Tu frémis lorsque sa bouche se glisse dans ton cou, là où ta peau est particulièrement sensible et où le plaisir se réverbère dans tout ton corps. Tu continues de chercher ses lèvres, lui offrant ton cou et ta mâchoire, t’éloignant presque à regret mais pour lui rendre le plaisir qu’elle t’offrait. Tu remontes avec plaisir, mêlant ta langue à la sienne, goûtant de son corps. Tes mains s’éloignent de son corps pour s’ouvrir à elle, tu te dépêtres dans les tissus, te libérer pour t’offrir à ton tour, plonger en elle, peau contre peau. Un rire étouffé t’échappe à sa remarque, tu glisses tes lèvres, râcles sa peau de tes incisives.

Tu lui agrippes les cuisses pour l’attirer tout contre toi, tes hanches pressées contre les siennes, le bonheur présent, la hâte se faisant ressentir dans les mouvements de tes reins. Une main pour toi et l’autre continuant de l’agripper, tu te dépêtres pour sortir tes jambes du pantalon, l’empressement te fait hésiter, à te débarrasser de tout. Tu calmes cette impatience par un autre baiser, vos deux corps l’un contre l’autre, elle toujours sur le comptoir. « Dans ma veste, j’ai… » Tu t’arrêtes un instant, ton souffle chaud contre sa peau. « Protection. » Mortifié de t’arrêter ainsi, prêt à aller jusqu’au bout, la pensée lucide qui te travaille et te perce.

« Je veux bien ce verre. » Que tu murmures après t’être sommairement rhabillé, de quoi laisser en paix ta pudeur. Si Atalia n’avait rien à envier à de nombreuses créatures niveau charmes, tu n’étais pas sûr d’avoir autant d’amour propre qu’elle. Tu laisses la ceinture tranquille mais tu as remonté ton pantalon et enfilé grossièrement ta chemise tâchée. Tu te permets cependant un baiser dans son cou, suivi d’un « Merci. » Lâché dans un souffle. Une main frôle son bras, son dos mais ne s’attarde pas plus bas, par politesse ou parce que, repu, tu ne souhaites pas la gêner malgré l’ouverture de son corps. Ou parce que tu étais impressionné par ce petit bout de femme qui savait visiblement ce qu’elle voulait pour elle-même. Tu portes à tes lèvres le verre servi précédemment et tu pèses le pour et le contre de sa proposition. Malgré tout ce que tu peux penser de bien sur elle, tu n’as toujours pas vraiment confiance. L’étreinte de vos corps ne pèse qu’assez peu sur vos esprits et pourtant tu as déjà accordé ta confiance à des femmes que tu connaissais à peine plus. « C’est une jolie maison et c’était un joli jardin. Vous avez la main verte ? » Tu remontes les manches de ta chemise pour te mettre un peu plus à l’aise, un sourire plus crédible sur tes lèvres.

Tu souris sous la caresse, l’amour plein les yeux, la passion au bout des lèvres, tu les trempes dans le verre pour ne pas faire fuir la fée qui t’a accueillie chez elle cette nuit. Tu n’observes la raideur qu’avec un temps de retard. Est-ce que tu as merdé ? Tu fronces le nez, essayant de te souvenir de signes qui auraient dû t’inciter à partir. Tes yeux retracent les courbes de son corps, essaient de se souvenir des mots échangés mais rien ne te revient qui aurait pu (ou dû) vous arrêter. Elle se resserre et tu ne sais pas si tu dois la toucher ou la laisser ainsi faire son deuil de tu ne sais quoi. Puis elle reparle et tu fronces le nez, c’était donc ça l’embrouille ? Elle était malade ? Ton regard se fait moins aimable et ton sourire s’obscurcit peu à peu pour retrouver sa fausseté habituelle. Dans quelle merde est-ce que ce coup d’un soir t’a foutu ? « Une raison de santé ? » Tu passes une main sur ton bras et tu t’enfiles ce qui reste du verre d’un coup, tu reposes le verre sur le comptoir, tes yeux la fuyant un moment avant de revenir vers elle, toujours avec ce faux sourire. « Mh. Oui. » Tu lui fais signe de te montrer le chemin, tu enfonces tes mains dans tes poches, tu passes d’un pied sur l’autre, nerveux et inquiet, mauvais aussi et furieux de t’être laissé avoir. Pourtant tu t’es protégé donc elle ne pourrait rien te faire de mal, n’est-ce pas ? Ton sourire te revient peu à peu, pas la passion mais quelque chose de plus juste, moins de rancœur. « C’est un joli métier, herboriste. »

