Cette semaine les choses sont compliquées. J'ai quitté mon travail rapidement au début de la semaine. Je ne le sentais pas, un mauvais pressentiment. Le problème, c'est que j'ai pris un peu de temps pour trouver un nouveau domicile. Finalement j'ai choisi une boutique fermée. Dedans, rien de bien intéressant. L'endroit a déjà été pillé plusieurs fois. Point positif, on ne cherche pas grand monde dedans, il y a des rumeurs comme quoi elle serait habitée par une dangereuse créature. En quelques jours, je n'ai rien vu de tel dedans, donc pour moi, c'est qu'il n'y a rien de tel ici. Mais un toit ne suffit pas. Je n'ai jamais roulé sur l'or et j'ai brûlé mes quelques économies les derniers jours. Merde, il va falloir trouver un peu d'argent. Hélas pour moi, pas d'emploi à voir. Il va donc de soit que je dois me rabattre sur mon bon vieux métier, le larcin. Dans le quartier il y a quand même certaines personnes visiblement aisées. Plutôt que de risquer chez eux, je me décide finalement à tenter les poches.

La nuit passe et je me lève avec le soleil. Dans cette lumière tamisée je me prépare, avant de passer quelques minutes à observer la rue. Il va falloir que je trouve un autre endroit, un lieu un peu plus riche. Le matin sera donc dédié au repérage. J'ai déjà quelques petites idées de lieu à aller visiter, tous dans le même quartier. Il est plutôt évident que je ne pourrais pas me trouver un coup sauveur dans les zones pauvres que j'ai l'habitude de fréquenter. Il faudra donc marcher un peu, direction le quartier commun. Les zones commerciales sont intéressantes, tandis qu'ils observent leur petit monde riche, les gens oublient souvent de surveiller une jeune comme moi. Donc autant en profiter, après tout il faut toujours saisir les opportunités qu'on nous offre. C'est décidé, j'irais dans le quartier commun. Mais d'abord, petit déjeuner.

Le repas le plus important de la journée passé, je finis mes préparatifs. Tenue simple, mais pas trop pauvre. Il ne faut pas que tous les riches me prennent pour une clodo perdue. Mais il faut aussi que je puisse rapidement me barrer, si jamais quelqu'un me voit et que la situation s'envenime. Une capuche aussi tant qu'à faire, c'est plus simple pour masquer son visage. Je me retourne et fixe mon arme. Je la récupère. Oui, ça peut servir. A la ceinture, sous le pull large qui me couvre, il y sera à sa place. On est jamais trop prudent, un jour peut-être me servira-t-il réellement. En attendant il fait peur aux petites frappes qui me voient comme une proie facile. Bien, je suis fin prête. J'embarque avec moi un vieux sac à dos, pour y cacher mes récoltes, puis je me lance dans la recherche du lieu parfait pour mon délit.

Cela prend un peu plus de temps que prévu. Je préfère éviter les zones trop peuplées, de peur que quelqu'un me voit faire et ne m'intercepte, ainsi que parce que je n'aime pas trop les foules si denses. Je me demande toujours si quelqu'un ne me suit pas dedans. Le soleil est à son zénith et je n'ai toujours rien trouvé. Je décide de m'arrêter manger un sandwich. Assise sur un trottoir je vois un couple un peu plus loin. Pas spécialement riche, mais la femme porte très négligemment un sac à main qui peu valoir un minimum. Au moins ça m'évitera de perdre la journée. Je finis mon sandwich puis commence à la suivre de loin. Ils s'éloignent un peu des zones les plus fréquentées. Coup de chance pour moi, je connais à peu près la zone. Je suis prête à parier également que je peux les distancer sans trop de problème. Je me décide et je pique un sprint. La gueuse rigole. Je passe comme une folle à côté et je saisi son sac. Elle ne résiste pas vraiment. Son homme tente bien de me suivre, sans succès. Je passe dans une ruelle, escalade une poubelle, puis un petit muret devant et il n'a toujours pas rejoint la ruelle. Pauvre de elle son sac est perdu. Je cours encore quelques minutes, puis je m'arrête dans un lieu à l'écart pour faire l'inventaire. Un porte monnaie, du rouge à lèvre, quelques petites babioles sans importance... Le porte monnaie n'a qu'à peine de l'argent. Je le mets tout de même dans ma poche, je vire ce qui ne me sert à rien dans la première poubelle et j'enfourne le sac et ce qui pourra être vendu dans mon sac à dos. Le liquide paiera le repas de ce soir. Enfin, ce n'est pas une grosse prise et il m'en faut une. Je décide finalement de reprendre ma recherche, en évitant le quartier que je viens de quitter, par précaution. Dans cette situation, je vais devoir tenter de jouer la pickpocket.

