Face à une porte. Celle de ma chambre. De l'autre côté, il y a le monde. Autour de moi, les médicaments étalés comme l'ultime boucler entre le monde et moi. J'ai ramené mes genoux contre mon torse et ai passé mes bras autour. J'ai pulvérisé mon téléphone par la fenêtre il y a deux jours, il ne m'a pas appelé.

Dorreh m'a menti. Toutes ces années, tous ces mois, toutes ces précieuses secondes auprès de son cœur vaillant et de ses yeux de biche. Il me mentait quand je pensais qu'il n'appartenait pas à ce monde de violence, et je pensais que j'allais pouvoir l'en protéger. Je lui ai fait mal, et quand j'y repense, ça aurait été si simple pour lui d'enterrer la douleur en faisant couler le sang. Que suis-je sinon qu'une plaie qu'il faut soigner ? J'ai naïvement cru que j'allais lui faire du mal et quand on me rapportait qu'il trainait, j'ai cru qu'il essayait d'apaiser l'absence mais ce n'était que le mal qui se propageait, que la mort qui étendait son manteau avec son aide à lui. Il m'a regardé dans les yeux, il m'a laissé croire que nous étions en sécurité. Il était là lorsque Aleksandra a été tuée, et il avait peur, il semblait vraiment effondré, il semblait effrayé, il semblait... J'en prends un.

Dorreh m'a abandonné. Il n'a plus répondu à tous mes messages et je me souviens avoir croisé son regard au théatre, je me souviens avoir lu une sorte de trouble et il est parti dans la direction opposée. Il m'a abandonné alors que je pensais lui avoir prouvé qu'il nous restait des choses à vivre. Je pensais que pendant ces deux jours loin de tout, il avait compris. Je ne me suis pas marié par amour, aurais-je dû lui dire peut-être, qu'il était le seul. Qu'il l'a toujours été. Ma vie est devenue une addiction morbide à celui qui permet à mon cœur de battre. Et maintenant que mes défenses tombent les unes après les autres, j'ai besoin de lui, plus encore que lui n'aurait jamais eu besoin de moi. Auprès de lui, j'ai toujours été heureux. Et même quand il était loin, me dire qu'il pensait à moi me rendait heureux. Il a arrêté de me répondre. Un beau jour, après l'annonce du mariage. J'en prends un.

Dorreh m'a trahi. Quand son visage est apparu, tout en moi est tombé. Je n'ai su voir aucun signe, je n'ai su trouver aucun indice, je n'ai rien su deviner... j'étais aveugle. J'étais aveugle parce que j'étais amoureux. Je le déteste tellement. Néhémie, si elle était assise là, elle dirait que c'est faux. Mais moi, je sais que c'est vrai. C'est juste que je l'aime plus encore. J'aurais pu tout. J'ai tout, pour lui. Désormais, il me manque. Jamais, jamais je n'aurais permis qu'on te fasse du mal, mon Amour. Tu es à moi, n'est-ce pas ? Tant que je ne t'ai pas libéré, tu n'appartiens qu'à moi et je ne pourrai jamais te libérer. J'ai envie que ta vie soit liée à la mienne. Si j'avais dû prononcer ces vœux pour toi, c'est bien à ça qu'ils auraient ressemblés. J'en prends un.

Face à une porte. Je frappe quelques coups. Je mets ma main contre le judas, ma voix s'étouffe, ma gorge se serre, mon corps ne demande qu'à s'effondrer. Mais il est là, je l'entends juste derrière cette porte. Je l'entends qui vient, qui passe près des tas de bouquins pas rangés, qui passe près de son fauteuil un peu usé. Je l'entends, il est là. La porte s'ouvre doucement. Je la pousse davantage. Il est là. Je prends son visage entre mes mains et viens glisser mes lèvres contre les siennes. Un rire nerveux s'empare de moi. Je t'ai retrouvé.

▬ Je t'aime, je t'aime tellement. Mes mains caressent son visage, je l'ai retrouvé, il est là. Plus jamais je ne te laisserai me mentir, m'abandonner ou me trahir. Je t'aime. Je t'aime tellement. J'ai regardé les cachets autour de moi, pensé tous les prendre pour que ton visage soit le dernier que je verrai ici. Mais je suis fort, je me relèverai, à un moment donné. Tu es là...