TTu doutes quand même. Qu’est-ce qui pourrait autant porter malheur et empêcher une herboriste d’exercer son métier convenablement si les soucis de santé n’étaient pas dangereux ? Une allergie peut-être mais en ce cas il valait mieux pour elle de changer de voie et se débarrasser de tout ce qui pourrait la faire souffrir. Tu ne réponds rien pourtant, te contentant d’un regard sceptique et d’un reniflement pour lui signaler que tu avais bien entendu, si ce n’est compris. Toujours nue, elle sort sans avoir l’air le moins du monde gêné par les plantes, la possibilité d’être vue ou la température. D’un regard amusé, tu la suis en t’arrêtant un instant pour observer ce tableau pittoresque dans lequel elle s’intégrait comme un lutin dans sa forêt. Sa position met en avant sa poitrine et tu louches un peu dessus avant de remonter vers son visage. « Je me découvre sans cesse de nouvelles allergies. » Te contentes-tu de répondre platement. Toutes les plantes que tu avais ramené à l’appartement t’avaient provoqué des crises d’éternuement et des yeux gonflés avant d’être étripés ou mangés par tes chats. « Mais je viens de la campagne. » Dire que tu l’as quitté vers tes 6 ou 7 ans n’était cependant pas la question. Ta famille venait de la terre, quant à savoir si tu te considérais plus comme rat des champs ou rat des villes … tu ne pouvais te targuer d’avoir une grande connaissance du monde extérieur aux murs de Moscou. Tu ne la rejoins pas tout à fait, restant sur le chemin délimité par les pierres. « Ta passion te réussit, à croire que tu sors d’un tableau comme ça. » Tu passes un index sous ton nez, retenant un éternuement que ton nez qui te piquait menaçait de relâcher. « C’est ici que tu produis ce que tu vends ? Ça te suffit ? » Une ville comme Moscou était immense et sa population s’entassait par centaines par immeubles dans certains quartiers. L’idée qu’un jardin, aussi grand soit-il, puisse suffire aux besoins d’une clientèle te semblait absurde mais d’un autre côté, beaucoup de personnes ne faisaient plus réellement confiance aux herbes et remèdes de grand-mère, y substituant les antibiotiques et autres médecines. Il devait bien y avoir encore quelques créatures anciennes et récentes qui s’y intéressaient réellement et quelques hurluberlus comme Atalia mais elle ne devait compter parmi ceux qui la suivaient que quelques fanatiques et désespérés.

Ta tête dodeline, assentiment ou juste signe de compréhension un peu fausse, tu observes la silhouette d'Atalia. De ton avis, elle s’est bien adaptée à la vie urbaine, sans pour autant que tu puisses réellement juger des mœurs de la campagne, tu l’as quittée il y a plus de 30 ans, maintenant. Tu souris au léger contact de ses lèvres contre ta peau, tes yeux s’étrécissent comme pour rejoindre les ridules provoquées par la risette. Ton regard se perd dans l’espace, pouvoir vivre et entretenir une telle maison dans Moscou avec une faible clientèle impliquait soit des prix prohibitifs, soit d’autres activités. L’idée qu’elle puisse hériter cette maison te semblait absurde avec l’affirmation d’avoir suivi sa mère hors de la campagne. Tes questionnements disparaissent cependant aussi vite qu’ils sont arrivés.

Il ne fait pas bon ton de se vanter d’être flic, surtout pas après les perquisitions et même si vous vous trouviez en dehors des quartiers dangereux, tu restais persuadé qu’une femme motivée, surtout avec un arsenal de possibles poisons, restait tout aussi dangereuse. Ton nez se frousse et tu cherches une façon d’éluder, de trouver une métaphore qui laisserait le temps au temps, de fuir les vérités car la triste vérité était que la vérité était triste. Ton travail était surtout devenu une source d’habitudes, un signe vague d’honneur que personne ne vantait pour toi ; ta mère n’était pas là pour s’en enorgueillir et les gens que tu fréquentais avaient le plus souvent l’autorité en horreur. Tu n’étais pas non plus un fervent justicier, plus amusé par les déboires et les erreurs que par la bonté humaine, elle te fascinait surtout par ses penchants et ses vices, comment et pourquoi les gens rendaient service. Par des actes impulsifs, souvent. Les actes impulsifs … un jour, tu irais vraiment fouiller dans la psychè de tous ces gens et tu verserais une goutte de doute, une étincelle de rage, une lichette de haine pour tout faire exploser. Un gloussement t’échappe et tu hausses les épaules. « Rien d’important. » Tu passes une main sur ta chemise tachée. « Je crois que mon frère aurait voulu que je fasse de grandes études. » Tu te frottes le nez avec la paume de sa main, tu as de plus en plus envie d’éternuer et tu te retiens de te frotter les yeux. « Je vais euh … » Tu es secoué par une série d’éternuements discrets et un juron t’échappe à la 4e récidive.

Tu préfères ne pas répondre, parce que tu n’as rien à ajouter et parce que tu considères n’avoir rien à partager de plus qui puisse rehausser l’humeur de la conversation. Ton sourire perd peu à peu de sa superbe, retrouvant l’habituel risette sans affect qui trône habituellement sur tes lèvres. « C’est gentil. » Pourtant, tu n’insistes pas pour qu’elle te fasse goûter. Tu ne saurais même pas comment l’utiliser. Est-ce que ça s’ingère par cuillères ? Est-ce que ça se mélange dans des aliments ? Est-ce que ça s’infuse ? La question perle au bout de tes lippes sans jamais les dépasser. Peut-être est-ce par fierté, tu n’as pas envie de passer pour plus idiot ou juste parce que les questions sur l’ingestion de poison n’aurait qu’à la poursuite d'un intérêt purement professionnel et non personnel.

Tu la suis à l’intérieur et tu cherches tes affaires des yeux, rabaissant les manches de ta chemise, refaisant les boutons, enfilant ta veste. « Merci pour la soirée. » Tu ne lui fais pas l’affront de te trouver une excuse ; le travail tôt, les enfants, la fatigue, les chats. Tu préfères plutôt être fidèle à toi même et ne pas savoir quoi faire de toi-même et rester un instant, les bras ballants avant de lui offrir un sourire. « C’était vraiment un plaisir, j’espère que nous nous reverrons. » Que tu finis par lâcher, en te dirigeant vers la sortie, après avoir déposé ton verre dans l’évier. « Bonne nuit. »