Histoire

~  Eté 1992 (Naissance) : Un cri déchirant la pièce. Un premier cri poussé dans l'antre même de l'hôpital. Daeho est né. Le 6 Août 1992 à Séoul, en Corée du Sud. Jour normal pour le personnel hospitalier. Jour marqué par la naissance d'un nouveau être dans ce monde civilisé. Pourtant, quelque chose ne va pas. Quelque chose se passe, attend, prêt à foudroyer cette jeune mère d'une trentaine d'année, seule, abandonné par son amant qui a prit sa grossesse comme une trahison. Elle s'est battue jusqu'au bout pour cet enfant. Elle s'est battue jusqu'au bout pour en arriver ici, posant ses yeux sur cet être qu'elle chérissait tant. De la sueur coule sur son visage fin. Sa poitrine se bombe a chaque respiration saccadée et elle a grand mal à respirer mais elle sourit. Oui. Elle sourit, murmurant d'une voix faible, presque inaudible, étouffé :
- Daeho.... Ça sera ton nom. Mon garçon. Mon seul et unique garçon.

Derniers mots qui traversent ses lèvres gercées. Derniers mots avant que ses yeux ne se ferment. Trop épuisé pour continuer. Son coeur bat plus vite. Puis, plus lentement. Trop lentement. Son coeur s'épuise, sa respiration se bloque et il s'arrête. Purement et simplement tandis qu' elle sombre soudain dans les ténèbres. Daeho est seul désormais. Il pleure, crie. Il ne connaitra jamais son père ni sa mère en fin de compte. L’infirmière qui le porte, l'arrache aux bras ballants de sa génitrice, l'extirpe de cette pièce, l'emmène à l'écart. Et c'est ainsi que le jeune coréen fit ses premiers pas dans ce monde impitoyable, portant la marque d'une perte au plus profond de son petit être.

~  Printemps 2002 (Orphelinat) : Dix ans ont passé. Dix ans se sont écoulé et Daeho est devenu un jeune garçon désormais. La vie n'a pas été facile de son côté. Durant tout ce temps, il a été élevé à l'orphelinat. Ce n'était pas évident pour lui. Lui qui avait un côté sensible et timide au début. Mis à l'écart des autres. Tapé dans l'ombre par plus grand que lui. Daeho a du grandir vite et a dû s'endurcir. Il a du apprendre à se défendre seul. A riposter quand cela s'avérait nécessaire. D'un tempérament joyeux au début, il est devenu plus grincheux, plus solitaire au fur et à mesure des années qui passent, se poursuivent, se ressemblent, s'assemblent. Sa confiance n'est plus accordé aussi facilement et c'est ainsi qu'il sortit enfin de l'orphelinat pour découvrir sa première famille d'accueil. Loin de son pays cela dit. Loin de la Corée du Sud mais en Russie. Ce qui le change radicalement au point de l'emporter dans le mutisme. Colère silencieuse. Refus de voir la réalité. Refus de toute chose et air hautain, mutin, fermé s'inscrivant sur son visage fin. Il part tout de même pour cette vie qu'il n'a pas choisi. Il part tout de même sans rechigner mais avec la ferme intention de ne pas se laisser apprivoiser.

~  Printemps 2002 (Première rencontre) : Premier début difficile. Sa famille d'accueil est pourtant gentille, attentionnée, prévenante et préparée mais Daeho n'arrive pas vraiment à se faire une place ici. Il ne se sent pas chez lui. Il ne saurait comment l'expliquer mais il se renferme alors sur lui même. Il refuse de coopérer, de parler, de faire des efforts. Caractère bien trempé qui se dessine, se profile, s'anime et s'affirme. C'est un échec. Il retourne à la case départ. Il retourne à l'orphelinat, mais en Russie cette fois pour rencontrer par la suite quatre autres familles d'accueil tout aussi impuissantes face à lui.

