Cela aurait pu être la peur qui se faufile sous la peau, obsession salutaire, éther des membres, bénédiction humaine ; mais il n’en est rien. Voilà longtemps que l’humanité s’est enfuie, l’un des nombreux salaires de la puissance de l’Emissaire des Ecorcheurs. Alors ce n’est pas la peur, non. C’est quelque chose de plus viscéral, de plus primitif. Ca rampe juste sous le derme, sans jamais s’arrêter, sans jamais sortir ; ça reste gravé à vie, tatouage perpétuel.
Ca se réveille, expulse.
Cage thoracique comprimée ; yeux révulsés ; muscles tétanisés ; cœur affolé.
JE MEURS !Instinct de survie.
LACHE MOI
LACHE MOI
LACHE MOI
Le cortex crache sur les synapses, les ventricules pompent air et sang tandis que derrière les paupières se délave un tableau impressionniste. Les pensées ne répondent plus, et l’irrationnel étend son règne sur la cendre de la matière grise. Les griffes se plantent dans la chair et Poroniec gesticule, appelle air et amour. Appel à la mort.
ENFOIRÉ DE TA MÈRE.
VA CHIER DÉGAGE
TU T’ES PRIS POUR QUI ?!La lumière blanche tricote quelques images déjà à emporter dans la tombe, de son fil de lueur immaculée. Et ses aiguilles déchirent la rétine, agressent les poumons et les tympans. Plus rien ne va, plus rien ne répond. Chicots tranchent la langue et le goût métallique du sang se répand sur ses muqueuses. Les éléments explosent, et le Vautoir croasse, ébouriffe son plumage dans la cage des menottes dorées.
Le temps est venu, ça y est ?Ses mémoires et ses esprits chialent, et luttent, et hurlent ; déjà ?
On s’amusait pourtant si bien, ensemble.Ainsi la Dévorante a joué suffisamment, Indrik s’est énervé pour asseoir sa toute puissance devant cette putride créature. Le visage se confond en formes et douleurs, gigantesque hématome, baiser mortuaire. Ainsi, les noces se déroulent, et l’horreur, prêtresse toute puissante, repeint les murs de ses échos terribles. Dans l’Église de son corps, mausolée du néant, les prières scellent l’éternité destructrice.
Vous jurez de la chérir, de la soutenir…Le blanc devient gris, le gris devient noir. L’orage s’abat sur la caboche.
De lui rester fidèle et de l’aimer…Craquement d’os quand enfin, Arsenic reprend son poison, rampe dans les ombres funestes, laissant écorchée dans les siennes, la silhouette de Milesia qui caresse le mur.
Dans le bonheur comme le malheur, dans les joies comme dans la peine…Le plafond s’éloigne et le sol se rapproche ; anathème. Coccyx s’écrase dans l’angle et la poupée désarticulée bave sang et haut sur la poitrine déchirée. Les os saillent, étirent la peau, poussent, cherchent, attrapent.
RESPIRE.
RESPIRE PUTAIN NOUS LAISSE PAS.
Et soudain.
Trois mots, formule magique.
Au nom du Père.Etirement grotesque, la tête (la terre) se désaxe, tourne et boule, s’écrase sur l’épaule, et le regard cherche mais ne voit plus. Stupidement, Milesia compte les lattes du parquet, dernier réflexe de vie.
Du fils.La palabre court, danse sur les synapses, étrangle le cortex, déchire l’hémisphère. L’univers se retourne, se révulse.
Et du Saint Esprit.Milesia cligne des yeux, une fois, deux fois.
Sourit.
« Tu vois, quand tu veux. »
Ricane, hoquette.
Et le corps, épuisé, lâche, pour cette fois. Le corps s’incline, salue un public imaginaire, s’écrase sur la scène dans une ultime catharsis, sous la lueur d’une lueur où dansent des grains de poussière.
AMEN.