« C'est un putain de con, voilà tout! » Sa langue claque sur son palais, à mesure qu'elle franchit la distance. S'avançant, prête à retourner dans ce bar, sans raison autre, que de se prouver qu'elle n'est pas restée marquer par son retour à l'asile. Alkonost s'agite sous son crâne, approuve les paroles de la rousse. Ce qui ne surprend personne, Lyov étant sur la liste noire de l'oiseau. Agacé par sa précédente rencontre avec le proxénète, Esfir se sent d'humeur à défoncer la première personne qui lui marchera sur un orteil. Consciente, qu'elle n'a jamais eu la force d'agir ainsi, trop faible de corps et peut-être même d'esprit par instant, elle se contente de maudire son entourage. Maudire le passé qui se montre aussi entravant que des chaînes. Énervé, elle laisse la porte claquer à sa suite et évite de regarder qui que ce soit, le temps de trouver un endroit où poser ses fesses. Ce qui, un soir de semaine, après les perquisitions et le bal masqué semble plus facile qu'auparavant. Plusieurs choix s'offre à elle, mais Esfir choisi de s'installer directement au bar, sur le tabouret. Question de d'être plus en hauteur, de satisfaire au minimum à cette pulsion qui coule dans ses veines et la pousse à se nicher aux endroits les plus hauts qu'elle trouve. Le vide appelant les ailes, que ce corps ne possède nullement.

Elle se force à sourire à la barmaid, ses cheveux retombant un peu devant son visage. « Quelque chose de doux. » Une tignasse attire son regard, elle sourit en coin. Remarque la blondeur des cheveux et la silhouette qui s’y rattache. « Et quelque chose qui lui plaira à elle. » Elle indique Liz du doigt et ne peut s’empêcher d’observer la peau pâle de la femme. Une envie lui chatouillant les doigts. L’envie de marquer cette peau de son art. Enfin… C’est ce qu’elle se répète. Alors, qu’Alkonost roucoule dans ses veines, s’installe confortablement. Toute compagnie lui plaisant davantage qu’un certain vieil homme.

La rouquine se retient de vraiment observer la femme, qu'elle a abordée. Un malaise la prenant parfois, quand Liz croise sa route. Alkonost s'agite sous son crâne, jetant un regard vers la blonde avant de se désintéresser. Du moment que ce n'est pas Lyov, l'oiseau semble satisfaite de la situation. « Esfir. Je suis contente de te voir, ça va ? » Question banale, qui a toujours été si complexe pour la jeune femme. Elle n'a jamais ressenti ce ‘'ça va'' que tous, se lancent par la tête. Pourtant, Esfir fait un effort et sourit. Les mains sur le verre qu'elle a commandé, pour soi-même. « Je m'en sors et toi? » Simple politesse, que pour une fois, Isild n'a pas oublié de lui apprendre. Donnons à sa mère, ce qui lui revient… Rarement.

« Merci pour le verre. » Son sourire se fait sincère, alors qu’elle remarque l’accoutrement de Liz. Intérieurement, elle se demande comment une jupe peut être confortable. Ce morceau de vêtement banni à vie de sa garde-robe. N’empêche, qu’elle ne peut qu’approuver ce choix pour le corps de Liz. En guise de réponse, elle soulève le sien et fini par le porter à ses lèvres. Laissant l’alcool réchauffer doucement sa gorge. Ses efforts pour socialiser ayant plus de chance de réussir, si elle perd un peu le contrôle. « Qu'est-ce que tu racontes de beau ? »

Esfir sent la légende sous sa peau gonflée ses plumes et instinctivement, elle cherche à cacher les siennes dans sa chevelure. Sa nouvelle habitude de ne plus les camoufler n'étant pas tous les jours faciles à assumer. « Je remets mon studio en état de marche. Les perquisitions n'ont pas été tendres avec lui. » Que dire de plus? Mentionner son détour par la case asile ne semble pas vraiment opportun. Surtout que ceux qui la connaissent, on déjà entendu cette rumeur sur sa ‘'crise de nerfs''. « Dis-moi, tu veux bien inaugurer mon studio, quand il sera de nouveau opérationnel? » Elle bat des cils, jouant l'innocente. Bien que l'envie de la marquer de son art, tourne presque à l'obsession par instant.

« ça a été dur pour beaucoup de monde, oui, mais à force tout le monde s'en remet. Si tu as besoin d'aide n'hésite pas à me demander. » Le rire est léger et sincère, alors qu'Esfir se détend peu à peu. Verre entre les mains et liquide alcoolisé pour l'y encourager. « À moins que tu ne souhaites te changer en femme de ménage, quelques heures, il n'y a pas grand-chose à faire. Mais, merci de proposer. J'apprécie. » Elle lève son verre en signe de remerciement et en bois une partie. Grimaçant sous la chaleur qui se répand dans sa gorge. Demain, elle regrettera son choix de boire. Alkonost s'en fera une joie, elle qui boude dans un coin de son cerveau. Refusant de partager le corps d'une personne qui se soûle. Bien, qu'elle soit encore loin de cet état.

