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BOYS AND GIRLS OF EVERY AGE, WOULDN'T YOU LIKE TO SEE SOMETHING STRANGE ?

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Naaki Sorgoi
MONSTER UNDER YOUR BED
Naaki Sorgoi
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@artiom iejov (sarasvati)


L’eau qui ruisselle.
Qui goutte.
Sillonne les valons des steppes sibériennes.
Les glaciers qui transpirent, abrupts.
Et les rennes qui redressent la tête, tendant l’oreille dans un frémissement perceptible.

Un bruit. Métallique. Humain.

La puanteur saute à la gueule de Naaki en même temps qu’elle ouvre les paupières, la face conglomérée contre le sol et sa frêle silhouette ratatinée contre l’asphalte. Ce qu’elle entendait, au-delà de sa conscience est bien moins reluisant que la douceur d’un souvenir.
Les eaux usées de la putain moscovite se déversent par un conduit, lui éclaboussant les frusques au passage. La nénètse se redresse brusquement sur ses paumes, le crin noir et hirsute retombant en mèches folles devant ses yeux alors qu’elle louche avec égarement sur le côté.

Droite. Un rat se carapate dans un tas d’ordures et elle peut y deviner une colonie.
Gauche. En surplomb, les ombres des individus qui passent au-dessus d’elle sur la passerelle se projettent de biais dans une sinistre déformation amplifiée par le lampadaire esseulé.

La panique l’étreint. Dans une inspiration sauvage, Naaki vient coller son dos contre les fondations du passage avec l’envie de replier ses jambes contre elle et enfouir sa tête contre ses cuisses. Mais son membre fantôme lui rappelle la triste situation qui l’a conduite ici aujourd’hui.

Combien de temps cela fait-il ? Qu’elle est loin des siens. Sinistrée.
Où est-elle ?
Là où les hommes se terrent, se rangent et s’enlisent. Dans leurs cercueils de béton et leurs tours de verre. Dans l’une de ces villes qu’elle a toujours exécrées.

La main se pose instinctivement vers le tibia manquant, le vide contre lequel se perd la paume. Ils lui ont coupé la guibole en dessous du genou, les enflures.
Pour ne pas que la gazelle s’échappe. Ce qu’elle les hait, maintenant qu’elle réalise ce qu’elle a enduré – même si ça fait des jours, des semaines, des mois. Elle ne sait pas, elle ne sait plus.

Une rage sourde se déchaine en elle et elle laisse échapper un cri inarticulé, la sauvageonne, puis se cogne la caboche de ses phalanges. Elle aurait dû mourir, encore une fois mais le sort s’acharne. La voilà à essayer d’échapper à ses bourreaux dans une jungle urbaine qu’elle ne connait pas. A rêver de liberté et au confort de son quotidien laissé derrière quand ces raclures sont venues la chercher. L’arracher à ses origines pour mieux la salir. La pourrir.

Son moignon la démange sous la couche de tissu synthétique auquel elle n’est pas habituée. Ce qu’elle donnerait pour récupérer ses peaux, ses fourrures, ses armes, ses réveils au grand air glacial et le silence de Mère Nature. Ce qu’elle maudit le brouhaha des gens qui respirent, parlent, souffrent et s’enferment dans leurs cages d’acier.

Ils te cherchent encore, Naaki. Il faut que tu bouges.

Elle a tellement dormi qu’elle ne sait plus combien de temps cela fait qu’elle est là, jetée sous ce pont – rongée par la crasse et par la faim. La main tâtonne dans l’obscurité de sa cachette jusqu’à trouver le bout de bois qui lui a servi de béquille. L’expression fendue d’une mûre circonspection, elle tente de se rappeler comment elle a fait pour échapper à ses ravisseurs, flanquée d’un handicap pareil.

Mais un rictus méprisant se dessine bientôt sur ses babines tandis qu’elle ricane comme un animal malade. Elle se souviendrait de lui d’entre mille – d’autant plus qu’elle n’est pas franchement habituée à en avoir côtoyé, des humains.
Elle se rappelle de lui. Celui qu’elle a maudit pour s’en sortir. Celui qui paiera pour tous.

Elle est secouée par une violente quinte de toux, Naaki. Glaviote une injure dans sa langue natale avant de percevoir un bruissement au-dessus de sa tête qui lui fait plaquer son avant-bras contre sa bouche pour se contraindre au silence.

Le temps se suspend à l’air comprimé dans ses poumons. Puis les prunelles céruléennes galopent jusqu’à son ombre d’éclopée – celle qui s’éloigne alors que la source de lumière ne change pas. Elle se carapate comme l’ombre facétieuse de Peter Pan entre les surfaces éclairées jusqu’à atteindre un point de non-retour.

Et pouf !

Naaki se sent soudain comme aspirée de l’intérieur. Elle a l’impression que son corps se tord à lui coller la nausée mais lorsqu’elle ouvre les yeux, sa posture est à l’identique… Sauf qu’elle n’est plus au même endroit.

Et ça lui revient maintenant, comme une claque sur le museau. Après l’avoir maudit, lui, elle a réussi à s’enfuir – non pas avec son physique diminué mais avec cette faculté étonnante. Elle peut déplacer son ombre et se projeter dessus.

Hébétée, la nénètse cligne des yeux avant de buter contre une silhouette qui se découpe quelques mètres devant elle. Carrure esseulée qui trace son chemin sans même percevoir sa présence. Elle devine une physionomie masculine et se noie presque dans la poésie d’une pensée.

Cache toi, Naaki.
Torpeur.
Cache-toi avant qu’il ne te remarque.
La sauvageonne sent ses entrailles se nouer dans une détresse alarmante comme si tout lui dictait de courir après cet inconnu.

Ce sentiment soudain la désarme. Elle brûle de savoir, Naaki. De savoir qui il est. Epuisée et puante, la donzelle tente de trouver un appui. Désespère de voir disparaitre l’objet de sa curiosité. Puis elle trouve un regain d’énergie pour se téléporter un peu plus loin, dans un angle qui lui permet d’observer l’homme plus en hauteur, dissimulée derrière un pan de mur.

Elle flaire instinctivement, comme si elle pouvait sentir les effluves de sa carnation. Se complait dans ce réconfort qu’il suscite dans un mystère absolu. Puis elle se braque contre elle-même dans une soudaine crispation du faciès qui lui donne l’air d’un chien farci de puces.

C’est qu'elle a mal, Naaki.
Elle a faim et elle a soif.
Et elle veut le suivre.
Le garder dans son giron comme si c’était sa seule chance de survie.

Mais à quoi bon ?




  Mar 10 Sep - 23:37
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Artiom Iejov
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Tu as passé tellement de temps dans les ruelles des bas-quartiers que l’odeur de Moscou ne te choque plus. Tu te souviens qu’en arrivant de ta campagne, tu avais froncé le nez, pleuré des jours, gêné par les effluves du peuple, braqué par le bruit et effrayé par les regards qui ne te voyaient pas. Ce n’est pas comme si être un anonyme parmi d’autres t’était étranger mais lorsque tu tombais, personne ne s’approchait pour te cueillir, personne ne t’invectivait d’une voix bourrue en te sommant de te relever, personne outre ton frère prenait le temps de te relever et de frotter tes genoux. Rater une grande partie de ta scolarité t’avait aussi rendu invisible, tu avais d’abord été une curiosité, un petit paysan arrivé à la ville, puis un absent qui débarquait de temps en temps par miracle. On avait fini par se lasser de toi et tes retours ne provoquaient que soupirs ; il allait falloir te donner des informations sur ce qui s’était passé. Les autres enfants étaient soudés et si certains vivaient dans ta rue, dans ton immeuble même, ils étaient rares à te connaître au-delà de ton prénom. D’enfant malade à qui on apportait parfois de la soupe, on finit par te surnommer lapoisse.

