J'adore la nuit.
C'est pas le meilleur moment ?
Tu vas où tu veux, quand tu veux, et personne ne te vois, et personne ne t'entend.
Ils pioncent tous, à cette heure. Ils ne font pas attention.
La majorité des gens ignore totalement ce qu'il se passe, quand la nuit tombe.
Oh, ils croient peut-être que le danger est toujours là, que des cambrioleurs ou des tueurs en série rôdent dans les parages. C'est pour ça qu'ils mettent des cadenas gros comme des poings à leur porte.
Ils se rassurent...
Alors qu'il est si simple d'entrer chez quelqu'un.
Une cheminée, une fenêtre, un entrebaillement, et hop ! On se faufile !
Et ce ne sont ni les cambrioleurs, ni les tueurs en série, qui rentrent de cette manière...
Ce sont les autres.
Ceux qui ont faim.
Et c'est pire.

J'aime beaucoup la nuit.
C'est le moment le plus adéquat pour revêtir mon habit de carnassier.
Le glouton n'est pas forcément bien vu par les passants, de jour.
La dernière apparition en date sous ma forme de poilu s'est soldée d'un coup de sac sur le museau, et d'un oeil au beurre noir pour la fin de semaine.
Chez les putes, un coquard n'est pas si inhabituel.
Et ça fait jouir les hommes qui aiment un peu trop la violence sans vouloir se l'avouer.
Je viens souvent par ici.
Les périphéries ne sont clairement pas aussi intéressantes que le centre-ville, mais on entend moins de klaxons, et on croise moins de putains qui hurlent à la simple vision d'un énorme glouton dégueulasse.
Oh, oui, il ne faut pas se leurrer.
Un glouton, c'est pas le plus mignon des bestiaux.
Un peu comme moi, finalement.
Pas jolie, sale caractère.
Finalement, lui et moi, on est pareils.

Quand je bifurque dans la grande rue, j'ai soudain une excellente idée !
Et si j'allais faire un tour au Cul de Poule ?
J'ai bien envie de voir Valeriy.
ça fait longtemps et...
MANGER ?!
Y'a une odeur, là.
MANGER !
C'est pas possible de résister en fait !
MANGER !
Avec grand entrain, tel le plus gourmand de tout le règne animal, je me jette littéralement sur les restes de barbecue d'une maison dont je me fous totalement.
DES SAUCISSES FUMEES !
Un délice !
DES PILONS DE POULET !
Un régal !
OH MON DIEU ! UNE BOUTEILLE DE VIN !
Perfection !

Quand je renifle l'odeur nauséabonde d'un cabot, c'est les quatre fers en l'air, la bouteille déversant tout son contenu dans ma gueule, du bout des griffes, après une bataille considérablement longue durant laquelle j'ai du trouver le meilleur angle pour que le jet soit bien orienté.
Un coup d'oeil sur la gauche.
Rien.
Un coup d'oeil sur la droite.
Putain.
En balançant la bouteille de côté, je me relève péniblement, les yeux ronds.
Velkan.
Je viens vraiment de faire ça ?
J'devais pas être très présente, j'crois bien.
Je grogne.
Il grogne.
ça pue le sermon à trois balles.
Fait chier.
Toujours là où on l'attend pas aussi !

« Les poubelles, j'te jure, c'est pas moi. »
Que je lui sors, quand je reprends forme humaine, deux ou trois kilomètres plus loin, là où j'ai soigneusement laissé mes affaires.
Bah oui, gourmand mais pas con le glouton !
Bon, comme d'habitude, me voilà à poil devant un homme que je connais.
« Allez sois pas pudique, j'ai l'habitude d'en voir tu sais. »
J'te parle de tes fesses, Velkan.
Et peut-être pas que.
J'enfile un jean, une chemise, des lunettes de soleil, y'a pas de soleil et alors ?
« Tu vas pas me laisser parler toute seule, si ? »

Je vais te tuer. Et lorsque ceci sera fait, je danserai sur ton cadavre en écoutant du métal, en piétinant tes boyaux et en festoyant sur ta gueule. Et je me défoncerai, si bien que je finirai par faire un petit somme avec ton corps froid. Et ce sera le meilleur souvenir de toute ma putain de vie.

Pando