T’as le visage en sueur et pourtant t’as pas si chaud que ça, comme quoi ton corps ne semble même pas s’habituer à la température de ce pays. T’es pourtant pas loin des températures hivernales d’Italie, un 17° pour un mois d’août. Et pourtant... Et pourtant t’en veux même pas à tout ce pays d’avoir happé une partie de toi, parce que t’es loin de tes cauchemars ici, t’es loin d’un autre monde, plus sombre et plus horrible. Ici t’es bien, l’air rentre dans tes narines, une grande bouffée, comme pour te rappeler que tu es encore en vie, que toi tu te tiens là alors que t’aurais pu être allongé, six pieds sous terre sur un tout autre continent. T’es heureux d’être ici, les mains dans la terre.  T’avais déjà l’habitude là-bas, du genre à aimer ton petit monde par le pouvoir de tes bouquets. Tu souris à l’idée.

Après avoir mis en terre les quelques fleurs que tu tenais dans ta main, tu te relèves aussi gracieusement que possible en soupirant. Ce n’est pas une fatigue monstre qui t’accommodes, c’est le léger mal de dos qui te rappelle que tu n’as plus 20 ans. Presque ironique, savoir que maintenant tu vas pouvoir rester un peu plus longtemps à cet âge là, non?  L’autre ne peut que confirmer, toi et ton pouvoir des fleurs, toi et ton pouvoirs des Bisounours et de l’arc en ciel. Avec un dernier sourire tu observes ce que tu viens de faire maintenant, pas un échec pour une fois, t’es plutôt content du rendu, maintenant il faut juste s’assurer que l’ensemble survive. D’un geste rapide, tu viens t’essuyer la transpiration de ton front, oubliant certainement comme un idiot que tes mains sont couvertes de terre. Tu grogneras plus tard.

C’est les bruits qui te donnent la puce à l’oreille, tu te tournes avec un peu d’anxiété d’abord, comment savoir qui te rends visite par ici, les gens sont bien trop étranges. T’es presque pris d’un soulagement lorsque tu reconnais la figure qui arrive, Néhémie, une personne que tu as vu venir une fois peut-être, plusieurs. Une personne qui, pour une fois ne va pas aller marcher sur ta pelouse là où tu viens de marquer qu’elle est fraîchement tondue. Ce n’est pas quelqu’un qui va cueillir la rose lorsque tu demandes qu’on y fasses attention. Dieu que tu apprécie les gens comme ça, aussi rares soient-ils.

Alors tu viens lever la main, grand sourire sur le visage. Tu ne l’appelles pas, tu te doutes qu’il a des choses plus importantes à faire que de traîner avec toi mais tu préfères au moins lui offrir la politesse qu’il mérite.