Histoire

Rest in peace | Naissance étrange que celle qui baigne dans l’anéantissement d’une autre. Les larmes de joies refoulées au même titre que le chagrin caché. Les frères Muñoz ne sont pas et n’auront jamais été. Il se murmure que le premier a servi de repas au second, jumeaux entremêlés obligés de se diviser. Pour mieux régner ou du moins pour mieux exister. La mort adonnée n’est pas volontaire, mais elle sera le fardeau éternel de l’unique survivant. Forcé de supporter un prénom qui n’aurait pas dû être le sien, honteux d’afficher celui indiqué sur sa carte d’identité. Dante a tout du cerbère tout droit sorti des enfers, ayant déjà sacrifié sa première victime avant même de sortir du ventre de la mère. Les étymologies italiennes se rapportent malgré lui à la farce qu’il incarne. Son existence est issue d’une comédie au goût douteux, la tragédie empiétant sur ce que deviendra prochainement sa vie.  Dante, il est né, Dante, il est sommé.

Exil  | Le poids qui écrase, la pression qui est intense. La maison qui devient étrangère à mesure que le temps passe, que les sourires disparaissent et que les rancœurs se libèrent. Hernando, vieux frère disparu, est sur toutes les lèvres. Du moins sur celles des Muñoz qui secouent la tête et adressent le moindre tort à l’incarnation infernale de la vie. Dante, jeune impatient et excité de la vie, qui a tant à prouver mais rien n’à  apporter. Ils ont tenté, pourtant. De l’aimer, comme de fiers parents devraient le montrer. Mais ils n’y sont pas parvenus. Et le fils prodige s’est éloigné. Maintenant cette distance si férocement instaurée. D’abord purement mystique, elle est devenue bien plus physique. Séville a suffit, le vieil enfant a tranché. Une personne était de trop dans cette impure maison. Le patriarche et la matriarche n’avaient de cesse de refroidir les ardeurs d’un cœur bien trop réchauffé dans la cité. Alors il a fallu tout quitter. Pour mieux recommencer. Non. Pour mieux commencer. Apprendre à vivre, tout simplement. Sans regarder derrière lui à chaque instant. Adieu Séville et ta chaleur châtiant le damné enfant. Bienvenue Moscou, pansement des veines saillantes et glaçantes.

Beautiful Lie  | L’insigne brille de mille feux, l’homme bombe le torse et se montre ambitieux. A peine débarqué, à peine muté dans un service en quête des meilleures promotions du monde entier, voilà qu’il en demande plus et en veut encore. Dante se construit, enfin, et profite de la vie. Son sourire séduit les victimes, ses yeux assassinent les coupables. Blanc ou noir, il ne prend pas parti, il ne voit juste pas ce qui est gris. Pas en ce qui le concerne, du moins. Après tout, le petit diable savait se montrer malin. Son palmarès amasse les arrestations et les conquêtes, jusqu’à ce que tout s’arrête. Il la voit enfin, celle qui fera trembler son cœur et cogner ses poings. Son palpitant bat à lui en déchirer la poitrine, et il ne lui faut longtemps pour se mettre à genoux et courber l’échine. Il se soumet à l’amour, lui promet monts et merveilles. Omet les montagnes russes qui asserviront les sentiments englobant le couple prochainement victime d’une bien trop intense passion. L’amour bat son plein, les étoiles défilent devant les yeux de leurs éperdues victimes. Bientôt le ventre s’arrondit et la petite famille s’agrandit. Pourtant, personne ne leur a dit que la vie avait un prix. Personne ne les a prévenu que pour eux, il n’y avait tout bonnement pas de paradis.

