Le bip incessant du cardiogramme qui s’agitait constamment, les voix des médecins perdant peu à peu espoir et les blouses qui dansaient devant sa vue trouble. La douleur évaporée, elle ne sentait plus rien. Elle ne savait même pas où les outils des médecins charcutaient sa peau, la blonde aurait voulu se redresser pour voir le chantier dans lequel elle se trouvait, mais la force lui manqua. Plus aucun de ses membres ne répondait à l’appel, ses cellules ne contrôlaient plus rien. Molle, comme une poupée de chiffon. Seuls ses yeux bougeaient encore sous ses paupières mi-closes qui tâtaient à se fermer au fil des secondes qui défilaient.

Et lorsqu’elle voulut reposer ses yeux rien qu’un instant. Juste le temps de reprendre un peu de forces, elle se retrouva nez à nez avec son subconscient, puis plus rien. Le trou noir.

Heure du décès ?
22h38.

Il ne restait plus qu’à prévenir les parents, eux se chargeront de prévenir le reste. La famille, les amis. Heather Graham était décédée des suites de ses blessures. Elle s’était installée en Russie depuis environ cinq ans avec son compagnon actuel. Ensemble, ils avaient eut cette vocation un peu comme ses parents l’avaient eu pour l’Irlande à leur époque. Et même si lui se trouvait sur place, par faute de ne pas encore lui avoir demandé sa main, il fut le dernier au courant. Ironie du sort. Personne n’eut plus jamais de ses nouvelles après l’enterrement. Même pas le frère d’Heather avec qui il avait développé une amitié assez exceptionnelle. Mais personne ne s’en était vraiment inquiété plus que ça, c’est ainsi qu’Erik finira aux oubliettes. L’accident avait arraché aux siens la vie d’Heather et plus rien d’autre n’avait eu réellement d’importance. Triste, mais vrai.

It's a new dawn, it's a new day, it's a new life... for me.

L’odeur de terre humide étouffait sa respiration, et bien qu’elle n’ait pas réellement besoin de respirer, elle ne pouvait s’empêcher de tousser en grattant encore et encore l’argile du bout de ses ongles ensanglantés. Ses mains fouillaient, frénétiquement dans cette épaisse couche sous laquelle elle était enfouie sans se fatiguer, prête à en découdre, prête à renaître. Comme si elle savait. Puis ses doigts touchèrent le vide, suivi rapidement de ses bras qui s’agrippaient à l’extérieur. Le jour, la vie. Sa tête blonde sortie de sous-terre, ses paupières papillonnaient pour se dégager la vue le plus rapidement possible tandis que son souffle, lui, haletait. Elle ne mit pas plus de temps à sortir entièrement, vêtue d’une longue robe blanche tachetée de terre. Elle ressemblait à un cadavre. Mais n’en était-elle pas un ? Personne ne l’attendait à l’extérieur et pourtant, elle sentait que sa quête démarrait ici. Que la mort lui offrait une seconde chance.

« Jesus… Marie… Joseph… »

La blonde dépoussiérait son bras, pivotant au son de cette voix qui tambourinait dans son crâne par écho. Se tenait là devant elle, un jeune adolescent bronzé, la bouche grande ouverte par la découverte qu’il venait de faire. Il fixait la revenante comme si c’était la chose la plus impensable qu’il avait pu un jour croiser dans sa vie – et c’était sûrement le cas – avant de lâcher son sac de cours près d’une tombe contre laquelle il s’était posé quelques instants plus tôt.

« Vous venez de, de… »

La demoiselle jetait alors un œil à sa tombe retournée avant de froncer ses sourcils, d’un silence plus que pesant. Elle ne dit rien. Seul son regard parlait pour elle, et pour l’instant elle avait l’air bien plus effrayante qu’effrayée d’être de retour.

« Vous avez… un nom ? »

Quoi ? Elle se mordilla subitement la langue en entrouvrant ses lèvres avant de se raviser. Cherchant dans sa mémoire la dénomination qu’on aurait pu lui donner, mais rien ne vint. Le vide total. Elle épousseta sa robe avant de mettre un pied hors de la tombe, d’une démarche lente, pas par pas, s’approchant du jeune garçon qui ne chercha pourtant guère à la fuir. Fasciné par la chose qui se tenait devant son regard bien trop curieux, il la laissa avancer, encore et encore jusqu’à ce qu’elle se trouve à quelques centimètres à peine de lui. Il put alors, lui aussi, sentir l’odeur putride de la terre humide et rien de tout ça n’en devint bien agréable. Comment pouvait-il ne pas être terrorisé par ce qu’il venait de voir ?

« Je ne me souviens plus de mon nom, et je me sens assez… faible, mais je crois que tu peux m’aider. Tu veux bien ? » susurra-t-elle gravement, la voix embaumée par quelques grains de terre qui irritait sa gorge désormais bien sèche.

Il hocha quelque peu le crâne, et la réponse suffit à lui donner ce qu’elle voulait. Elle se pencha pour ramasser un bout de roche brisé et en se relevant, d’un geste vif, elle lui lacéra la jugulaire dans l’unique but de s’abreuver de son doux nectar qu’était son sang.

Heather Graham n’existait plus en temps que telle. Pourtant, une créature bien plus sombre venait de s’échapper de sa tombe.