Un cri, un sursaut, et voilà que Régulus rouvrit soudainement les yeux, son buste se relevant à toute vitesse. Le poitrail se soulevant à un rythme irrégulier, il sentait son cœur battre à vive allure dans sa poitrine. Le souffle haletant, ses doigts étaient agrippés à ses draps, et Régulus tenta de reprendre son calme. « Bordel... » souffla t-il dans un grognement agacé, colérique, et apeuré aussi. La vision du sang perlant devant ses yeux revenait sans cesse, horrible, répugnante. Il revoyait son cousin se tenir à ses côtés, l'air abasourdi, et c'était lui qui tenait le couteau et qui se tenait le plus près du corps inerte baignant dans son propre sang. Régulus avait assisté à un meurtre qui l'avait surpris, auquel il ne s'était pas attendu. Une altercation insoupçonnée, dans laquelle il avait été spectateur, puis acteur lorsqu'il avait essayé de calmer les choses à sa façon. Mais il n'avait pas tenu le couteau entre ses mains. Il n'était pas responsable de la mort de cet homme, qui n'était autre que le meilleur ami d'Astrea Thompson.

Une affaire parmi tant d'autres dans le trafic dans lequel la famille Jones baignait depuis que son père et le frère de celui-ci avaient repris le travail acharné (et surtout illégal) d'un de leurs amis décédé, dans le seul but d'amasser un peu plus d'argent chaque mois. Celle-ci avait tourné au vinaigre, condamnant le cousin de Régulus et lui-même à garder un secret pesant, lourd. Le warg avait appris très tôt l'importance de la famille, et le fait que si celle-ci restait soudée, chaque membre pouvait se sortir de n'importe quel pétrin en se rappelant sans cesse qu'il n'était pas seul. Régulus avait, ainsi, malgré sa volonté à ne pas s'impliquer dans des affaires de stupéfiants, baigné dedans dès son plus jeune âge. On lui avait imposé les affaires, et à côté, le gamin avait été obligé de se comporter comme n'importe quel autre enfant de son âge. Le gang avait une emprise certaine sur chacun de ses petiots, et la pression que recevait le bâtard Jones était grande. Pourtant, celui-ci ne parvenait pas à détester ses parents pour cette vie dangereuse qu'ils lui faisaient mener. Après tout, ne lui donnaient-ils pas aussi beaucoup d'amour et d'attention ? Leur suivi de son parcours scolaire était très strict aussi. Il était un bon élève, surtout grâce à la capacité de sa mère à lui apprendre correctement les choses qu'il n'avait pas comprise, et l'affection qu'elle lui donnait, sincère, lui donnait l'impression de pouvoir braver tous les dangers pour la satisfaire, sans jamais regretter d'avoir fait quoique ce soit.

L'enfant voulait surpasser ses craintes fondées, pour rendre fier sa mère et le reste de sa famille. Mais lorsqu'il grandit, et que le meurtre se déroula en ce mois de Février 2018, les choses furent différentes. « Garde ça pour toi, Rég ! Faut pas que ça se sache, ou j'suis mort ! » lui dit son cousin d'une voix mi-menaçante, mi-effrayée. « Qu'est c'qui t'as pris ?! » avait soufflé Régulus entre ses dents en le bousculant violemment. Il se passa la main dans les cheveux, faisant quelques pas, totalement déboussolé, désemparé. Finalement, il avait gardé le secret, mais pour combien de temps ? Le jeune homme ne dormait plus. Pas un jour ne passait sans qu'il ne fasse de cauchemar. Le fardeau était trop lourd pour qu'il puisse le porter plus longtemps. Ainsi, il dénonça les faits à la police, et quelques heures plus tard, son cousin fut interpellé. Mais pas sans conséquences. Le reste de la famille fut au courant, et Régulus fut battu avant d'être expulsé de chez lui, n'ayant eu que quelques minutes de répit pour prendre quelques affaires et partir. « Remet une fois les pieds ici, et je t'arrache tes beaux yeux. Dégage, bâtard Jones ! » avait hurlé son père, sa main se tenant la joue sur laquelle Régulus avait frappé. Le nez ensanglanté, le visage abîmé par les bleus, les mains égratignées, le garçon ne demanda pas son reste et fuit loin vers la Russie. Le cœur saignant, blessé, des larmes de colère coulèrent le long de ses joues, mêlées à la pluie tombant dans les ruelles qu'il empruntait, s'éloignant des siens qui ne l'étaient plus vraiment.

La tête posée contre le dossier du siège de l'avion dans lequel il était pour aller en Russie, le visage de son meilleur ami lui revint en mémoire. Il avait préféré faire en sorte qu'il le rejette pour rendre les choses bien plus simples. Il avait coupé les ponts, ne le mettant ainsi pas en danger. Il ne courrait aucun risque pour Régulus et celui-ci dû faire face pour la première fois à un sentiment coriace : la solitude. Le suivant partout par la volonté du bâtard à ne pas s'attacher par crainte de refaire face à un même problème que celui qu'il avait vécu, elle ne l'empêcha pourtant pas de se trouver un logement chez l'habitant, le temps de se faire de l'argent pour pouvoir louer un petit studio. Mais avant cela, il devait être sûr de pouvoir se protéger dans le cas où sa famille avait finalement décidé de le poursuivre, et étudiant davantage le quotidien de la Russie, découvrant les créatures qui y vivaient, il tenta le tout pour le tout.

La douleur, insurmontable pour certains, avait été une étape horrible à passer mais Régulus s'en était sorti. Désormais changé, désormais plus fort, il se préservait du mal et ayant étudié dans le domaine de la littérature avant de devoir stopper son avancée pour s'exiler, le garçon parvint à trouver un travail dans une librairie dirigée par un vieillard. Un vieillard qui lui fit faire face à une silhouette qu'il avait déjà aperçu de loin, lorsque son cousin avait fait ses affaires avec l'assassiné : Astrea Thompson. Bien plus jolie que lorsqu'il l'avait vu de loin, bien moins agréable lorsqu'elle lui parlait. Comme une rose composée d'épines, elle le piquait sans cesse, et Régulus ne comprit jamais la raison véritable. Pas encore et pourtant, victime et suspect avaient des choses à se dire.

Un soupire s'extirpa de sa gorge, et effleurant l'une de ses pommettes qui avait été meurtrie par les coups portés lors de sa trahison, Régulus finit par se recoucher, non sans avoir la mine assombrie par ses pensées qui avaient divagué vers des choses dont il ne voulait plus se souvenir.