A force de la parcourir de long, en large et en travers, Moscou, tu commençais à la connaître. Tu ne considérais cependant pas être capable de la maîtriser ou même seulement de l’apprivoiser. Tu la laissais comme elle était, avec un équilibre des forces que la plupart des gens préféraient ignorer. Il y avait la Bolshoy, il y avait les sectes, il y avait les gangs, il y avait tout ce qui s’opposait à la morale et aux mœurs et tu ne faisais jamais suffisamment de zèle pour pouvoir te considérer comme un justicier. En dehors du commissariat, une clope qui tournait entre tes doigts tordus, tu préférais t’éloigner des autres, aller trouver une épicerie où on ne t’appelait pas par ton grade et où tu achetais parfois plus qu’un en-cas. De l’alcool, des clopes, de quoi jouer.

Ta nuque et tes paumes te grattent, tu t’arrêtes, le nez froussé, la clope au bec, tu tournes la tête. Ton 6e sens n’hurle pas au danger mais quelque chose le titille, tu es plus au fait des problèmes qui t’entourent et surtout ceux qui peuvent t’arriver depuis que tu as pleinement accepté ta situation. Tu ne mets pas ça sur le compte de ta poisse mais plus sur une chance apprivoisée par des années dans le corps d’un homme mort. Tu renifles, recule d’un pas pour te coller à un mur, ne pas emmerder les badauds. Tu as aussi d’autres sensations, d’autres créatures dans les environs mais Kitaï était un lieu censé être un terrain neutre, aussi leur présence ne te surprend pas. Tu fouilles dans tes poches à la recherche de ton briquet, tes bottes d’uniforme raclant le sol et les graviers tandis que tu piétines sur place. Tu finis par l’extirper et après plusieurs coups d’essai, tu finis par allumer la clope, les doigts tremblants et tu tires dessus, expirant les volutes vaporeuses vers l’intérieur de la ruelle, levant les yeux vers les étages… et tu attends.
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  Mer 11 Sep - 20:28
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Naaki Sorgoi
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@artiom iejov (sarasvati)


Il n’y a pas d’ours, ici.
Pas de baies sauvages dont il faut se méfier. Ni de chemins escarpés qu’il faut gravir en plantant un piolet, risquant la mort à chaque pas incertain sur la corniche glacée. Il n’y a pas cette crainte teintée d’adrénaline, rythmée par un mode de vie au grand air avec l’étrange sentiment de maîtriser quelque chose alors qu’il n’en est pourtant rien. Il n’y a pas cette question toute simple de subvenir à ses besoins. De risquer sa peau pour bouffer.

Non. Ici, il n’y a pas de prédateur, si ce n’est des hommes. Des regards qui ont louché sur ses formes, une sorte de pression sociale, viscérale, sale – ce genre d’envie vorace qui lui est étrangère pour la bonne et simple raison qu’elle n’en a pas croisé beaucoup, des hommes, dans la toundra. Et que sa famille est exclusivement composée de femmes depuis qu’elle a perdu son grand-père il y a quelques années de ça.

Ici, entre les murs de l’angoisse, la population s’entasse et les vices gangrènent. Elle voit ce jeu de pouvoir, Naaki. Elle a vu la liberté des femmes se faire bafouer par le monopole masculin. Destructeur. Il s’agit là d’une colonisation à plus petite échelle. Il parait pourtant que ça n’existe plus, les esclaves.

Ce monde est malade.
N’est-elle pas là pour ça, après tout ? Plaire. Ne sont-ils pas venus la chercher pour ça, après tout ? L’asservir.

Fébrile, Naaki ne comprend pas pourquoi son cœur s’emballe à la vision de cette silhouette pourtant masculine qui représente une menace pour sa condition de femme. Elle ne comprend pas pourquoi à ce moment précis, elle se dit que le perdre de vue scellerait son destin dans l’horreur.

Elle l’observe toujours, derrière son pan de mur. Le regarde avec une certaine fascination porter la clope à ses lèvres pour en cracher une fumée opaque. Son grand-père fumait. Elle se rappelle avoir essayé à ses huit ans, dans le pensionnat où la plupart de ses pairs se laissaient avoir par de plus grands qu’eux. Ici, beaucoup fument – comme s’ils avaient besoin d’occuper leurs doigts, frappés par l’ennui citadin.

Il bouge. Elle suit. De loin, prudemment. Vérifiant par intermittence qu’elle n’attire pas l’attention. C’est une chasseuse, Naaki. Elle a la discrétion dans la peau même si c’est nettement moins efficace avec un bout de bois en guise de béquille. Le bas de son pantalon flotte, ce qui ne laisse pas forcément penser au premier regard qu’il lui manque une partie de son anatomie.

Elle interrompt sa progression, soudain happée par une odeur qui lui fait frémir les naseaux. Elle tend le minois, flaire à pleins poumons puis se penche par-dessus la poubelle pour jeter un œil à son contenu. Dans son cellophane, un reste de kebab devient l’objet de son désir. Son estomac criant famine, Naaki arrache le papier et croque dans le sandwich avec un appétit vorace. Bobine baissée, elle ne voit pas de suite que l’homme est à quelques pas, tourné vers elle. Quand ses calots remontent sur lui, la jeune femme sursaute. Toise d’un regard méfiant, comme un chat noir qui se tiendrait à distance de l’humain.

Silence.

Elle arrête de mâcher. Sent son cœur bondir hors de sa poitrine dans une révolte désarmante. Elle le sait Naaki, que c’est donnant-donnant ici. Que pour espérer obtenir ce qu’elle veut – quoi, d’ailleurs ? – il va falloir qu’elle s’abîme.
S’aidant de sa béquille improvisée, elle s’avance d’un pas, avant de tendre le reste de son sandwich à l’homme qui la regarde. Il a les cheveux si clairs que ça lui rappelle son éducatrice, à l’époque. S’en sent d’autant plus angoissée. Il n’esquisse pas un geste, l’homme, probablement hagard.

Alors elle soupire Naaki. Parce que ce n’est peut-être pas de la nourriture qu’il veut, l’homme.
Elle déboutonne sa blouse épaisse pour découvrir une épaule – se disant que peut-être, il est comme tous les autres.







  Ven 13 Sep - 7:52
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Artiom Iejov
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Il ne fallut pas longtemps pour que ce qui te titillait fasse son apparition. Une délurée enguenillée, appuyée sur un morceau de bois comme une béquille, avec des sapes trop grandes, l’air de ne pas s’être lavée depuis un moment et d’être sortie d’une poubelle dans laquelle elle vivait telle Diogène depuis quelques semaines. Tu risques un coup d’œil autour de toi, tu es bien à Kitaï-Gorod, pourquoi aucun flic ne l’a ramassée ? Puis… qu’est-ce qu’elle fout ? Tu têtes toujours ta clope, les sourcils arqués face à l’offrande consistant à un vieux sandwich trouvé dans une poubelle. Qu’est-ce qu’elle te voulait, l’ahurie ? T’as une inspiration étranglée qui fait passer la fumée par le mauvais trou lorsqu’elle commence à te faire du charme et tu lâches une toux mouillée pour expulser ce qui t’étouffe.

