1 Strewn with time's dead flowers
Corps disloqué, destiné à ne jamais être retrouvé, poupée abandonnée au fond des bois, met de choix pour la vermine et les prédateurs. Tu as couru pour lui échapper, à la première occasion, t’as usé de toue la force de tes petites jambes. De sa cave au grand air. Ses pas lourds derrière toi. Tu hurles, tu espères que quelqu’un entende mais les bois sont denses. Depuis sa cabane tu t’enfonces encore plus, les ronces s’agrippent aux collants de laine de ton uniforme, au tissu de ta jupe. Tu espères voir quelqu’un, n’importe qui, tu pries, tu regrettes tellement de t’être éloignée, même quelques secondes du regard attentif de ta gouvernante. Mais tes pensées, tes espoirs te font perdre l’attention nécessaire à une fuite. Tu trébuches durement et ta cheville craque, tu dévales une pente, les feuilles et les brindilles se prennent dans tes cheveux. La dernière chose que tu entendras sera le bruit de ta nuque qui se brise contre le tronc biscornu d’un jeune chêne.

C’est la sensation d’une fourrure chaude contre son bras qui t’éveillas. Tu ouvris doucement les yeux pour te retrouver face au regard calme d’un renard ébouriffé. Une douleur sourde dans chaque partie de ton corps. Cette douleur violente qui t’empêchait t’esquisser le moindre geste, plus que la présence du renard. Rien pas une once. Tu étais allongée dans tes guenilles sur un épais tapis de mousse. Un croassement retenti et comme si c’était là un signal, tu te redressas avec la certitude de savoir exactement ou tu te trouvais et qu’il te fallait suivre cette biche blanche qui s’éloignait à pas tranquilles.

Tes souvenirs sont flous, guidé par une force extérieure tu as retrouvé celui qui t’as enlevé. Tu avais une tâche à accomplir suite à ta renaissance, tu l’ignorais avant de l’avoir accomplis. Sur tes pas les trois animaux, patients guetteurs du massacre. Tu ne voulais pas, mais tu l’as tué, tu étais terrorisée mais avec son sang tu as tracé au sol, sur les murs et sur ta peau des sigils dont tu ignorais le sens. Il le fallait, tu étais mue par cette certitude. Il le fallait où tu mourrais. Tu le fis et tu sombras à nouveau. Quand tu te réveillas à nouveau, toute douleur avait disparu. Tu étais jeune mais tu avais compris ce qu’il t’arrivait. Tu avais entendu bons nombres d’histoires terrifiantes sur les résurrections, certaine que jamais cela ne t’arriverait. Tu savais également qu’on parquait les réincarnés, pourtant la naïveté ou ton désespoir te poussa à croire que tes parents, eux, t’aiderais, malgré ta situation.

2- And Pretty Girls Make Graves
Ils ne t’ont pas aidé. Pas comme tu le souhaitais. Quatre points sur ton bras, parquée dans un appartement du quartier de haute sécurité. Une nourrice très bien payée pour veiller sur toi et envoyer quelques nouvelles. Tes parents, eux, ne pouvaient même pas te regarder dans les yeux. Tu as vu ta mère faire un signe de croix quand elle pensait que tu ne regardais pas. Ils parlent de toi au passé maintenant. Leur fille est décédée, brutalement assassinée. T’es le zombie. Tu continues d’aller à l’école mais ta nourrice est toujours là, les autres te fuient, tant mieux tu ne veux pas qu’ils te parlent. Tu l’aimes bien, elle seulement. Elle est la seule à ne pas te regarder comme un monstre, la seule à sembler éprouver de la compassion pour toi. Et quand poussée par le mal tu sortais, besoin d’accomplir un sacrifice, jamais elle ne prit peur. Jamais tu ne t’en pris à elle non plus. Elle était une ipsolin, là pour toi, créature de la forêt comme toi. Elle était ta biche blanche, recrutée sans hasard.
Tu n’avais pas le choix de tuer. Aucun, ça te prenait parfois, une frénésie qui s’amplifiait, qui s’aggravait si tu luttais. Obligée par quelque chose en toi, en dehors de toi, par toi. Obligée, tes ongles enfoncés dans la peau. Toute innocence à jamais bafouée par la soif de sang, de mal que tu exécutais afin de ressentir cet accomplissement, cette sensation de satiété, de liberté éphémère. Tu les enterres toujours, au cœur de la forêt, profondément pour qu’ils servent de terreau. Tous ces corps sacrifiés, mutilés, éparpillés et nourrissant les vermines et les plantes. Incontrôlable fillette, protégée par ta dévouée nourrice. En grandissant tu cherches qui tu es, c’est peut être plus dure pour toi que pour n’importe quel autre adolescent. Tu le veux chaos, tu veux la paix, tu veux la destruction, tu veux la justice. Tu ne peux pas t’empêcher de tuer, tu le sais, alors t’essaies de préparer en amont, savoir sur qui tu vas t’abattre. Précaution risible, justice arbitraire. Quand tu tues, tu es à nouveau cette fillette. Ton corps se tord, rapetisse. Alors tu décides de changer de prénom. Valentyna c’est la meurtrière, Anathema la martyr. Ça fait rire Valentyna que t’essaies d’être quelqu’un d’autre. Il n’y a aucune dissociation possible. Tu peux te raconter les histoires que tu veux, ton âme est corrompue. Tu fais des pactes avec toi-même, avec le diable, avec elle, tu ne différencies plus trop. Le mal, le pire, pour un peu de bon. Tu mets ta magie au service de la communauté, tes soins ils n’ont pas de camps.