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 La voix du crime (Evgenia)


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Incroyable ce que les bailleurs pouvaient escroquer les locataires, songeait Stanislav Yegorovich en s’asseyant dans un fauteuil qui n’était pas à lui. Sans aucun doute, les habitants de cette tour d’immeuble de grand prestige devaient avoir reçu moult assurances quant à la sécurité. L’ancien des renseignements imaginait bien ces promesses sur dépliant. « Sécurité 24/24 » peut-être, ou des slogans plus audacieux, plus entraînants. Il eut un petit ricanement. En plusieurs années d’existence, le SGR n’avait jamais eu aucun mal à mettre sur écoute les appartements des particuliers ou les locaux de telle ou telle firme, pas plus que ses agents ne peinaient à s’introduire sur les lieux. Et si Yegorovich, à sa grande époque, n’était pas un homme de terrain, la formation la plus basique dispensée par son ancien employeur suffisait à tromper la sécurité sur place.

Le concierge ? Il avait suffi d’envoyer son complice et chauffeur le distraire pour passer le plus tranquillement du monde. Les caméras ? Non seulement, comme la quasi-totalité des caméras de halls d’immeubles à Moscou ou ailleurs, elles étaient sans doute uniquement dissuasives sans aucune activité réelle, mais même si ce n’était pas le cas elles avaient tellement d’angles morts qu’un éléphant aurait pu aller jusqu’aux ascenseurs sans être inquiété. Et pour finir, la redoutable porte de l’appartement numéro 4-05 ? Le type de serrure utilisé était exactement le même que dans les logements à loyers modérés de la banlieue pauvre, si ce n’était que la poignée était dorée, détail ô combien crucial pour empêcher les effractions comme chacun sait.

Et c’est donc sans avoir guère transpiré que Yegorovich s’était tranquillement approprié depuis deux heures le bel appartement d’Evgenia Gregorova. Enfin bel appartement. Un peu impersonnel aux yeux de l’homme-dragon. Moins « artistique » qu’on aurait pu s’y attendre de la part d’une cantatrice, comme d’ailleurs l’ensemble de cette tour d’habitation, qui pour bourgeoise qu’elle soit n’en était pas moins fort conformiste. En fait, c’était typiquement le genre d’appartement de fonction que l’état aurait pu mettre à sa disposition en tant que directeur adjoint du SGR s’il en avait eu la nécessité.

Vêtu d’un costume aussi sombre qu’élégant, Yegorovich avait déposé son pardessus sur une table basse, mais ne s’était en dehors de cela permis aucune familiarité particulière. Il n’était pas un voyeur dans l’âme et s’il était bien certain que beaucoup auraient entrepris de fouiller ou de dévaliser les lieux, lui attendait, tranquillement. Après avoir évidemment pris le soin de repérer très soigneusement la disposition des lieux, d’étudier la disposition des objets, en particulier des objets qu’on pourrait vouloir lui lancer ou utiliser pour faire du tapage et attirer l’attention, et cherché en vain un système d’alarme propre à l’appartement. Le voyeurisme était une chose, la sécurité en était une autre.

En attendant que la maîtresse de maison arrive, il lisait tranquillement le journal. L’Impérial Moscovite, un torchon à son avis, mais qui permettait de se faire une idée de ce que le pouvoir voulait laisser penser aux masses et d’en déduire certaines réalités. Par exemple en observant, à la page trois, que le ministre de la santé venait de démissionner et était remplacé par le vice-ministre, l’ancien directeur adjoint du SGR y discernait là les conséquences d’un jeu entre les différentes familles de la noblesse pour les différents portefeuilles des ministères impériaux et connaissait bien le nouveau titulaire, un homme qui avait été sous haute surveillance pour ses liens un peu trop étroits avec un consortium anglais. Yegorovich ferma le journal, soupirant. Tout de même, son ancien métier était empreint d’une sage dignité qui manquait cruellement à son occupation actuelle. Mélancolique, il sursauta quand son portable vibra. Le texto attendu, envoyé par son complice resté stationné à proximité de l’entrée de l’immeuble. Vivement, Yegorovich se leva et peaufina les derniers détails.

Délicatement, il sortit son arme, un pistolet automatique Beretta, et le déposa sur la table basse qui se trouvait en face de l’entrée du salon, à portée de main du fauteuil ou il se trouvait un instant plus tôt. Ensuite il se leva, éteignit précipitamment la lumière et, à tâtons, alla se rasseoir. Cette mise en scène était aussi cruelle qu’efficace, de ce qu’il avait appris des techniques mafieuses. Quand la cantatrice rentrerait chez elle et que tout naturellement, sans même y penser, elle allumerait l’entrée, avant de se diriger vers le salon, au centre de son grand appartement, elle ferait face à un homme élégant assis sur son canapé, la main à côté d’une arme à feu.

Procédé vulgaire, procédé tapageur, digne d’un film d’action ou d’un thriller, qu’on aurait jamais utilisé au SGR. Non, au SGR dans la même situation, pour convaincre une personne de faire ce qu’on désirait qu’elle fasse, les méthodes étaient ô combien subtiles. Pression quant à la déclaration d’impôt, menaces de problèmes au travail, appel à la fibre patriotique, intimidations voilées et difficiles à qualifier précisément, le registre était celui de l’orfèvre là où la mafia tenait, dans ses rapports à la pression, plus du génie civil. Pour la deuxième fois en moins de cinq minutes, Yegorovich fustigea sa présente condition et ressentit une étrange nostalgie pour son ancien travail.

Et si au moins l’objet de sa visite était grave, important ! Si cette femme avait eu le moindre rapport avec – il frémit de colère rentrée à cette pensée – l’homme qu’il traquait depuis tout ce temps et qui avait motivé son entrée dans le monde du crime organisé. Mais non. Le but de cette mascarade tenait plus de la bouffonnerie et des relations publiques inter-criminelles et de la mégalomanie d’un misérable chef de gang que d’un complot redoutablement habile ou d’une stratégie utile à Yegorovich.

Une clé dans une serrure. Il se tendit. Oui l’affaire était triviale mais on approchait d’un moment où il pouvait y avoir du vilain si tout le monde ne gardait pas son sang-froid. Du calme. La lumière s’allume. Yegorovich pose la main sur son arme. Des petits bruits de pas, de l’agitation, une silhouette, elle entre dans le salon.

- Bonsoir, mademoiselle Gregorova. Pas d’affolement, surtout, ni de cris. Nous allons discuter. Tranquillement.
  Dim 12 Mai - 14:37
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