Oh my god, what have I done  | Les phalanges blanchies craquent, et le corps affiche d’immondes marques. Les ecchymoses s’accumulent, la silhouette bleuie tandis que les mains rougissent. La menace d’une soirée sans lendemain est de plus en plus grande pour l’aimée qui tombe à terre sur des morceaux de verres brisés. Elle subit la colère de l’époux au cœur bien placé mais aux poings rapidement dégainés. Ce ne sont pas des balles qui sont pressées, simplement des coups qui ne parviennent plus à s’arrêter. Les excuses se répètent, situation redondante qui manque de pousser l’aimée sur une pente dont elle ne pourrait bientôt plus se relever. Dante sait, Dante sent. Il perd ce qui forme son tout, il détruit ce qu’il a si précieusement construit. Il aimerait bien se soigner mais il ne parvient pas à trouver le temps. Et le temps, c’est ce qu’elle n’a pas. L’amour s’effritant à mesure que le sang bat à ses tempes. Le petit garçon hurle en le regardant, ne veut plus que son père le borde le soir en rentrant. Et il s’offusque, le Muñoz, à nouveau, fait péter les murs. Les trous abiment les cloisons, les coups font tomber la femme en pamoison. La conscience et l’inconscience s’emmêlent, pour l’un comme pour l’autre. Le retour en arrière n’est toutefois pas autorisé, pas plus que le pardon ne peut être, pour la centième fois consécutive, accepté. Crève, crève, qu’elle hurle à n’en plus finir. Père, père, seule chose qu’il ose dire. Distance maintenue par la famille qu’il a voulu protéger de son passif oublié et de son métier accaparant et accaparé. Exil obligé pour la famille qui veut juste être sauvée de la route infernale de Dante.

Relieve me from my sins  | Froideur qui s’insinue sous la peau. Carrelage qui accueille brutalement son dos. Flaque pourpre qui aspire petit à petit sa si précieuse vie. Les silhouettes qui l’entourent, mirages flous traversant son champ de vision qui s’éteint, petit à petit. Ses lèvres s’entrouvrent, du sang s’en écoule. Des mots tentent de franchir sa gorge barbouillée, mais il s’étrangle à moitié. Des étoiles dansent devant ses yeux, mais elles ne sont plus le témoin de sa passion. Elles incarnent ses propres erreurs, celles qui l’ont mené à sa propre destruction. Dante ne perçoit plus les bons moments passés auprès des aimés. Il ne ressent plus que le regret et la culpabilité lui rappelant tout ce qu’il a fracassé. Le couteau qui l’a frappé 6 fois n’est qu’un juste retour des graines qu’il a semé. Mauvais présage adonné après chacun des coups abattus sur l’élue de son cœur perdu. Le désespoir semant la femme de protéger son enfant, la vérité affligeant le mari au corps chancelant. Et le sang, le sang, qui l’entoure, dessine, d’ores et déjà, sa silhouette pour préparer la scène de crime. Quelque part, pourtant, il espère. Qu’elle ne soit pas condamnée pour ce geste totalement justifié. Monstre qu’il est devenu, au sens figuré. Monstre qu’il deviendra, au sens littéral.

New beginning | Tombe creusée qui n’accueillera qu’un fossé évidé. Le mort est revenu à la vie après des jours de saletés avalées. Le corps purifié de toutes scarifications diverses, l’âme pourtant toujours aussi marquée et le cœur autant ouvert et fragilisé. La colère et l’impétuosité de l’ambitieux policier ont laissé place à la résignation et la tristesse du sort résulté. Les flammes brûlent sa peau autant que son esprit, le poids de ses actes passés le poursuivant tel un affreux boulet accablé. Des années ont passé, les temps ont changé. L’homme a muri, et des échelons, depuis, il en a gravi. Petit poulet en quête d’un sommet aura finalement monté la chaîne après de bien affreux crimes commis. Lieutenant reconnu et apprécié des inconnus, père et époux oublié et méprisé des êtres aimés. Le mortel n’est plus rien qu’un être étranger, la créature perdant ses plumes rien qu’à l’énumération des actions déplorées. La promotion est acceptée, ouvrant la porte sur une rédemption férocement désirée. Toujours faire mieux, toujours faire plus. Peut-être alors le volatile pourra t-il enfin s’envoler une fois qu’il aura su se repentir. Peut-être alors l’enfer sera évité s’il cesse enfin, sur son passage, de tout démolir.