« Si les tatouages sont toujours indélébiles, c'est non ma jolie. » Elle grimace une seconde fois et ses lèvres prennent le pli d'une moue presque gamine. Alors, qu'elle observe Liz, battant des cils. « Mais, ta peau serait si belle. Encore plus que tu ne l'es aujourd'hui. » Son obsession du tatouage l'obligeant à ramener le sujet sur la table, à chaque fois. Du moins, quand elle est d'humeur à socialiser et ne se cache pas dès qu'une tête connue apparaît. « Et si ce n'était pas permanent? » La question lui échappe, le souvenir d'une autre méthode… L'henné? Elle devrait peut-être en offrir à la boutique? Pour avoir accès à plus de peau. Un coup d'œil lui échappe, alors qu'elle observe celle de la blonde. Magnifique, la seule pensée qui la surprend.

L'effleurement lui fait relever les yeux pour mieux se concentrer sur le visage de Liz. Elle inspire, retient quelque peu sa respiration. Surprise de l'emballement de son pouls. La rousse se retient pour ne pas chercher à cacher ses plumes. Ignorant si, elles peuvent offenser quelqu'un dans la salle. Du moins, celle qui lui fait face. « J'ai entendu dire que tu avais eu des semaines compliquées... ça va mieux ? » Elle se fige, ravalant l'émotion qui se mêle à son trouble. Mordillant l'intérieur de sa lèvre. « Si ça s'est rendu à toi, je crois que toute la ville doit en avoir entendu parler. » Esfir souffle son air, sentant la tendresse de l'oiseau s'éveiller aux souvenirs qui ne tardent pas à l'envahir. Elle reste muette quelques secondes, avant de sourire plus tristement et de finir son verre. « C'est derrière moi, alors oui, je m'en sors Liz. » D'un signe de la main, elle commande de quoi continuer à s'enivrer. Une nouvelle manie en devenir? Elle espère que non. Avant de regarder de nouveau, celle qui secrètement la trouble. « Je suppose, que ton travail n'en a que doubler? Avec toutes ces personnes qui ont préféré fuir? »

Sourire qui s’adoucit sur son visage fatigué par les semaines. Esfir porte son regard sur la blonde, s’attarde sur son visage un instant. « Fait attention, je pourrais te prendre au mot. » Qu’elle taquine, l’alcool l’aidant à se détendre. La rousse vacille dernièrement, ses pensées froissées quotidiennement par les visions et la présence de l’oiseau. Ses souvenirs douloureux ne sachant plus se ternir. Pourtant, elle est plus légère à cet instant, profite de la présence de Liz pour retrouver quelque chose de tangible… Plus réel. La rougeur sur ses joues, chaude et malaisante, lui rappel la beauté de la femme, sans pour autant la rendre plus audacieuse. Contemplant et tournant l’attrait pour son obsession favorite. Celle du dessin et de la peau.

« Si ça n'était pas permanent, peut-être, alors. Mais tu sais que je n'aime pas l'idée. Tu as une idée de dessin ? » Une lueur brille dans son œil, elle ne peut retenir le plaisir qui l’habite et sa passion qui la dévore. Elle penche légèrement la tête, réfléchit quelques secondes. « Quelque chose de sauvage et magnifique… Un animal peut-être. » Quelque chose gratte sous la surface de sa mémoire, Esfir le chasse en secouant sa tête, faisant valser les plumes dans ses cheveux. Douce preuve de sa nature… Disons, autre.

De l'art à la folie, l'ex prostituée se referme à cet instant. Très peu, mais tout de même. « Oh je ne crois pas que tout le monde sache, tu sais que j'ai des infos d'un peu partout. Tant mieux. Là aussi n'hésite pas si tu as besoin d'aide, d'accord ? » Elle hoche la tête, maladroite dans cette conversation. Elle n'a pas l'habitude qu'on sache des choses sur sa personne. Ni même qu'on s'y intéresse réellement. « T'inquiète pas. Ce n'était qu'un petit problème de compatibilité. Entre les drogues qu'ils m'ont administrées après l'émeute et heum, disons une particularité de mon cerveau, je n'ai pas pu encaisser. Un peu de repos et je suis de retour sur pied. » Elle ment à moitié, hésitante sur ce qu'elle peut dire ou non. Sa nature légendaire, qu'elle cachait avant et qui maintenant est évidente, reste un sujet sensible dans cette ville. Par chance, Liz se laisse entraîner vers un autre sujet. « Oui, c'est de la folie ! Je suis obligée de payer des renforts. » Esfir rigole un instant, un son charmant et si peu entendu par ses proches. « Je me proposerais bien de te dépanner, mais un nouveau séjour à l'hôpital ne plairait pas. Les côtes fracturées, une fois par mois, ça me suffit amplement. »