Les remugles de la bonne femme t’étranglent et tu fronces le nez, essayant de retenir ta respiration tout en continuant de cloper. Putain mais c’était une infection, toi qui avais l’habitude de fréquenter les souillons au fond des geôles et les bas-fonds de Zamo’ avec certaines putes crades et pauvres gars paumés, te voilà servi. Dans ce quartier tu te serais pourtant attendu un peu plus de standing, même sortant d’une benne. « Madame. Qu’est-ce que vous… » faites ? voulez ? C’est qu’elle semble avoir un joli minois sous la couche de gras et de saleté. Wow Tioma, c’est pas le moment de penser à ça, puis rien qu’à la toucher tu risques d’attraper le tétanos. « Vous avez ramassé ça dans une poubelle ? Jetez ça ! » Tu grognes. Bon dieu, déjà qu’il allait falloir envoyer des flics ici pour la ramasser, autant éviter de ramener une clocharde malade en plus. « Approchez. » Tu lui fais signe de la main d’avancer vers toi, l’autre agrippée à ta ceinture. Tu lances un regard en coin vers la béquille improvisée, puis vers la femme. Ton nez toujours froncé pour retenir les odeurs de passer, tu aspires une dernière bouffée de fumée, te brûle presque les doigts et tu écrases ce qui reste sous ta botte. Tes yeux clignent plusieurs fois.

C’est une créature, une des tiennes, n’est-ce pas ? « Attendez. Vous êtes bien une likho ? » Bravo l’émissaire.  Tu ne connais pas cette fille pourtant, tu ne l’as jamais vue. Est-ce que c’est une nouvelle éveillée ? C’est difficile avec les tiens de poser ce genre de questions, c’est un peu pudique, la date de la mort. « Oh fait chier. » Tu passes tes deux mains dans tes cheveux, un long soupir t’échappe. T’étais encore trop sobre ou il était encore trop tôt pour gérer ça.
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  Ven 13 Sep - 23:36
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Naaki Sorgoi
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La tête inclinée, Naaki tente de distinguer des indices sur l’expression masculine. Le bougre tousse, manque de s’étouffer et semble pétri d’un malaise palpable. La sauvageonne fronce les sourcils de perplexité.

Qu’est ce qu’elle cherche, au juste ? Cette lueur de lubricité dans ses prunelles qui pourrait lui indiquer qu’un accord tacite se met en place ? Si il l’aide, elle le lui rend. Mais non, l’homme ne semble pas réceptif. Il est décontenancé et le fait entendre dans son timbre de voix, se noyant entre question et interjection.

Madame… ? C’est que ça lui rappelle la politesse des colons. La nécessité d’appeler l’éducatrice « madame », sous peine de recevoir des coups sur les doigts. Elle a envie de ricaner avec férocité. Je ne suis pas madame.

Lorsqu’il lui ordonne de jeter le reste du sandwich à la poubelle et qu’elle le comprend plus à sa gestuelle qu’aux mots, la mine de Naaki se froisse de désapprobation. Museau baissée, la farouche laisse échapper un sursaut d’épaules indigné. C’est qu’elle n’aime pas ce ton là et voit ça comme une offense qu’il en vienne à refuser son cadeau. Vexée, elle bombe le torse en remontant le tissu sur son épaule dans un geste sec.

« Approchez. » Lui dit-il tout en louchant sur sa canne. La nénètse plisse les yeux avec méfiance et ne s’exécute pas pour autant, le guettant comme si il allait se montrer agressif.

Elle ne saurait expliquer pourquoi elle est là à le reluquer de la sorte, partagée entre l’envie de rester là et celle de disparaitre sous ses yeux – fuir l’homme comme elle fuirait la peste. Un moment de doute flotte entre eux. Le gars écrase sa cigarette avant de la questionner à nouveau, suspendu à ses lèvres comme si la réponse importait. « Likho... ? » Répète-t-elle, peu sûre de comprendre. Tournant et retournant la phrase dans sa tête pour essayer d’en comprendre le sens.

Si Naaki n’est pas habituée au russe, elle n’en comprend pas moins les phrases faciles. Manque certainement un peu de vocabulaire. « Quoi, Likho ? » Ajoute-t-elle en haussant les sourcils, s’appuyant davantage sur son bâton pour se soutenir. Elle inspire profondément, retient brusquement sa respiration avant de sentir une vague de détresse l’envahir à nouveau.

Et voilà qu’elle ouvre la bouche Naaki pour déverser un flot de paroles dans sa langue natale, accompagnant son discours d’une gestuelle énervée. Et elle raconte même si il ne comprend rien parce qu’il faut que ça sorte.
Elle raconte la venue des hommes blancs à l’aurore près du Tchoum. Sa famille menacée. Elle, capturée. La vision embrumée des remparts de cette ville sombre tandis qu’elle est trimballée dans la bagnole. Tous ces gens qui s’entassent dans les rues crasseuses. Toute cette misère sociale effarante et les âmes qui errent dans la résonnance de leur être creux. Elle raconte les yeux fous de cet homme qui l’a forcée à rejoindre d’autres femmes. Elle grogne, Naaki. Tape du poing contre sa paume lorsqu’elle en vient à le décrire avec ses mots. Se fend d’une expression désespérée lorsqu’elle raconte qu’elle a essayé de fuir avant qu’on ne la fauche.
Sa détention. La douleur, l’infection.
L’amputation. La gueule dénuée de tout sentiment du médecin qui l’a opérée.
La haine qu’elle a crachée sur l’homme aux yeux fous. Elle l’a maudit, le salaud – elle l’a maudit pour qu’il crève de son impuissance.

Essoufflée, elle marque une pause. En vient à se coller contre le mur derrière elle, affligée par le désespoir. « Je suis ici. Je suis perdue. » Elle conclue. Lève les yeux vers lui. Des yeux dénués de colère. Seulement empreints d’une profonde lassitude. Puis articule dans le russe qu’il lui reste. « Tu es qui ? »

Et elle veut savoir pourquoi. Pourquoi malgré cette entrée en matière peu concluante, elle est persuadée de pouvoir lui faire confiance.
 
 




  Sam 14 Sep - 12:06
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Artiom Iejov
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Ok. Tu commences par ressortir une clope, ça au moins c’est quelque chose de clair et sensé dans toute cette situation. Tu es tombé sur une putain d’immigrée ou minorité ethnique qui n’a pas l’air de comprendre ce qu’elle fout là. Tu aurais dû t’en douter à sa dégaine et son hygiène douteuse. Elle s’excite toute seule et tu te demandes un instant si elle n’est pas une de ces délurées qui vient prêcher au milieu de la ville et tu hésites presque à lui laisser une pièce et passer ton chemin. Tu restes pourtant, surtout attiré par sa nature plus que par le tragique de ses borborygmes dont tu ne comprends décidément rien. Tu l’allumes dans un moment visiblement poignant de son récit et tu souffles dans un coin, opinant de temps en temps pour pas la froisser alors que tu n’as absolument aucune idée de ce dont il retourne. Tu aurais bien aimé pouvoir lui dire d’aller voir la police pour porter plainte mais tu n'étais pas sûr que quelqu’un parle sa langue et encore moins que ça ne te retombe pas dessus après.

