Yeux clos, elle voit tout, entend tout sans prendre la peine de s'éloigner de son nid. Ratte parmi les rats morts, elle se faufile sans être vue dans cette réunion qui ne lui dit rien. « Ils ne comprennent pas l'enjeu. » Heureusement, l'orgueil et la mésentente mettent fin à cette mascarade, tandis que couine ses amis de longue date et qu'ils filent entre les pattes sans être remarquée. « Je crains que leur orgueil ne les consume tous. » Les dernières paroles qu'elle entend à peine, relâchant les corps qu'elle a empruntés, qui s'écroule dans le noir, reprenant putréfaction comme la nature l'a voulu. Sigyn retrouve son propre corps dans un sursaut, un gémissement s'éternisant entre ses lèvres, tandis que son corps cherche encore à reprendre le contrôle. Elle peine quelques minutes, puis s'assoit à même son lit, sa langue pointant et caressant ses lèvres. Elle a faim, la faim est même plus importante que sa survit à cet instant précis. Seule des siècles d'expérience l'empêche de sortir pour boire le premier venu.

Sigyn quitte son repaire, sa sécurité, s’enfonçant dans les ténèbres du quartier. Elle ne tarde pas pour trouver être assez isolé pour y mettre les crocs. Propre, elle use de sa dague et de la surprise pour ouvrir la veine et s’abreuver à sa source de vie. Une fois rassasié, l’homme au bord du précipice de la mort, son regard se pose sur ce qu’il a échappé. Une caisse de quelque chose. De l’alcool, déduit-elle sans vraiment y faire attention. La morte hésite un instant, puis incapable de résister à la tentation de prendre ce qui n’est pas à elle, attrape le tout et tourne les talons. Direction, un lieu que très peu connaisse.

Le quartier général lui ouvre les bras, l'accueillant comme chaque fois, depuis près d'une cinquantaine d'années maintenant. Affublé du terrible uniforme, qui lui rappelle vaguement les vêtements d'une autre époque, la femme trouve un endroit où attendre le retour des autres. Déposant la caisse devant elle, Sigyn ferme les yeux écoutant le silence, le temps qu'elle le peut. Les minutes lui sont accordés, quoi que très courte, avant que des pas retentissent près de son coin confortable. « J'ai trouvé ça dans la rue, un preneur? »

« La couronne voile le regard, donne une illusion de puissance. Et c'est ainsi que bien des rois ont finit décapités. » De tous les mots prononcés, c'est ‘'décapités'' qui la fait réagir. Attise son regard d'un souvenir dérangeant et l'oblige à porter la main à son cou. Dire qu'elle a cru, de longues années auparavant, si ce n'est des décennies, mettre fin à cette vie d'un coup de lame. Triste résultat, qui aujourd'hui ne l'empêche toujours pas de non-vivre sur cette putain de terre. Troublé par ce souvenir, perdu des années auparavant, Sigyn s'agrippe à un verre d'alcool, plissant les sourcils sous l'effet de la question qui a vite fait de chasser cet épisode peu glorieux de son esprit. Peut-elle seulement s'enivrer comme les autres? Elle n'a jamais su y répondre, l'alcool n'ayant pratiquement aucun intérêt dans son existence. Elle porte le liquide à ses lèvres, en aspire quelques gouttes sans intérêt… Son ventre est plein et son envie de quoi que soit d'autre, s'en ressent.

« Un action ou vérité? » Son regard passe sur un visage et sur un autre, essayant de se rappeler quand et comment elle a fait leur connaissance. S'attardant plus longuement sur l'ombre et sa proposition de jeu... Qu'elle ne connait ni d'Adam, ni d'Ève. Incertaine d'aimer la détente et ce qu'elle apporte, Sigyn se repositionne de manière à n'avoir qu'un mur dans son dos. Silencieuse, elle attend le moment où la frustration de cette trêve ratée, fera place à une occasion d'apprendre et de retenir de l'information. Ses yeux vacillent vers le duo plus lointain, avant de revenir sur son verre.