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BOYS AND GIRLS OF EVERY AGE, WOULDN'T YOU LIKE TO SEE SOMETHING STRANGE ?

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C’était la troisième journée d’affilée que le mercure frôlait les trente degrés le jour sans replonger véritablement la nuit, et Yuliya était persuadée qu’elle finirait par en re-mourir. Moscou n’avait pas été épargnée par les vagues de chaleur et les immeubles en béton emprisonnaient l’air humide et la pollution pour rendre le tout intolérable – la température inclémente faisait remonter les mauvaises odeurs, le métro était un véritable sauna, et même suivre l’ombre dans les parcs de la ville ne suffisait pas à apaiser ce qui commençait drôlement à ressembler à un coup de chaleur. Idiote, peut-être, mais pas assez pour prendre le risque d’être victime d’une insolation (mourir avait été suffisamment désagréable la première fois qu’elle n’était pas pressée d’y retourner), elle aurait pu se rendre à l’hôpital et exagérer ses symptômes pour passer quelque temps au frais, peut-être même avoir accès à des douches qui n’étaient pas une fontaine publique. Or, les hôpitaux lui laissaient un goût amer dans la bouche, avaient une aura qui n’avait rien de bienveillant contrairement à ce que la santé publique moscovite voulait faire miroiter. Elle avait épuisé ses options, et maintenant, il fallait se rendre à l’évidence : elle n’avait qu’à être elle-même et tout irait bien.

Un vol à la tire maladroit suffit à sceller son destin immédiat : sa victime, un homme bedonnant assez bien vêtu (forcément, viser un fonctionnaire était une meilleure idée que d’opter pour un rat comme elle) lui avait enserré le poignet avec une force étonnante jusqu’à ce que la police se pointe. Yuliya avait frotté son poignet pendant tout le trajet, allongée sur la banquette arrière de la voiture de patrouille, plissant le nez d’avoir dû subir pareil affront. « Assis, gamine », que le flic en uniforme lui aboie. Croisant le regard du conducteur, elle bouge ses lèvres pour former clairement un va te faire foutre suivi d’un sourire radieux qui fait pousser un juron à son geôlier. Au loin, à travers la vitre, elle reconnaît les immeubles familiers de Kitaï-Gorod et pousse un soupir de soulagement. Bientôt, elle serait en cellule le temps qu’il essaient de trouver ses parents, qu’ils ne trouveraient pas – aux dernières nouvelles, son père était en prison et sa mère en désintox – et ils perdraient leur temps à discuter d’une marche à suivre. Pendant ce temps, elle siffloterait en profitant de la climatisation dont les fonctionnaires municipaux étaient assurés de bénéficier, et peut-être même qu’elle passerait la nuit au frais. Il était bientôt vingt heures, après tout.

« Fais-moi sortir d’ici ou je maudis ta mère pour qu’elle soit allergique à l’oxygène! » Les larmes aux yeux d’avoir hurlé et crisé, il avait suffit d’une heure pour que Yuliya pète un plomb lorsqu’elle avait compris que le système de climatisation de la police était inexistant ou brisé. Son plan parfait déjoué, elle avait désormais changé d’idée : elle voulait être libre. Elle voulait sortir, illico presto, et se jeter dans la fontaine la plus proche, ou dans la Moskova, si elle y arrivait avant de s’évanouir de déshydratation. « On m’a promis un verre d’eau y’a au moins trois quarts d’heure! » poursuit-elle, la voix suraiguë, les mains refermées sur les barreaux de sa cellule. « J’ai rien fait, laissez-moi sortir! » chigne-t-elle de plus belle, éclatant en sanglots alors qu’un énième policier passait devant elle sans lui accorder la moindre once d’attention.
  Lun 5 Aoû - 23:07
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Artiom Iejov
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Il y avait des petits rats que tout le monde connaissait, des habitués que l’on traitait avec la force de l’habitude, parfois avec une sorte d’affection teintée de mépris paternaliste ou avec énervement. Il y avait de gentils récidivistes qui n’avaient pas encore assez usé de leurs chances ou commis d’infractions suffisamment graves pour être considérés comme par trop nuisibles par la justice. Il y avait aussi ceux qui avaient le droit par leur statut ou parce qu’ils connaissaient quelqu’un (et non quelqu’un, on parlait de petits rats), le droit d’échapper à certains des inconvénients.

Des likhos arrivaient de temps en temps, rarement pour se plaindre mais à la suite d’un mauvais tour, un essai malencontreux ou une malédiction qui avait mal tournée. De ceux que tu voyais passer le plus régulièrement, il y avait Yuliya. La gamine était déjà connue des services de police avant sa première mort, aussi était-ce monnaie courante de se moquer de sa situation. La malchance suivait l’apprentie voleuse comme une guigne. Lorsqu’un collègue vint te prévenir qu’elle marinait en bas et chouinait, tu étais certain qu’elle se trouvait dans une cellule depuis un petit moment. Que tu prolongeais avec le peu d’envie de descendre dans les lieux surchauffés du commissariat.

