Deuil qui lui arrache les entrailles. Douleur atroce qui s'infiltre dans ses veines et se propage à chaque inspiration, à chaque pulsation. Elle souhaite la mort, pour obtenir la paix. Elle souhaite la vie pour étrangler de ses propres doigts l'âme maudite qui lui a arraché son fils. Isabeau n'est plus d'humeur à la beauté et au charme, la Vilas se meurt dans les vices de sa race, qu'une mère partage naturellement. Elle ne voit que la vengeance, le besoin de faire payer le prix. Se souvient du monstre qu'était devenu l'enfant tué trop tôt. L'homme devenu tyran, à l'image du paternel qui l'a durci. Elle est déchirée de l'intérieur, s'envenime dans le combat muet qui s’est abattu sur son crâne. Le geste compris, la perte profonde. Mais, qui pour la comprendre? Alors, que peu ont conscience de son ancienne vie? Isabeau Romanova, morte depuis une décennie. La reine mère depuis longtemps calomnié et oublié. Elle n'est plus apte à assumer ce deuil qui la ronge. Officiellement, elle n'existe plus. Officieusement, son cœur saigne à chaque seconde. Elle s'égare et terrifie les femmes de sa race. Brutalise pour se plonger dans ce don qui devient drogue. S'empare de ce qui n'est pas sien, pour briller davantage, pour s'oublier encore plus.

Son esprit s'égare et la rend incertaine. Où est passé la nymphe qui danse loin du sol? Isabeau peine à véritablement reprendre contenance. Depuis des jours, elle ronge son frein. Elle se retient d'arracher ses cheveux dans une crise d'hystérie. Puis, l'annonce tombe et le nom de son petit-fils ramène la femme d'autrefois. La grand-mère ravale ses émotions, pour mieux prendre la direction décidée. L'Orphelinat et sa propriétaire au bout de la langue. Elle est décidée et c'est au lever du jour, qu'elle trouve l'endroit désiré. Plus calme, quoi qu'éreinté, elle pénètre la bâtisse en silence et se glisse jusqu'au bureau de la directrice. Devant la porte, elle s'adosse au mur et attend. Laisse les minutes ou les heures filées sans bouger d'un centimètre. Entièrement immobile, en attente. Ses pensées l'empêchant de prendre conscience du temps. Jusqu'à entendre les pas souhaités et relever le nez de sa contemplation du plancher. « Orphé… » Elle ne force pas ses lèvres à sourire, pas pour une amie. Pas devant l'une des rares qui sait.