Poignée de greluches piaillent leur mécontentement. Conduite barbare des volatiles qui, visiblement, n'ont pas la délicatesse tant attendu. Claquemurée dans son véhicule, serres harponnant tignasse de part-et-d'autre, Svetlana espère encore recouvrer un semblant de calme. S'octroyant quelques minutes d'accalmie, elle passe une main sur son minois déconfit. Faut dire que l'affaire de l'Intolérante ne lui laisse que très peu de répit. Beaucoup trop de migraines. A moins que ça ne soit la bibine. D"ici peu, l'un de ses chiards viendraient toquer à la vitre, l'air hagard, pour l'informer d'une erreur commise. Bande d'incapables qu'elle n'est, néanmoins, pas autorisée à malmener. Tout cela pour ramener avec eux une tripotée de gazelles toutes plus insupportables les unes que les autres. Ah, les femmes !... Elle ne les aime définitivement pas.

Alors, quand phalange cogne contre le carreau, Svetlana n'est pas surprise. Caboche s'agite d'une profonde lassitude. Le malotru de l'autre côté dodeline d'une patte sur l'autre, peu certain de la marche à suivre. Mais elle ne bronche pas immédiatement, non. D'ailleurs, elle se fait violence pour ne pas lui beugler sa hargne au visage. Cela étant, et contrainte de réagir, la lunette s'abaisse enfin. Rictus mutin, à la limite du sarcasme, déforme la gueule du lieutenant. Un unique « hm ? » et voilà que le gaillard se pisse dessus. On la demande, vraiment ? Sourcils froncés, soiffarde déplie ses guibolles et s'extirpe du fourgon. Là-bas, qu'il pointe du doigt.

« Sacha, qu'elle souffle, à peine surprise.
“ Encore elle ? ”

Pour une fois, Svetlana ne réprimande pas la participation du gamin. Leur entente est bien trop rare - pour ne pas dire inexistante -. Jetant un œil çà-et-là, tandis que nombreuses mirettes posent sur elles une attention toute particulière, Jikhar' se renfrogne, bras croisés sur sa poitrine.

– Que puis-je pour vous, une fois de plus ? »

Les bruits de couloir vont bon train à son sujet. Suffit de connaître ses déboires pour comprendre qu'elle n'est pas forcément apprécier de tous. Sa place ? Murmures se plaisent à penser qu'elle ne la mérite pas. Madame coucherait avec plus haut placé. Point de légitimité à l'insigne qu'elle affectionne pourtant plus que sa propre existence. Depuis le trépas de son mari, sûre qu'elle n'est plus la même. Langues acerbes qui pensent savoir la totalité d'une vie sans même y prendre part. Elle sent l'alcool, parfois. Pochtronne se languit de pouvoir s'enivrer d'absinthe et de liqueur. Au moins une chose qui ne semble pas totalement absurde dans tout ce babillage ridicule. Alors quand elle constate les œillades suspicieuses qui ruissellent sur elles, Svetlana s'approche dangereusement de la cocotte.

« Vous ne pouvez pas faire ça chaque fois que les emmerdes vous tombe dessus, qu'elle braille dans un souffle.

Une inspiration houleuse lui soulève le thorax tandis qu'elle s'essaye à garder son calme. L'information qu'elle lui transmet possède au moins le don d'apaiser un instant son agitation. Fait chier, comment justifier une fois de plus le tuyau sans paraître suspecte ? L'index et le pouce viennent pincer l'arrête du nez dans une posture foncièrement lasse. Pourquoi faut-il que les choses soient toujours aussi compliquées, hm ? Mirettes sondent alors celles de la trouble-fête. Émotions toujours vivaces chaque fois qu'elle se retrouve confrontée à elle. C'est le gamin sous le cuir qui trépigne d'un émoi qu'elle n'assimile pas totalement.

– Vous ne me facilitez pas la tâche, Erskine, soupire-t-elle, l'info' est sûre ?
“ Elle a... quelque chose, quand même. ”

Super. Elle se serait bien passée de lui et de ses remarques qui bouffent le crâne. Surtout qu'il y a ce tiraillement pernicieux qui l'asticote chaque fois davantage.

“ Un truc de fascinant, qui prend aux tripes... ”
– Ouh, on va calmer ses hormones gamin, que sa gronde dans les tréfonds de son gosier.

Elle l'étriperait bien celui-là. Caboche dodeline alors comme pour chasser les songes qui se heurtent malgré elle aux parois osseuses.

– Un de ces quatre vous n'échapperez pas à la garde-à-vue. »

Sûr que ses tuyaux sont utiles. La volaille de cette ville n'a jamais été autant efficace que depuis qu'elle côtoie Sacha. Mais si quelques soupçons pèsent déjà sur elle, Svetlana ne peut se permettre de les confirmer. Elle inspire alors bruyamment, histoire de canaliser son agitation, chose qui serait susceptible de griller plus encore ses cartes. Sa vie n'est pas assez compliquée visiblement pour qu'elle se tire une fois de plus dans le pied en fricotant avec la délinquance des rues. Heureusement, Claus n'a pas encore eu vent de cela. Elle imagine très bien les remontrances auxquelles elle devrait se confronter si jamais.

« Ces nanas sont inoffensives, certes, mais la prostitution reste un délit dans le cas où vous auriez oublié.

A dire vrai, Svetlana s'en fiche pas mal. Tant que chacun y trouve son compte et sans débordement, elle se fout royalement de ce que ces filles peuvent bien faire de leur cul.

– Votre sollicitude me touche, qu'elle souffle, partagée entre lassitude et animosité.

Faut toujours que ça soit nébuleux entre elles. Entre méfiance, aigreur et curiosité. Svetlana ne sait jamais où véritablement se positionner. Ajouté à cela le gamin qui s'ébroue sous la couenne. Pèle-mêle d'émois qu'elle perçoit sans en assimiler le sens.

– Faudra que vous m'expliquiez ce que vous êtes vraiment un de ces jours... »

Sourcils se froncent alors tandis qu'elle la scinde de haut en bas.

“ Moi aussi je veux savoir ! ”

C'est sans doute pour cela qu'elle se sent autant intriguée dans le fond.