6. la gangrène sanguinaire.
Tour à tour dévorante, ravisseuse, gardienne du néant souterrain ou souveraine des forêts de ronces, BABA YAGA, éminente figure des mythologies slaves, a frappé de son burin la dépouille encore flasque du prêtre damné pour infiltrer la charogne. Si la forme originelle de la trapue ridée à la tignasse emmêlée comme les branchages d’un arbre centenaire au fond d’une cauchemardesque forêt calquait à ses traits le froissement d’un journal abandonné, blanchissait ses cheveux de fils d’acier oxydés, le temps s’est chargé de l’office perpétuel et l’apparence des rêves maléfiques s’est calfeutrée à l’actualité. Sans nul doute appétence tyrannique des jours meilleurs a été conservée ; ainsi l’instinct criminel ravisseur de jeunes âmes, toujours demeure. On s’étonnera bien sûr en connaissance du folkore de voir cet être masculin abriter une essence qu’on attribue à la chatte et si la cruauté malsaine de ces pétasses n’a pas d’homologue à queue, la bestialité insatiable créatrice de nouveaux mystères de cet être qui si facilement s’échappe au coin de la vue, aura de quoi je l’assure, contenter les meilleurs exégètes.

7. l'existence secondaire.
L’émissaire du Seigneur ne se roulait que trop bien dans les toges immaculées des petites têtes blondes, lesquelles ne savaient que dire sinon se laisser posséder par cette entité qui inspirait la confiance dans tout le patelin. Pourtant certains géniteurs un jour ont commencé à montrer des signes de méfiance, et les intelligents ont fait fleurir des synapses un champ de cerveaux. Les regards se sont durcis, et les murmures glissant sous les sièges à la fin de la messe ont alerté les sens primitifs du fauteur qui tel un fantôme s’est échappé ne laissant que sa toge. Traversant les continents chargés de brume il s’est traîné dans la boue, se délestant du moindre élément entravant son avancé jusqu’aux murs Moscovites ; l’aller-simple lui convenait, mais une missive sacrée ordonnant la panacée resta à la frontière. Le mal facilement caché aux autorités, lui comprima la poitrine en pleine cavalerie farouche ; épectase sans scrupules l’a fauché.
Quelques heures d’un sommeil sans rêves ont profité à Yaga la 1ère pour recouvrir sa charogne nue ; le voile séminal avait à peine séché. L’hystérie a gagné ses paupières à peine soulevées ; le Seigneur, même dans la mort, malgré ses péchés, le suivait encore.

8. le monde délétère.
A un ballet d’années durant lesquelles la colère a valsé avec la frustration, où la peur a invité le déni, la lassitude froide a bientôt drapé de sa froideur ses épaules anguleuses, sans doute par compassion de la vieillesse qui commençait à qualifier son être du demi-siècle. Le doux sang mortel ne fait aucune différence, tantôt en bouche, tantôt tissé dans le pavé maculé de la Ruelle Rouge. Le chef est resté bas, menton soutenu par la pulpe des doigts en pyramide sacrée, même si depuis il ne s’est pas toujours agenouillé spécialement pour prier. Ses prouesses d’abord physiques puis oratoires lui ouvrent des fenêtres ensoleillées pour tromper l’obscurité du QHS ; le contact des mirettes sur sa silhouette, le temps d’un échange de billets, de mouvements de hanches une fois l’intimité gagnée, plus que jamais se fond dans l’évanescence des jours comptés. Les défauts couvés par l’oeil bienfaisant du seigneur sont devenus des vices sans nul remède, lesquels s’ouvrent comme des plaies béantes, prises en grappin par la mort dont l’ombre, doucement, à l’horizon, se dessine. Cinabre est le crépuscule d'une vie de pêché ; vermeil de chair putréfiée, sanctifiée, baisée.

9. les ombres-mères.
PHASE NUMERO 5 - DEUIL.

FACULTE N°1 - BALAI D’ARGENT : Si le souvenir de l’être peut demeurer, ses traces s’effacent dès qu’il le décide et sans plus tarder. On est soudain incapable d’affirmer précisément si on l’a aperçu, si l’on a partagé sa compagnie autour d’un verre, un jour, une nuit. Tout s’évapore, Yasha Yaga s’enfuit, et il balaie soigneusement le pavé derrière lui.
FACULTE N°2 - PASSE-PARTOUT : Un murmure, un sourire, et les moindres portes s’ouvrent. On se souvient de lui comme d’un frère, d’une ancienne relation à qui on doit tout, un ami de maman qui ne vous veut aucun mal. Yasha pénètre presque tous les lieux, fais des contrôles de police de franches retrouvailles pour qui possède une loyauté un peu émoussée par le froid et la fatigue. Quelques minutes, et il connaît tout le monde. Juste le temps de passer, et de disparaître, comme s’il n’avait jamais paru.
FACULTE N°3 - FONTAINE DE JOUVENCE : Le coït mené à son terme en compagnie d’un jeune adulte redonne de la force à ses jambes malmenées, rend plus vigoureux le myocarde essoufflé et lisse les rides creusées où l’obscurité aime à prendre des bains froids pour tailler sur son visages les insultes du temps imperturbable.

FAIBLESSE N°1 - BONHOMME DE BOIS : La résurrection a emporté lâchement avec elle muscles, tendons et dermes d’un membre choisi au hasard, mets de choix caché sous son manteau noir. Le ravisseur est ravi, et depuis sa jambe gauche porte douloureusement le poids de sa silhouette à la seule force d’os frileux, qu’il recouvre soigneusement pour donner le change. La canne est autant un accessoire d’un besoin vital, car le vioque désormais claudique.
FAIBLESSE N°2 - POSSESSION : Malheur au regard trop longtemps soutenu, aux palabres maladroitement prononcées et aux échanges prolongés. La bagatelle du passage peut virer à l’obsession, s’imprimer sous le crâne, virer à l’obsession carnassière. S’il ne s’est pas rapidement rendu solitaire, il lui faut tourner les talons, rebrousser chemin, et empêcher la jalousie maladive de naître au moindre contact. L’objet doit être consommé, puis dévoré ; seule solution connue à ce jour..
FAIBLESSE N°3 - SQUELETTE AFFAMÉ : Malgré un vorace appétit tant charnel que nutritif, on joue du piano sur ses côtes et les angles de ses épaules semblent pouvoir déchirer ses vêtements. C’est qu’à chaque nouvelle cure de jouvence, la chute est aussi dure qu’un mauvais trip, et le vieillissement ainsi s’accélère. Tabide monarque s’estime heureux d’avoir passé le demi-siècle mais il le sait ; au coin de la rue, le sommeil éternel le guette..