Bon, déjà remettre les choses dans l’ordre. Une chinoise – ou approchant – qui s’est ramenée jusqu’ici, au vu des impressions que tu avais d’elle il s’agissait d’une likho mais elle ne savait pas ce que c’était. Comment expliquer ça ? Tu as le temps de finir ta nouvelle clope qu’elle en finit à peine de taper du poing. Des années à écouter les plaintes dans la police avaient développé chez toi cette fascinante capacité à te dissocier. « Quoi ? Iejov. Toi ? » Que tu finis par répondre, tu passes une main sur ton nez, les odeurs de clope te collaient aux doigts. « Likho. » Tu te pointes du doigt, puis tu la pointes à son tour du doigt. « Likho. » Ta main vient retrouver ta ceinture et tu l’observes un moment. « Compris ? » Putain mais elle venait d’où en plus ? A ne rien comprendre à son charabia, à sa dégaine et à son faciès, il y avait de grandes chances pour qu’elle vienne de très loin à l’est mais les mélanges ethniques se faisaient de plus en plus près de la capitale. « Tu comprends ce que je dis ou tu parles pas du tout russe ? »
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  Sam 14 Sep - 12:23
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Là. Maintenant.
Elle s’arrête de jacter et le scrute, la pupille fixe. Quelque chose chez lui la dérange à Naaki. Cette espèce d’indifférence désabusée qu’elle peut parfois arborer dans son rapport à l’autre – là, c’est lui qui lui oppose. D’ordinaire, la nénètse est plutôt du genre à dissuader d’éventuels compagnons de route et à faire un avec sa solitude, jouant sciemment sur la crainte qu’elle inspire de par le folklore local de son cadre de vie. Mais la voilà jetée dans un univers qui lui est inconnu et où elle ne maîtrise absolument rien. Elle se sent en position de faiblesse, et ça, ça la rend folle.

Naaki s’énerve de voir son interlocuteur impassible. Plus encore, elle lâche une grimace désespérée en le voyant tirer frénétiquement sur sa clope en hochant bêtement la tête à ses propos alors qu’elle sait pertinemment qu’ils ne parlent pas la même langue. Frappée par cette injustice dont elle est la proie, elle finit par croiser les bras contre sa poitrine et le détaille ostensiblement de la tête aux pieds, comme si c’était lui, l’étranger d’entre eux deux. Elle comprend qu’il se présente. Répète maladroitement le nom qui lui a été donné. « Iejov ? » Elle se penche vers lui pour tapoter son torse de son index avant de se désigner à son tour. « Moi, Naaki. » Le geste est répété sur de nouvelles indications. « Likho ? Likho. » Elle tente de comprendre ce que ça sous-entend car ils ne sont pas du même sexe ni de la même famille. Mais il semblerait que ce terme, Likho, puisse caractériser une similitude entre eux. Serait-ce pour ça que la nénètse se sent désireuse de rester près de lui ?

Il a une aura. Quelque chose de rassurant, même si cette nonchalance qu’il dégage a aussi de quoi l’horripiler. A sa dernière question, elle prend le temps de décortiquer les mots – creuse dans sa mémoire pour puiser dans son apprentissage qu’elle s’est forcée à oublier avec les années. Naaki acquiesce de la bobine, laissant flotter tout de même une once d’incertitude. « Un peu, russe. Moi, nénètse. » Elle se mordille la lèvre inférieure, noyant son regard dans les ombres à ses pieds. « Ils chercher moi. Toi… » Silence se fait alors qu’elle cherche, Naaki. Grogne quelques injures en nénètse avant d’ajouter. « Aider ? » Ce terme lui revient en tête comme un vieux souvenir douloureux. Veronica le lui répétait souvent dans un besoin de l’apprivoiser qui l’avait touché il fut un temps. Naaki ramène sa main contre sa poitrine, phalanges renfermées dans sa paume. « Moi vouloir rentrer maison. Compris ? »

Un claquement de semelles à quelques mètres fait brusquement sursauter la donzelle. Elle braque ses yeux sur les deux silhouettes en uniforme qui sont visibles, en pleine ronde de surveillance nocturne.

C’est qu’elle est à la limite de feuler comme un chat errant, Naaki. Elle sent son derme se hérisser dans l’appréhension d’une confrontation à venir. Car, elle les a déjà vu, ces hommes à la mâchoire verrouillée qui quadrillent le périmètre, représentants d’une autorité qui se croient au-dessus de tout.

La nénètse se contrefiche des lois humaines. Ces cowboys des villes ne représentent pas grand-chose dans la toundra, mais là, elle n’est pas chez elle. Et elle flaire le danger.  




  Dim 15 Sep - 22:18
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Ta tête dodeline alors que tu suçotes la fin de la clope, tu écrases le mégot avec l’autre, la semelle aussi dégueulasse que la ruelle dans laquelle vous vous cachez presque. Là où est votre place auraient pu susurrer les plus extrémistes. « Oui, c’est ça… Likho. » Tu soupires presque face à la maladresse de Naaki. Toi qui as quitté la rue et le contact avec les civils, tu avais oublié combien ça pouvait être frustrant d’essayer de communiquer quand les ondes n’étaient pas réglées. L’index planté dans ta bouche, du bout de l’ongle tu te grattes l’émail des dents, t’arrêtant au niveau du diastème pour y passer ta langue. Tu effaces le goût âcre du tabac comme tu peux, le gosier sec, l’envie qui t’étreint les tripes d’aller t’asseoir quelque part et de boire quelque chose. « D’accord, j’sais pas où c’est mais d’accord. » La géographie, même nationale, t’avait toujours été pénible, d’autant plus que tu n’avais jamais quitté les environs de Moscou depuis que tu étais devenu flic, à quoi bon apprendre les noms barbares de peuplades que tu n’aurais jamais dû rencontrer ? Tu extirpes ton doigt de ta bouche et tu repasses une main dans tes cheveux. Elle sentait les emmerdes à plein nez cette fille, une likho aussi mal sapée, qui ne parlait pas un traitre mot de russe et qui se disait recherchée. Ça ne pouvait pas être facile, du genre une touriste perdue et recherchée par ses accompagnateurs, non ? « Elle est où ta maison ? Et me dis pas ailleurs, sinon c’est au trou que tu vas loger. »