Un détour par l’accueil te permis de savoir qu’elle s’était fait attraper à essayer de tirer un portefeuille et qu’on ne savait pas réellement quoi faire d’elle outre la laisser moisir là et éventuellement la référer à un juge si sa victime portait plainte. Les cris et les plaintes de la môme dans sa cellule répondaient au peu de regard que les officiers de police lui accordaient, la plupart savaient comment réagir face aux crises des détenus et le manque d’attention de la likho était reconnu de fait pour la plupart des vétérans. Tu te servais un verre d’eau avant de te glisser dans les couloirs plutôt que de rentrer chez toi et la laisser mariner là. « Yulka. » Tu fronces le nez en t’approchant de la cellule, sirotant tranquillement ton verre d’eau. « Tu n’as rien trouvé de mieux pour dormir ce soir ? » Tu lui souris du bout des lèvres, le regard neutre, le nez troussé. Les autres détenus protestaient et gémissaient, ceux qui avaient déjà suffisamment désaoulés râlaient, demandaient qu’on la fasse taire et la gamine, les joues rouges de transpiration, les yeux gonflés, détonait au milieu de tout ce beau monde. Tu extirpes d’une de tes poches un mouchoir – un peu tâché, de sang ou d’un reste de dîner, difficile à dire – et tu lui tends au travers des barreaux. « T’as de la morve, juste là. »
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  Mer 7 Aoû - 17:25
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La voix familière lui fait relever la tête qu'elle avait posée contre les barreaux de la cellule, après s'être épuisée à frapper son front contre le métal. Ils auraient pu être rafraîchissants en d'autres circonstances, mais l'humidité faisait ressortir la terrible odeur de fer, la peinture trop écaillée pour la retenir efficacement. « Tu peux pas m'appeler comme ça si t'es venu me narguer », rétorque-t-elle d'une voix lasse, nasillarde, presque désespérée. « C'est pas juste. » Ses doigts, ceints de bijoux bon marché qui laissaient des marques verdâtres sur ses phalanges, se serrent un peu plus autour des barres d'acier.

Elle renifle ostentatoirement, les yeux rivés avec intérêt sur ce que tenait Artiom. « Je peux en avoir? » Yuliya tend le bras de l'autre côté jusqu'à l'épaule, mais le policier se tient juste assez loin pour avoir le plaisir de lui refuser le maigre luxe d'une gorgée d'eau. Agitant ses doigts dans le vide, elle finit par abandonner dans un soupir amer. « S'il te plaît. » C'est finalement le mouchoir qu'elle finit par attraper bien malgré elle, épongeant ses yeux bouffis avant de vider son nez bruyamment, peu soucieuse que le mouchoir soit souillé d'avance, le fourrant ensuite dans la poche de son jean usé – par malice ou par courtoisie, difficile à dire.

Elle réprime un hoquet de tristesse, mesurée dans son jeu, plongeant son regard dévasté dans celui d'Artiom, les commissures de ses lèvres légèrement tirées vers le bas. « J'ai rien fait Artiom. Je te jure. » Elle agite son poignet tuméfié de l'autre côté des barreaux. « Je crois qu'il m'a fêlé le poignet. J'ai mal. Je me sens pas bien. » Sa voix se brise sur les dernière syllabes comme elle savait si bien le faire. « Tu vas m'aider, hein? »
  Mer 7 Aoû - 20:10
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C’est qu’elle te ferait presque pitié à geindre comme ça. Presque assez pour que tu lui donnes de quoi se désaltérer. Presque assez pour que tu t’inquiètes vraiment. C’était sans compter sur l’habitude de la voir utiliser ses maigres talents d’actrice pour retirer ce qu’elle pouvait, ce qu’on lui laissait encore passer. Elle essayait de s’en sortir, elle avait bien appris avec la force de l’habitude, d’être celle tout en bas de l’échelle et elle en profitait, essayait de faire appel à ton empathie, à votre lien aussi ténu pouvait-il être. Tu pourrais juste l’emmerder, lui dire qu’ici c’est Iejov, ou capitaine, voire officier. Tu te contentes pourtant de lui sourire, le regard amusé, les dents cachées par le verre d’eau duquel tu prends une autre gorgée. « Rien fait ? Ce n’est pas ce que dit ton dossier. » tu renifles et te passe un doigt sous le nez, plusieurs fois. Les attitudes misérables, tu les connais, le nombre de « cépanou » qui passaient les portes du commissariat étaient légions et ce n’est pas quelques larmes d’une likho qui allaient te faire craquer. Pas tout de suite tout du moins. Bon, tu y pensais déjà mais tu avais encore un peu d’autorité à garder.

