« Naaki, il est important que tu apprennes la langue. » Lâche la bonne femme aux cheveux blonds relevés, un regard doux et patient lancé par-dessus ses lunettes à double foyer en direction de la môme au museau froissé d’un air mutin. Les billes de la gosse sont d’un bleu cristallin. Ils ont l’air de transpercer l’éducatrice de part en part même si elle ne s’en offusque guère. Elle s’est souvent faite la réflexion, Cristina, que c’est la première fois qu’elle voit une nénètse avec des yeux bleus. Et pourtant, elle en a vu passer une flopée au pensionnat, des gosses à éduquer. Ces fils et filles d’éleveurs à qui il faut donner une chance d’intégrer les rangs civilisés. A qui il faut donner l’opportunité de trouver un boulot dans les villes, de gagner assez d’argent pour se faire bâtir une belle maison et de fonder une famille. C’est que c’est devenu sacrément obsolète, l’élevage de rennes, maintenant qu’il y a usines et des fermes collectives. Et puis, il y a des bons boulots pour des ingénieurs qui voudraient continuer à travailler dans la toundra. Les exploitations gazières et minières – ça rapporte quand même plus que l’élevage. Il faut seulement qu’ils en prennent conscience car ce n’est pas dans leur brigade loin de toute civilisation qu’ils le peuvent. « Parle-moi, Naaki. Les autres le font, alors pourquoi pas toi ?! » Reprend-t-elle, quelque peu irritée par le silence impertinent et la moue farouche de la gamine. La tête brune pivote enfin, appuyant la négation. Puis Naaki se braque vers l’arrière, se lève pour s’enfuir à toutes jambes mais l’éducatrice l’attrape par le bras pour essayer de la retenir. La môme couine, grogne, se débat jusqu’à laisser l’empreinte de sa dentition sur la main de Cristina qui glapit d’étonnement. Les lèvres ourlées d’un rictus profondément méprisant, l’adulte se redresse de toute sa hauteur et gifle Naaki. La menotte pressée contre sa joue, l’enfant fait un pas en arrière, ses globes braqués sur l’éducatrice.

« La toundra est notre foyer. Les rennes, notre vie et notre avenir. » Articule la nénètse en russe sous les yeux effarés de Cristina. Là, du haut de ses huit ans, Naaki en fait bien plus – teintée par une détermination à tout rompre.

« LAISSE-MOI ! » Alors Naaki pousse. Elle pousse la maîtresse. La femme qui se sentait tellement investie par sa mission d’évangélisation et d’éducation qu’elle en a oublié que les mômes ont une volonté comme les autres. Car ce n’est pas parce que les petits nénètses ne parlent pas la langue qu’ils ne comprennent rien. Que si ils sont ici, dans ce pensionnat, ce n’est pas parce qu’ils sont malléables mais qu’ils n’ont tout simplement pas eu le choix.

Cristina tombe, déséquilibrée par la ruade et la tête tape contre le coin de la table. Son crâne s’ouvre comme un fruit trop mûr sous les yeux écarquillés de la gamine qui ne fait rien.
Naaki reste plantée là, obnubilée par le sang.

Aussi rouge que celui des rennes.

« La toundra est notre foyer et les rennes sont notre vie et notre avenir »




« Tu ne devrais pas faire ça. » Le timbre est rauque, entre l’aboiement et le murmure. Naaki louche par-dessus sa propre épaule pour lorgner le garçon qu’elle voit à quelques mètres derrière – planqué derrière un arbre, bien trop bruyant pour être discret. Il la suit depuis près d’une heure et elle devine qu’il appartient à une autre brigade, installée dans le coin depuis quelques jours. C’est ainsi que parfois, différentes familles se rencontrent. Naaki reste figée dans cette posture durant quelques secondes encore, les peaux lui donnant une carrure bien plus trapue qu’elle ne l’est vraiment puis un bourdonnement sourd en vient à piquer son attention. La nénètse se met en mouvement et s’avance jusqu’à la corniche pour admirer en contrebas le spectacle qui se joue sous leurs yeux. Une large route se trace au milieu de la toundra sous les efforts d’une colonie d’humains qui s’active. Pistes goudronnées, chemins de fer – l’exploitation de nouveaux gisements de gaz naturel défigure le paysage et force de plus en plus les nénètses à s’éloigner. Les rennes se trouvent bloqués dans leurs migrations sans compter l’empoisonnement des lacs par les activités humaines répréhensibles.
Le monde se meurt.

Naaki y pense souvent, à ce qu’elle voit et ce qu’elle constate. Elle a quinze ans et pourtant, l’humanité commence à la dégoûter. La garçon nénètse s’approche d’elle et se place à ses côtés pour observer à son tour. « Mon père a perdu une vingtaine de rennes. Ce sont leurs camions, ils ravagent tout. » Avec tristesse, Naaki serre les poings. Elle ne comprend pas leur vie, même après avoir passé deux mois dans ce pensionnat à écouter des gens lui dire que tout ça c’était mieux que ce qu’ils avaient. Après tout, nénètse ça veut dire humain mais ça lui fait honte à Naaki. Honte d’en être un.

Dans une inspiration un peu brusque, elle redresse les épaules et tourne son minois vers l’adolescent. Il la regarde bizarrement, avec une sorte de douceur à laquelle elle n’est pas habituée. « Arrête de me suivre, ou ça va mal finir pour toi. » Le prévient-elle par habitude avant de tourner talons pour retourner à ses occupations. Relever ses pièges et ramener quelques lapins à sa famille tandis qu’elle laisse le soin à ses sœurs de s’occuper de la cueillette. « Je m’appelle Talbe. » Lui glisse alors le garçon, lui arrachant une ondulation des sourcils, surprise par la persévérance de ce dernier. Et Naaki se permet un sourire, une expression qui se lit peu naturellement sur son minois pourtant jeune.

