Histoire

30 octobre 1997
Les doigts du jeune Elias Ivanov, âgé de presque dix ans, touche pour la première fois la crosse d'un revolver. Un nuage épais de fumé de cigarette envahis la pièce alors que les voix rauques des hommes présents ici résonnent dans la pièce, aucun d'entre eux n'a vu la tête brune d'un mètre quarante se faufiler dans leurs dos. Tous trop occupés à parler affaire personne n'a remarqué que le jeune Elias se trouve là, dans un coin de la pièce, à glisser ses doigts sur le revolver oublié sur le meuble.

Sa mère à l'étage s'affole déjà de ne plus trouver l'enfant turbulent, les portes des pièces s'ouvrent et se referment rapidement alors que la jeune Heather sort sa tête enfantine de sa chambre, réveillée par l'affolement de sa mère.

Dans la plus grande des discrétions, Elias serre entre ses doigts d'enfant la crosse du revolver qu'il se met à étudier sous toutes ses coutures. Très souvent il a entendu son père lui dire qu'il comprendrait lorsqu'il serait grand, mais le jeune Ivanov est lassé de ne pas être assez grand pour reproduire les gestes de son paternel. Arme en main il sent son cœur s'affoler et sa respiration s’accélérer, mais alors qu'il se sentait enfin un grand et qu'il ouvrait la bouche, tout sourire aux lèvres pour prononcer le simple mot « papa », une inspiration bruyante, comme un cri de stupeur se faisait entendre dans son dos.

« ELIAS IVANOV-GRAHAM. » La voix de sa mère résonnait dans la pièce.

Pris sur le fait accompli, le jeune enfant lâchait au sol ce qu'il tenait entre ses mains et tous les regards se tournait dans sa direction. Un long silence prenait place dans la pièce alors que le garçon déglutissait bruyamment avant de tourner son regard en direction de sa mère, aucun mot ne sortait de sa bouche et il valait peut-être mieux pour lui que ce soit ainsi au vu des cris de sa mère qui reprenaient.

Rapidement il sentait son bras se faire agripper par cette dernière et il tournait son regard en direction de son géniteur qui se tenait droit, à l'autre bout de la pièce un cigare à la main. Silencieux, le père de famille se contentait de suivre du regard la scène et lorsque le garçonnet tournait son regard vers le sien il le gratifiait d'un simple hochement de tête. La seconde d'après, Elias se trouvait hors de la pièce à l'odeur nauséabonde de tabac et la porte claquait derrière lui, ce qui lui faisait hausser les épaules se surprise.

« A quoi tu pensais en venant ici ? » La voix de sa mère, plus douce cette fois, ce faisait à nouveau entendre.

Elle s’agenouillait en face de lui en posant ses mains sur les épaules du jeune garçon, lui pinçait ses lèvres entre elles en haussant ses fines épaules. Le jeune Ivanov détournait le regard en fronçant ses sourcils, bien décidé à ne pas donner de réponse. Un soupire se faisait entendre de la part de la jeune mère alors qu'elle s’assouplissait quant à la situation.

« Elias, tu sais que ton père refuse que tu rentres dans la pièce quand il reçoit ses amis … Et moi je ne ... » La mère du garçonnet s'arrêtait de parler.

La jeune Graham avait remarqué que son fils gardait depuis quelques secondes les yeux rivés en direction du haut des escaliers, elle tournait donc son regard dans la même direction pour y découvrir le visage de la petite Heather qui ne manquait pas une seconde de la scène. La jeune femme se relevait et faisait glisser sa main contre la joue de son fils avant de lui indiquer dans un mouvement de la tête.

« Monte te coucher et dit à ta sœur d'aller dormir aussi. » Se contentait-elle de dire pour clore la discussion.

Elias ne se faisait pas prier et il tournait les talons, les sourcils toujours froncés et il gravissait les escaliers, l'air boudeur et contrarié de ne pas avoir pu montrer à son père qu'il était assez grand pour « comprendre ».


15 janvier 2007
La chaleur dans la pièce est étouffante, cela semble même impossible pour un climat en Russie. La seule lumière qui l'éclair est une ampoule pendue au bout d'un câble au milieu de la pièce, l'air ici bas est difficile à trouver et l'étrange chaleur de la pièce vide dans laquelle il se trouve amoindri les sens du jeune slave. La peau transpirante mais la bouche seiche de ne pas avoir bu un seul verre d'eau depuis vingt-quatre heures, Elias est attaché pieds et mains liées sur une chaise en bois inconfortable au beau milieu de la cave familiale. Sa tête ne tient presque plus sur ses cervicales, épuisé et déshydraté, il fixe le sol en tentant de calmer sa respiration haletante à cause du manque d'air.