En vérité, tu n’avais pas envie de l’amener dans les cellules du commissariat, c’était un peu comme trahir un gosse qui ne comprenait pas les règles du jeu. Enfermer les tiens était parfois nécessaire, vous n’étiez pas tous des enfants de chœur mais tu regardais le plus souvent possible ailleurs pour éviter de devoir faire comme avec Yuliya ; tirer des fils et frotter des bras pour accélérer les procédures. Ta tête se tourne un instant, la joue posée sur ton épaule, tu observes les deux flics qui se rapprochent de concert vers vous. Ça sent quand ça n’est pas le bienvenue, un policier, c’est attiré par les emmerdes comme elles le sont par les Likhos. Ton nez se frousse et ils vous lancent des regards, à toi, puis à Naaki. Ils hésitent à s’approcher, l’un d’entre eux finit par lancer le mouvement et ils s’arrêtent à vos côtés, le dos un peu plus droit, les mains jointes derrière le dos. « Tout va bien, capitaine ? » Tu clignes paresseusement des yeux, l’ennui perlant au bout des cils. « C’est qui ? » L’irritation se fait plus appuyée dans ton regard et tu détournes la tête vers la nenetse. Est-ce que tu ne pourrais pas te débarrasser d’un fardeau ? Elle n’avait pas l’air de savoir grand-chose et en plus être mêlée a des choses qui nécessiteraient très certainement une ou deux discussions – avec un interprète, de préférence. « Continuez, je m’occupe d’elle. On a quelqu’un qui parle … euhm… » Tu fais un signe de main vers Naaki. « Tu viens d’où déjà, Naaki ? »
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Naaki Sorgoi
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Naaki peine à interpréter les signes contradictoires qu’elle reçoit de la part de l’homme. Elle ne parvient pas à savoir si elle peut se fier à lui ou non. Et pourtant, lorsqu’il lui pose des questions, elle ne pense même pas à garder les détails pour elle – comme si elle fallait qu’elle se justifie. Qu’elle prouve. « Maison dans nord. » Elle esquisse un geste large pour désigner la superficie de son terrain de jeu. « Nénètses être avec rennes. » Si elle devait rentrer dans le détail, Naaki se doute qu’elle verrait la tronche de son interlocuteur se décomposer. Parce que combien sont-ils à ne pas se douter que des peuples nomades vivent encore dans un monde que tous pensent égocentriquement civilisé ?

Mais elle ne rentre pas dans le détail, Naaki. Elle se braque un peu. Tend tout son corps en distinguant la menace se profiler dans son champ de vision. La main crispée contre son bâton, elle esquisse un pas en arrière et cherche un semblant de réconfort dans les prunelles de son vis-à-vis. Mais stoïque, l’homme ne semble pas dérangé par la présence des flics. Au contraire, lorsque l’un lui adresse la parole, Naaki met un peu de temps pour comprendre avec quelle familiarité. «
... Capitaine ? » Qu’elle répète dans la crainte de comprendre. Les yeux de la nénètse crachent alors tout son mépris, comme si elle venait de découvrir la mascarade. Evidemment qu’elle ne va pas lui répondre, maintenant qu’il révèle sa proximité avec les autorités qu’elle exècre tant. La mine froissée de dégoût, les yeux crachant tout son mépris à l’égard de celui en qui elle commençait à avoir confiance, Naaki serre la mâchoire. « SALAUD. » Crache-t-elle dans son idiome, avant de faire volte-face rapidement – bien trop pour une estropiée.

Son ombre s’est déjà carapatée à quelques mètres de là pour lui permettre de fuir mais la nénètse ne sait pas si ses forces vont le lui permettre. Electrisée par l’adrénaline, elle parvient à se concentrer et disparait sous les yeux circonspects des hommes, espérant simplement pouvoir échapper à leur vigilance.

Le corps se reconstitue dans un nuage sombre dans la rue d’en face, plus loin et Naaki chancèle à manquer de se cogner contre les poubelles. Ça lui colle la nausée et elle est à deux doigts de tourner de l’œil. Le souffle court, elle tente de s’éloigner et de tenir la direction comme si sa vie en dépendait. Elle marche, titube, comme si elle était saoule, appuyant sa frêle silhouette contre le bâton – téméraire et convaincue de pouvoir les semer.

« Merde. » Elle chute. S’étale de tout son long, trop épuisée pour pouvoir se retenir. Lutte contre ses paupières qui se ferment, délirante de fièvre. 




  Lun 16 Sep - 8:27
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Artiom Iejov
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Bien sûr, elle ne pouvait pas gentiment habiter à Arbatskaya comme tout le monde, il fallait que ce soit une émigrée perdue. « Avec rennes ? Genre comme les animaux ? » Qu’est-ce qu’elle te racontait ? Est-ce qu’en plus de tout ça c’était une plouc qui vivait d’élevages ? Ou est-ce que nénètse était en réalité son nom ? Tu préfères plutôt te concentrer sur tes collègues qui observent avec une curiosité polie, cachant difficilement le nez retroussé et leurs inspirations buccales pour pallier les odeurs. Lorsqu’elle répète ton grade, tu repenches la tête vers elle, les yeux papillonnant un instant. Est-ce qu’elle avait vraiment des problèmes avec la justice ? Il ne faut d’ailleurs pas être un grand linguiste pour comprendre que ce qu’elle venait de te cracher à la gueule n’était pas vraiment une politesse. Les hommes se tendent et sont prêts à faire régner la justice alors que l’autre délurée disparaît littéralement sous vos yeux.

Tu clignes à nouveau, essayant d’humidifier ta cornée pour t’assurer que tu ne venais pas de louper quelque chose et tu tournes plusieurs fois la tête pour essayer d'entrapercevoir où Naaki avait bien pu se rendre. Tu ouvres la bouche, puis la referme. C’était nouveau, ça. « Capitaine, on va la retrouver ! » Tu fermes la bouche que tu avais rouvert un instant et tu secoues la tête, passant une main pensive devant tes lèvres. Difficile de leur dire de dégager après cette disparition qui relevait de l’intriguant, un tel pouvoir permettait tellement de choses entre des mains dotées de mauvaises intentions. « Hm hm. Non. C’est une histoire de famille. » Ils louchent vers toi, arrêtés en plein élan. « Quoi ? Mais … » Tu agites la main, ta tête dodelinant et tes paupières aussi lourdes que les cernes qui marquaient tes yeux. « Restez dans le coin, je m’en occupe. Bloquez la sortie de la ruelle » Ils te dévisagent, se regardent entre eux. Le grade suffit généralement à dissuader toute velléité de contradiction mais tu n’étais plus en service et tes ordres ne faisaient pas grand sens face à ce qui venait de se passer. « C’est une affaire likho. » L’un d’entre eux fronce les sourcils. « Mais … faudrait pas plutôt en référer genre au …. Comment on dit déjà ? » Tu hausses les épaules, un sourire aux lèvres et les yeux pétillant de rire. « Emissaire. Je ferais ça. » Tu leurs indiques le bout de la ruelle, cherchant des yeux dans l’ombre. Est-ce qu’elle pouvait se fondre dans son ombre ? Dans la vôtre ? Non, visiblement pas ou elle refusait d’en sortir. Tu t’éloignes, peut-être que ça l’aidera à se décider, peut-être qu’elle fera une connerie. Les deux flics ne te suivent pas et tu plisses les yeux, essaie de ressentir sa présence.