« Naaki. »  




Son quotidien est devenu un rituel, depuis des années et surtout depuis sa renaissance.

C’est transie de froid qu’elle s’est réveillée, ne sentant plus ses jambes et le sang aux lèvres. Avec l’impression tenace de crever de l’intérieur, à se demander pourquoi son cœur bat encore alors que les images lui reviennent en tête. Des heures. Elle a passé des heures, jetée là, à compter les secondes avec l’envie de mourir tandis qu’à quelques mètres, le corps de Talbe, tordu dans un angle sinistre ne trahit aucun soubresaut de vie. Ils sont tombés. Elle devrait être morte.
Pourquoi n’est-elle pas morte ?

La malédiction perdure.
Au lieu de se changer en petit tas d’os, Naaki s’est relevée. Son bassin s’est remis, contre toute attente – dans la souffrance et la douleur, la nénètse, maculée de son propre sang s’est mise à cicatriser et à errer dans la toundra comme un cadavre ambulant avant de s’écrouler aux pieds des hommes qui travaillaient sur un chantier.

Il y a eu des morts, dans la mine. Bien assez pour qu’on demande au médecin de la colonie de jeter la sorcière autochtone dehors. Assez pour induire le doute dans la caboche de ce dernier, qui, au chevet de la gamine a pu constater sa guérison assez exceptionnelle.

« Est-ce que c’est vrai que tu es une sorcière ? » Lui a-t-il demandé, un jour. Naaki n’aurait pu expliquer ce qui la liait à cet homme. Peut-être sa couleur de peau, qui aurait pu faire de lui une exception. Ou sa gentillesse, peut-être. Sa prévenance. Il n’avait pas peur, lui, même si elle lui disait de s’éloigner. « Tadibya. C’est comme ça qu’on appelle les chamans, chez nous. » Une mauvaise tadibya. « Naaki, est-ce que c’est vrai, que tu nous as maudit ? »

Il n’y a pas de mot pour décrire ce qu’elle a ressenti. Entre la satisfaction d’être la main vengeresse de la nature, reprenant ses droits sur les activités humaines nocives. Leur faire peur. Les faire fuir. Rétablir l’équilibre. Et la terreur prégnante d’être destinée à être seule, incomprise et crainte durant toute son existence.

Alors, l’homme lui a pris la main.

« Il faut que tu partes Naaki. Ils viennent pour toi. »  



C’est face à l’aurore, aux pieds de son tipi tandis que le tchoum de sa famille un peu plus loin semble calme et endormi que Naaki s’étire aux premiers rayons du soleil. Le gel cristallise la végétation courte de la toundra et la belle guette l’horizon ponctué des silhouettes familières de leurs rennes. L’hiver va être très froid, cette année.
Elle le sent.

Il se passe quelque chose.
Un mouvement dans son champ de vision lui fait dire que c’est bien trop rapide pour être un animal. Le ronronnement d’un moteur s’approchant par l’arrière la fait plonger dans son tipi pour se saisir de sa carabine qu’elle épaule d’un geste rapide avant de se planter face aux inconnus qui débarquent à bord de deux jeeps équipées. Des hommes en sortent, sourires aux lèvres, armes au poing – jouant de témérité en s’approchant de la tente familiale.

« N’y pense même pas. » Crache la nénètse avant d’appuyer sur la gâchette. La balle fend l’air. La détonation déchire le silence matinal. Mais elle loupe. Tout le monde s’agite. Naaki recharge mais le cri de ses sœurs brutalise sa concentration. Elle n’a pas le temps de redresser le canon qu’elle est déjà parterre, maintenue de force par l’un des hommes vêtus de noir qui lui barre la gueule de ses doigts pour la maintenir en place. « C’est elle ! Elle a les yeux bleus. » Qu’il jappe à l’attention de ses collègues avec un sourire goguenard. Elle compte bien se débattre, Naaki, elle compte bien les pourrir de ses mauvaises pensées mais c’est sans compter la crosse de l’arme qui s’abat sur son museau.

Noir.
Tout est noir et tout est froid. La mort peut-être ?

Félicitations ! Tu viens d'être officiellement validé, voilà qui nous mets en joie !

je suis tellement in love de ce personnage ! cet avatar, seigneur dieu ! et les origines que tu lui as attribué ! j'ai tellement hâte de voir notre mimi siku évoluer entre nos murs !

Maintenant que tu as obtenu ta charmante couleur, te voilà fin prêt pour entrer dans l'aventure ! Avant toute chose, n'oublie pas d'aller te recenser dans ce sujet. Tu peux ensuite vagabonder sur le forum à ta guise, en commençant par la création d'une fiche de liens. Si tu recherches un personnage particulier, tu peux te rendre du côté des scénarii, ou même aller créer ton propre arbre généalogique pour trouver toute ta petite famille ! Tu peux également aller demander ta récompense pour avoir terminé ta fiche dans le système de points ! N'oublie pas que tu pourras aller en demander, ou en dépenser, tout au long de ton aventure.

Tu peux désormais entamer ton voyage ! Si tu as la moindre question, n'hésite pas à contacter le staff directement. Nous te souhaitons un jeu mémorable au sein de Cult of Hel, et nous te remercions encore pour nous avoir choisis !