On ne rencontre pas les gens par hasard, des fois c'est aussi parce qu'on a la poisse

Liz & Ivan

Dans l'ombre le prédateur s'avance, il n'est pas arrivé là par hasard. Il fait sombre, le calme règne, le lieu est approprié pour le Bauk qui ne supporte ni bruit ni lumière. Le lieu est approprié pour l'homme qui se sait chassé par sa femme et qui a décidé qu'il était grand temps qu'il la laisse enfin le trouver. Elle pense le traquer, quand c'est lui qui l'a guidée jusque là, car personne ne déniche la légende couplée à l'ancien militaire si cette dernière ne l'a pas souhaité.
Il est là, dans l'obscurité, à l'observer de ses yeux d'un bleu d'acier qui bravent dorénavant les ténèbres, luisant surnaturellement. Dissimulé, il se fond dans le décor tel un caméléon, ne lâche pas un souffle, pas un geste, pas un signe de sa présence incroyablement silencieuse, car elle est lourdement armée sa donzelle et il n'en attendait pas moins d'elle. La chasseresse avance d'un pas discret, avec prudence et délicatesse. Qu'elle est belle. Mais en cet instant qu'il la hait ! Il l'injure secrètement, la désire ardemment tout autant. Dangereusement attrayante, la passion s'éveille d'avantage que la méfiance. Homme et femme, devenus chien et chat, rongés d'abord par la routine, puis achevés pour une putain de prime. Ce feu qui s'anime n'est plus qu'un jeu.

La poussière s'élève, Ivan lui confirme sa présence, sans totalement se révéler. Le but est simplement de l'agacer et ça fonctionne, à merveille ! Il compte bien lui faire comprendre qu'il a l'avantage aujourd'hui, qu'il est beaucoup plus qu'un Homme et qu'il ne lui concédera jamais ce trophée qu'elle convoite, cette victoire qu'elle n'aurait jamais dû ambitionner, par respect pour ce qu'ils avaient été jadis. Encore moins dorénavant, après les derniers événements tumultueux dont il a eu vent. Plus maintenant, alors qu'elle ne vaut guère mieux. Ce jeu ne rime plus à rien, game over petite traqueuse car ton pesant d'or dépasse grandement celui de la proie pour laquelle tu t'es donnée tant de mal.
Il s'approche de Liz avec la démarche feutrée du Bauk, aussi insaisissable qu'un courant d'air. On le ressent parcourant son échine, mais on ne le discerne pas. Seul le bruit d'un cliquetis métallique finit par le trahir, lorsque son arme se pointe non loin de la tempe de sa compagne, menaçante, prête à laisser cascader sa pluie de balles silencieuses. « Liz » répond t-il sereinement de sa voix rauque, avec une assurance effrayante. « La fugitive la plus en vogue du moment ». Le russe la fixe un instant, d'un regard presque peiné pour son sort, avant qu'il ne devienne de glace à nouveau. « Je me demande si la prime de ta capture m'offrira l'immunité, au moins une sentence plus clémente ». Son regard est ravagé par les ténèbres, son faciès par les traits d'une bête sauvage prête à lacérer sa proie. De longues secondes s'écoulent avant qu'Ivan ne baisse son revolver comme si la noirceur ne l'avait guère traversé; ce ne sont que des menaces en l'air. Tous les deux se retrouvent à devoir patauger dans la même merde, avec une issue bien moins miséricordieuse pour la dame Dezrodnova. Quel intérêt d'en arriver là ? « A quoi ça rime encore Liz ? » lui demande t-il accompagné d'une attitude cette fois décontractée.