Sacha après un dernier sourire qu'elle aurait trouvé un peu creux si elle l'avait vu dans un miroir, referma la porte derrière le large dos de son amant du soir. Elle s'était rapidement rhabillée, ce qui signifiait que comme d'habitude elle n'était pas assez couverte, mais elle s'était débarrassée de ses talons.
Elle volta au son de la voix d'Alasaïas, qu'elle pensait pourtant mort. Elle n'était pas aussi surprise qu'elle aurait dû l'être ; la Drioma avait interrompu sa bouderie – elle faisait toujours la gueule lorsque Sacha avait l'audace de coucher avec un homme, donc c'était souvent – pour la prévenir que quelqu'un était là.
Sacha inclina gracieusement la tête sur le côté, scannant du regard Alas, cherchant les différences dans sa posture, dans ses mouvements.

« Bonsoir Alas, je vois que tu aimes décidément bien ma fenêtre... »

Elle rattacha un élastique de porte-jarretelle qui avait été détaché on imagine comment, se redressa de sa haute taille.

« Tu veux boire quelque chose ?... Et me raconter ce qu'il s'est passé ? »

La Drioma reniflait l'air, et décréta que ça puait la mort, ici.
Sacha s'étonna un peu ; elle ne sentait rien.

« Je ne t'ai pas oublié, ne dis pas de bêtise. »

-Disons que je n'aime pas passer par les endroits conventionnels.

La phrase peut avoir mille sens, ce qui a tout pour me plaire. Sans me départir de mon sourire, dans lequel se cache moins la jalousie que la certitude selon laquelle je vais buter ce mec qui vient de partir d'un savant coup de dents dès que je le retrouve, je m'éloigne de la fenêtre sans la refermer. Je préserve ainsi toute source de froid, même si Sacha en est une à elle toute seule.

-Te raconter quoi, tu n'étais pas là ?

Je n'ai pas pris le temps de regarder si j'avais des Alliés dans la foule ce jour là. À vrai dire mes seuls véritables Alliés étaient enchaînés à mes côtés.

-Le café le plus noir que tu as, merci.

Étrange de voir comme elle est aceuillante vu comment je me suis introduit chez elle. En même temps vu la manière dont elle m'a foutu dehors après la dernière nuit que nous avons passé ensemble, elle a plutôt intérêt.
Chuma me fait remarquer que je ferais bien de la contaminer si c'est une pute : elle réduirait ainsi Moscou à néant.
Vieille sangsue de merde.

-Oh tu aurais pu, mais je t'en aurais voulu.

Sacha finit de se rhabiller avec les gestes d'une femme habituée à montrer son corps, sans empressement ni pudeur. Elle eut un sourire amusé à la réflexion d'Alasaïas qui pouvait se comprendre de manière franchement impudique, ce qui la divertissait, il fallait savoir se saisir du moindre élément amusant en ces temps troublés.
Elle acquiesça à l'idée de faire du café même à cette heure avancée de la nuit, s'occupa les mains en repensant à la dernière fois où Alas était passé et qu'il s'était déroulé à peu près la même chose. Elle mit de l'eau à chauffer, sans paraître craindre le froid pourtant vif.

« Si... Mais j'ai l'impression qu'il me manque des éléments. Tu es encore en fuite ? » demanda-t-elle avec un coup d'oeil sombre et peu impressionné vers lui.

Elle eut un rire franc à la remarque d'Alas.

« Mais tu m'en veux déjà de toute manière ! Tu viens toujours ici pour faire la tête, on dirait un gosse jaloux. »

« En fuite ? Non, officiellement je suis mort. »

J’évite scrupuleusement les caméras et la pose de la puce pour le moment, et j’ai appris que Liz était en fuite suite à son acte grassement payé. Je ne sais pas si elle a réussi à sortir du pays pour se payer une nouvelle vie mais vu ce que je lui ai refilé, elle en aurait clairement les moyens, et certainement pas à s’en faire pour son confort futur.
Son regard sombre de créature légendaire qui me faisait flipper autrefois me rebondit dessus comme une goutte de pluie désormais. Sa froideur m’enivre et me rassure plus qu’elle ne m’effraie et me glace, depuis mon changement de nature.

▬ Quelle pute.

▬ Finement observé, Chuma.

