Elle perd pied. Avec la réalité. Avec elle-même. Elle se meurt, ou elle se vit, elle l'ignore, tant la fièvre la prend aux tripes. Elle aimerait pouvoir dire stop, réitérer l'alarme jusqu'à pousser la honte qui la touche, mais ne parvient qu'à l'enserrer davantage.
« Je te déteste... » ou l'aime-t-elle un peu, au fond ? Elle ne veut pas fouiller dans l'obscurité, laisser le sentiment bien tassé, bien caché, dans le noir de ses fantasmes trop assouvis.
Pourtant, tandis que les baladeuses viennent lui voler sa chasteté, Claus écarquille les yeux.
DES CRIS.
Elle le savait ! Qu'il se passerait quelque chose ! Elle le sentait !
Et pourtant... La voilà dans les bras d'une Dame qu'elle ne devrait pas côtoyer.
« Stop ! Arrête ! Il se passe quelque chose ! »
Douche froide.
Elle écarte violemment la silhouette, tâche de reboutonner un minimum sa chemise. Sort son flingue.
« Ne reste pas là. Sors par l'arrière. »
Pour la mettre en sécurité, ou éviter de trop l'avoir dans les pattes ? Elle avance, cependant. Jusqu'aux cris qui résonnent, en courant à moitié, veillant à chaque intersection que personne ne s'y cache. Jusqu'aux bûchers. Jusqu'à l'écran géant. Jusqu'à la révélation brutale de tous les événements.
Et pourtant, elle n'a guère le temps de pleurer son funeste sort - car celui-ci tombera sans nul doute. Elle réagit. La première personne qui croise son chemin. D'un coup de pied sec sur le pilier central, le bûcher s'effondre, et elle arrache le rideau de la scène pour mieux couvrir celle qui s'y retrouve enroulée. Sans précaution aucune, elle fait disparaître les flammes à grandes claques.
Lorsqu'elle relève les yeux, il est trop tard pour sauver les deux autres.
Elle a sauvé Milesia.

Spoiler:

Ça pue la mort. Le sang et les larmes. Effluves perfides qui s'accrochent aux narines. Et tous ces cris au dehors !... Pourquoi ? Papillonnent dès lors les cils. La vision blanche s'efforce de percer l'obscurité à travers toute cette brume. Arsenia ? Sûr qu'elle discerne sa silhouette au loin, l'effroi sur ses traits graciles. L'ignominie ne trouve pas sens. Jusqu'à ce qu'une langue s'en vienne caresser ses chevilles. Alors la scène reprend sa précipitation originelle.

L'horreur lui prend le gosier, étouffe les râles infâmes d'une souffrance assommante. La chair fond sur les os. La chaleur lape la dépouille avec concupiscence. Quelques larmes perlent au coin des mirettes. Mais les vapeurs s'en délectent aussitôt. C'est la Mort qui propose étreinte rédemptrice. Et Eeva ne résiste pas.

« Arsenia..., qu'elle ronronne une fois encore.

Douleur ravage alors caboche.
L'inconscience accueille la pauvre petite.

– ... je t'aime. »

La chaleur lui monte aux tempes. Mais ce ne sont pas les souffles de Claus, cette fois-ci. Sûr qu'elle s'interroge lorsque la jeune femme s'anime d'urgence. Le brasier crépite au loin. Les cris serpentent. Dahlia ne s'attarde pas davantage. Elle jette œillade à travers les lourdes tentures.

Seigneur.  

A la suite de la commissaire, Dahlia se perd dans la gueule famélique du loup. Ses mirettes sondent la brume à la quête d'une quelconque binette familière. Imala. Elle n'hésite pas une seconde. Une masse bouscule son ascension, faisant voler quelques plumes de jais sur son passage. Dahlia s'ébat au dessus de la cohue, fonce sur ce visage qu'elle ne cesse d'aimer chaque jour. Un croassement auprès de son esgourde l'incite à faire de même. C'est l'angoisse qui lui prend le gosier lorsque l'animal s'adresse à sa semblable.

A son tour, Dahlia prend quelques secondes. L'ébène contemple le spectacle effroyable sur scène. Un énième râle s'étiole du volatile, tandis qu'il se pose prudemment sur l'épaule d'une Arsenia ivre de rage. La petite caboche s'incline vers la pommette. Caresse bancale. Puis s'en détourne.

