Le royaume des lucioles étincelait de mille feux. On piaillait, on riait, on se tirait les cheveux pour se disputer la salle de bain – les lueurs étaient chatoyantes, à l’image des fées impatientes de profiter de cette soirée. Astrea avait perdu sa fratrie de vue, se résignant à se préparer toute seule, et quand elle réapparu, sa tenue termina de scinder sa différence avec les siens. Là où toutes se paraient d’or, de carats chatoyants, de couleurs vives, elle avait opté pour un fourreau lourd, écrin de velours, le genre de torture impossible en plein mois d’août. Même en Russie, l’été restait l’été. En quelque sorte. Mais en digne australienne, la mimi s’en contrefoutait. La robe lui seyait, point final. Sur ses hanches avait été enroulée une chaînette d’or au bout de laquelle dansait un bibelot orné de rubis, subtil rappel des boucles Cartier à ses oreilles. Elle aimait ce faste, cette sensation de pouvoir revêtir un masque qui était à des lieux de son état d’esprit actuel. Si Mikhail n’avait pas insisté, elle aurait probablement passé cette soirée enfoncée dans un fauteuil, à passer en revue les dernières informations communiquées par les Dementors. Un homme vivait avec Régulus, un brun qu’elle avait déjà croisé à la librairie, avec de grands yeux fous et l’air un rien trop bon pour leur monde. L’absence de marque l’avait confortée sur le fait qu’il était humain – mortel – néanmoins le fait qu’il se soit installé chez le warg supputait une relation plus complexe. Concrètement, l’anglais pouvait bien mettre qui il voulait dans son lit, cela ne changeait rien à l’opinion préconçue qu’elle avait de lui. Un meurtrier restait un meurtrier, elle ne l’en détesterait pas davantage s’il était gay.

Et comme si songer à lui avait une quelconque magie, il fut la première personne qu’elle aperçu dans la marée des charognards de cette nuit d’ivresse gratuite. Si inconsciemment, Astrea se demandait ce que le jeune humain pouvait bien trouver à son collègue, la réponse trouva son chemin sur ses pommettes qui s’enflammèrent. @Régulus Jones était scandaleusement bien apprêté pour l’occasion – scandaleusement beau, mais la luciole se refusa cette pensée. Elle regretta son choix vestimentaire, curieusement en accord avec celui du surnaturel dont le regard passa sur elle sans la remarquer, semblait-il. Elle profita de cette invisibilité temporaire pour se fondre dans la masse bouillonnante, ne sachant pas très bien si elle était soulagée ou vexée qu’il ne l’ait pas remarquée. Fort heureusement pour la mimi, la distraction ne se fit guère attendre. Ils s’étaient donné rendez-vous au théâtre, et elle soupçonna Mikhail d’avoir traîné son amant sur les lieux un tantinet trop tôt. Il s’était montré enthousiaste lors de leur dernier échange, arguant qu’elle avait l’air cadavérique et qu’elle aurait bien eu besoin de penser à autre chose que ses affaires de filature. Et de vengeance. Et de justice. Peut-être avait-il raison, peut-être était-ce pour ça qu’elle avait accepté en leur étendant l’invitation. Peut-être était-ce simplement qu’elle voulait vivre un peu, chose qu’elle se refusait depuis la mort de Jake. Sa race n’était pas faite pour cette lente agonie. Elle en crèverait, à force. Sûrement.

Alors quand elle vit le sourire sur les lèvres du compagnon de @Malphas Meister, une partie d’elle se mit vaguement à rayonner. A pulser, au rythme de son cœur qui s’emballa légèrement devant eux. Ils étaient si différents d’elle, si grands et si sûrs d’eux. Pour autant, elle ne joua pas les gamines timides et se rapprocha, frôlant tour-à-tour leur joue d’un baiser-papillon. Sa compagnie pourrait engendrer quelques remarques, sans nul doute, cependant l’australienne n’en avait cure. L’heure était aux festivités, à la distraction. « Vous me faites de l’ombre, tous les deux, » œillade scintillante d’or amusé, convoitise discrète. Quoi ? Il n’y avait pas de mal à admettre qu’ils étaient sexy en diable. « Je n’ai jamais été une grande fan de théâtre, j’espère que tu en as conscience. » Elle remua l’index sous le nez de Mikhail, se fendant d’un sourire – sincère. Il avait le don de le mettre à l’aise, et Malphas celui de l’électriser. Dans tous les sens du terme. « Je compte sur vous pour me sortir de ma sieste quand la pièce aura commencé. » De son épaule dénudée, elle s’appuya contre la chaleur du dragon, savourant leurs auras brûlantes, apaisantes. Ici, elle avait presque l’impression d’être dans son élément. Dévorée par leur noirceur. Ravivée par leurs flammes. Soudain, le regard capta une figure familière. Elle emprunta la main de Malphas, sachant son amant relié de l’autre côté. « J’ai quelqu’un à vous présenter. Promis, je ne jouerais pas les entremetteuses toute la soirée, je veux juste la saluer. »

La. @Imala Cohen l’appelait, de manière presque douloureuse. Un besoin de la toucher, de se sentir remarquée. Luciole dansa, louvoya entre les silhouettes, meneuse de leur étrange trio jusqu’à ce qu’elle s’arrête devant l’artiste à la lumière noire. Elle ancra l’or dans ses prunelles de corbeau, brusquement renvoyée à la maladresse de la jeunesse. « Imala. » C’était malheureux à dire, mais elle remarqua à peine les deux autres femmes, sa curiosité la poussant à examiner la robe vert forêt, avant d’adresser un signe de tête poli aux autres. On l’avait bien élevée, la petite. De sa main libre, elle repoussa le lourd rideau d’encre de sa tignasse arrangée sur le côté, la carotide à son cou battant furieusement. Ses doigts s’entrelacèrent plus étroitement avec ceux de l’homme tout près d’elle. Astrea consentit, après plusieurs secondes noyée dans l’attention d’Imala, à faire les présentations. « Mikhail. Malphas. Je vous présente Imala. Si vous vous intéressez aux tableaux, vous avez sûrement déjà aperçu certains des siens. Elle est infiniment douée. »

Compliment. Sourire. Lumière.
Et la hanche se reposa contre celle de Mikhail, cherchant au travers de ce contact à être rassurée. Parce qu’Imala la mettait invariablement mal à l’aise – mais d’une bonne façon. Ce soir, pourtant, ne leur appartenait pas. Elle avait d’autres cavaliers avec lesquels elle mourrait d’envie de passer plus de temps.

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