Ignite the flame within
Zamoskvoretchiye. Lieu déconseillé pour les simples mortels. Lieu remplis de danger et de tumulte. Pourtant, Daeho n’a pas hésité à vouloir y travailler. A postuler dans ce bar tentateur malgré les recommandations inquiètes de sa famille d’accueil. Destin? Peut-être. Insouciance? Il l’avait toujours été, à sa manière. Frôler le danger. Jouer avec le feu. Tentant. Si tentant que non. Il n’a pas hésité une seule seconde à le faire et il ne regrette pas à ce jour. Par ailleurs, il a décroché le poste et le voilà ce soir, en cette nuit étoilée, à apprendre les ficelles du métier aux côtés de son aîné. Cela lui plaît assez. L’effluve qui se dégage de ce lieu. L’essence même de la luxure, de la joie et du désir. Sans savoir pourquoi, il se sent bien ici. Heureux et épanoui. Chose qui n’était pas arrivé depuis tellement d’année. Trop en vérité. Chose qui, cependant, ne tardera pas à s’effriter, s’envoler dans un destin proche, destructeur et fatidique. Car il ne sait pas encore ce que l’avenir lui réserve. Il ne connaît pas encore son sombre dessein. Alors il sourit, profite. Oui, il sourit, vit enfin sa vie de mortelle sans savoir qu’il va la perdre d’un temps à un autre. A une seconde bien définie. Ses doigts entourent la matière sèche d’un torchon et il essui quelques verres. Ses yeux perçants dérivent de temps à autre sur les clients. Puis sur les danseuses qui se trémoussent sur scène, attisant le feu chez certains êtres avides de chair.
Les secondes défilent. Les minutes se fondent peu à peu. Quand soudain, son regard accroche une silhouette particulière. Celle d’un jeune homme dont les traits masculins attirent son attention dissimulée. Bel étalon sous ses iris appréciateurs. Carrure musclé qui le fait sourire malgré l’interdit imposé à sa propre personne. Son coeur bat plus rapidement contre sa poitrine crispé. Ses mains tremblent légèrement par le désir sournois, malhabile qui frétille à présent dans son bas ventre. Horreur que voilà. Torture psychologique latente. Daeho n’aime pas ressentir ce méfait. Il cherche à s’en dépêtrer. A s’y soustraire d’une manière ou d’une autre. Il sert les dents, mordille ses lèvres inférieures, chasse cette image, cette pensée de ce corps grecque sur le sien, lui infligeant milles persécutions délicieuses. Un grognement rauque s’échappe de sa gorge et il porte soudain son attention ailleurs. Frappé par ses propres désirs aux vices dégoutants. Il refuse toujours autant cette attirance brutale, violente. Il la rejette subitement et foudroie du regard Viggo, son collègue, son pilier d’apprentissage lorsque ce dernier l’interpelle, notant une vérité qui le transperce de plus belle. Telles des lames acérées.
- Je ne vois pas de quoi tu parles…
Mensonges. Refus de voir ce qu’il ressent au plus profond de son être tiraillé. Protestation traversant la barrière serrée de ses chairs. Sourcils qui se froncent, se tendent sur une peau déjà plissée. Les dires de son ainé le transperce, le titille. Ses paupières papillonnent et son coeur manque un battement frénétique devant sa proposition des plus surprenante.
“Teste une fois. Essaye”Est-il en train de le défier? De le pousser dans ses retranchements? Oui, à n’en point douter. L’asiatique ne manque pas de remarquer son air taquin, amusé. Il se crispe et balance, se mettant presque sur la défensive tandis qu’il s’approche, sert les poings en protestant :
- Pff. Tu dis vraiment n’importe quoi. Moi? Tester avec toi? Tu m’as bien regardé?
Jamais de la vie. Sa fierté, son égo est en jeu. Oui. Il refuse toute réalité. Toute vérité. Son regard s’échappe, se pose ailleurs et il observe à nouveau l’homme, au loin, lui donnant une magnifique vue sur son fessier. Ses joues rougissent, prennent une couleur rouge vif. Il se sent mal à l’aise tout à coup et il se tend. D’autant plus. Crispe son corps déjà gonflé. Un :
- Bwaaa.
S’échappe de sa gorge nouée et il claque sa langue contre son palais, reportant son attention sur Viggo comme propulsé par sa colère insidieuse. Sa colère subite envers lui-même et ce désir pressant, presque douloureux qui attise son entrejambe secrètement.
- Deal. Je vais te prouver que tu as tords.
Oui. S’il doit passer par là pour se le prouver, il est prêt. Il prend cela comme un défi. A nouveau, sa langue claque contre son palais et il le suit à l’extérieur. Un soupir. Une inspiration profonde, libératrice. L’air vient chatouiller ses narines et il s’adosse contre le mur. Il sort de la poche de sa veste, un paquet de cigarette. Le filtre orangé se fond dans sa bouche et il allume l’embout, tend le briquet à son collègue en une pause échangée. Il ne sait pas comment ça va se passer. Il ne sait pas comment s’y prendre et il déglutit, se maudissant intérieurement d’être aussi faible et d’avoir accepter l’inavouable en l'occurrence. Pourtant, il n’est pas débutant en la matière. Il sait donner et prendre du plaisir. Il n’est plus puceau depuis bien longtemps mais ses partenaires ont toujours eu une poitrine, un corps de déesse et non une silhouette similaire à la sienne. Comme à l’instant.
- Pourquoi tu penses que je suis gay? Qu’est-ce qui te fais dire ça?
Questions muettes, silencieuses. Curiosité derrière un dégoût toujours aussi oppressant, dévorant. Il ne regarde pas Viggo. C’est un peu lâche mais il n’arrive pas à faire autrement. Peut-être, souhaite-t-il faire machine arrière. Une autre bouffée de son poison bienfaiteur et un nouveau soupir qui s’échappe de ses lèvres. Non. Il ne veut pas l’admettre et il a peur. Peur d’en connaître la réponse. L’arrière de son crâne vient à se poser contre la paroie et il tourne la tête en sa direction, haussant presque un sourcil suspect.