Spoiler:

Le cosmétique d’Héphaïstos.
Son pétrole, sa liesse, son ouvrage
A la proue des agates médusées dansotent les flammes. Qu’est-ce ? Une soirée mondaine qui part en vrille, des chars de couennes qui s’affolent, se heurtent. Un poème de vagissements éplorés.  Rimbaud et Verlaine crayonnant l’Univers…

Mordiable !
Quelle apothéose !
C’est la Discorde des squelettes sous les sept Cieux. Le cercueil des malheureuses à l’échine rouge. Quel spectacle, quelle horreur ! La beauté, la chaleur en chaque pore. Les poumons suffoquent, les prunelles s’embuent. L’euphorie fulmine, s’entasse au ventricule, pétrit les artères. Les synapses tombent en pamoison et tempêtent d’ivresse, LAISSE-MOI TE VOIR. Déesse sacrée, peinture chaotique, symbole des maux !  Elle veut contempler l’ébauche de la Sacro-sainte idole au cœur de la pagode enflammée. Sous l’étoffe se galvanisent les stigmates du feu, les braises d’un vétuste amour.

Mais l’horizon se mue, l’ossature est bousculée.
Oda ? C’est elle ! Son prénom aboyé des grossières ratiches.  Maksim la bienfaitrice. Sur les landes cinabres poulopent les deux créatures en sueur.  

« Maksim, le feu, c’est magnifique… »

Un murmure piétiné par le tohu-bohu.
Les chicots de tristesse pour les liens des Mortes. Elle l’imagine, cette Douleur qui infuse sous la carne et soulèvera les ires et tumultes. @Orphédia Bellavance va-t-elle pleurer @Sigyn Ozouf ? @Arsenia Savina va-t-elle déplorer @Eeva Savina ? @Milesia Sorel ressuscitée s’en ira-t-elle châtier les occultes Salauds?

C’est beau.
C’est familier.  
La Douleur au cœur des entrailles…

Sur le boulevard des cadavres, Oda lorgne les gueux mués berserkers et bombardés à la taloche des sanglants orfèvres.  Comme Marc-Antoine caletant après Brutus pour venger César. La rondeur de l’histoire qui se répète inéluctablement.

Dans la quintessence Némésis, les bousculades, les remous de la foule disloquent l’union et disséminent Oda loin du totem enhardi, loin des binettes familières. Et le feu lèche, et le feu boucane ses reins égarés dans la fournaise.

Mais Orphédia.
Où est la l’Or du monde ?
Vague à l’âme, charade dans le flot des globules. La virevolte de l’oculaire dessus l’empyreumatique culmen. En oublie t’elle sa survie, elle qui s’en va, roule et dégringole parmi fanions. Faut-il être fou ? Elle qui s’abîme dans la pétulance, parmi bouquet de pulpe et de soie grillées. Quête après sa Vénus, grelotte aux blandices de l’âtre sur sa graisse, s’obsède à l’éternel hélianthe. Ce n’est que brûlures parmi d’autres. Carcasse noircie, huilée de d’insolites fantasmes dessous la cuirasse en satin.

Tiens ?
Qu’est-ce au pinacle de l’estrade? @Milesia Sorel ? La miraculée d’Adonis* aux ripailles.  La fresque d’un ogre au besoin vital. A bouffer les mortes, à déchiqueter les putrides. Jolie comme Vinci, obsédante comme Van Goh, la gorgone boulonne gouache mirobolante avant de s’enterrer parmi piétaille. Puis plus rien. C'était beau. Magnifique. Vraiment. Un nom à retenir...

Mais ça n’aide pas.
Où est Orphédia ?

Elle cherche, elle tournicote, un peu roussie, un peu broyée dans cet inopiné barbecue.

La voilà !

Le Soleil dans les gerbes.
La démesure de son cosmos.
L’ébène s’éructe contre les flancs adulés, empoigne l’étourdie, patoche dans patoche.

« Elle est morte. Dévorée. Tes enfants sont sortis, en sécurité. Il n’y a plus rien, partons.  »

Partons ?
Un ordre.
L'autorité saille entre chaque syllabe.

N'est-ce pas l'heure pour boire le thé?


*Adonis : le démon des incendies

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