« Enfin », je signale le fait qu'il consente à ne pas être spécialiste sur un point – et oui je peux parler, et je vous emmerde avec tout mon côté princier ok ? « La branche principale, on ne rigole pas avec ça dans ma famille. C'est très important, et c'est pour ça que je suis toujours l'héritier malgré pas mal de... »

J'aurais dit « conneries » en temps normal, mais je parviens à me tempérer, à peu près.

« Travers. »

Je le foudroie du regard à sa complainte foutage de gueule :

« Foutez-moi la paix et défoncez cette porte avec vos muscles à défaut d'autre chose. »

Quand il regagne son calme, je perds le mien, et ça ne me plaît pas beaucoup. J'ai soudain l'impression d'être piégé dans cette pièce trop petite, alors qu'avant ça allait très bien, et si ça continue je vais faire une de ces attaques de panique dont j'ai le secret, j'aimerais autant que ça n'arrive pas avec lui dans les parages.

« Je suis en colère à cause de vous. Vous n'arrêtez pas de juger et ça me gonfle. »

En fait, c'est au-delà de ça, mais je n'ai pas vraiment les mots à présent pour l'expliquer. Je m'écarte de la porte, la posture un rien moins décidée, histoire de le laisser charger avec son absurde force sans doute égale à sa longévité.
Merde, j'ai la respiration qui commence à siffler, et je sais que ça ne va pas aller en s'arrangeant. L'odeur de la cigarette me tourne la tête d'un coup, et je sais que c'est ridicule parce que je suis grand fumeur aussi, mais c'est pas moi qui décide.

« Fais-moi sortir de là s'il te plaît », je reprends, en oubliant toute forme de politesse, la panique envahissant d'un coup mes veines, et si putain c'est Olga qui nous a enfermés, elle devait se douter que ça se terminerait comme ça.

Je ferme les yeux, essayant de contenir une monstrueuse vague d'angoisse.

Ce qu'il m'arrive mon gars, c'est quelque chose de pas cool, de vraiment pas cool, et je la souhaite à personne. J'essaie désespérément de reprendre le contrôle de ma respiration mais c'est plus difficile que de monter Empereur quand des juments en chasse ne sont pas loin, et si j'enregistre sa réponse – il nous a enfermés ici à dessein ?... – je n'arrive pas à y réagir comme il le faudrait.
Il faut dire qu'une respiration qui siffle autant n'aide en rien pour ce qui est du quotidien. Le hurlement de ma mère a pour réponse une détresse respiratoire encore plus grande et au lieu de me tirer du boudoir je me pelotonne dans un coin.
Je ne veux pas la voir maintenant, surtout pas, il faut que je parvienne à me calmer avant.

« Referme, referme ! »

Oui c'est compliqué d'être noble, mais il n'y a que dans ce genre d'occurrence que j'arrive à exprimer à quel point, et je suis assez bien placé pour savoir qu'elles ne sont pas saines du tout ; l'impression de pouvoir mourir d'un instant à l'autre n'est franchement pas agréable.
Je parviens toutefois à remettre la main sur un semblant de normalité, en me pinçant le poignet à un endroit où mon costume le cachera, et je finis par respirer normalement, assis dans un coin du boudoir avec l'impression qu'un cheval de compèt m'a marché dessus, a fait demi-tour, et s'est assuré que j'étais bien martelé.

« Alors, vous voulez être seul avec moi ? » je tente, avec un fantôme de rire aux lèvres. « Une grande réussite. »

J'aurais bien aimé ne pas taper ce genre de crise en face de lui, mais c'est trop tard.

Dans le calme douceâtre qui n'en est pas un après ce genre de crise, je parviens à lui répondre, avec un ton détaché qui n'est pas celui que j'emploie habituellement, je lui réponds, recroquevillé derrière mes genoux comme un enfant qu'on menace de punition.

« Parce que vous m'auriez cru ?... »

Personne ne me croirait, je passe tellement de temps à faire chier le monde et à tenter d'être digne de ma lignée que ce genre de manifestation est totalement hors de propos et hors du personnage que je me suis forgé à force.
Le souci c'est que quelque chose de plus sensible, qui vient de rejaillir superbement d'ailleurs, couve sous le braise. Je veux bien lui donner mes mains, affronter la clarté de son regard, sans savoir ce qu'il veut faire, j'ai un léger tressautement à la différence entre les températures de nos mains. Et je n'ai d'autre choix que me laisser porter.
Ma respiration sifflante et encombrée laisse place à la puissance d'Empereur quand il décide de piquer un galop dans les champs, l’exiguïté de la pièce devient un champ interminable, et je sens presque l'impression de puissance d'un cheval au galop et heureux de l'être entre mes jambes alors qu'il – je le sais – fait fonctionner ses pouvoirs sur moi.
Bientôt je respire normalement et la scie de l'angoisse éloigne ses dents redoutables. Je cligne des yeux, le regard toujours plongé dans le sien, et je sors, de but en blanc :

« J'ai vraiment envie de toi. »

Mes doigts se serrent contre les siens, en manière de vérité, parce que c'est ce que j'aurais sorti de plus vrai aujourd'hui hormis mon début de crise d'angoisse.