~  Hiver 2007 (Sentiment refoulé) : Partir pour mieux revenir. Tel est son jeu désormais. Familles d'accueils qui défilent sans qu'il n'en trouve une à sa hauteur. Il parle mieux la langue. La langue qu'on lui a apprise, rabâché. Il a finit par se faire à cette idée. A ne plus voir un jour son pays d'origine. Il en oublie même les détails et vit. Existe comme tout jeune adolescent de son âge. Quinze ans déjà. Il est grand. Il devient doucement, lentement mais sûrement un être à part entier. Au lycée, il vit ses premiers amours, ses premiers baisers. Son côté charmeur s'intensifie  et on peut même dire qu'il a la côte auprès de la gente féminine. Pourtant... Il y a ce garçon. Cet élève dans sa classe. Leur regard s'accroche, se cherche et il ressent pour lui une forme de sentiment nouvelle qui lui fait peur. Papillon dans son ventre noué. Désir de l'embrasser. Non il n'arrive pas à se faire à cette idée. Il le refoule, le rejette, si bien qu'il en devient méchant, mesquin lorsque ce dernier s'ouvre à lui à la sortie.
- Dégage ! T'as cru quoi toi? Que j'étais comme toi? Jamais. Sale tapette.

Les mots sortent de sa bouche sans le penser. La peur est plus forte que tout le reste et ses bras poussent, repoussent, son camarade qui tombe par terre, bascule, le regard agrandis par la surprise. Il ne cherche pas à s'excuser. Il ne cherche pas à l'aider à se relever et fait demi-tour, vite fait, s'enfuyant dans les ruelles sans se retourner. Sentiment refoulé. Larme qui coule sur ses joues souillées. Une fois seul, il s'écroule, pleure, hurle en se maudissant lui-même. Car il a perdu un ami, un être à qui il tenait. Sa fierté l'empêche cependant de s'excuser et il décide de l'ignorer les jours précédents, allant à se moquer ouvertement malgré son cœur saignant d'amertume et de remord.  

~  Automne 2008 (Lumière dans les ténèbres) : Alors qu'il se déteste. Alors qu'il se hait pour ce qu'il est, ce qu'il fait, une lumière vient doucement dans les ténèbres. Celle d'une nouvelle famille. Une nouvelle famille d'accueil capable de le percer et de le mettre en confiance. Cela a été rapide. Un baume au coeur dans le néant. Gentillesse incarnée. Patience inégalée. Daeho ne peut l'expliquer mais oui, avec eux, il se sent plus léger, moins sur la défensive. Moins colérique également et il se laisse approcher, adopter, allant à considérer les enfants de la maisonnée comme des frères et sœurs jamais eu jusqu'à présent. En particulier Dimitréa, la plus jeune et la plus douce d'entre eux. Avec elle, il est un grand frère, protecteur et aimant. Avec elle, il se sent fort, existant dès lors qu'elle vient lui demander de l'aide ou des conseils.

Oui. Il sourit. Il est heureux et la vie poursuit son court, devient plus calme et plus sereine. Pourtant, ce n'est qu'une trêve, un leurre, une pause dans sa si jeune existence. Sans se montrer, le mal le rattrape, la malédiction arrive. La souffrance et la colère l'attendent, mettant une croix mortel sur son destin funeste. Pour le pire à venir.

~  Eté 2016 (Colère et mise du destin) : Car il n'aurait jamais du l'approcher. Cet homme. Cet individu qui a fait du mal à sa petite soeur. Qui la forcé à faire des choses inavouables. Daeho se fond dans la nuit et ses muscles se tendent sous le poids d'une rage incontrôlée. Tandis qu'il marche, ses pensées se tournent vers Dimitréa et il revoit son visage accablé, terrifié, souillé de larme et brisé. Très vite, il a su pourquoi. Très vite, il en a compris les raisons et sa colère s'est changé en haine dévastatrice.
- Il va le payer.

Oui. Il va le payer de l'avoir violée, de l'avoir approché et apposé ses pattes, ses mains, ses lèvres sur son corps fragile et délicat. Il ne compte pas faire appel à la justice. Il veut se faire justice lui-même et c'est ainsi qu'il le retrouve, fumant et buvant auprès de ses amis, autour d'un feu de camp improvisé.
- Hey toi !