« Réessaie sans mentir, cette fois. » Tu ronronnais presque face aux barreaux. Le flic et l’émissaire en toi étaient bien d’accord sur une chose, tu ne supportais pas qu’on te mente lorsque tout était contre elle. Yuliya n’était pas à son coup d’essai et le bénéfice du doute passait bien loin derrière sa culpabilité. C’était certes mal penser, mettre tout sur le dos du chat noir et tout ce qu’elle représentait. Pourtant il y avait quelque chose que tu demandais à tes likhos, c’était une honnêteté sans faille, tu ne pouvais ni les défendre, ni les représenter s’ils étaient malhonnêtes également envers toi. Ton nez se fronce, l’attitude détendue, le sourire même faux disparu. Elle n’aurait ni eau, ni liberté tant qu’elle n’avait pas avoué avoir merdé.
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  Jeu 8 Aoû - 14:12
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Elle plisse le nez, contrariée, faisant rouler quelques larmes supplémentaires sur ses joues rosies par la chaleur et l'émotion, mais elle ne rouspète pas. C'était vrai qu'elle était coupable au minimum du fait de ne pas assez réfléchir; de manquer de jugement, aussi. Artiom ne la laissait jamais moisir dans les situations peu enviables dans laquelle elle se mettait inévitablement, mais cette fois, elle avait l'impression qu'il était plus sérieux sans savoir pourquoi. « Tu comprends pas » se lamente-t-elle avant un renflement tonitruant. Elle n'avait rien fait de mal en voulant nuire. Au contraire. Or, il était évident que le policier ne lâcherait pas le morceau si facilement. « OK, OK. », insiste-t-elle, ses doigts se serrant un peu plus autour des barreaux. Artiom avait perdu son petit sourire de type qui sait qu'il a le beau jeu et elle savait que ça voulait dire qu'elle tirait un peu trop l'élastique. « J'avais pas vraiment l'intention de me barrer avec le portefeuille, promis… C'est juste que… J'ai vraiment besoin d'être au frais, je me sens mal, mais je veux pas devoir aller à l'hôpital. » Artiom n'était pas sans être au courant du coup de pute que lui avaient fait ses parents l'an passé et serait sans doute à même de comprendre en quoi elle abhorrait les hôpitaux, même inconsciemment. Elle préférait de loin les inévitables railleries des patrouilleurs qui mettaient occasionnellement la main sur elle. Yuliya avait l'habitude de se faire prendre sur le vif – l'inverse était autrement plus rare. Ses yeux se remplissent à nouveau de larmes et ses lèvres tremblent alors qu'elle implore le capitaine de jouer du coude pour lui accorder sa liberté indue. « Je vais être sage. Promis. » Elle n'avait aucune honte à cumuler des promesses qu'elle ne tenait que rarement à long terme, mais cette fois, elle arrivait presque à se convaincre qu'elle était sérieuse. (Le coup de chaleur qui la faisait divaguer, sans doute.) « Je crois que c'gars-là me nargue. » Son regard s'était porté derrière le capitaine en direction d'un uniforme qui la regardait d'un air narquois, glace à l'eau à la main.
  Lun 12 Aoû - 23:46
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« Non. » Non tu ne comprends pas mais tu n’as plus envie de te mettre à sa place, de l’écouter geindre et trépigner. Tu as oublié – ou presque – comment tu étais à son âge, à trépigner ainsi, toujours dans les emmerdes, le nez morveux et les larmes qui coulaient à chaque fois que tu devais te lamenter. Tu renifles, te passe une main sous le nez alors qu’elle te balbutie une excuse, tes sourcils se froncent et tu la dévisages. Pourtant, tu veux la croire, tes yeux cherchent les siens, scannent sa frimousse. « Pourquoi tu n’as pas demandé à un autre ou à moi de l’aide ? » Pas comme si tu étais difficile à trouver et pas besoin de se faire arrêter pour ça, tu étais même joignable assez facilement et tu étais persuadé qu’un autre likho l’aurait volontiers hébergée quelques heures si elle en avait croisé un. Le manque de jugeote de cette pauvre fille était à l’image de sa maladresse, une sinécure. Tu ne prends pas garde à sa promesse – combien t’en a-t-elle fait depuis toutes ces années où elle passe ses journées au poste ? Tu clignes plusieurs fois des yeux avant de tourner la tête, un léger retour des yeux vers elle pour t’assurer qu’elle ne tenterait rien de débile. D’un regard effaré tu observes le flic qui léchouille sa glace à l’eau.

Ok, l’idée était bonne, c’est vrai. Tu aurais dû la faire aussi mais tu avais tout de même un rôle à tenir et tu l’observes un moment sans ciller, lui aussi, alors que l’eau sucrée dégouline sur le bâtonnet. Il fini par disparaître, penaud, avec sa glace et quelques regards en coin vers la gamine. Tu détournes les yeux et le buste pour retourner vers Yuliya, persuadé que le flic de faction devait faire des signes derrière ton dos pour continuer de narguer la jeune likho. Seule ta présence était une assurance qu’il ne risquait pas grand-chose de plus qu’une énième crise de larmes de la pauvre petite chose. « Tu l’as mérité. Tu n’as pas des choses plus intelligentes à faire qu’à continuer à te faire attraper pour des choses que tu fais de manière médiocre ? » Tu lui tends le gobelet presque vide à travers les barreaux. « Si tu sors, tu vas aller où ? » Tu allais devoir signer quelques papiers pour la faire sortir de là et lui frotter fort les oreilles pour lui rappeler que les créatures étaient déjà assez surveillées pour qu'elle ne soit pas classée brusquement comme délinquante à risques pour quelques frasques imputables à un manque de réflexion ou la chaleur. « Tu as manqué d'oxygène combien de temps pour que ça s'aère autant là haut ? »
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  Mar 13 Aoû - 15:48
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« Les gens se bousculent pas pour m'aider généralement, je sais pas si t'as remarqué », souligne-t-elle avec une certaine amertume doublée d'une tristesse évidente. Certes, elle croisait parfois des likhos qui lui offraient un bol de pâtes et un sofa pour la nuit lorsqu'elle était vraiment dans la merde, mais ils n'étaient pas monnaie courante à Moscou et elle manquait trop souvent de chance. Le reproche s'adressait également à Artiom, de façon un peu détournée – il était l'émissaire et elle savait quel rôle il était sensé avoir, et à vrai dire, jusqu'à maintenant, il jouait plutôt au papa outré avec elle, ce qui lui laissait un arrière-goût amer.

