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  Les cimetières existent parce que savoir que le mort est dans un endroit précis est une consolation


BOYS AND GIRLS OF EVERY AGE, WOULDN'T YOU LIKE TO SEE SOMETHING STRANGE ?

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Heiko Dietrich
MONSTER UNDER YOUR BED
Heiko Dietrich
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...mais quel autre endroit pourrait être plus précis que le cœur ?

Années 60/70.

Ton nez se lève pour humer avec curiosité les odeurs du marché, la puanteur des corps, les fumets des plats cuisinés à même les étals. Tu aimerais pouvoir dire que ce genre de lieux, que cette masse de gens te rappellent quelques souvenirs de ton passé, que le froid mordant de l’hiver reflète une partie de ce qu'il y avait avant mais tout cela ne réveille rien d’autre qu’une irritation patente. La foule est un repère à emmerdes et si le quartier rassemble surtout des créatures et des humains cherchant les problèmes, leur présence ne te rassure guère. Tes yeux s’égarent sur tout ce qui brille, s’éloignent avec mépris de ce que tu considères être une perte de temps, jaugeant avec une moue dédaigneuse le toc et les fausses épices. Tout ça ne brille pas assez, ça t’écœure d’y penser, ça t’attire et tu passes une main tremblante à l’intérieur de ton manteau, cherchant le contact rassurant de la photographie écornée.

Qu’est-ce que tu deviens ?

Tu as déjà passé trop de temps à refuser ta situation, d’abord après la guerre, puis dans une nouvelle rechute il y a quelques mois – ou années, tu n’es plus sûr du temps qui passe quand tu n’y prêtes pas attention. Tout ce qui compte c’est de t’accrocher à ce que tu possèdes maintenant, quelques souvenirs, des richesses volées ou extorquées, celles qui ont le prix du sang et une jeunesse relative. Tu ne supportes plus de vieillir, ça te rappelle à quel point ta fille, ta famille, est vouée à disparaître. Elle aurait 30 ans ou bien 40 ans maintenant ? Vieille fille, comme l’avait été Silke ? Qui aurait accepté de l’épouser, autrement que par attrait pour sa dot ? Oh, bien sûr elle avait un esprit bien fait, ou plutôt tu te plaisais à te l’imaginer ainsi. Les souvenirs se mélangent, se bonifient ou disparaissent. Tu vois des gamins que tu as soigné il y a quelques années se marier, avoir des enfants à leur tour et toi tu n’as pas pris une ride.

Tu as faim, ça gronde dans ton ventre et tes sourcils se froncent. Tu ne sais pas exactement de quoi, ça grouille dans ton ventre et les émotions se font plus présentes récemment, plus que depuis plus de 20 ans. Ton nez se frousse et tu cherches des yeux un échappatoire, quelque chose qui te permettrait surtout de t’éloigner de la foule alors que tu te morfonds, que tu es prêt à éclater, en sanglots, de colère, de violence, tu ne sais pas mais tu as besoin de relâcher tout ça. Tes dents se serrent et tu accélères le pas, tu repousses une femme penchée au-dessus de tissus, tu avances, tu continues de chercher la sortie.

Par le nez, tu inspires pour calmer ton esprit et ton corps, comme tu as appris à le faire, comme tu l’as appris également à d’autres personnes, des soldats, des amis ? Des camarades ? Ça se mélange et parfois tu te prends à comparer des visages, des faciès avec ceux de réminiscences, des souvenirs faits chairs et tu ne sais jamais si c’est une hallucination, quelque chose qui vient de ta nature même ou ton cerveau qui convulse d’avoir trop emmagasiné. Là, plus loin, il y a ce profil qui te rappelle un homme debout dans le froid de Volgograd à surveiller la rue, plus loin une image qui te rappelle une gamine assise sur une chaise dans une salle d’attente et puis il y a ce visage proche de celui de Cecilia.

