La marche t’avait épuisée et grimper les quelques étages pour atteindre ton chez-toi t’avait laissé dans un état de malaise avancé. Le souffle court, la sueur froide collant ta chemise à ton dos, le teint aussi pâle que les pansements sur ton visage, tu avais dû t’arrêter à chaque pallier. Seule l’envie de ne pas te laisser distancer par Lena qui était en pleine marche de fatigue hallucinatoire t’avait empêché de tout simplement t’asseoir en bas des marches et de laisser le destin choisir de ta fin. Le cœur au bord des lèvres tellement ta tête tournait, les mains tremblantes de fatigue nerveuse et physique, tu te laissais tomber sur les marches qui menaient à l’étage du dessus, hébété. Tu ne savais pas quoi faire de tes mains, de toi-même, tu ne savais rien.
Tu observes un long moment le bout de tes chaussures dans un état d’ahurissement poussé par l’accumulation de mauvaises nouvelles, de violence et d’un vide moral que tu étais incapable de combler.
Il te faut un petit moment pour comprendre que tu es censé ouvrir la porte et tu observes le bout de tes doigts égratignés. Ils te brûlent, tout te brûle et tu prends une longue inspiration sifflante, qui retient des sanglots par la seule force de l’air que tu essaies d’expirer de la manière la plus sereine possible. C’est aussi inutile que d’essayer de faire croire que tout va bien. Tu te mets à sangloter comme un con sur les marches, tu caches ton visage dans tes mains, sans savoir quoi en faire. Le visage rouge, les yeux pourtant secs, tes épaules tressautent. Il faut que tu te lèves, que tu fasses quelque chose, tu peines à donner l’impulsion et par deux fois tu ne parviens même pas à passer en position verticale. Tu finis par t’aider de la rampe, le visage défait et tu trébuches vers ta porte.
« J’ai pas mes clefs. » Un silence, puis tu éclates à nouveau en sanglots lourds, cette fois les larmes coulent et tu serres et desserres les poings. « J’ai mes clefs… » Tu ne bouges pas de devant la porte pendant un long moment, alors que tu pleures comme un gamin, bruyamment. Tu tapes du plat de la main contre la porte. « Naaki ! » Tu frottes ton visage avec ta manche, renifle fort. Elle ne doit pas te voir dans cet état. Ca ne fait qu’augmenter la force des sanglots.