Insultes. Coups et hurlements rageurs. Rempli de haine, Daeho se déchaine. Il se déchaine, frappe cet homme qui est désormais sous lui, le nez en sang. Il ne s'arrête qu'une fois qu'on le maintient, le repousse, tente de le calmer difficilement. Sa langue vient claquer sournoisement contre son palais et il peste, crache sur l'homme qui tente désormais de se relever.
- Si je te revois, je te tue. T'as bien compris? Croise mon chemin et tu n'auras pas tes potes cette fois pour te sauver.

~ Eté 2016 (Funeste destin) Mots de trop. Retour et revirement de situation. Minuit passé. Demeure endormie. Daeho dort tranquillement dans sa chambre. Il n'entend pas tout de suite les premiers craquements qui dévorent le plancher. Il ne sent pas tout de suite l'odeur des flammes l'encercler. La fumée lui chatouille enfin les narines et il papillonnent des paupières. Il toussote à plusieurs reprises, cligne des yeux en tentant difficilement de se réveiller.
- Bordel...

Quand soudain, la réalité le perce, le transperce. Éclat de lucidité. Battements de coeur qui s'accélèrent contre sa poitrine serrée. La braise prend la maison d'assaut et il doit se lever, vite. Pour chercher un moyen de s'en sortir. Mais comment lorsque les flammes sont beaucoup trop dense, trop forte à présent. Un bras sur la bouche, le jeune coréen titube, appel les membres de sa famille sans résultat. Il tousse, suffoque, bascule en avant et dégringole même les escaliers, manquant de se rompre le cou. Douleur, gémissement. La fatigue qui l’enivre, peu à peu tel un poison. Daeho finit néanmoins par se redresser mais il reste immobile, les yeux agrandis. Tant la vérité s'impose à lui et le cauchemar s'intensifie.
- Non...

Les flammes l'encerclent et ne lui offrent plus aucun moyen de sortir. Il est prisonnier. Lentement, il déglutit et il se bat, jusqu'au bout. Il se bat mais lorsque la braise commence à le toucher, il sait que s'en ai fini. Il sent la morsure des flammes le percer, le mordre jusqu'au sang. Il hurle et son hurlement s'intensifie au fil des secondes passées. La mort. La mort est en train d'arriver. Son corps se consume, brûle, pénètre sa chair pour le dévorer littéralement, entièrement La mort le touche, le foudroie. Son cri disparait et son corps également lorsqu'il brûle, se consume, se fond dans la braise, ne faisant qu'un avec elle pour l'éternité.


~ Eté 2016 (Réveil inespéré) - Qu'est-ce que...

L'herbe sous son dos. Le contact de la terre contre sa peau. Daeho n'est plus dans la maison mais dehors, en plein air, près de la maison en ruine. Ses yeux regardent le ciel étoilé et il respire, bombe son torse, sent l'air nocturne traverser ses narines.
- Je ne comprends pas.

Non. Il ne comprend pas. Les flammes ne sont plus là. Elles semblent avoir disparu. Totalement. Pourtant, il n'a pas rêvé. Il s'est vu mourir. Il s'est vu partir. Il ressent encore la souffrance du brasier dans sa mémoire et il frissonne, se relève en titubant, manque de vomir par la même occasion. Il a peur. Il a froid. Il tousse, respire bruyamment et ses bras, ballants, pendent désormais le long de son corps svelte. Il ne comprend pas et tout semble irréel autour de lui. En lui. Il est terrifié et cette terreur se lit sur son visage émincé. Il reste là, immobile, pantois, traumatisé, posant ses iris sur cette maison. Sa maison. Entièrement détruite par la brutalité des flammes désormais.

Détruite. Sa vie passée est détruite. Son être tout entier est détruit et rien ne sera plus jamais comme avant. Il le sait. Il le sent. L'Oiseau de feu est là pour le lui rappeler. Tout les jours, à chaque instant. Il refuse tout d'abord de voir la réalité et même un an après, même dans ce quartier où il réside actuellement, il garde ce traumatisme et n'offre sa confiance qu'à ses semblables. En particulier Dante qui l'a plus ou moins pris sous son aile depuis ce jour là. Depuis ce jour là où il est mort, perdant tout sur son passage.