Tu as une envie folle et subite de l’insulter, de la pousser, juste parce qu’elle existe, juste parce que tu as envie d’exploser et tes yeux cessent de sautiller pour se focaliser sur ta nouvelle cible. « Hep ! Hey ! » Tu l’interpelles, en te dirigeant à grands pas vers elle.
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  Mar 10 Sep - 0:16
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Ses yeux clairs parcourent le marché, ses narines n’interceptent que les effluves les plus douces : celles des tiges de tomates fraîchement cueillies, des fleurs coupées, des branches de conifères qui répandent leur odeur si particulière. Étrangement, elle ne perçoit pas l’odeur des pots d’échappement, l’odeur du gravier mouillé, ses doigts glissant sur les étals de légumes pêle-mêle et le coeur en vrac d’absorber les souvenirs sensoriels des pommes de terre et des oignons. Ça lui donnait toujours un peu d’espoir, ça la requinquait, comme une once ou deux de vodka devant le feu dans le creux de l’hiver, sans qu’elle sache vraiment pourquoi — même lorsqu’elle glanait quelque misère humaine à travers des jonquilles taillées ou des hydrangées séchées, ou lorsque la peine l’envahissait au contact des fleurs envoyées au funérarium, il y avait quelque chose qui venait lui faire du bien, sans pouvoir se l’expliquer. Prise d’un bref vertige, signe qu’elle avait abusé des bonnes choses, elle met un terme à son exploration pour mieux se concentrer sur ses courses, ramassant de quoi se nourrir pour quelques jours. Le sac de papier pressé contre sa poitrine, elle trottine hors du marché dans l’espoir de pouvoir rentrer avant que le soleil ne tombe davantage.

Elle ne s’imagine pas que la voix forte s’adresse à elle, mais la soudaine irruption lui fait quand même tourner la tête, envoyant valser ses longues boucles rousses. Ses yeux s’écarquillent lorsqu’elle a l’impression de voir un fantôme du passé — son jumeau, Heiko, pourtant vigoureux et non pas décomposé quelque part sur un ancien champ de bataille. Elle avait cru avoir fait son deuil, avoir bouclé cette période de sa vie et qu’elle n’aurait jamais à rouvrir cette boîte de Pandore. Or, ça n’était pas un souvenir cette fois, c’était une personne, en chair et en os, et ça avait fait ressurgir des émotions conflictuelles intolérables : rage, déception, peine, acceptation, nostalgie. « Excusez-moi? » qu’elle tente, le russe teinté de germanique, ses doigts se serrant un peu plus sur les courses toujours coincées contre son buste. Par précaution, elle ancre son regard dans celui de l’homme qui raccourcissait encore la distance entre eux, espérant que la sève qui coulait dans ses veines ferait son œuvre et qu’elle saurait suffisamment subvertir l’inconnu aux traits familiers pour qu’il abandonne quelque agression — juste au cas où c’était son intention. On n’était, après tout, jamais trop prudente, surtout qu’il ne semblait pas se ruer sur elle pour lui faire un compliment sur la robe fleurie qu’elle avait choisie ce matin-là. « Est-ce que je peux vous aider? » Autour, il y a d’autres gens. Elle n’était pas véritablement en danger, elle le savait, consciemment ou non, et même le pire ne pouvait pas vraiment lui faire peur. Les réflexes de son humanité révolue, la peur de la mort, la peur d’avoir mal — voilà qui ne s’oubliait pas de sitôt, même vingt ans après coup.
  Mer 11 Sep - 0:50
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...mais quel autre endroit pourrait être plus précis que le cœur ?

Tes yeux s’étrécissent, ton regard se fait plus dur, ton nez se fronce et pourtant tu continues à te sentir attiré par cette femme. Partiellement de ta propre volonté, la curiosité morbide, faire face à un fantôme – pourtant tu n’as jamais entendu parler de vrais fantômes – mais également poussé par quelque chose que ton esprit cartésien ne parvient pas à saisir. Quelque chose chez elle semble la faire se démarquer du reste de la foule, une présence plus charismatique, un regard plus assuré peut-être ou la posture sûre d’elle, tu n'arrives pas à mettre un doigt sur ce qui te chiffonne. En tous les cas, tu ne fais plus attention aux badauds et tes pas s’arrêtent face à l’objet de ton inquiétude. Tu renifles, ostensiblement, à la recherche de l’odeur de terre que tu as déjà senti sur certains de tes semblables mais tu ne parviens qu’à humer l’odeur du marché, des gens et de la ville. Dans sa façon de se tenir, dans ses gestes, dans l’accentuation toute germanique de ses mots, il y a toujours plus de coups frappés à ta capacité à penser clairement. Tu clignes des yeux, une fois, deux fois. Puis tu tends les mains, une s’enroule autour d’un poignet, l’autre joint l’index et le majeur à la recherche du pouls de la femme, sur sa gorge.