Autour de lui, seul les pas de son père se font entendre ainsi que le « clic » d'un briquet qui allume une cigarette. Le tout suivi d'une longue inspiration ainsi que d'une expiration du même genre. Les doigts de son père viennent fermement saisir la mâchoire d'Elias pour le forcer à relever le regard dans sa direction, un geste qui ne manque pas de faire grimacé le jeune homme alors qu'il doit cligner des yeux à plusieurs reprises pour s'habituer à la faible lueur que fournis l'ampoule au dessus de lui.

« Comment tu t'appelles ? » Demande de manière sèche et ferme son géniteur.

Le brun déglutit avec difficulté en raison de la sécheresse indescriptible de sa gorge puis il entrouvre ses lèvres afin de donner réponse.

« Elias … Ivanov. » Répondait-il avec une grande difficulté.

Et avant même qu'il n'est le temps d'ajouter quoi que ce soit, les doigts de son père quittait sa mâchoire, il se pensait libéré mais la seconde d'après, le poing de son géniteur s'écrasait violemment sur sa joue. Si violemment que la chaise sur laquelle il se trouvait basculait et son corps allait heurter le sol. Un râle de douleur se faisait entendre de la part du jeune Ivanov dont le visage était crispé par la douleur. Tête contre le sol le brun était obligé de cracher son propre sang sur le sol, les gencive abîmées par le coup qu'il venait de prendre, il sentait la colère monter en lui face à toute cette douleur dont il ne comprenait pas la nécessité.

« Bordel de merde qu'est-ce que tu veux entendre à la fin ?! » S'énervait Elias en regardant son père qui venait de s’accroupir devant lui.

Le géniteur Ivanov fixait un instant son fils gisant sur le sol tout en tirant une longue taffe sur sa cigarette qu'il ne tardait d'ailleurs pas à terminer. Il gardait pourtant la fin de sa cigarette encore brûlante entre les doigts tout en reprenant la parole afin de rafraîchir la mémoire à son fils.

« Qu'as-tu répondu à ce foutu flic quand il t'as demandé ton prénom ? » Demandait le père sur un ton des plus cynique.

Elias, toujours au sol, se repassait les images d'une scène où il avait été arrêté par la police pour un simple excès de vitesse au volant. Quelques jours plus tôt, en rentrant d'une soirée trop arrosée, le jeune Ivanov avait été contrôlé par les forces de l'ordre, ivre et sous l'emprise de drogue il était sur la route du retour, bien au dessus de la limitation réglementaire. Inapte à reprendre le volant ce dernier avait été conduis au commissariat le plus proche et il avait décliné sa véritable identité, forçant ainsi son père à payer sa caution pour le faire sortir. En se rappelant de toute cette petite scène, Elias se mettait à soupirer, son paternel lui avait enseigner qu'il ne devait jamais révéler sa véritable identité aux forces de l'ordre, au risque de causer du tort à la famille. Un rire nerveux s'échappait finalement des lèvres du jeune homme alors qu'il relevait son regard, cette fois empli de défi, en direction de son géniteur.

« Va te faire foutre. » Lui crachait-il au visage.

Une réponse que de toute évidence le paternel Ivanov n'attendait pas et en guise de punition il venait écraser le mégot de sa cigarette contre la fine peau de la gorge du jeune Elias. Ce geste eu pour but de stopper le rire du jeune héritier qui se remplaçait rapidement en un léger râle de plainte. Le père d'Elias se relevait finalement et tournait les talons sans ajouter un mot de plus, il se dirigeait vers les escaliers en bois poussiéreux de la cave et entamait de les monter.

« Où est-ce que tu vas connard ? Tu pourras pas me laisser ici éternellement ! Reviens ici ! J'te crèverai quand je serais sortis ! » Tels étaient les propos d'Elias alors que son paternel remontait les escaliers.

La voix d'Elias devenait distante aux oreilles du chef de famille désormais en haut des escaliers, il éteignait la lumière et refermait la porte à double tours derrière lui avant de glisser la clé dans la poche de son pantalon, le tout sous le regard désapprobateur de son épouse.

« Il apprendra. » Se contentait-il de dire pour justifier ses actes.

La mère de famille quant à elle soupirait bruyamment et tournait les talons pour éviter un conflit qu'elle savait perdu d'avance.