Je retrouve une rue commerçante et je me concentre. Quelques minutes après le début de la recherche je trouve un homme, assez intéressant. Il est bien habillé et porte sur lui une certaine richesse. Bingo. Allons-y. Je sors de ma poche un petit bouquin que je lis. Une bonne excuse pour le bousculer légèrement. Je mets ma capuche, puis j'avance. Je finis par le croiser, je le bouscule légèrement et lance ma main vers ses poches. Dès que j'aurai cet objet... Je m'excuserai, puis continuerai avant de me barrer en courant, sait-on jamais.

Mon cœur accélère. Tandis que ma main s'engouffre rapidement dans la poche de l'homme que j'ai bousculé, elle ne parvient pas pas à sen échapper. Merde. L'homme se tourne vers moi. Non content de me dépasser, ses lunettes et les traits de son visage ne m'inspirent aucune confiance. Je déglutis. Autour de nous le monde ne s'arrête pas, certains se demandent brièvement ce qu'ils voient, sans que qui que se soit ne tente de se renseigner. Le bref moment de silence ne me rassure pas. J'imagine tout pleins d'hypothèses sur ce type, puis je commence à paniquer. Ma main libre, par réflexe, se porte à ma ceinture. Mon arme est là. Est-ce que c'est le moment de la sortir ? Un bref coup d’œil autour de moi me confirme que non, ce n'est pas le moment, mais alors pas du tout. Brandir une arme au milieu de la foule n'est pas malin, surtout quand c'est moi qui suis en tord. Les paroles de l'individu que j'ai bousculé me sortent de ma torpeur.

Apparemment ce n'était pas une bonne idée d'essayer de le voler. Je manque de chance ? Peut-être. Mais je n'ai pas vraiment envie d'y penser là tout de suite. Tandis qu'il continue de me fixer au travers de ses lunettes il me demande si je travaille souvent ce genre de petits manèges. Je ne sais quoi lui répondre, j'ai beau avoir du bagout il sera difficile de nier, j'ai toujours ma main dans sa poche. Je tente, vainement, de la tirer de là. Si seulement... Si seulement je pouvais l'extirper de là, alors je pourrais m'enfuir, vite et loin. Il ne m'inspire clairement, mais alors clairement pas confiance. Et alors que les secondes s'écoulent, je reste muette. Impossible de trouver une excuse maintenant, si une solution. Je me sens bloquée, prise au piège, je déteste ça.

Mon regard se baisse, ma main ne peut pas bouger. Et ce type attend une réponse. Que puis-je faire, que puis-je dire. Je me suis rarement retrouvée dans une telle situation. La dernière fois j'ai frappé l'entrejambe puis j'ai fuis. Mais vu les réflexes de ce type, je me dis que l'idée n'est pas la meilleure que je puisse avoir. Pour l'instant, autant attendre, tenter de s'en tirer par l'habilité à utiliser le verbe. Hélas pour moi, nier ne me sera pas utile, alors autant tenter quelque chose d'autre. Je tente de me calmer, histoire de ne pas avoir l'air d'une enfant paniquée lorsque je lui répondrai.

« En général j'ai mieux qu'un livre. »

Je mime, avec plus ou moins de succès, quelqu'un ayant une certaine assurance, une certaine flegme en lui répondant. Avec un peu de chance, je pourrais me créer une occasion et me barrer d'ici à toute vitesse. Reste à savoir si il essaierait de me suivre. Et puis merde, c'est qui ce type au juste, des réflexes comme ça on en voit pas tous les jours ! Les questions se bousculent dans ma tête, mais je préfère les garder pour moi. Ça n'arrangerait pas plus ma situation. Je me motive à le fixer dans les yeux, histoire de me donner une minimum d'assurance. Puis je continue.