Elle est à peine plus loin, étendue par terre et tu soupires lourdement en la voyant dans cet état. Quelle fuite héroïque et réussie. Tu t’approches et tu t’accroupis à ses côtés, tire sur son épaule pour la retourner et lui tapote la joue. « Naaki. Debout. » Tu renifles et tu hésites à la toucher autrement, que ce soit mal interprété ou de peur de choper une maladie bizarre venant de rennes du nord du pays. Tu remontes la manche de ta veste, puis tu déboutonnes le bouton de ta chemise et tu montres ton tatouage. « Naaki. Naaki. Important. Tu as ? » Tu tapotes les trois petits points sur l’avant-bras, toujours accroupi à ses côtés. « Pas partir, tu dois me dire. » Tu reposes ta main sur son épaule, la maintient là, l’ancre dans le réel. Tu n’avais pas l’intention de lui courir après toute la soirée.
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  Lun 16 Sep - 21:17
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Naaki se sent minable, étalée sur l’asphalte – un goût de fer lui remplissant la bouche. Est-ce qu’elle s’est fait mal ? Elle ne sait pas vraiment, à moitié anesthésiée par ses conditions rudes de vie des jours précédents. Les ongles noirs, l’épiderme maculé de crasse, noyée dans l’encre de son ombre qui reste définitivement ancrée à son corps, elle laisse son esprit cavaler dans le besoin de quitter la terre ferme. Ce qu’elle voudrait être ailleurs qu’ici, cet endroit puant et hostile. Roulée en boule dans son habitacle, l’odeur familière des fourrures contre son museau. Les moteurs sont loin et il suffit d’un petit effort d’imagination pour se trouver à mille lieues d’ici, à surplomber les glaciers.

Elle est bien, Naaki, l’espace de quelques secondes, une prière suspendue aux lèvres. Si elle peut se projeter sur son ombre à vue, peut-être qu’elle pourrait étendre son pouvoir à plus loin ? Franchir les murs qui l’enferment à Moscou. Il faut qu’elle creuse. Il faut qu’elle y arrive.

Aux frontières de l’inconscience, la donzelle perçoit un bruit mouillé à ses flancs. On s’approche mais ses réflexes sont tellement englués qu’elle n’a pas la force de se défendre. On la touche, la retourne. Lui tapote la joue pour la ramener doucement à elle.

Elle ouvre les yeux. Cligne à plusieurs reprises pour que sa vision s’habitue à l’obscurité avant de reconnaître l’homme qui la surplombe. Figée, elle écarquille les yeux, essayant de comprendre ses intentions. S’étonne de ses précautions et de sa prévenance. De son respect.

Pourquoi t’es là ?

« Iejov… » ça donne comme un ronronnement lointain dans sa bouche. Elle se rend compte qu’elle a du mal à se concentrer. Que son corps l’a complètement lâchée et qu’elle est obligée de scruter les lèvres de son interlocuteur pour essayer de comprendre ce qu’il dit. Ce qu’il veut savoir. Il remonte sa manche et lui désigne les trois points d’encre tatoués sur son avant-bras. Etrangement, la colère l’a quittée et la curiosité prend le dessus. Peut-être qu’elle pourrait le rejeter par une vague de tourments, le rendre fou mais Naaki est épuisée par tout ce chaos. Elle n’a plus la force de lutter contre l’inconnu.

Tandis que la paluche lui étreint l’épaule dans le but de la garder clouée à terre, la nénètse parvient à se redresser sur un coude. Redresse l’un de ses poignets pour exhiber sa peau nue. L’un puis l’autre. Vierge de tout tatouage d’identification. « Pas enfermer moi, cap’taine. » Parvient-elle à articuler. « S’il te plait. » Et elle lui serre la pogne, Naaki. Fermement. La ramène brusquement vers elle pour humer les fragrances des doigts masculins. L’odeur de savon derrière celle de la clope – comme si elle pouvait lui extirper ses secrets par son audace.

« Toi, tadibya ? » L’interroge-t-elle. « Toi, chaman ? »




  Lun 16 Sep - 22:40
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Tu opines doucement, tu ne lui as dit ni prénom, ni patronyme, aussi était-il difficile de lui en vouloir de l'interjection un peu brusque. Ton regard se perd sur sa mine ravagée, autant par la crasse que par un train de vie probablement difficile. La fatigue se fait sentir et tu n’as pas besoin d’être particulièrement ouvert pour sentir la douleur qui lui étreint les muscles. « Pourquoi t’enfermer ? Toi criminelle ? Toi fait bêtise ? » Accroupi, un bras dorénavant posé sur ta cuisse, l’autre qui la tient toujours pour l’empêcher de disparaître, tu observes ses lèvres et sa peau. Un instant tu espères que la crasse cache l’absence de tatouages mais la vérité est toujours difficile à accepter et tes lippes se pincent. « Naaki. Dangereux de pas avoir tatouage. » Tu tapotes les trois points sur ton avant-bras. « Dangereux, police peut t’enfermer et tu n’existes pour personne. Tu comprends ? Personne pour te protéger. » La situation se complique d’un coup, un être, surtout une créature, non tatouée se devait d’être envoyée en prison le plus rapidement possible pour faire le jour sur ses capacités et sa présence.

Tu retournes doucement la pression de sa main sur la tienne, un air soucieux remplaçant ton habituel faux sourire. Tes sourcils tricotent, tes dents mangent tes lèvres et tes yeux inquiets se posent sur la figure à tes pieds. Entre ça et l’attitude presque animale, complétement primitive, tu as l’impression de faire face à un chat errant sur sa fin. Tu la laisses faire, surtout gêné, ne comprenant pas trop ce qu’elle fait pour retirer ta main. Qui de sensé reniflerait tes doigts ? Elle vient de tellement loin que toute notion de magie, de surnaturel et de résurrection doit être considéré comme une magie chamanique quelconque. Il y en a encore tellement de perdues dans les grandes steppes, des créatures, dont certaines qui subissent un courroux bien plus cruel que celui des habitants de Moscou. « Likho. Toi aussi. Tu es une likho, pas une chamane. » Tu grimaces et tu soupires, lourdement, difficilement. T'es crevé, t'en as marre et tu voudrais juste te débarrasser de tout ça pendant un petit moment. Des vacances, des vacances de tout le monde, de ton boulot, de ton statut, des emmerdes. Juste respirer, souffler et refaire le plein d'émotions positives. « Naaki, si tu n’as pas de maison ici. Si tu n’as pas de tatouage, tu es hors-la-loi, tu ne peux pas te cacher ici. Il faut te faire tatouer parce que sinon tu vas te faire enfermer. Tu comprends ? » Vous étiez suffisamment proches des êtres humains pour qu’on ne vous repère pas au premier coup d’œil mais ce serait jouer avec le feu et risquer encore plus gros que débarquer en ville sans parler ni russe, ni savoir ce qu’elle était. Il fallait absolument qu'elle se régularise d'une façon ou d'une autre, qu'elle ne soit plus une proie de choix pour les flics et encore moins pour la Bolshoy. Il y avait peu de chances qu'elle tombe sur un kidnappeur à Kitaï-Gorod mais l'uniforme avait pour mission d'éradiquer tout type de vermine et quoi que tu puisses dire, elle en faisait partie. Quant aux Tolma, il y avait peu à espérer de leur côté pour demander une grâce quelconque pour Naaki; « Qu’est-ce que tu veux faire ? Je ne peux pas te ramener chez toi maintenant. » Et sûrement jamais.
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  Lun 16 Sep - 22:58
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Elle devine dans la vague inquiétude qui trahit le timbre de voix que l’homme veut savoir si elle est coupable de quelque chose. Aux yeux de la loi, sûrement – comme lorsqu’elle s’était échappée du pensionnat et qu’elle avait volé dans un magasin. Bêtises. Ce terme la ramène quinze ans en arrière et elle se sent comme une petite fille qui devrait justifier son geste. Elle hoche vigoureusement la tête à la négative. « Rien. » Elle essaie de se rappeler, le fil des évènements même si sa mémoire commence déjà à lui jouer des tours. Comment expliquer… « Iejov pas comprendre. Moi, enlevée chez moi. Hommes méchants. Eux cherchent chamans. Moi avec d’autres femmes. Hommes sales. Qui touchent. » Sa phrase se finit par un grondement de gorge. Un grognement furibond. La sauvageonne essaie de comprendre pourquoi le capitaine accorde autant d’importance à ces trois points sur son avant-bras. « Si. Toi, protéger moi ? » Qu’elle lui demande avec une certaine candeur de petite fille. Même si elle ne l’aurait demandé à personne sur ses terres. Naaki était celle qui protégeait les autres d’une certaine manière. Mais maintenant…