La gamine baisse les yeux lorsque la sentence tombe. Tu l'as mérité. C'était à se demander ce qu'elle avait bien pu faire à Dieu pour mériter non pas une, mais deux existences misérables. « Probablement », qu'elle concède, reniflant bruyamment en retenant une nouvelle crise de larmes, les dents serrées comme si ça empêcherait ses canaux lacrymaux de suinter de façon incontrôlable. « Je sais rien bien faire. Je saurais pas où commencer. » C'était faux; elle avait l'art dans le sang, l'esthétisme sous la peau, mais elle s'obstinait à graffiter plutôt qu'à tenter à nouveau sa chance dans une école d'arts. Sans un coup de pied au derrière de la part d'une source extérieure, c'était peu probable qu'elle entreprenne un changement positif. « J'ai pas manqué d'air, je me suis fendu le crâne », qu'elle corrige sans enthousiasme, comme si ça changeait quoi que ce soit au propos qui sous-tendait. Elle avait volontairement ignoré la question sur sa destination si elle venait à être libre, une main sur le gobelet qu'elle avait vidé d'un trait, l'autre toujours obstinément accrochée au barreau de la cellule. Les yeux rivés sur ses espadrilles amochées, elle tapote le bas de la porte du bout du pied pendant un instant avant de relever la tête. « Tu penses que je pourrais rester chez toi un peu? Le temps que le pire passe. Je pourrai tenir compagnie à Poisse et à Sept. » Sa voix était devenu un murmure en sachant que le conflit d'intérêt était conséquent, même si elle avait osé l'un de ses rarissimes sourires dans l'espoir de faire céder Artiom.
  Mar 13 Aoû - 21:06
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« Qu’est-ce que tu fais pour les gens en retour ? » Outre leur apporter des emmerdes. Tu veux l’aider, tu veux bien lui tendre la main mais ne rien recevoir en retour te faisait te rendre compte que l’égoïsme dont elle faisait preuve commençait à te fatiguer. C’est qu’elle n’avait pas grand-chose à offrir en retour et tu lui en voulais de ne pas essayer de se bouger, d’appeler à l’aider ou faire autre chose que d’attirer l’attention. Le stress parlait au travers de ton irritation et dans quelques minutes tu regretterais la bouffée de colère qui venait de traverser tes yeux mais à présent tu avais envie de mordre, la respiration étouffée. « Tu n’as surtout pas envie de te bouger le cul et de progresser, ça impliquerait de travailler pour ça. » Voilà la figure paternelle outrée, qui savait mieux tout que tout le monde et tes yeux cherchent à accrocher son regard, t’assurer qu’elle t’écoutait bien.

Puis elle te demande si elle peut venir chez toi. Malgré ce que tu lui avais dit il y avait quelques instants, lui rappeler qu’elle pouvait compter sur sa race pour au moins la sauver temporairement de sa médiocrité tu te contentes de renifler avec mépris. Elle se fout de ta gueule, elle écorche même le nom de tes chats alors que tu as eu la gracieuse gentillesse de l’héberger plusieurs fois. Tu n’as plus rien d’amène et tu l’observes un moment, le nez froncé. T’es vexé, énervé, échauffé par la moiteur ambiante et par l’idée d’être descendu pour rien, écouter des jérémiades d’une adolescente mal finie. « Pas maintenant que tu as volontairement outrepassé la loi. Ca te fera réfléchir. » Et tu te casses, sans un mot pour elle, sans un regard, tu fusilles sur place le flic qui suçote le bâton de sa glace et tu remontes quatre à quatre les marches vers les étages, tu manques de glisser au palier, tu te rattrapes avec les mains qui s’écorchent. Tu renifles, fronce le nez, frustré. Tu continues ta route vers ton bureau mal éclairé par les ampoules brisées.

Ce n’est qu’après t’être niqué les yeux sur des rapports encore bourrés de faute que tu appuies tes deux yeux sur tes mains en soupirant, portant les valises sous tes yeux comme tes bottes aux pieds. Tu passes les mains dans tes cheveux, tu te relèves en grognant et tu éteins les quelques lumières, laissant aux autres équipes prendre leur place au commissariat, la rotation tourner. Tourner. Tourner. Tourner. Tu descends lourdement les marches vers la sortie, les yeux lourds de fatigue, les épaules basses et tu t’arrêtes sur le palier, tu hésites et tu finis par descendre, faire signe au garde de te donner les papiers. Il sourit et glisse vers toi le porte-vue où se trouvent ceux que tu cherches. « Bonne soirée, capitaine. » Tu grommelles une salutation, suivit par le pion qui va ouvrir la cellule. « Dehors Yulka. »
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  Mar 13 Aoû - 22:46
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Sa gorge se serre, un peu plus à mesure que le capitaine hausse la voix, mais elle n'a plus l'audace de répliquer, muette devant la remontrance parentale – le genre que ses propres géniteurs ne lui avaient jamais fait, faute de l'aimer réellement, faute d'avoir à coeur son épanouissement et sa croissance à titre d'être humain. À défaut de vraiment avoir ces préoccupations, elle avait au moins cru qu'Artiom prenait au sérieux son évolution à titre de likho, mais elle avait visiblement eu tort. C'est ce qu'elle constate lorsqu'il s'éclipse sous son regard ahuri, lui tournant le dos dans une dernière parole acerbe. « Non! Artiom, attends– je suis désolée, pars pas, me laisse pas ici! » fait-elle dans un crescendo de ton et de force avant que sa voix ne se brise dans un sanglot déchirant sans que le blond ne se retourne. C'était évident désormais qu'il ne reviendrait pas de sitôt et Yuliya avait donné un coup de pied dans les barreaux de la cellule avec trop de force, lui causant une douleur aiguë à l'orteil qui lui arrache un juron trop vulgaire pour son âge. « C'est bon, t'as fini de faire ta victime, petite connasse? » qu'elle entend de la part d'une cellule voisine, visiblement de la part d'un homme qui aurait préféré dégriser en paix. « J’espère que ta mère va attraper la syphilis », répond-elle avec mépris avant de s’installer dans le coin de la cellule qu’elle occupait. L’ampoule vissée au mur du fond, protégée par une cage en métal, projette son ombre trop noire jusque dans le couloir, où chaque passant lui cause au fil des minutes et des heures une migraine insoutenable. Les doigts emmêlés dans ses cheveux teints à la repousse évidente, le front contre ses genoux repliés, elle ferme les yeux en espérant que le quart de nuit ait moins besoin d’emprunter le couloir devant sa cage.