J'ai à peine le temps de me dire que c'est un beau gâchis qu'il répare tout ce qui n'allait pas, et que je me retrouve pulsant d'énergie inutile devant lui. A vrai dire il n'arrange rien en m'embrassant les mains comme si j'étais une princesse de haut rang – un prince oui mais ça marche pas comme ça.

« C'est pas le choc mental », je parviens à marmonner, luttant contre mille émotions dont certaines qui ne sont pas les miennes, ce qui est particulièrement étrange à débrouiller.

Je parviens à m'en dépêtrer parce qu'il paraît que j'ai une volonté de caractère – ouais on dirait pas une fois que j'ai fait une crise d'angoisse juste parce que je suis enfermé dans un boudoir trop petit destiné à la moultième belle-fille Kourakine dont tout le monde se foutait.

« Non. »

Ce mot je l'ai jamais lâché depuis la période du non quand j'étais très petit, et il a toujours une très grande importance pour moi. J'en ai rien à foutre de me faire mal – je me répète mais mon métier c'est de foncer vers des obstacles fixes sur le dos d'un bourrin –, j'en ai rien à foutre de risquer ma vie, je veux j'aurais.

« Tu as dit que tu avais du désir », j'arrive à me relever maladroitement, m'avance vers lui, l'envahis de ma silhouette mince, « fais-le alors. Je veux. »

J'atterris sur ses lèvres comme un oiseau de mer sur une île, les doigts crispés dans le tissu de son uniforme relâché qui me remue quelque chose dans le ventre depuis tout à l'heure.

Je n'ai aucune honte à avouer que je me presse contre lui le plus animalement du monde, à la recherche de chaleur et de contact, et que j'ai du mal à me détacher de lui quand il me l'intime, me reculant juste un peu.
Le miracle d'une fleur dans l'amas de ses muscles durs et entraînés se fait jour, et je me calme un petit peu, tout en assurant ma position sur lui, me calant à cheval sur lui.

« Ooh. »

Je n'avais vu ça, parce que les créatures sont soigneusement bannies de l'univers Kourakine, et la fleur a l'air si douce, et si timide, je baisse le nez vers elle pour la humer avec délicatesse. Elle me semble avoir une odeur toute particulière, que je n'ai jamais connue ailleurs, et je n'ose d'ailleurs pas la caresser, m'accrochant plutôt à l'épaule de Niilo. Je relève vite le nez pour avoir d'autres baisers, glissant la main dans son pantalon dans un mouvement qui ne m'est clairement pas inconnu. J'ai bien compris l'avertissement qu'il m'a donné, plusieurs fois même, mais je ne veux pas m'arrêter.

Je m'écarte un peu, démontant de ses genoux pour virer mes propres fringues ; j'étais sérieux quand je disais avoir envie de lui, et j'attire sa main sur moi, dans un soupir avorté.

Je suis familier de ce genre de scène, même si Olga ne préférerait pas, je ne suis malheureusement pour elle pas l'héritier dont elle rêvait. Niilo s'invite entre mes jambes en les écartant d'un coup de genou, une indication que je suis volontiers ; je suis bientôt allongé sur les tapis avec lui au-dessus de moi, et la crise d'angoisse n'est plus qu'un lointain souvenir.
Je veux qu'elle soit encore plus loin que ça alors je lève une main pour dénouer sa chevelure strictement retenue dans un chignon ; les mèches de cheveux blondes m'auréolent bientôt de partout et je cale les talons contre ses mollets dans un soupir content.
Qu'il continue et ne s'arrête surtout pas.
J'ai une main prise dans les mèches de ses cheveux qui exercent un pouvoir comme magnétique sur moi, mais l'autre se fraie un chemin timide jusqu'à sa poitrine. Je touche distraitement presque un téton, remonte, et administre une caresse tout en délicatesse à la fleur qui orne son torse, pour faire connaissance, étirant la nuque en arrière, à l'aveugle.

Il n'a rien de commun avec mes amants habituels – je vais plutôt chasser du côté marsiliya et humain, moi – mais la caresse que j'administre à la fleur occasionne une réaction plus qu'intéressant, et je veux bien apprendre quand il me montre comment faire. En fait je ne départis pas de mes gestes doux quand il me pénètre, alors même que ça fait un mal de chien parce qu'il n'a rien à voir avec aucun homme avec qui j'ai déjà fait ça.
J'ai un gémissement interminable, les doigts caressant la fleur alors que ceux de l'autre main s'enfonce dans son épaule et que je crispe les paupières en essayant juste, d'accepter ce qu'il m'arrive.
Quand j'y parviens enfin, au bout d'une éternité de battement de cœur, je me sens parfaitement bien et ondule sous lui en me brûlant sur le tapis que des milliers d'ancêtres avant moi ont foulé. J'en ai rien à foutre des ancêtres à ce moment-là, c'est de leur faute collective si je me tape des crises d'angoisse à des moments inopportuns et à ce moment-là j'ai aucune envie d'en faire une. Mes index et majeur dessinent un pétale, et je serre les jambes dans un spasme.

« Vas-y », je réclame, avant de trouver ses lèvres dans un mouvement quasi réflexe.