Likho, pas chamane. Elle fronce les sourcils, peu certaine de comprendre – ayant naturellement du mal à accepter qu’on contredise ses certitudes. « Chamane nénètse. Maudire les ennemis. » Elle se perd dans les globes céruléens, Naaki.  Comprend qu’il veut lui faire accepter quelque chose. Tatouage. Elle désigne les points sur le derme et attend son approbation. « Moi pas d’ici Cap’taine. Moi, pas de loi. Moi pas vouloir ça. » Elle est une femme libre, après tout. Cette civilisation-là lui est trop étrangère pour qu’elle veuille en porter les stigmates.

Naaki se laisse tomber à nouveau sur le sol, fermant les paupières pour réfréner la déception qui perle à ses yeux quand Iejov lui dit ne pas pouvoir la ramener chez elle. Cette ville est un cauchemar. Ils lui ont pris sa liberté, ils lui ont pris sa jambe – ils vont finir par lui prendre sa vie. « Moi comprendre Iejov. » Finit-elle par lâcher. « Moi, vivre cachée. Moi, sortir. Si pas maintenant, après. » Quand elle en aura appris plus sur cette ville et sur la façon d’en réchapper. « Aide, s’il te plait. » Elle lui tend la main, dans la volonté qu’il la saisisse pour l’aider à se relever. Une fois sur son unique pied, elle garde les mains ancrées aux épaules masculines. Capte le regard du Likho qui descend jusqu’au tissu flottant et à la cruelle absence de son pied. Elle renifle, bruyamment, Naaki. N’est pas vraiment certaine de se rendre compte de ce que ça implique, tout ça. « Hommes prendre ma vie. Hommes prendre ma jambe. Mais attraperont pas Naaki. » Elle le dit avec la mine sombre et la détermination au bout des lèvres.

Avant de se séparer de lui.

« Cap’taine. Manger ? Naaki pas pouvoir chasser le rat ce soir. »





  Mar 17 Sep - 8:26
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Artiom Iejov
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Mange, prie, crève
C’est un peu confus ce qu’elle te raconte mais pas besoin de te faire un dessin pour comprendre qu’il n’y avait pas que sa tenue qui en avait pris un coup. Tu tapotes maladroitement son épaule, difficile de compatir autrement avec quelqu’un dont tu ne sais pas grand-chose et encore moins la langue. À la vue de son empressement à fuir, il n’y avait pas que ses kidnappeurs éventuels auxquels elle avait quelque chose à reprocher. « Te protéger ? C’est mon métier. » Lui réponds-tu, accompagné d’un rire nerveux. C’est plus que ça mais l’opportunité de lui expliquer les tenants et aboutissants de ta morale, de son statut de créature et de la géopolitique russe ne se trouve pas entre deux cartons et des poubelles. « Likho. » Tu répètes, patient. « Ici tu es à Moscou, tu es oblige d’obéir à la loi, que tu sois d’ici ou d’ailleurs. La loi c’est pour tout le monde, même pour les likhos qui mangent du renne. » Toujours accroupi à ses côtés, tu commences à avoir les cuisses qui te brûlent et au vue de la fatigue qui s’échappe par tous ses pores, il y a de grandes chances pour qu’elle ne retente pas son coup d’il y a quelques minutes.

Tu finis donc pas la lâcher, les talons posés au sol et tes avant-bras sur tes cuisses. La main qu’elle te tend fait peine à voir et tu hésites encore à la saisir. Ce serait sceller une entente tacite, c’est te mettre en danger, la laisser te faire risquer ton grade, ta vie et d’autres personnes, en espérant qu’elle t’écoute. Tu soupires et tu finis par lui attraper la pogne et tu te relèves, l’attirant avec toi en position verticale. Tu mets d’abord son manque de poids et d’équilibre sur la fatigue mais tes yeux suivant les courbes de son corps remarquent le manque de masse sous son genou et tu grimaces. Mauvais Œil, faites qu’elle ne soit pas en plus infectée. « D’accord… » Tu ne trouves rien à redire, la question qui te brûle les lèvres meurt avant de les franchir. Les histoires seront pour un autre moment. Tu t’essuies les mains sur ton pantalon en soupirant, puis tu roules des épaules, laissant une autre grimace orner tes lippes alors que tu entends un craquement. « Capitaine fatigué et capitaine a à manger chez lui. » Tu te frottes les yeux, les sourcils froncés. Chasser du rat ? Puis quoi encore ? Elle allait te dire que chez elle on ne se lavait pas ? L’hygiène élémentaire semblait être une notion assez vague pour l’étrangère. « Je vais t’aider Naaki mais seulement si tu m’écoutes et si tu fais ce que je te dis, compris ? Une seule bêtise et je te laisse tomber. » Un mensonge mais comme pour Yuliya, c’est en tendant la main qu’on se retrouve le bras happé. Autant mettre les choses au clair immédiatement. Tu lui tends la main.

---

Ton grade te permet de faire passer une Naaki affaiblie et moribonde entre les quartiers et si le chemin est long, ralenti par votre fatigue respective et le besoin de t’assurer qu’elle n’irait pas constamment fouiller ailleurs, vous arrivez chez toi alors que la plupart des lumières sont déjà éteintes. Tu grimpes les étages en soupirant toutes les trois marches, aidant du mieux que tu peux ta nouvelle charge, croisant un voisin abasourdi mais n’osant rien demander face à ton regard noir. Arrivés sur le palier, tu lâches un énième long soupir vers le ciel, les épaules basses. Tu n’as toujours pas pris soin de faire disparaître la trace de main brûlée sur ta porte. « Fais attention aux chats. Les laisse pas sortir. Les frappe pas. » Ton entente avec la nénètse serait sinon aussi courte que palpitante. Tu te sens obligé d’ajouter : « Les mange pas. » Tu la relâches pour chercher tes clefs et tu ouvres la porte de ton appartement, te glissant à l’intérieur et tu attrapes les deux chats au passage qui se dirigent vers la porte pour renifler l’arrivante. « Mes bébés. » Malgré leurs numéros de contorsionniste, tu ne les laisses pas partir – quitte à prendre quelques coups de griffe – jusqu’à que la likho soit entrée dans l’appartement. Tu refermes la porte derrière elle d’un coup de pied et tu balances tes chats qui restent aux abois face à l’étrangère.

