Histoire
16 février 2010
Célébrer les jours qui passent, est-ce réellement nécessaire? Ekatarina ne se sent pas plus vieille ni même plus sage que la veille. Elle se sent juste incroyablement blasée. Le sourire aux lèvres mais la mort dans l'âme. La foule n'est qu'une vague d'inconnus, d'étrangers, à peine mieux que des connaissances. Ils ont de l'influence. Ils sont important. Dans la sphère où évolue Ekatarina, le réseau c'est capital et un anniversaire n'est rien de plus qu'une opportunité à saisir pour grossir le carnet d'adresse, comploter et consolider des liens. Ces mondanités la débecte et pourtant elle brille. Précieux diamant poli par les bons soins de ses parents. Personne ne remarque les failles. Personne ne voit au-delà des apparences bien trop accaparés par la beauté d'Ekatarina, bernés par son jeu d'actrice.
Pourtant son masque se fendille. Le rempart s'effondre lorsqu'elle
la voit. Si belle. Si majestueuse et sauvage à la fois.
Taïsiya. Le palpitant de l'humaine s'affole. Ses poumons cessent leur activité un instant. Le souffle coupée par cette apparition, Ekatarina demeure figée, les prunelles rivées sur l'objet de son amour. Le monde pourrait s'effondrer l'espace de cette seconde précise, elle ne le remarquerait pas. Le port altier, la démarche gracile, la Bazarov s'approche de l'entrée gardée par un colosse. L'ultime barrage.
— Je vous le répète, je vois votre nom inscrit nul part sur les registres. Vous ne pouvez par conséquent pas entrer.A l'unisson, les lèvres des deux amantes s'étirent, complices. Moment fugace et éphémère. Ekatarina arbore aussitôt son masque autoritaire, digne d'une future dirigeante.
— Elle est avec moi. C'est mon invité. Cela vous pose t-il un problème?Le calme avant la tempête. Ses claires prunelles se font polaire. Poupée de givre. Intransigeante petite créature. Elle n'attend aucune réponse et il le sait.
— Je suis désolée mademoiselle Bazarov. Craintif quant à l'avenir de son emploi, il s'empresse de laisser passer l'intruse. Il a les pieds sur des charbons ardents et le cul entre deux chaises. Qu'il accepte ou refuse dans les deux cas il risque gros. Les deux concubines, aussi discrètes que pressées, s'éclipsent dans un coin isolé de tous. Ekatarina se demande ce qui choquerait le plus. Qu'elle ose s'afficher avec une femme ou une Vila?
Dans l'intimité d'un placard, leur passion éclate. La complicité des gestes répétés mille et une fois les ensorcelle. Ces soupirs qui se meurent contre leurs lèvres avides. Ces peaux qui se heurtent avec le désir profond de se fondre l'une dans l'autre. Et entre deux caresses, la promesse d'un nouvel avenir se profile.
— Partons ensemble, loin d'ici.Le souffle de la Vila contre sa gorge, Ekatarina peine à réfléchir. Pourtant un sourire mutin s'esquisse .
— Tu veux qu'on aille chez toi?L'étreinte cesse. La passion charnelle s'éclipse mais Ekatarina décèle une fougue nouvelle dans le regard de son amante. Une nouvelle forme de passion, une détermination implacable.
— Non. Je veux dire... Partons d'ici, quittons ce pays. Pourquoi ne pas nous rendre en France? Ou aux états-unis? Nous n'aurions plus à nous cacher. Tu as l'argent et moi j'ai les relations nécessaire pour fuir. On peut le faire à nous deux.C'est fou. Incertain. Dangereux.