Difficile de dire si c’était la douleur aiguë à son épaule, le bruit du trousseau de clé ou la voix portante d’Artiom qui l’avait sortie de sa torpeur. Miraculeusement, elle avait réussi à grappiller quelques dizaines de minutes de sommeil, même si elle ne s’en trouvait guère reposée. « Quoi », commence-t-elle sans même prendre la peine de relever sa tête, la voix étouffée par ses bras qui encerclaient ses genoux, « vous avez pas trouvé mes parents et y’a pas d’juge qui veut bosser en temps supp’ pour me foutre en réinsertion? Classique. » C’était toujours la même histoire. Jamais prise en charge de quelque façon que ce soit, ni par la justice ni par qui que ce soit, ballottée au gré de ses conneries sans jamais en vivre les désagréments de façon permanente. D’un côté, être officiellement réprimandée par les autorités lui serait peut-être bénéfique – un peu de travaux communautaires, du bénévolat forcé dans une maison de vieux, quelque chose pour apprendre à gérer ses émotions à fleur de vie. Peut-être était-ce sa malchance infinie qui faisait en sorte qu’elle retombait toujours dans le cercle vicieux des cellules étouffantes de la police municipale. S’aidant d’une main sur le mur, elle se lève, se traînant les pieds jusqu’à l’extérieur de la cellule alors que la porte est refermée derrière elle. « T’as mon sac, que j’puisse me casser? » fait-elle sans oser regarder Artiom, les mains dans les poches, osant espérer que les bombes de peinture y seraient toujours mais sans trop y croire.
  Mar 13 Aoû - 23:49
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Elle a l’air en miettes et pas qu’émotionnellement. Il y a des vapeurs suintantes, des souvenirs malodorants qui refont surface et tu as beau essayer de les repousser, la douleur qu’ils provoquent en éclatant dans ton esprit te fait grincer des dents. Tu l’attrapes par le col, la tire jusqu’à toi, un peu trop brusquement, qu’elle s’éloigne de la porte. « Non. » Tu n’avais pas remarqué de sac mais tu n’avais pas réellement cherché. Tu la tires, avec un peu plus de calme, vers le garde qui vous observe. Tu attends, la gamine à portée de main, qu’il lui rende ses affaires, ses lacets, son sac. Tu attends à côté d’elle, une main plantée dans une poche et l’autre pendant nerveusement à ton côté.

Il n’y a pas un mot de ta part, à peine un regard pour t’assurer qu’elle ne tente pas une autre connerie, qu’elle signe ses papiers, qu’elle suit tes pas, qu’elle comprenne qu’il était temps de se faire petite parce que tu n’hésiterais pas à la repousser en bas des escaliers.

