait glisser les menottes, c’était son affaire.

-Retourne auprès de ton épouse et de ton enfant. Nous parlerons plus tard si on nous laisse l’occasion.

Il désigna de la tête la jeune femme qui s’était approché à son tour et qui tentait de reprendre le contrôle de la situation. Elle n’aurait pas dû se trouver là dans son état. Enfin, ce n’était pas son affaire. Dorreh tourna son attention sur Yulian qu’il libéra à son tour.

-Si on veut partir, c’est le moment. Avant que les gardes ne se reprennent. Je nous rend invisible pour fuir.

Il joignit le geste à la parole et au moment même où ils disparurent de la vue des autres, un tremblement agita l’endroit et un immense arbre et des ronces apparurent autour d’eux rendant la fuite très difficile. Et merde !

▬ Ôtez vos mains de mon épouse, ou je vous écrase la gorge d'un coup sec.

Le rire a quelque chose de dérangeant, de décalé, de pervers. Le rire a quelque chose de dérangé, de déroutant, de perdu. Le rire a quelque chose de délirant, de douloureux, contre ma gorge. Je prends mon souffle, mes doigts effleurent la chaîne contre ma peau, ça a quelque chose d'enivrant, je n'ai qu'à fermer les yeux, imaginer que c'est moi qui ai le contrôle. Fermer les yeux. Mettre le Tsar de côté, la puanteur. Essayer de s'extraire du corps sale, troublé et souillé. Faire le vide, vouloir rentrer chez soi.

▬ Lâche le, s’il te plaît.

La créature s'attaque au corps du souverain. Il n'y a plus rien. Je ne suis plus rien. Je hausse des épaules, garde mes doigts sur le bout de la chaîne contre mon cou. On a essayé, on a vraiment essayé de vous sauver. Nous sommes allés le supplier pour vous, on a tout risqué pour les traîtres d'un pays souillé. Jusqu'à nos vies. Je ne pensais pas me retrouver un jour dans ce genre de situation. Que reste-t-il de nous, sinon le chaos et le vide ?

Yulian s'approche, l'étau se resserre. L'habitude de manquer de souffle, le renforcement positif. Les souvenirs sulfureux et l'échappatoire. Et s'échapper. Ma main, néanmoins, cherche la rieuse cruelle derrière moi, trop petite pour que mes doigts n'effleurent les traits de son visage. Elle se débat, à l'intérieur

▬ S'il vous plaît...

Que de plaisirs égarés sur le sentier de la guerre. J'ouvre les yeux, glisse les doigts entre la chaîne et la peau. Desserre les lèvres. Les mots me manquent. L'échappatoire.

▬ Cela a assez duré. Il est temps d'arrêter la violence. Il est temps d'arrêter de faire couler le sang gratuitement.

Je ne serais pas contre. Mon regard oscille entre la bouffeuse de cadavres et la Karenine Romanova. Trop loin pour glisser une main entre les deux. Les portes vers l'échappatoire se referment, une fois encore. Le souhait de ne pas être l'objet de l'angoisse de la femme derrière moi. Le corps d'Alasaïas s'écroule. Les ronces gagnent le bois, gagnent les airs.

▬ Même si le Tsar a été le premier... Je vous en prie. Est-que vous accepteriez de cesser et retourner auprès des autres ? Vos sorts ont été prononcé, vous n'êtes pas condamnés, je ne pense pas que les émissaires le feront et il pourra être modifié. Peu importe, le massacre a été fait, je veux seulement que le moins de personne soient encore blessé. S'il vous plaît

Les gardent s'organisent et Dorreh, dont je pourrais sérieusement remettre en cause le bon sens, refait surface. Si proche. Le simple mouvement de sa cage thoracique quand il respire me rappelle combien il me manque. Et je suis ses mouvements du regard, détournant le visage quand un rayon lumineux heurte la rieuse et la bouffeuse de cadavres. Le moment pour écarter la chaîne. Je passe la main contre mon cou. Dorreh vient dans ma direction, je reste interdit. Sans savoir si je dois lui attraper la nuque ou l'embrasser. Je reste interdit, impuissant, brisé. Le regarde sans savoir ce qu'il faut faire. Il prend mes mains, retire les fers et mes pouces heurtent la paume de ses mains, une seconde.

▬ Retourne auprès de ton épouse et de ton enfant. Nous parlerons plus tard si on nous laisse l’occasion.

Je t'aime. C'est ça, que je devrais lui dire. Je n'ai plus envie qu'il ait mal, qu'il se trompe. Je le déteste tellement... mais je tiens plus encore à lui. Je pourrais l'embrasser. La dernière chose qu'il reste, c'est notre faux mariage. Est-ce que je peux rompre ça, aussi ? Sans doute. Est-ce que je serai encore là, dans ce « plus tard » qu'il me vend ? Il y a tellement de choses à lui cracher au visage. mais il n'y a qu'un mot qui peut tout dire, un seul mot qu'il comprendra de toutes façons...

▬ Eshgham ? que je lui demande, un sourire perdu sur les lèvres. Suppliant. Le sourire du désespoir, l'un de nous n'avait rien à perdre. Et ce n'était pas moi. Et il s'en va, s'éloigne avec le croque-mort. Qui n'aura probablement jamais de remerciement de ma part, mais il a ma gratitude silencieuse, ça devrait suffire. Pendant que la rieuse et la bouffeuse se débattent avec la noirceur en plein jour, je prends la main de Yeva dans la mienne :
▬ Le peuple a besoin de toi, s'il te plaît, partons... Je tourne quand même un regard vers Dmitri, il a beau avoir un pet au casque et être en décalage avec ce qui est attendu de lui, il ne mérite pas de mourir le pauvre garçon : Et toi aussi. Je vais chercher Néhémie.

Je me redresse et essaie d'interpeller comme je peux les gardes qui courent dans tous les sens :
▬ Coupez-moi ces ronces et mettez la famille royale à l'abri, immédiatement ! Il sera temps de courir après les responsables après. Je me retourne vers Yeva : Par pitié, pour ta famille, fais-le. Tu n'as pas fui, mais les braves morts ne servent aucune cause. Et tu es d'une bravoure sans limite.