Damnés soient les convenances, peu importe si certaines personnes vous regardent dans la rue ou même que ta cible s’offusque de tes gestes. Soit elle n’est pas tangible, soit tu ne te trompes de personne, dans les deux cas, tu pourras compter à nouveau sur la quiétude de tes pensées et retourner bercer dans ton cabinet les souvenirs empreints d’un mélange de mélancolie et de trous. « Qui êtes-vous ? » Tu ne parles plus guère allemand qu’avec ceux qui s’adressent en premier à toi dans cette langue, parce que parfois c’est difficile de se souvenir de tout, parce que ça résonne encore mal dans les pensées des gens et parce que les minorités germanophones se trouvent en général plus près des frontières ou en Sibérie. Tu la relâches au bout de quelques secondes, essuyant tes mains sur ta veste, l’expression orageuse. « Qu’êtes-vous ? » Il y a toute sortes de créatures mais également des dieux – ou des légendes – et certains ont des façons cruelles d’apparaître aux gens, des pouvoirs défiants toute réalité et qui s’amusent avec les esprits et tordent la réalité.
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  Mer 11 Sep - 1:11
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« Pardon? » Un bras autour de ses courses, le sac en papier bien pressé contre sa poitrine, les doigts crispés dans le carton mince, elle ne soutire toutefois pas son poignet à la main de l’inconnu, qui cherche un pouls. Il la croit morte, et ce n’est pas sans raison : elle l’avait été et l’était encore un peu, dans un sens. Dans la sensation de chaleur qui se répand dans son bras alors que les doigts de l’inconnu se posent sur ses veines, elle ne décèle aucune animosité, seulement une forme de panique, d’agitation presque contagieuse — or, Silke demeure immobile, son regard rivé dans celui de son interlocuteur avec l’air d’une biche dans les phares d’une voiture qu’elle n’avait pas vue venir. « Je suis toi. » Le fin sourire qui étire les commissures de ses lèvres vient délier ses traits inquiets. Autour d’eux, l’altercation a attiré une certaine attention avant que le tout ne se dissipe. Ce n’est pas d’hier que les gens se tiennent loin des problèmes d’autrui. « Tu te portes bien, pour un mort. » Il n’y avait plus de doute désormais dans son esprit que c’était Heiko — lui ou une image créée par son imagination, mais terriblement réaliste, à laquelle Silke n’avait aucune objection à parler tout haut — qui se tenait devant elle. Elle avait l’impression de voir son propre regard dans un miroir, les yeux clairs, les paupières un peu tombantes qu’ils tenaient tous les deux de leur père. « Après combien de temps as-tu arrêté de te demander si j’étais encore en vie, moi? » Même s’il l’avait cherchée, il ne l’aurait jamais trouvée. Elle aussi aurait dû être morte, depuis le temps — ou alors vieille, si vieille qu’il n’aurait jamais reconnu la ravissante quarantenaire qui semblait se tenir devant lui si son esprit était à la recherche d’une grand-mère. « Comment vas-tu? » La question ne vient qu’après les reproches, fidèle à elle-même, implacable devant la rancune qu’elle avait accumulée au fil du temps envers son frère jumeau.
  Sam 5 Oct - 18:20
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Tes sourcils se froncent alors que tu continues de frotter tes mains contre ta veste, contre ton pantalon, tout pour les occuper alors que ça te démange. Ça te démange de tendre tes mains et de presser le cou gracile, de presser, d'écraser la trachée, de voir ses yeux s'exhorbiter, que son vrai visage apparaisse, faire disparaître toute trace de vie, de la faire taire. Tes paupières s’abaissent doucement, yeux mi-clos tu acceptes difficilement le sourire qui te fait face. On ne revient pas comme ça d’entre les morts, d’entre les souvenirs surtout. Un deuil avait été fait, tu refusais de balayer ainsi les commisérations et la tristesse que tu avais porté pour ta famille. « Non. » Non, tu n’es pas moi. Le sourire ne te plait pas, alors qu’il avait toujours été celui qui vous représentait tous les deux. Elle faisait toujours risette pour toi, pour tout le monde, toi avec ta mine renfrognée et tes regards en coin. « Elle peut être encore en vie. » Encore que tu ne sais pas comment ça se passe, de l’autre côté des frontières, est-ce que l’Allemagne a pu se relever ? Est-ce que les Russes, les Alliés, les perdants de la première heure n’en ont pas profité pour détruire les peuples germaniques comme ils rêvaient déjà de le faire lors de la Première Guerre ? Tu ne daignes pas la reconnaître comme étant elle, comme étant Silke, tu ne daignes même pas la reconnaître comme quelqu’un de réel. Parler d’elle à la troisième personne. Tes yeux se détournent, tes mains sont toujours à essayer d’effacer les traces de sa présence. « Pourquoi ? » Tes pensées vont à Mina. Elle aurait votre âge aujourd’hui, peu ou prou, ça te brûle de demander, de parler, de poser la question à ce mirage, à cette cruelle mascarade. Tu cherches à percer l’illusion, à comprendre qui et pourquoi aurait fait ça. « Tu n’es pas moi. Qu’est-ce que tu es ? »
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  Sam 5 Oct - 18:37
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