Tu remontes les marches avec elle, t’adaptant à son rythme, la fatigue perlant au bout des cils, les épaules toujours basses, la tête dodelinant au rythme de tes pas. On te salue lorsque tu sors, lorsque tu signes ton départ et tu pousses la môme dehors, tu n’écoutes pas ses remarques, tu avances dans la nuit à ses côtés. Tu finis par tapoter son oreille. « Qu’est-ce que tu veux manger ? Mon frigo est vide. » Tu ne présenteras pas d’excuses et tu n’as pas envie qu’elle le voit ainsi, tu n’es pas désolé, tu ne penses pas avoir à regretter ce que tu as dit. « Qu’est-ce que tu veux, Yulka ? Finir en maison de redressement, t’en sortir, retourner chez tes parents ? » Tu passes le pouce sur une de tes narines, un léger soubresaut te secoue alors que tu renifles. Tu aimes l’odeur de la nuit, l’humidité froide mêlée à de l’air frais, le béton chauffé, la fumée acre du métro et des vapeurs de la journée qui est retombée au sol. Depuis quelques temps, les rues sont te semble-t-il moins chargées, les gens semblent hésiter à sortir et la proximité du commissariat n’aide pas plus que ta tronche qui commence à être connue comme étant celle d’un flic.
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  Mer 14 Aoû - 0:08
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Elle se laisse malmener sans rouspéter, simplement trop pressée de se faire jeter à la rue pour risquer de ralentir le processus en jouant à l'idiote – encore une fois. Yuliya attend patiemment ses affaires, remarquant au poids bien moins conséquent de son sac que ses précieuses affaires ont dues être triées pour en retirer ce qu'on pouvait considérer comme un vice : une demi bouteille de vodka bon marché, son matériel de graffitage, sûrement, aussi. Il fallait s'y attendre. Elle ne prend pas la peine de remettre les lacets sur ses espadrilles et fourre plutôt l'ensemble de ce qu'on lui remet dans la pochette de son sac à dos, signe les papiers d'une main tremblante, à la fois de hâte et de fatigue, puis suit Artiom jusqu'à l'extérieur. L'air frais de la nuit et la désertion totale de la rue apaisent sa migraine colossale au point où ses traits se détendent. Elle ferme les yeux un instant pour inspirer l'air de Moscou, marchant à l'aveugle aux côtés du capitaine sans savoir pourquoi elle s'obstinait à le suivre. Peut-être qu'elle espérait des excuses, inconsciemment; peut-être qu'elle espérait trouver une façon adéquate de s'expliquer, aussi. Elle rouvre les yeux lorsque le doigt d'Artiom trouve le pavillon de son oreille, lui provoquant un petit mouvement de recul par réflexe. «De la soupe. Et des pierogis. » Une étrange envie alimentaire qu'elle avait depuis des semaines sans arriver à s'en défaire et dont elle verrait vraisemblablement la résolution ce soir. Finalement, elle n'avait pas besoin d'excuses. « Je sais pas c'que j'veux c'est bien ça l'problème », fait-elle d'une petite voix, faisant un effort pour ne pas trainer ses semelles sur le trottoir. « Mes parents se sont fait reprendre leur appart'. C'est pas comme si je pouvais retourner même si j'avais envie. » Difficile de conserver son logis lorsqu'on était évincé pour des raisons criminelles ou narcotiques. « Je sais pas », qu'elle répète comme si Artiom ne l'avait pas entendue la première fois. « C'est ça ma vie. Ça aurait pu s'arrêter, mais non, pis maintenant j'ai encore plus de soucis. Avoir de la chance, je serais encore branchée à l'hôpital. » Ni morte, ni vivante, mais au moins elle n'aurait pas à essayer de comprendre sa nouvelle nature – elle n'aurait pas à vivre avec tout ça. « Si on s'arrête dans une épicerie, je vais attendre dehors. » Rarissime sage décision de la part de la kleptomane que de préférer ne pas être tentée de piquer quelque chose sous le nez de la littérale police.
  Mer 14 Aoû - 18:12
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« De la soupe ? Par cette chaleur ? » Tu ricanes, un bruit de nez, l’idée te paraît saugrenue mais les envies et les caprices ne répondaient pas à une logique toujours accessible aux profanes. Tu ne réponds rien à ce qui suit, rejoindre ses parents pouvait tout aussi bien signifier l’envoyer en prison mais l’idée t’était désagréable, punir les tiens était toujours un supplice, tu faisais preuve d’une mauvaise foi les concernant qui te faisait souvent grincer des dents mais que tu ne parvenais pas à réprimer. « Il y a un moment où on va choisir pour toi, il va falloir y réfléchir et vite. » A son âge, peu ou prou, tu avais choisi de détruire des vies, de semer le malheur, parce que toi tu l’étais, tu avais appelé à toi Mauvais Œil par dépit, par crainte, par désespoir, n’y croyant pas trop. Tu n’avais eu que très péniblement ton certificat, tu ne parvenais à garder aucun travail. La charge d’émissaire, ta renaissance avait été un électrochoc et tu avais cravaché après des mois de désarroi pour entrer dans la police. Demander à Yuliya d’accélérer était à la fois hypocrite et essayer de ne pas la voir refaire des erreurs dont tu avais trop souvent été le témoin. Elle finit par changer de sujet avant que tu ne puisses la sermonner plus avant. Un rire t’échappe. « Tu ne vas pas en profiter pour te faire la malle ? » Vous vous arrêtez pourtant devant l’épicerie encore ouverte la plus proche de chez toi. Tu remplis rapidement deux sachets, de crème, de légumes et fruits pour accompagner, de ce qu’elle avait demandé aussi et de boissons. Tu passes à la caisse en lançant des regards par la porte pour t’assurer qu’elle n’est pas allée voir ailleurs si elle y était.