La pièce de vie, qui sert aussi de salon, de salle à manger et de débarras a vu arriver il y a quelques jours un autre canapé, péniblement monté par Yuliya et toi, pour remplacer celui en morceaux qui trainait dans ton salon depuis bientôt quelques mois. Le sol, un vieux parquet qui grince à chaque fois que quelqu’un fait un pas, a subi les outrages du temps si bien qu’il est difficile de dire s’il est plus abimé que sale. Des restes d’emballages que tu n’avais pas jetés, des boulettes et objets que les chats avaient trainés un peu partout, ainsi qu’une bouteille de vodka entamée se trouvaient sur la table basse, posée en équilibre sur un vieux tapis qui avait appartenu à l’ancien propriétaire. Des livres abimés trainaient un peu partout en piles, une vieille télévision pleine de poussière où des traces de main apparaissaient ici et là trônait sur un meuble qui avait perdu de sa patine. Sur la droite se trouvait la cuisine avec sa vieille nappe aux motifs folkloriques – de quel folklore ? tu n’en avais aucune idée – et des fruits que tu avais achetés pour Yuliya. La cuisine donnait l'impression d'être plus souvent utilisée puisque relativement propre et probablement plus éclairée s'il avait fait jour. D’autres aliments trainaient au milieu des bouteilles, certaines entamées. Malchance alla se percher sur l’évier en miaulant. « Oui, oui, je vais vous donner à manger. » Tu te débarrasses de ta veste que tu lances sur le canapé et tu pénètres dans la cuisine, fouillant dans les placards à la recherche du paquet de nourriture. « Naaki. Va te débarbouiller dans la salle de bain. » Tu reviens sur tes pas pour lui montrer la porte la plus proche, fermée. « Tu sais utiliser une douche ? Yuliya a peut-être laissé des affaires à elle pour que tu puisses t’habiller. » Une dernière porte se trouve un peu plus loin, elle aussi fermée.
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  Mar 17 Sep - 18:23
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Naaki Sorgoi
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Pour la première fois depuis des jours, Naaki se sent sereine. L’espace d’un instant – face à cet homme qui la juge probablement un peu vite faute d’incompréhension – elle se sent l’envie d’étirer une faible risette à son égard quand il démontre assez de patience pour tenter de lui faire accepter les règles de cette jungle urbaine. Mais elle n’est pas encore prête, la nénètse. Pas encore disposée à en connaître les variables et se couler dans le moule.
C’est ce qui lui demandera probablement le plus d’efforts.

« Je vais t’aider Naaki mais seulement si tu m’écoutes et si tu fais ce que je te dis, compris ? Une seule bêtise et je te laisse tomber. » Les yeux grand ouverts se perdant sur la mine lasse du capitaine, la sauvageonne s’accroche à ces quelques mots – soufflée par un étrange sentiment de reconnaissance qui s’est rarement présenté chez elle en trente-cinq ans.

Elle acquiesce, sans être sûre de pouvoir promettre.

« Merci. » Lui lâche-t-elle, se rappelant ô combien ce mot lui a arraché la gueule par le passé.

Et tel son ombre, elle lui emboîte le pas dans l’impression d’avoir une dernière montagne à franchir.




Des rues. Des marches. Des rues. Des marches.
Saleté de ville ! Elle n’est clairement pas faite pour vivre là, Naaki. Encore moins avec sa patte folle. Le trajet lui semble interminable et lorsqu’ils passent la frontière, la sauvageonne doit museler son envie de se téléporter. Réflexe. Mais non, elle est en présence d’un homme qui a le pouvoir de ne pas être emmerdé par les autorités. Ça, c’est une aubaine.

Une fois sur le palier, Naaki observe l’environnement avec curiosité. Hoche la tête quand on lui parle de rester sage sans trop savoir avec quoi elle doit bien se comporter. Ce n’est que lorsque la capitaine ouvre la porte d’entrée et qu’elle distingue deux boules de poils sur le qui-vive que la donzelle comprend. Des chats, elle n’en a pas vus beaucoup – plus habituée à côtoyer ses chiens de berger. Par contre, la ressemblance frappante avec les lynx lui fait frémir l’échine. Ne les quittant pas des yeux, elle se glisse dans l’entrée et reste vigilante. Elle analyse leurs mouvements. Comportements. Hausse les sourcils quant à la familiarité de Iejov à l’égard de ses compagnons.

Sous ses pas, le plancher craque. Elle se rapproche du canapé et détaille l’endroit d’un regard circulaire avant de bloquer sur la bouteille posée sur la table basse. Assoiffée, la nénètse ne demande même pas l’autorisation à son hôte avant de saisir la bouteille pour s’en envoyer une lampée, pensant qu’il s’agit de l’eau. Lorsque l’alcool lui brûle l’œsophage, Naaki recrache en manquant de s’étouffer dans sa manche.

« Pwah ! » Elle croise le regard du capitaine et repose la bouteille avec douceur et un semblant de culpabilité. « Vodka. »

L’homme lui désigne les pièces de l’appartement et la nénètse devine qu’il attend probablement à ce qu’elle prenne ses aises. Ou les lui fasse prendre à lui, plutôt, car c’est en restant dans cet environnement relativement sain qu’elle se rend compte de la puanteur qu’elle laisse sur son sillage. Penaude, elle se redresse et s’exécute pour se rendre jusqu’à la première porte désignée – flottant dans ses frusques trop grandes et se sentant presque à l’étroit dans ce couloir exigu. Elle ne saurait se faire un avis sur tout ça, elle qui a vécu toute sa vie dans une grande tente à parcourir la Sibérie avec chiens et rennes. Et pourtant, ce n’est pas pour autant que l’hygiène est pour elle une notion inconnue même si avant d’être amenée à l’Abyssal, elle a toujours connu des moyens plus sommaires pour faire sa toilette que ce qu’on lui présente aujourd’hui.

Elle découvre donc la salle d’eau avec un semblant d’air de déjà-vu et un presque mépris de la civilisation en souvenir de sa détention avant d’oublier toute amertume en se coulant dans le bac sous le jet d’eau chaude. Ça fait longtemps qu’elle n’a pas vu sa propre peau. Longtemps qu’elle n’a pas pu contempler l’absence presque esthétique de ce membre qui lui servait dans le temps.
Fractionnée.
Mutilée.

C’est quoi, être une femme ?
Sous la misère, le désarroi et le désespoir.
Sous la couche de saleté et l’odeur âcre d’un corps resté dans son jus.

Elle y reste des plombes dans la douche Naaki, de quoi inquiéter le propriétaire de la note d’électricité en fin de mois. Et quand elle revient vers la cuisine, claudiquant sur sa béquille improvisée, un peignoir éponge sur le dos trouvé dans la salle de bain – dont elle ne sait si il appartient à l’homme ou à la femme qui vit là – elle se doute qu’il doit être étonné de lui découvrir un visage, le capitaine. Les chats la contournent précautionneusement, encore méfiants, et elle les suit des yeux dans une caricature qui en est presque drôle. « Pourquoi. Eux, fermés ici. » Elle en revient dans les prunelles de son vis-à-vis. « Eux comme toi. Et moi. Aiment liberté, non ? »





  Jeu 19 Sep - 18:58
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Mange, prie, crève

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