Comme toujours, la franchise – et l’absence de tout filtre ou retenue – d’Artiom, te surprend. Une bonne surprise, cela dit. Une éclaircis en plein milieu d’une journée relativement terne. De quoi t’arracher un sourire en coin, quand il juge à son tour, le contenu de ton chariot d’épicerie. Quand bien même la mention de ce que tu es aujourd’hui, t’arrache un petit sursaut – c’est que tu préfères ne pas en parler plus que de raison, en famille. Il a toutefois raison et tu hausses même une épaule, comme prise en faute.
« Mm quand bien même j’adore mon steak bien saignant, je suis plutôt omnivore. » Une réponse que tu souffles sans glousser, mais pas sans peine. Mais le voilà qui s’égare déjà ailleurs, considérant ses nouveaux brocolis d’une manière qui t’arrache un sourire amusé.
« Je n’avais plus de petits pois pour les blessures ! Astucieux de changer de légumes. » Seulement, tu n’as pas même le temps de le questionner sur ses fameuses blessures – c’est le métier ou ? – qu’il enchaine d’un petit rire nerveux, absolument adorable. Attachant, même.
Drôle de spécimen que voilà, parce qu’il ne semble pas apte à cesser de parler :
« Est-ce qu’on peut dire que vous avez euh… une très jolie ombre ou c’est insultant pour un warg ? » Cette fois, tu ne combats plus, Ludmi : tu éclates, joyeusement, de rire. Le son se répercute le long de l’allée et ton fils redresse même la tête, surpris. Un sourire hésitant au coin de sa bouche, ne sachant pas s’il doit mêler son rire au tien. Remarquant à peine Artiom, qui se rappelle pourtant à tous.
« Je vais bien merci et vous ? » Il n’y a pas à dire, cet homme n’a rien en commun avec ton époux. Oh, il y a bien parfois cette petite lueur de convoitise dans son regard, mais tous les hommes l’ont, à un moment ou un autre. Du reste, Artiom n’est que bonhommie et maladresse, le sourire presque gamin quand il tente de changer le sujet de conversation. Tout sourire, tu secoues doucement la tête.
« Absolument pas. Pour l’ombre, je veux dire. J’accepte le compliment, avec plaisir… » que tu glousses, une main te couvrant à moitié la bouche. Puis tu t’apprêtes à lui assurer que tu te portes très bien, quand il te parle de ta fille.
Tu as bien un bref élan de panique, tu peux presque imaginer Zarko, là au bout de l’allée. Une main contre l’épaule minuscule de Nikol, mais non. Il ne s’agit que ta mamie, qui entraine la petite plus loin, tout en t’offrant la vue de son pouce redressé. Parce que même ton mariage raté n’a pas suffi à calmer les élans de marieuse de la charmante vieille, qui appelle d’ailleurs ton fils – quand bien même Milan tache de l’ignorer et te rejoins plutôt, son regard, critique, se redressant sur Artiom.
« C’est ma grand-mère, tout va bien. » que tu souffles, presque soulagée. Un petit sourire aux lèvres, tu ramènes les yeux sur l’homme alors que d’une main, tu abandonnes le chariot pour plutôt cajoler la tête de ton fils. Celui-là même qui fixe les brocolis qui viennent de retourner dans le grand congélateur industriel. Qui fronce les sourcils et dévisage le lieutenant.
« J’t’ai vu, t’as remis les brocolis dans l’congélo… »Ah ? Tu tournes la tête en direction des fameux brocolis, ton sourire tremblant sous le comique de la situation. Mais Milan n’en a pas fini et il observe plutôt le panier d’Artiom.
« T’as beaucoup de chat ? T’es comme les vieilles sans maris ou enfants, qui ont plein de chat ? » Et voilà, ta main se presse déjà contre la bouche de ton fils ainé.
« Eeet, ça suffit. L’interrogatoire est terminé, Milan. Ha ha… Pardon, Artiom, mon fils manque cruellement de bonne manière… » tu ris bien, encore un peu. Mais c’est avec effort. Embarrassé des manières cavalières de ton fils. Bestiole qui tente, mais en vain, de virer ta main de contre sa bouche.
« Son père lui manque et ah, il dit beaucoup trop de bêtise, ha ha. Mais il va aller chercher des biscuits de ce pas. » Et hop, le gamin se récolte une gentille petite tape sur les fesses. Oust, en direction des biscuits, où il se dirige d’un pas hésitant. Méfiant à l’égard du pauvre Artiom.
« T’as pas intérêt à draguer ma maman, elle est mariée » qu’il grommelle, te poussant à glisser une main contre ton front. Heureusement, le gamin – diabolique – disparait au coin des biscuits, où la voix de ta grand-mère résonne déjà.
Tu soupires déjà, comme épuisée. Navrée, aussi, un petit sourire pitoyable aux lèvres.
« Je… wow. Pardon pour tout ça. Il est jeune et… il a un tempérament plutôt compliqué ? » Disons-le comme ça, oui.
(c) AMIANTE