1969 - 1986

Dès le jour de naissance, Rada est otage. Elle vit en résidence surveillée avec sa mère, à la bordure de Krasnodar. Ses conditions d'existence vacillent au gré des libérations et rétentions successives de son père ; parfois une bicoque et parfois une prison. Les autorités russes parlementent avec la Géorgie afin d'éviter toute incursion sur leur territoire dans le seul but de récupérer l'anthropologue (que, de facto, ils ne peuvent pas simplement exécuter). La situation s'enlise et laisse à Levan, le frère cadet de Rada, l'occasion de naître en 1977. Leur père ne quittera plus jamais sa cellule, pas plus que leur mère sa cage avec vue sur la mer. C'est par le mariage que Rada va acquérir sa liberté, et Levan par l'armée.

1986 - 1995

Le mariage est brutalement consommé, au mépris des consentements, comme il croit qu'il faut faire. Rada va d'abord haïr cet époux, et ne jamais lui pardonner. En dépits de leurs rapports transfigurés par les années et la promesse de ne plus jamais la toucher, quand Faddei meurt, elle est, quelque part, soulagée ; lui aussi a été massacré ; voilà, il se figure enfin ce que cela fait. Son souvenir reste vif en l'esprit de Rada, qui l'aura au moins aimé comme son plus proche ami. Car, pour le reste, elle le livrait sans sourciller à d'autres femmes, aptes à jouer allongées.

Mikhaila

Plus que les autres maîtresses de Faddei, Mila s'insinue dans la vie maritale des Deripaska. Exceptionnellement, elle intéresse Rada. La jolie danseuse est naïve, mais aussi féroce, mais encore blessée. Les époux l'invitent à dîner, sortir, rester. Rada est, pour l'essentiel, absente de cette liaison. Parfois, spectatrice aussi. De cette troublante époque naîtra Galina, la fille de Mikhaila et Faddei ; comme la belle enfant n'aurait jamais pu naître sous l'empire du comte et l'époux de Mila, Rada l'élèvera longtemps comme la sienne. Mila endosse le rôle de marraine, et Faddei celui de macchabée, mais cette parenté triangulaire ne s'usera guère.

1995 - 2009

Les premiers temps, Rada vit sur le legs de son photographe de mari. En somme c'est un retour à sa condition de départ, alourdie de deux mômes. Le précaire lui sied à ce point qu'elle dédaigne l'hospitalité de Mikhaila et les propositions plus graveleuses émanant des bas-fonds. À force d'être une épouse futile, l'on aurait oublié les ressources déployées pour survivre à tous les prix : Rada n'a guère de morale et beaucoup d'imagination, et ce sera sur cette monnaie qu'elle fera vivre ses deux enfants et elle-même. Il faudra une sévère maladie de Galina, à croupir parmi les indigents, pour convaincre sa mère de la livrer à sa mère biologique.

Arkadi & Galina

Aucun de ses enfants ne fût souhaité, et chacun d'eux en est instruit. Les motifs varient mais son amour, lui, est inflexible. Rada n'aurait d'ailleurs jamais laissé sa fille à quelqu'un d'autre qu'à Mila (elle s'opposera longtemps, au demeurant, à ce que Galina flirte avec le plaqué-or de la vie sur le Boulevard Richesse) cependant que son fils refuse tout net de la quitter. Ils ont vécu tous les trois comme Rada, Levan et leur mère en leur temps et, bien que ce fût dans un cru dénuement, ils y ont creusé et forgé une inextinguible complicité.

2009 - 2019

Elle a sa place parmi les anonymes d'Arbatskaya. Rada connait les rues, connait les gens, et l'on ne fait presque pas attention à cette ombre qui sinue parmi eux. Un matin, on réalise qu'elle est l'amie des marginaux, l'ennemie du conformisme, et qu'il s'en trouve plusieurs, comme elle, pris de passion pour leurs congénères surnaturels mais d'abord moscovites. Bien sûr elle prend la tête de ces illuminés, puisque son père trouvait déjà du sublime aux créatures et qu'elle se reconnaît dans ceux-là que l'on met au ban pour aucune raison que ce qu'ils étaient avant même de naître. Au reste et sans l'avouer, si elle avait une affection sincère pour Faddei, le meurtre de celui-ci par une créature légendaire l'a... libérée.