Ça criait dans les rues, allez encore savoir foutre pourquoi, constata Sacha en tournant la tête dans un mouvement émouvant du cou dont ne perdit pas une miette son accompagnateur. Comme si elle était censée avoir peur, il se rapprocha d'elle avec chaleur & un petit côté paternaliste juste assez agaçant. Le regard sombre de Sacha se posa sur lui avec la légèreté d'un papillon de nuit tandis qu'il déclarait :
« Sans doute les arènes, rien d'inquiétant. »
« Hmm », approuva Sacha en froissant le filtre de sa cigarette de ses lèvres ; l'homme grimaça, elle avait tendance à mouiller le filtre et il trouvait ça désagréable. « Il faudra qu'on y aille un jour. »
Elle retourna le poignet sans réellement se soucier de sa réponse, s'il ne voulait pas l'accompagner, elle trouverait sans doute quelqu'un d'autre pour le faire, et avisa l'heure. Elle avait un autre rendez-vous à honorer, en femme occupée, et de toute manière elle commençait à sérieusement se cailler – ce qui n'était pas franchement étonnant au vu de sa tenue.
« Je dois y aller », elle lui rendit sa cigarette, le filtre effectivement mouillé, avec pour remerciement un baiser qui coupa efficacement sa tentative de protestation ; non elle ne changerait pas d'avis même s'il la suppliait. « Appelle-moi » précisa-t-elle dans un sourire, avant de tourner les talons qu'à son habitude elle portait haut. La Drioma de la voix d'enfant plaintive fit remarquer qu'elle ne l'aimait pas trop, ce type-là, et Sacha lui rétorqua sèchement mentalement que peut-être bien, mais qu'il lui payait souvent de nouvelles pompes et c'était une qualité louable.
Un nouveau cri ponctua la nuit, et Sacha sitôt passé le coin de la rue, leva une main, enfonçant ses griffes vernies dans les entrelacs de réalité. Dans un bruit de déchirure discret, les dimensions la laissèrent passer, et personne semble-t-il ne se demanda où s'étaient envolés les claquements de talons ; il y avait mille raisons plus simples.
Alors qu'elle sortait non loin de sa destination, dans le même craquement discret de couture fatiguée, un brusque mal de crâne aigu l'aveugla et lui rappela qu'elle n'était pas censée abuser autant de cette faculté-là. Elle ferma les yeux en essayant de se défendre contre la morsure de la douleur, chancelant sur ses talons trop grands. Une voix féminine perça le brouillard, et elle tenta de s'y accrocher pour se déconcentrer de la souffrance qui passerait en quelques minutes, elle le savait.
« Quoi ? Non, je ne fume pas », répondit-elle dans un mensonge aussi naturel que oui j'ai mangé à midi en ce qui la concernait. « ça va ? Vous n'avez pas l'air bien ? »
Le mal de crâne refluait, sa vision revenait et elle se promit dans un accès d'optimisme qu'elle n'abuserait plus jamais des voyages dimensionnelles.
Jusqu'à la prochaine fois, quoi.