« C'est bon, je peux y aller maintenant ? »

Je prends une pose agacée, comme s'il jouait avec un temps qui m'est précieux. Ce n'est pas complètement faux. Pourtant sous ce masque que j'essaye de me donner, je suis presque à la panique. Je préfère éviter de me faire trop voir en publique et en plus ce type n'a pas l'air très amical. Je tire encore un peu, par empressement, sur mon bras. Je teste un peu plus sa poigne, savoir si j'ai moyen de la forcer d'un coup sec. Je ne suis vraiment pas rassurée à l'idée de passer plus de temps face à ce type. Et peut-être encore pire... Oh non, mieux vaut ne pas y penser. Avec un peu de chance il me laissera partir. Quoi que le ton qu'il avait et les traits de son visage ne vont pas vers cette possibilité. Et merde. Je regarde encore autour de moi, observant la foule. Peut-être que quelqu'un réagira en voyant une jeune fille attrapée ainsi par un type... Plus vieux. Pourtant le monde autour de nous ne réagit pas.

Je suis proche de paniquer, ce type est vraiment flippant. La journée qui avait commencé moyennement prenait une tournure encore pire. Je n'avais aucune idée de comment allait se finir cette rencontre, mais ce qui était certain c'était que ce dénouement ne me semblait pas très réjouissant. J'avais de plus en plus de mal à garder cette façade calme. Sortir mon arme était tentant, mais avec la foule autour l'idée me semblait plus catastrophique qu'autre chose, alors autant éviter de faire paniquer une foule qui n'apprécierait probablement pas mon rôle de voleuse. Je n'étais clairement pas prête à tirer sur un être humain non plus. Frapper, oui. Voler, oui. Mais tuer, abattre volontairement ? J'en doute. L'air terrifiant de ce type me laissait penser qu'il ne serait en revanche pas trop intimidé par juste la vue d'une arme. Rapidement je chassais de mon esprit ces pensées, mieux valait ne pas y songer.

Finalement, lassé de me tenir au milieu de cette rue, il passe son bras autour de mes épaules, sans pour autant lâcher ma main. Puis il me mène dans une ruelle proche. Ma main toujours prise au piège je tente bien vainement de me dégager à nouveau. L'individu face à moi à une force bien supérieure à la mienne. Mais soit, dans une ruelle je pourrais sortir mon arme et en profiter pour dégager d'ici. Un petit plan né dans mon esprit tandis que je le suis, en opposant une résistance moindre plus la distance passe. Ce type me fait vraiment flipper, je me motive tant bien que mal. Tant pis, avec un peu de chance il ne mourra pas sur le coup. Je respire, je me calme. C'est bien la première fois que je m'apprête à faire ça. Je n'aurais jamais cru paniquer autant en me faisant attraper. Je n'aurai jamais cru me faire attraper dans un premier temps. On arrive dans une ruelle proche et on s'enfonce dedans. La foule se fait distante et les tumultes du passage réduits. Très bien, le moment est venu.

Je plonge ma main vers ma ceinture, pour attraper une arme derrière que je ne pensais pas devoir un jour utiliser. Au moment ou ma main arrive au niveau de mon bassin, l'homme sort ma seconde main de sa poche et la plaque contre le mur, m'entraînant au passage. Surprise et toujours incapable de le battre en force brut je me retrouve avec la main plaquée dans le dos. L'angoisse me gagne encore plus qu'auparavant. Les mots de l'individu face à moi m'inquiète encore plus. Je dois me faire pardonner... Il a une idée. Mon cœur s'emballe toujours plus. J'ai presque l'impression qu'il cherche à s'échapper de ma poitrine. Je ne sais que faire. Je force sans pouvoir m'échapper. Mon masque d'assurance se brise petit à petit.

