La nuit éternelle se levait enfin sur sa tête qui pesait peu, ce soir, dans la balance de ses choix. La nuit éternelle planait sur son crâne, endormant raison et logique, exacerbant rêves et illusions. Personne ne se surprendrait donc de sa position. Là, dans l’ombre, il jouait l’illusion de sa carrure massive. Garde du corps pour un soir, l’immense Shad suivait son protégé sans songer un instant à l’endroit où il posait les pieds.
La vigilance s’imposait et pourtant Shad avait oublié qu’un idiot avait pensé à mettre sa vie entre les mains d’un être incapable de gérer la sienne. Lui se fichait bien de perdre un bras, un œil, une âme. Un éclair de lucidité lui soufflait de temps à autre, de plus en plus rarement cependant, que la dépression le rendait con.
Cette petite voix dans sa tête peinait à se faire entendre. Entre la musique forte, les effluves étranges et le manque de sommeil, Shad fonctionnait par habitude. Mettre un pied devant l’autre, afficher une tête de taulard prêt à égorger pour une cigarette. Tirer un tronche pareille ne demandait que peu d’effort. Il avait le costume adapté. Son jean semblait plus vivant que son propriétaire lui-même. Quoiqu’il ne paraissait plus en avoir pour longtemps. Elimé, il criait presque à l’agonie, froissé comme s’il sortait de la gueule d’une vache. La vache en avait eu une sacrée indigestion puisqu’elle avait rejoint le jean sur les épaules du même bonhomme. Les vestes en cuir lui donnaient un genre. Celle là, il en prenait grand soin, lui accordant une affection particulière. Les mains dans les poches de la vache, donc, jouaient avec un briquet d’un côté, un poing américain d’un autre. Vie de merde.
Pas un mot ne venait troubler son personnage. La tignasse en pagaille qu’il arborait parlait pour lui, de toute façon. Chaque mèche hurlait qu’on lui foute la paix avant de s’étaler mollement sur le cuir chevelu, cette fois. Le regard vide, fixe et morne tombait sur l’horizon sans jamais s’y accrocher. S’il n’avait pas eu la tête vide pour aspirer cette paire orbes, nulle doute qu’elle serait tombée. Lui, ressemblait plus à mort vivant qu’un draugrs lui-même. Le doute animait quelques têtes autour jusqu’au soupir que lança le principal concerné. Les yeux s’animèrent une courte minute à la recherche de son ami, protégé ou le type suicidaire qui marchait un pas devant lui. Il fallait bien ce trait de caractère pour choisir Shad comme garde du corps, ou comme connaissance et ami. Il était toujours là, peut-être même qu’il parlait. Un grognement et la réponse conviendrait. Comme un ours, il hibernait pour garder son énergie pour la belle saison : baston et autres moments agréables dans le genre.
Sam 27 Juil - 21:40
Alyosha Kourakine
MONSTER UNDER YOUR BED
Impétuosité : 138
Si ce soir je suis de sortie, c'est pas exactement pour la soirée qui a été organisée dans un bar dont la déco ne vaut pas celle de l'Illuminé ; la soirée se veut chic mais pour qui est habitué à fréquenter la noblesse dans mon genre, les détails clochent et sous les vêtements brillants on sent vite la bourgeoisie aisée mais qui ne sera jamais acceptée plus haut. La vie est injuste, oui... Je viens donc parce qu'ils ont organisé un tournoi de cartes payant, et c'est quelque chose dont je suis particulièrement friand. Ma mère, l'inénarrable Olga, veut depuis l'accrochage aux écuries avec les officiels du gouvernement, que je sorte toujours accompagné d'un garde du corps comme si ça pouvait m'empêcher d'être chiant et déclencher les foudres des gens. Moi je pense que ça ne changera rien, mais bon... J'ai demandé à Shad de m'accompagner, c'est encore celui en lequel j'ai le plus confiance même avec sa gueule de déterré. Aujourd'hui ne fait pas exception, et je me tourne vers lui, un verre d'un cocktail basique en main pour le détailler.
« C'est con, vous seriez vachement séduisant si vous acceptiez de vous peigner les cheveux et de mettre un costume plus flatteur ! … »
Oui totalement je parle pour moi et pas pour les donzelles : mais je pense que ni l'un ni l'autre ne l'intéresse de toute manière.
« Allez venez, il faut que j'aille montrer patte blanche. Bonjour Piotr », je salue un type aux allures de nomade sibérien, qui garde une porte dérobée. « Comment va ta fille ? »
Si je suis l'incarnation du noble pète-couilles, je suis aussi capable de m'intéresser sincèrement aux gens... Surtout si j'en retire un intérêt. Piotr me raconte vite fait les exploits de la petite de 3 ans, qui semble révolutionner le monde de son père en faisant exactement comme tous les humains depuis des millénaires, et j'ai un sourire.
« C'est bien. »
Il nous laisse ensuite passer et un mur presque physique de fumée nous frappe, alors que quelques regards se relèvent vers nous par-dessus des jeux de cartes.