Pourquoi tant t’inquiéter ? Tu la reverras à sa prochaine connerie. Ses larmes pourtant ont laissé leur empreinte et tu as à peine rangé ton porte feuille dans ta veste, presque oublié de prendre tes courses que tu es dehors à la chercher, les sourcils froncés et la mine inquiète. Elle n’est pas loin, dans la ruelle adjacente, le nez plongé par terre. « Qu’est-ce que tu fais ? J’ai trouvé des pelmenis. » Tu accentues volontairement le mot pour lui rappeler que tu ne mangeais pas de ce pain polonais qu’elle essayait de t’abreuver. Les pelmenis industriels étaient certes moins bons que ceux faits maison mais tu n’avais pas la force de faire de la pâte ce soir, ou même de te mettre longuement devant les fourneaux. « Et de la soupe lyophilisé… et du kvas. » Quelque soit sa lubie, tu pouvais en profiter, tu avais pris plusieurs soupes à réhydrater qui ne périmaient généralement pas, cela te dépannerait pour les mois à venir. Tu lui tends le sachet où se trouvent les bouteilles de kvas, qu’elle se rende utile et garde l’autre pendu au bout de ton bras. « Par là. » Elle sait où tu habites mais tu préfères insister pour la mener jusqu’à ton appartement. La trace de la main de Jezabela est toujours inscrite sur la porte et si tu as en partie débarrassé le canapé, il n’a toujours pas été remplacé. Tu lui indiques d’un signe de tête la salle de bain, tendant la main pour récupérer le sachet qu’elle a trimballé jusqu’ici. Les chats surgissent vers vous en se manifestant à qui mieux mieux, l'un dans tes pattes, l'autre s'attaquant aux sachets et aux espadrilles, se frottant contre les jambes.
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  Mer 14 Aoû - 21:51
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C’est toi qui m’a demandé ce que je voulais, veut-elle rétorquer, mais elle pince plutôt les lèvres dans une moue irritée qui ne dure qu’un instant. Elle accepte la remontrance avec une forme de grâce résignée, accusant réception d’une inspiration solennelle, préférant dévier la conversation dans une autre direction avant qu’il ne se lance dans une autre séance de reproches paternels.  « Bien sûr que non. J’serai juste là. » Elle pointe le trottoir devant l’épicerie, s’y posant prestement alors qu’Artiom entre, la porte automatique se refermant derrière lui comme un couperet. Yuliya observe le vide pendant deux interminables minutes avant de se lever, incapable de rester assise après son incarcération, faisant quelques pas en long et en large de la rue, peu soucieuse de quelque trafic — elle verrait bien un véhicule approcher à temps. Une autre poignée de minutes passe et ses pas la mènent dans la ruelle qui longe le petit commerce, à moitié penchée au-dessus des débris et des mauvaises herbes qui poussent dans le bitume craquelé. « Hm? » Elle lève la tête lorsqu’elle entend la voix familière d’Artiom, qui se tient à l’entrée de la ruelle, sac à la main. Elle croit déceler une forme d’inquiétude dans ses traits froncés, brièvement, sans s’y attarder. « J’regardais si je trouvais pas une clope ou quelque chose. Réflexe. » Elle sort de la noirceur pour revenir se loger dans la lumière blafarde d’un lampadaire, positionnée stratégiquement pour éviter que le capitaine ne se retrouve malencontreusement dans son ombre. Si elle grommelle à l’annonce de la substitution qu’il s’est permis de faire au repas, elle ne rajoute rien, préférant se laisser amadouer par la promesse d’un sachet de soupe à réhydrater et d’un ou deux verres de kvas pour faire passer les pelmenis.

Elle replace ses cheveux sales derrière son oreille, passant sa manche sous son nez en chemin, puis attrape le sac contenant les boissons, suivant le blond avec plus d’entrain qu’elle n’en avait fait preuve jusqu’ici. Sans commenter sur l’état de la porte ou de l’intérieur, elle entre, se débarrassant du sac pour mieux frotter le poil des chats qui sont venus les accueillir. « Coucou bébé, coucou Treize », ronronne-t-elle à l’endroit des chats qui se glissent habilement entre ses chevilles, réclamant leurs caresses avant de s’éloigner derechef, que ce soit pour jouer avec les courses ou quémander à manger à leur maître. Yuliya ne manque pas le signe d’Artiom qui lui désigne la salle de bain et elle s’y enferme avec son sac, en profitant pour prendre une douche plus que méritée — et nécessaire. Ses affaires contenaient bien un débardeur propre — avec l’étiquette encore dessus, piqué dans une boutique pour adolescentes — et des sous-vêtements, mais faute de bas, elle enfile le peignoir qui était suspendu derrière la porte. L’ourlet traîne au sol, ramassant au passage les poils de chat, mais ses options étaient limitées dans les circonstances. Même un short emprunté à Artiom aurait été largement trop grand pour sa silhouette comme figée dans l’adolescence. « Ça sent bon. J’ouvre une bouteille? » qu’elle demande, rhétorique, la main déjà autour d’une première bouteille fraîche, qu’elle sert dans deux verres, à ras bord. Le nez par-dessus le bras du blond qui s’active en cuisine, elle observe la fin de la préparation du repas en déposant le verre destiné au capitaine non loin du four. « Il s’est passé quoi avec le canapé? » Peu soucieuse de savoir ce qu’il s’était réellement passé, Yuliya s’inquiétait plutôt de l’absence de lit confortable où passer la nuit. Dormir sur le plancher, elle le faisait tous les jours, après tout.
  Jeu 15 Aoû - 23:32
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Artiom Iejov
RULE THE MONSTERS WORLD
Artiom Iejov
Impétuosité : 279
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Alors qu’elle disparait dans la salle de bain, tu te mets plus à l’aise, laissant ta veste sur le dossier d’une chaise, libérant tes pieds de l’emprise des lourdes bottes, le nez plongé un instant dans un sachet à embêter un de tes chats qui cherchait à s’y glisser. Puis tu extirpes de quoi nourrir le monstre, tu sors une poêle et glisse dedans les pelmenis, sur un recoin du comptoir tu coupes les légumes pour les faire cuire dans une petite casserole afin d’accompagner le plat principal. L’eau mise dans la bouilloire sera lancée lorsqu’elle sortira de la salle de bain. La sauce cuit tranquillement et tu observes un long moment la vue – très médiocre – que t’offre la fenêtre de ta cuisine alors que Yuliya se délasse dans la salle de bain. Tu iras après le repas. Les chats te tirent le bas du pantalon et tu finis par céder, quitte à les voir s’empâter, et tu verses dans leurs assiettes le contenu d’un repas complet pour chacun avant de les papouiller tendrement.