Elle éclate d’un rire gras et retourne aiguiser ses flèches porteuses des bacilles mortelles dans un coin de mon crâne, ayant jugé que cette grande perche n’était pas aussi intéressante que ce que je lui avais vendu...jusqu’à ce que Sacha se mette à piailler. Ma Légende renifle une dispute de couple.
Tu parles, en a-t-on jamais réellement été un ?

« Je viens de mourir ; tu conviendras qu’il y a plus réjouissant comme activité. »

Je traverse la distance qui nous sépare et la prive du service de ce que je viens de lui demander en me plaçant devant elle.

« Bien sûr que je suis jaloux, bougresse. Je croyais que j’étais suffisamment important pour ta petite caboche impertinente pour que tu arrêtes de te faire troncher par tout ce qui passe. En fait je continue à le croire, et j’ai très envie de tuer minutieusement chaque abruti passé dans ton pieu. »

▬ Oh oui, fais donc ça. Mais tu ne sais pas viser, ducon.

▬ La ferme.

« Peut-être que je vais le faire, en attendant je venais voir comment tu allais. » Je cesse de lui bloquer le passage. « Sans sucre, le café. » je lui rappelle, avant de retourner vers la fenêtre m’allumer une cigarette.

« C'est une question de temps, alors », répondit philosophiquement Sacha qui savait que tout finissait par revenir à la lumière du jour dans ce fichu quartier où les balances ne manquaient pas. Elle inclina la tête sur le côté, acquiesçant avec calme tout en commençant à préparer le café : « Tu verras on finit par s'en remettre au bout d'un moment. »

La vieille femme haineuse qui squattait son être pouffa en traitant l'humanité en général et Alasaïas en particulier de fragiles fétus de paille à peine doués d'une réflexion, ce que Sacha, grande dame, laissa passer sans commenter.
A la place, elle posa son regard d'encre sur son amant qui lui bloquait le passage, confirmant son statut d'enfant jaloux, sans en paraître le moins heurté du monde.
Sacha pinça élégamment les lèvres en évitant avec beaucoup de tact de faire remarquer que s'ils voulaient tous les tuer, il allait falloir prévoir du temps parce qu'il y en avait un certain nombre. La Drioma ne s'en priva pas, et Sacha termina le café une fois libre de ses mouvements, après avoir suivi du regard Alas.

« ça serait fastidieux », ah dommage elle disséminait un indice, « et assez contre-productif, je pense. »

Elle versa l'eau chaude sur le café moulu.

« Je vais bien, c'est gentil d'être passé. Je me remets du procès public, tu m'as fait peur tu sais ? Quelle idée d'être dans des histoires pareilles, franchement... »

Elle haussa des épaules, se remémorant sa fuite après la chute qui l'avait empêchée de voir la mort d'Alasaïas ; elle en avait toutefois entendu parler et avait même versé quelques larmes sur son sort. L'arôme puissant du café s'éleva dans son appartement.

« Je me rappelle. Tiens. »

Elle s'approcha également de la fenêtre pour allumer une cigarette.

« J'ai hérité de l'Applique argentée, tu savais ? »

Peut-être.
Ca me ferait du bien qu’on me coure après, une fois de temps en temps.

Sacha pourrait sans doute me dévorer d’un coup de mâchoires – elle l’a fait, durant cette longue nuit noire et agitée – mais au lieu de cela, elle exprime ce qui semble être une forte contrariété au mieux, en pinçant joliment ses lèvres sombres.

« Tu es mignonne quand tu es agacée. »

C’est un autre superpouvoir que je possède et que je n’ai visiblement pas abandonné pendant ma renaissance. Ca fait beaucoup rire Chuma, jusqu’à ce qu’elle se mette à tourner en rond en roulant de ses quatre yeux parce qu’elle s’ennuie. Contrairement à moi, elle n’aime pas trop jouer avec ses proies. Elle distille le bordel dans une pièce fermée et laisse les gens s’entre-tuer sans contempler la folie dont elle a accouché.
Chuma n’est pas sadique, c’est juste une incommensurable emmerdeuse.

« C’est dommage de ta part de me sous-estimer. »

Ce qui est fastidieux, ça va être de me retenir pour ne pas décimer Moscou, surtout.

« Je t’ai fait peur ? » j’éclate de rire. « Tu t’es vue ? »

La question ne mérite pas de réponse. L’incarnation du cauchemar sait réellement avoir peur ? Ce doit être une métaphore pour faire croire à une forme d’humanité. J’imagine Sacha, voilée de noir et endeuillée...deux secondes, pas plus.

