Histoire
Le garçonnet suivait discrètement l'homme qui évoluait dans les rues de Quba sans vraiment savoir pourquoi. Il état simplement intrigué. L'homme était visiblement un étranger et il avait un accent des plus intriguant. Dorreh était fasciné. Alors il le suivait depuis près d'une heure déjà alors qu'il parcourait le marché, s'arrêtant ça et là. Ce qu'il ne savait pas, c'était que l'homme en question avait repéré son manège depuis dix bonnes minutes et s'amusait maintenant à changer brusquement de chemin pour savoir si le garçon suivait toujours. Et c'était le cas, toujours aussi discrètement. Quel petit être fascinant ! Finalement, ils marchèrent tous les deux, jusqu'à un parc, devant un stand de glace. Ce fut à cet instant précis que Volodya se retourna, surprenant Dorreh qui n'eut pas le temps de se dissimuler derrière un passant. Deux grands yeux bruns s'écarquillèrent tandis que l'autre homme lâchait un petit rire.
-Viens par ici Bambi. Je ne te veux aucun mal.Un instant d'hésitation, puis le garçonnet s'approcha précautionneusement, prenant toutefois garde à ne pas se trouver trop près de l'homme. Il était peut-être intrigué, mais il savait les dangers qui guettait un enfant seul dans les rues. Les Soeurs l'avait suffisamment mis en garde. Cela arracha un sourire au grand homme blond.
-Approche. Je veux simplement t'offrir une glace.Dorreh s'approcha un peu plus, un pas ou deux, sans cesser de le fixer.
-D'où est ce que tu viens monsieur?Volodya fit un signe au vendeur avant d'offrir un simple cornet de glace à la vanille au garçonnet, le seul parfum qui était offert.
-Je viens de Russie. Sais-tu où cela se trouve?Dorreh hocha vigoureusement la tête, sans prendre garde à la crème glacée qui vint lui tacher le nez.
-Oui, j'ai vu dans l'atlas. C'est là où il fait très froidVolodya éclata de rire derrière sa propre glace et alla s'asseoir sur un banc, le garçon suivant après un temps d'arrêt. Ils ne le surent pas tout de suite, mais il s'agissait de la première d'une série de rencontres. Six mois plus tard, Dorreh découvrait Moscou pour la toute première fois.
[b]- Bambi, mon garçon, tu me fais confiance n'est-ce pas ? Alors, il faut que tu avales tout ce qu'il y a dans ton assiette pour moi.[/i]
Ce furent ces paroles qui scellèrent le reste de la vie de Dorren. Volodya revenait tout juste d'un de ses voyages qui l'emmenaient toujours loin de chez lui plusieurs fois par an. Parfois, il emmenait Dorreh avec lui, mais en général, il restait en compagnie de Chahinez, sa gouvernante qui ne parlait que l'arabe. L'adolescent avait peut-être 14 ans mais avoir une babysitter ne l'embêtait pas au contraire. Cette fois, le périple de Volodya l'avait mener tout là-bas, en Sibérie, à Vladivostok. Il était revenu les bras pleins de présents pour sa charge, des livres anciens pour la plupart en russe, en arabe, en grec ou en français. Les bras pleins de livres et les poches pleines de ces trèfles à quatre feuilles. L'homme, d'habitude si stoïc, paraissait presque excité et n'avait pas tarder un seul instant pour congédier Chahinez pour la semaine avant d'enjoindre Dorreh à avaler cette chose. Il avait fallut de longues minutes avant que l'adolescent accepte de le faire, cajoler tout du long par Volodya. Ce n'est que par amour pour ce dernier que le garçon avait finalement avaler ce qu'on lui disait de manger.
Puis la digestion avait eu lieu et Dorreh était devenu de plus en plus gourd, incapable de paniquer malgré la peur d'un empoisonnement sur sa personne. Il avait eu chaud, puis froid, puis une migraine sans nom l'avait saisit. A un moment donné, il se rendit compte qu'il n'était plus à table mais bel et bien dans son lit, dans sa chambre couvertes de livres. Son père adoptif était à ses côtés, notant frénétiquement dans un de ses fameux carnets qui ne le quittait pas, instrument indispensable pour un chercheur de son calibre.
Dorreh avait eu mal, si mal. La pression dans son crâne ne faisant que s'alourdir alors que passaient les heures. Et puis s'était arrivé. Toutes les ampoules de la maison brillèrent, de plus en plus fort, de plus en plus vivement. Jusqu'à exploser, toute en même temps alors que les rayons lumineux était absorbés par le corps frêle et fiévreux sur le lit, l'enveloppant dans un cocon jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Son pouvoir était révélé.
La chambre n'était éclairée que par les rayons d'argent que dardait la Lune à travers la fenêtre entrouverte. L'été était bien installé, il faisait chaud mais une petite brise venait l'alléger. Sur le lit deux corps en proie au plaisir de la chair s'ébattaient. Deux êtres s'adonnaient aux amours grecques, l'un sur l'autre. C'était la première fois pour Dorreh, la première fois en 24 ans qu'il ressentait cela, qu'il accueillait le corps d'un autre sur lui, en lui, partout autour de lui. Ilya était parvenu à briser toutes ses barrières avec son sourire désarmant, son corps élancé et sa personnalité si différente de celle de Dorreh. Ce dernier était tombé éperdument amoureux, avec une intensité qui l'avait effrayer. Jusqu'à ce qu'Ilya ne le rassure comme il savait si bien le faire. Ce qui avait commencé dans la douceur, Ilya prenant garde à ne pas brusquer, à ne pas blesser son farouche amant, devenait plus intense, saisit par les affres de la passion. L'union du papillon avait laissé place à l'andromaque, Dorreh sur son partenaire, la tête rejetée en arrière, la grande main de son amant autour de son cou délicat. Il serrait trop fort parfois et il n'en demandait que plus. Qui aurait cru que Dorreh était de ce genre qui aimait joindre la douleur au plaisir ? Qui aurait seulement pensé que ce jeune homme si timide se cachait cette créature, ivre de stupre, en proie à la plus exquise des douleurs. Cet instant semblait comme suspendu dans la réalité et Dorreh aurait voulu qu'il ne s'arrête jamais. Il aurait pu s'éteindre ainsi, et il en aurait été heureux.
Dorreh, les joues baignées de larmes silencieuses, observait le cercueil où reposait la dépouille de Volodya Glazkov, l'homme qui avait été un père pour lui depuis ses sept ans. Ce dernier n'avait pas été un homme facile, loin s'en fallait. Mais il l'avait élevé, l'avait chérit. Il l'avait pousser à aller toujours plus loin, à poursuivre sa passion. Il avait été là pour l'encourager lorsqu'il avait décidé d'aller plus loin que bibliothécaire. Il avait été là lorsque Ilya l'avait trahit, lorsqu'il avait cru que son cœur avait été arraché de la poitrine. Volodya l'avait aimé à sa façon, lui avait tout appris, et lui avait laisser tout ce qu'il possédait. Mais cela n'avait pas d'importance pour Dorreh. Parce que son protecteur, son père, son ami n'était plus. Une fois encore, il était orphelin. Une fois encore, il était seul au monde. Le jeune homme ne désirait rien de plus que de s'enfermer dans sa chambre et d'oublier le reste de monde. Mais il ne le pouvait pas. La vie continuait, le monde tournait toujours, et Dorreh devait aller de l'avant. C'était de toute façon ce qu'aurait voulu Volodya, ce qu'il avait toujours voulu pour lui.