13 juillet 2017
Le moteur de sa précieuse Range Rover se coupe dans une rue du quartier de Kitaï-Gorod, les phares se coupent et le silence s'installe dans la voiture. Elias jette un coup d’œil à la villa qui lui fait face, il la connaît par cœur, sa bande et lui son sur le coup depuis des semaines et aucun système de sécurité ne pourrait leur résister. L'aîné des Ivanov glissait ses doigts dans l'intérieur de sa veste de costume afin d'en sortir son paquet de Camel, il glissait l'une de ses cigarettes entre ses lèvres pour l'allumer à l'aide de l'allume cigare tout en tirant quelques lattes dessus. Il avait toute la nuit devant lui pour ce qu'il avait à faire mais cela ne semblait pas être le cas de son acolyte assis à sa droite qui s'impatientait et se sentait obligé de le faire savoir.

« Ivanov, tu comptes te bouger le cul ou passer la nuit ici ? » Lâchait la voix masculine de l'homme qui se trouvait à côté de lui.

Un soupire plus tard le brun ouvrait la portière conducteur et sortait de son SUV pour se diriger vers le coffre qu'il ouvrait dans la foulé. Rapidement rejoint par son acolyte du soir, qu'il aurait préféré ne pas avoir, Elias enlevait le faux sol du coffre pour laisser à la vue de qui passerait par là, les nombreuses armes dont il disposait. Cigarette coincée entre les lèvres, le slave faisait glisser ses doigts sur les quelques revolvers présents, hésitant, il portait finalement son choix sur le revolver qu'il avait l'habitude d'utiliser à chaque fois qu'il était en mission. Pendant que son compagnon du jour choisissait lui aussi son arme, Elias prenait le soin d'équiper la sienne d'un silencieux, juste au cas où, puis il refermait le coffre de la voiture avant de laisser le reste de sa cigarette tomber au sol pour l'écraser avec la semelle de sa chaussure vernis.

« C'est quoi l'plan ? » Demandait l'homme aux côtés d'Elias.

Elias qui verrouillait sa précieuse voiture, haussait ses larges épaules tout en emboîtant le pas en direction de l'immense villa dans laquelle se trouvait sa mission du soir. Il stoppait pourtant ses pas devant la porte d'entrée de la demeure pour se retourner vers son compagnon d'armes.

« Le plan est simple, tu commences par faire ton foutu taff en déverrouillant cette porte. Ensuite on trouve ce type … Igor Koslov, j'le liquide et on sera rentré chez nous avant même qu'il soit deux heures du matin. Quand j'serais chez moi, j'me fumerais un joint digne de ce nom avant de m'astiquer la queue pendant que toi, tu seras à des kilomètres de moi à me foutre la paix en fermant ta gueule. Ouvre cette porte. » Ordonnait Elias avec tout le sarcasme dont il savait faire preuve.

Évidemment suite à sa demande, le visage décomposé et fermé de son acolyte s'empressait d'aller déverrouiller la porte d'entrée de la villa. Elias apposait ensuite sa main sur l'épaule de l'homme pour l'empêcher d'avancer afin qu'il soit le premier à entrer, arme en main, le pas léger, le slave s'avançait dans la pénombre de la demeure en quête de l'homme que son paternel lui avait ordonné de liquider. Comme à chaque fois, le fils Ivanov n'avait pas posé de question et s'était contenté d’exécuter les ordres de son cher géniteur.

Se dirigeant vers l'étage, Elias jetais un bref coup d'oeil aux nombreux cadres qui se trouvaient dans la monté d'escalier, l'homme en question semblait avoir une famille, un détail auquel le fils Ivanov n'accordait pas beaucoup d'importance. D'ailleurs il reprenait rapidement sa marche vers la chambre de Igor Koslov, il en ouvrait la porte, arme en main, prêt à faire feu au moindre mouvement de trop, il plaquait son dos contre le mur adjacent afin de jeter un coup d’œil dans la pièce pour être certain qu'il n'encourrait aucun danger.

Bien sûr, la situation était simple, Igor Koslov était un vulgaire journaliste âgé de 50 ans et le père d'Elias ne lui avait certainement demander sa liquidation que pour protéger les affaires familiale. Dans la famille Ivanov c’est souvent comme ça qu’on masquait un article de journal compromettant, assassiner Igor Koslov semblait donc être une nécessité pour le patriarche de la célèbre organisation criminelle Ivanov. Cependant, alors qu’Elias venait de franchir, à pas de loup, la porte d’entrée de la chambre, revolver pointé en direction de la silhouette qu’il croyait apercevoir dans le lit, il tirait sur le drap afin de voir le visage de sa victime pour finalement se retrouver nez à nez avec un édredon. Il fronçait alors ses sourcils et avant même qu’il n’est eu le temps de se retourner pour alerter son compagnon d’infortune, le son d’un revolver qu’on armait se faisait entendre derrière lui et en une fraction de seconde, Elias se retrouvait avec le canon d’une arme collé contre l’arrière de son crâne.