Lorsque la jeune likho sort de ta salle de bain, tu es retourné à la finalisation du repas. Ce sont des ingrédients et des plats qui te sont familiers, rien à craindre du côté de la mise en place outre la fraicheur des aliments et tu lances juste à temps l’eau pour qu’elle puisse se servir dans quelques minutes son bol de soupe tranquillement. « Coups de reins trop puissants. » Enjolivé, exagéré, tu as sourire dévoilant ton diastème, offert à la gamine penchée par-dessus ton bras. Tu attrapes le verre qu’elle a laissé à ton attention et tu te l’enfiles en deux gorgées, manquant de t’étouffer avec la seconde dans ton empressement. Tu souffles et tousses en la reposant là où tu l’as prise. « Sers toi. » Tu ne lui indiques pas où trouver tout ce dont elle a besoin, elle ira fouiller d’elle-même ou se souviendra des dernières fois. Tu glisses les pelmenis dans les deux assiettes posées dans un coin et pose le récipient de sauce sur une planche à découper qui avait appartenu à ton frère et servait à tout – griffes des chats, sous plat, briser la glace du congélateur – sauf pour couper. Tu reprends la bouteille et tu sers les deux verres tranquillement, t’enfilant d’une rasade le kvas. Tu reposes la bouteille et tu vas te chercher quelque chose de plus fort que tu te réserves pour l’instant. Aux grandes personnes les grandes boissons. « J’aurais besoin de bras pour monter l’autre quand j’aurais le temps. » De l’acheter, d’y penser, que toi Yulka tu m’y feras penser.

Il faut dire que le canapé et ce genre de meubles étaient surtout utilisés par tes invités désœuvrés ou tes chats, tu les utilisais parce qu’ils étaient plus proches que ta chambre. Tu restes debout alors que tu piques un pelmeni que tu trempes à même la casserole, tu te l’enfiles et tu ramasses un des chats qui s’est élevé sur la table pour le remettre dans la pièce de vie. Il te lance un regard puis s’éloigne pour aller se lover sur la couverture et vous fixer d’un air inquisiteur, attendant que tu sortes quelque chose qui serait plus attirant pour ses papilles.
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  Ven 16 Aoû - 0:26
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Le temps d’assimiler l’information que lui donnait Artiom, les sourcils de Yuliya se froncent, ses lèvres s’entrouvrent, ses narines se dilatent et son front se creuse sans qu’elle n’y donne son accord. La gamine relève la tête pour croiser le sourire éloquent du capitaine, ce qui ne la fait qu’exagérer davantage les expressions de son dégoût. « Ew ew ew ew! » Elle décolle aussitôt du policier, faisant quelques pas vers le salon en tournant sur elle-même, agitant ses bras comme pour se débarrasser d’un insecte qu’elle aurait vu sur ses doigts. « Pourquoi tu me dis ça, je veux pas savoir! Y’a des trucs comme ça qu’on peut pas s’empêcher de visualiser », chouine-t-elle, se frottant les yeux comme pour retirer les images mentales qui dansaient sur ses paupières fermées bien malgré elle. Il lui indique de se servir d’elle-même et elle n’avait pas besoin de se faire prier pour s’exécuter, osant tout ce qui était disponible dans un mélange peu ragoûtant dans son assiette. Ça serait toujours meilleur que ce qu’elle pouvait manger en général. Même si elle lorgne la bouteille de spiritueux, elle se contente sans problème du kvas, vidant son verre à un rythme qui l’abonnerait assurément aux toilettes aux heures pendant toute la nuit. « Je pourrai revenir manger? » ose-t-elle alors qu’il lui sous-entend qu’il aurait besoin de soutien — technique ou moral — lorsqu’il récupérerait un nouveau canapé. « Pis je l’essaierai, aussi. Histoire que tu saches que t’as fait un bon choix. J’me sacrifie. » Le nez dans son assiette, elle ne tente pas de faire passer sa remarque pour quelque chose qu’elle n’est pas : c’est une auto-invitation flagrante, sachant que si elle se tenait, elle aurait moins à supplier pour qu’Artiom accepte. Ce soir, elle était réellement tombée au fond du baril — elle ne pouvait que remonter, non?

Elle vide son assiette à un rythme conséquent, alternant soupe et pelmenis dans un ballet anarchique. Ça lui fait un bien fou d’être assise à une table, avec les chats qui se frottent sur ses pieds, dans un appartement qui ne sent pas l’humidité et fraîchement lavée; elle se sent enfin normale. « J’ai dit que je voulais pas savoir, mais en vrai, je suis curieuse », avoue-t-elle alors qu’elle leur ressert à tous les deux leur boisson de choix. « Je la connais? Elle est sympa? » Sûrement, s’ils n’avaient même pas pris la peine de se déplacer jusqu’à un endroit mieux choisi pour des coups de rein. Ça ne coûtait rien de tenter d’en savoir plus. « C’est genre, officiel, ou…? » La curiosité mal placée, peut-être indiscrète, mais elle veut savoir. Elle n’avait jamais eu vent de quelque relation que ce soit, même si elle avait souvent remarqué qu’il laissait son regard traîner.
  Dim 18 Aoû - 17:32
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