« Je pense que tu te soucies déjà suffisamment de toi sans prendre le temps de t’inquiéter pour les autres derrière. Merci. »

Je saisis la tasse de café qu’elle me tend, prends le temps de ressentir la forme de la tasse, les fêlures de l’objet qui ne va probablement pas tarder à se casser, le caractère lisse de l’objet, un peu ébréché sur le côté, et la chaleur du liquide qui déjà, gagne les parois. Je l’éprouve jusqu’à ce que ma paume me brûle, puis dépose l’objet sur le bord de la fenêtre.

« Je sais. Les nouvelles vont vite ici, surtout quand on passe son temps dans le même quartier. Zamos’ possède une activité que je n’aurais pas cru si fertile, c’est rafraîchissant. Tu devais trouver la vie bien fade quand tu venais me voir à Richesse. Enfin si tu t’en souviens, bien sûr. »

Je reprends la tasse pour en avaler une gorgée ; la sensation du café brûlant sur mes muqueuses, elle, n’a pas changé. J’ai toujours un peu de mal à me faire à la maigreur maladive de mon corps, au dessin sous ma peau de ces tendons et de ces veines que je peux compter.

« Ca te plaît, au moins ? »

Le compliment était étrange et dissonnait totalement lui semblait-il avec l'allure générale d'Alas qui avait à la fois fort changé et pas du tout. Sacha détourna le regard dans un battement de cils à la remarque faite comme quoi elle le sous-estimait ; c'était le problème quand on était réincarné depuis si longtemps avec une légende qui foutait la trouille à n'importe quelle personne saine d'esprit. On finissait souvent par sous-estimer les gens.

« Hmm », fit-elle, avant de hausser de ses épaules dévoilées par la robe sexy qu'elle portait. « Tu as toujours été suprêmement agaçant. »

Elle se doutait qu'il en était parfaitement conscient, et qu'il faisait tout pour cultiver ce trait de personnalité, qui finissait par lui donner du charme – il fallait vraiment qu'elle soit mordue malgré sa nonchalance détachée qui faisait croire à une parfaitement indépendance.

« Eh bien, tu es mort quand même, et un procès public c'est autre chose que des cauchemars. Même s'ils sont particulièrement terribles, ils ne sont pas réels. »
 « Ta gueule, grande perche ! » répliqua la Drioma, outrée que son hôte ose mettre en doute ses capacités à faire peur à quelqu'un non mais sans blague !

Elle s'accouda à la fenêtre, découvrant la naissance de ses fesses sous le tissu noir & fluide de sa robe dont il faudrait vraiment qu'elle se débarrasse un jour, alluma à un briquet éraflé.

« Tu apprendras en vivant ici, mon chéri, qu'on vit bien mieux en s'occupant de nos affaires, qu'à Richesse. Bien sûr que je m'en rappelle, je ne suis pas amnésique et c'est toi qui es mort, pas moi. »

Elle souffla la fumée.

« ça changeait, j'aimais bien, et j'adorais ta chambre. »

Sacha hocha de la tête, le regard perdu dans les lumières nocturnes diffuses du quartier de haute sécurité.

« Hmhm, ça change, c'est agréable, et c'est un métier intéressant. Tu devrais passer, je t'inviterai. »

« Tu tiens vraiment à ce que nous lancions un débat sur le concept de réalité des rêves et des cauchemars, Sacha ? »

Je lui lance un regard circulaire par en dessous lui indiquant qu’en tout cas, ça ne fait pas partie de mes priorités. J’ai quitté le monde bourgeois avec une rage qui sommeille toujours dans mon ventre, et que je ne vais pas attiser en chantonnant quelques mondanités pour l’impressionner.

« Si tu t’étais occupée un peu plus tôt de mes affaires tu aurais su ce que j’allais faire et tu saurais que je n’étais pas réellement mort, ma chérie. »

J’avale une gorgée du café qu’elle a parfaitement réalisé malgré ses antiques manières sans savoir-faire apparent, ne cache pas mon regard qui glisse sur ses fesses trop musclées pour être celles d’une femme. J’acquiesce, songeur.

« Ah, ma chambre. La dernière fois que j’en ai entendu parler, elle a été totalement vidée et la cloison a été abattue pour réunir deux pièces en un immense boudoir, je crois. Les petites pièces comme celle-ci ne font plus très vendeur sur le marché, il faut comprendre les investisseurs. »

Il ne me reste donc désormais plus rien de mes pères disparus, mais ce n’est pas comme s’ils avaient réellement fait en sorte de me laisser quelque chose de leur part.
En dehors de mon insupportable caractère, bien entendu.