« Un seul mouvement Ivanov et je repeins les murs de cette chambre avec ta cervelle. » Lui faisait comprendre la voix de son propre collègue.

Calme et impassible, Elias se contentait de soupirer face à la situation, il avait de toute évidence été conduit sur une fausse piste, comment, par qui et pourquoi ça il l’ignorait totalement, mais nul doute qu’aucun Igor Koslov se trouvait dans les parages à cette heure-ci.

« Jette ton flingue par terre. » Ordonnait son collègue.

Ivanov qui rechignait à poser son arme au sol sentait le canon de celle sur son crâne exercer une pression afin de lui faire comprendre qu’il devait se désarmer, sans avoir d’autre choix possible, le brun s’exécutait donc en laissant son revolver tomber sur le sol dans un bruit lourd. Il sentait ensuite son ex collègue devenu ennemi lui faire brièvement les poches afin de s’assurer qu’il ne disposait d’aucune autre arme sur lui avant de venir faire face au slave qui, pour montrer son intention de ne pas jouer les malins, levait les mains à hauteur de sa tête.

« Tu m’dis à quoi tu joues maintenant ? » Demandait finalement Elias à son collègue.

Ce dernier se mettait à rire alors qu’il maintenait le canon de son revolver pointé en direction du visage d’Elias qui ne laissait transparaitre aucune faiblesse.  L’homme en face de lui s’agitait de manière nerveuse et était peu à l’aise face à la situation, ça, Elias l’avait bien remarqué et comptait bien l’utiliser pour se sortir d’affaire.

« Tu sais combien j’suis payé à être ton larbin ? Mmh ? Tu sais combien moi on me paye à réaliser tous tes caprices pendant que monsieur se pavane dans les rues de Moscou la tête haute ? Bien trop peu Elias. En plus d’être payé une misère je dois supporter de travailler avec un connard cynique comme toi ? » Un rire nerveux se faisait entendre de la part de l’homme.

Elias de son côté arquait l’un de ses sourcils, était-ce possible que l’homme en face de lui ai perdu la raison pour s’amuser d’une telle situation ? Alors que l’héritier se perdait dans ses pensées, le revolver pointé vers son visage se rapprochait et l’homme qui le tenait en mains semblait se reconcentrer, il fallait agir rapidement.

« On m’a demandé de te liquider. En échange de quoi, j’aurais bien assez de fric pour partir vivre avec toute ma petite famille  aux Bahamas et … »

Elias ne laissait pas le temps à son agresseur de finir sa phrase.

« Tu seras mort avant même de sortir du pays si tu me tues. »

Le brun haussait ses épaules en disant cela de manière tout à fait sereine et détachée, cette sérénité semblait même agacer son agresseur qui se mettait en position de tir. Elias n’avait plus que quelques secondes pour agir avant de se retrouver sans cerveau, sans boîte crânienne, sans vie.

« Ferme là ! » S'exclamait son agresseur.

Sans hésiter une seconde de plus Elias se ruait sur l’homme en face de lui et en saisissait les poignets afin de diriger le canon de l’arme vers le plafond, un premier coup de feu, probablement dû à la surprise, se faisait entendre tant dis que les deux hommes tombèrent au sol. L’homme ne se laissait pas pour autant avoir et tentait de reprendre le contrôle sur son arme, une lutte de force s’entamait entre les deux protagonistes. Une lutte au cours de laquelle Elias manquait deux ou trois fois de se retrouver en position de faiblesse et puis, finalement, un coup de feu bruyant et assourdissant retentissait dans la pièce. L’un des deux hommes venait de perdre la vie.

Le cœur battant, les veines pulsantes, mains ensanglantés et visage moucheté par le sang encore chaud de sa victime, Elias reprenait son souffle et se relevait. Le slave glissait sa main dans la poche de son pantalon pour y trouver son paquet de Camel, il glissait l'une d'entre elles entre ses fines lèvres et l'allumait à l'aide de son briquet. Il inhalait longuement la fumée de cette dernière avant de l'expirer. Elias allait devoir trouver qui et pourquoi sa tête était mise à prix, le clan des Ivanov ne semblait plus être le seul à avoir le contrôle de la Russie.