— C'est d'accord.22 octobre 2010
La peur s'immisce sous sa chair et s'enroule autour de son palpitant. Il s'agite, s'affole. La terreur gronde. Pourtant c'est l'euphorie qui mène la danse et soulève les lèvres d'Ekatarina. Une nouvelle vie s'offre à elle. Une nouvelle vie où elle pourra devenir qui elle souhaite au côté de celle qu'elle aime. Un avenir plein d'un bonheur parfait. Mais la tragédie frappe à sa porte et se dissimule sous une capuche noire, la Faux en main. Ce jour-là, la tragédie a le goût âpre de la mort. Carcasse de chair sans vie, dénuée d'éclats dans le fond de ses iris. Le désespoir déchire sa cage thoracique. La douleur est fulgurante. Elle veut crier sa rage, Ekatarina, mais sa voix s'enraille. Cette boule dans la gorge prend toute la place. Elle voit en Taïsiya un avenir avorté. Un rêve brisé. Un amour perdu à jamais.
12 février 2011
Anesthésiée par les pilules, Ekatarina n'est qu'une coquille vide mais incroyablement docile. Un constat qui peine son père mais arrange sa mère. Ce jour-là plus que d'habitude. La matriarche peigne avec douceur la chevelure de sa fille. Ce tableau vu de l'extérieur paraît si touchant, attendrissant. Moment de complicité entre une mère et sa progéniture. Mensonge. Illusion.
— Ce dîner, ma chérie, est très important. J'espère que tu le comprends.Les claires prunelles d'Ekatarina se lève vers le reflet de sa mère, l'objet de sa hantise, ce couteau qui s'enfonce à chaque fois dans une plaie béante. Monstre. La colère à elle seule ne suffit malheureusement pas à l'animer, pauvre pantin désarticulé, poupée brisée.
— Ton père a bon espoir de signer un accord avec ce monsieur Zalitzev mais ça ne se fera pas sans ton aide. Ah et si tu pouvais, pour une fois, éviter de te maquiller comme ces... gothiques, ça nous ferait plaisir. Met une robe rouge pour changer, je suis malade de voir tout ce noir sur toi. C'est d'une tristesse. La mère feint de ne rien savoir du deuil de sa fille car après tout, ça ne peut que lui passer. Ekatarina est encore jeune mais avec le temps et de la sagesse, elle réalisera combien les créatures surnaturelles sont mauvaises pour leur société. Elle comprendra le choix drastique que sa mère a du exécuter.
14 juin 2012
— Maman, je t'en prie, relâche-moi, pitié...Sa voix se brise sous le désespoir. La peur noue ses entrailles et son estomac menace de se retourner comme un gant. Malgré les supplications de sa fille, la mère ne bronche pas, persuadée de son bon droit, persuadé d'agir au mieux pour "traiter" sa fille. Ekatarina se débat mais les sangles sont trop serrées. Son palpitant menace d'imploser. Pourtant ce n'est que le début du calvaire. Au côté de sa mère se tient cette femme au visage austère. Maudite blouse blanche, dénuée d'âme et de compassion. Les électrodes dont elle s'emparent trouvent refuge sur le crâne de la jeune Bazarov.
— Maman... arrête. Je te jure que je vais changer. Je te le promet.
— Tu m'as déjà dit ça Ekatarina mais je t'ai encore surprise en compagnie d'une femme. Cela ne peut plus continuer.La terreur cède sa place à la rage. Cette rage primitive qui donne envie de tout renverser. De tuer. Et elle hurle, Ekatarina. Elle hurle sa fureur à la gueule de ce monstre.
Ces monstres. Puis le premier électrochoc d'une longue série brouille son esprit et transforme son corps en un océan de douleur.
février 2019
On ne lui parle que de ça : son futur fiancé. Il est beau, qu'on arrête pas de lui répéter. Certes. Il a juste un service trois pièces en trop et des obus en moins. Une remarque qu'elle se garde pour elle, préférant pouffer et minauder, jouant le jeu. Oh oui, il est diablement sexy, qu'elle répète à son tour. Oh oui qu'elle a hâte, qu'elle affirme. Parce qu'elle n'a pas le choix. Parce que l'ombre de sa mère plane constamment autour d'Ekatarina.