« Je... Je suis désolée... »

Il semble presque s'amuser de la situation dans laquelle il me met. Moi je me débats comme je peux pour échapper à ce type. Le problème de la panique, c'est qu'on en perd sa capacité à réflechir et à agir rationnellement. Je n'ai jamais fais exception. Plutôt que d'agir calmement, je tentais à nouveau de me débattre, de sortir mon arme et de tirer. Malgré ma persévérance je ne put me défaire à temps de l'emprise de ce type. Il ôte ses lunettes et me fixe droit dans les yeux. J'ignore ce qu'il fait. Son regard change, se mue en un air noir et dangereux. Tous mes sens me hurlent de bouger, sans que je ne puisse m’exécuter. Je comprends alors. Mon corps devient lourd. Je veux hurler, sans succès. Je veux bouger, sans succès. Se retrouver spectatrice de sa vie, probablement l'une des pires choses que j'aurai put imaginer. Une larme seule vient prouver que je vie encore. Elle s'écoule le long de ma joue tandis que je rêve de me défaire du mauvais sort et de courir loin d'ici. Pour un peu je demanderai à avoir l'angoisse que j'avais plutôt, au lieu de cette torpeur dans laquelle je me retrouvais plongée.

Ce monstre face à moi me terrifie... Je ne sais que faire, je suis plongée seule dans une torpeur infernale. J'ignore combien de temps s'écoule... Des secondes... Des minutes... Des heures ? Je n'en sais rien. J'ai peur, juste peur... Sans moyen d'agir, de fuir ou de se battre. Je suis coincée avec ce sentiment atroce d'impuissance et de terreur. Le pire est probablement là, je ne peux rien faire. J'ai beau insister, mon corps refuse d'obéir. Maudit soit ce type et ce foutu pouvoir... Merde, qu'est-ce qui va m'arriver après-ça ? Qu'est-ce que cette créature me veut maintenant ? Et... Est-ce que je pourrais apprendre de mes erreurs ? A la peur se mêle désormais le doute, force implacable contre laquelle je ne peux lutter.

Je reviens doucement à moi, le type a remit ses lunettes. Hormis la peur, je n'ai aucune vive douleur, je ne ressens rien de physique... Il a simplement voulu m'effrayer ? C'est réussi, saloperie de psychopathe ! Tant pis, je vais franchir le pas, pas question de rester plus longtemps à regarder ce salaud, pas question de lui laisser une autre occasion de... De faire son truc. Je reviens doucement à moi, je sers mon arme dans mon dos. Je dois juste lui poser sur le torse et appuyer sur la détente. Aller, ça va aller.

Alors que je me prépare à tirer sur la créature qui me fait face, je sens sa main dans mon dos. Il fait quoi encore ? Puis je sens sa poigne sur mon arme qu'il m'arrache des mains. Je ne suis pas encore vraiment rétablie tandis que je le vois ranger calmement mon arme dans sa poche. Saleté, c'est à moi ça ! Je me redresse péniblement, puis je ne sais pas quoi faire. Je peux m'enfuir ? Ou il veut encore m'emmerder ? Et puis... Elle est à moi cette arme ! Bizarrement depuis le temps que je l'ai j'ai appris à m'en servir comme un point de repère, une figure rassurante. Je tomberai pas dans la stupidité que c'est tout ce qui me reste de mon paternel, mais c'est simplement que dans la vie que je mène avoir une arme à feu c'est sacrément utile, même si je ne l'ai jamais utilisée.

Il relâche un peu sa prise sur mon poignet, puis me fait une étrange proposition. Une pâtisserie ? Après ce qui vient d'arriver ? Il se fout de moi ? Et puis... Est-ce que j'ai vraiment le droit de refuser ? Je ne suis pas certaine. Je déglutis. J'aimerai me barrer loin de ce type, mais il faut bien admettre qu'il me colle une peur bleu. Je ne sais toujours pas quoi penser de sa proposition, mais il faut mieux jouer dans son sens. Histoire d'éviter les mauvaises surprises. Je tente de reprendre, avec difficulté, mon sang froid. Mon cœur bat toujours la chamade et je rêve toujours de me barrer loin d'ici.

« Seulement si tu paies. »

Bah quoi ? Hors de question de gaspiller le peu d'argent que j'ai récupéré dans une pâtisserie avec un être aussi exécrable que celui-là. D'autant plus que je ne suis pas certaine de la finir, si je peux, je me barre avec mon flingue. MON flingue. Mais ne soyons pas fou, inutile que je tente un truc ici, il a toujours l'air d'avoir un œil sur moi et je n'ai pas vraiment de moyen de le prendre par surprise comme ça. Mieux vaut donc être plus maligne que lui.

« Et je peux récupérer mon arme ? »

Sait-on jamais. Après tout, c'est la mienne.