« Je ne vois pas ce que j’y ferais. » je rétorque, haussant un sourcil, parfaitement sincère. La plupart des lieux de cette rue concerne l’alcool et le sexe, et comme l’un m’est quasiment interdit désormais, et l’autre est plus difficile d’accès que jamais… « Mais si tu y tiens, je viendrai faire une petite visite de courtoisie. »

Mon regard remonte le long de sa chute de reins et saute par la fenêtre pour se perdre dans la nuit.

▬ Ce n’est pas transmissible sexuellement, hein ?

▬ Hein ? Mais tu ne vas pas faire ça ?

▬ Ben je vais me gêner, tiens.

▬ Si tu fais ça JE TE FAIS TOMBER LA BITE.

▬ Tu es la Peste, Chuma. Pas la Lèpre.

Chuma me grogne mille insultes parmi lesquelles la promesse de me faire pourrir de l’intérieur, tandis que je m’accoude frontalement à la fenêtre.

« J’ai retrouvé mes sensations, au fait. En mourant. »

Elle eut un gloussement sombre, interprétant correctement son expression, mais ne pouvant s'empêcher :

« Non parce que je sais que j'ai raison... Mais j'adorerais t'entendre me donner des cours sur les cauchemars, ça serait sans doute très intéressant. »
 « Et un brin ridicule » convint la Drioma ; comme tous les amants de Sacha elle détestait Alas, et oubliait de s'en prendre à son hôte vu qu'elles tombaient d'accord sur le fait de dire qu'il était un peu simplet par moment.

Elle acquiesça à la réflexion d'Alasaïas en souriant au petit surnom qu'il avait repris, fit la moue à l'évocation de la chambre :

« Tu sais, je comprends que ne pas mourir réellement est traumatique, tu n'es pas obligé de le prouver en étant désagréable. »

Elle haussa des épaules :

« Me voir, déjà. Je pourrais te présenter l'endroit si ça t'intéresse, et tu pourrais avoir des conseils vu ton ancien métier, mais enfin... »

Sacha sentait le regard d'Alas sur elle, mais ne commentait pas, terminant sa cigarette un rien plus longue que la normale, ce qui donnait l'illusion que ses mains n'étaient pas si grandes que ça pour une femme.

« Hmm ? » Intéressée elle se redressa. L'absence de sensations d'Alasaïas ne l'avait probablement pas autant frustrée que lui, mais elle l'avait mal vécu. « Pourquoi le sexe serait compliqué, alors ? »

-Sur le viol, tu veux dire.

Cette fois-ci je la regarde dans les yeux, mais sans rien ajouter. Je n'ai pas la prétention d'affirmer que je suis uniquement victime dans ce qu'il s'est passé entre nous la dernière fois que l'on s'est vu (on dit survivant maintenant, je crois). J'ai quémandé ses services sans pleinement me douter de l'étendue de leur puissance, mais qui peut réellement le savoir sans l'avoir vécu ?
Je suis pas certain d'avoir été consentant jusqu'au bout.

-Je ne suis pas obligé mais je le suis, tu devrais le savoir depuis le temps.

Ça me fait rire, pas parce que je ne suis pas désagréable et que je m'excuse de l'avoir été cette fois-ci, mais parce que ma phrase suggère qu'on se connaît depuis très longtemps alors que… Ben pas du tout.
J'acquiesce, signifiant que je viendrai ne serait-ce que pour la surveiller parce que j'ai toujours été une putain de tour de contrôle et que j'ai la passion terriblement mal placée comme chaque membre de cette famille à laquelle je ne suis pas censé appartenir. Mon regard la suit tandis qu'elle se redresse, redevenant bien plus grande que moi et effaçant la courbe de ses fesses.

-Je n'ai jamais dit que c'était compliqué.

Même si je l'ai pensé très fort.

-Et je te défie de me trouver attirant puisqu'on en parle.

Autant vous dire qu'il faudrait être aveugle et encore, elle a bien remarqué que mon charme agaçant se situait surtout dans ma manière de converser. Je plonge mon regard dans ce qu'il me reste de café.

-Ceci dit si tu t'ennuies je peux trouver une occasion de te montrer à quel point je peux te baiser correctement si je suis de bonne humeur.