BOYS AND GIRLS OF EVERY AGE, WOULDN'T YOU LIKE TO SEE SOMETHING STRANGE ?
Page 1 sur 1
Invité
Invité
Memento mori.Evgenia & Velkan «Go tell that long tongue liar, go and tell that midnight rider. Tell the rambler, the gambler, the back biter. Tell 'em that god's gonna cut 'em down. » ( God's gonna cut you down )
Volodia le vieux concierge, en la voyant quitter l'opéra sans chauffeur s'est étonné de la voir rentrer seule. Mais elle a refusé son assistance, s'engageant dans les rues sombres, le visage dissimulé dans le col de son manteau. Elle ne voulait pas de distraction ce soir, personne pour lui lancer des regard curieux. Rien qu'elle et sa conscience en tête à tête.
Quelques heures. Voilà ce qu'il avait fallut à la nuit du Kremlin pour implanter en son esprit toute une série d'images qu'elle ne parvient pas à effacer depuis. Le sommeil est devenu un compagnon capricieux, fuyant à la moindre tentative de sa part, revenant aux petites heures du jour pour la cueillir de ses bras familiers. Et sans plus penser au fait que Moscou cache encore bien d'autres dangers que ceux qu'elle a entraperçu ce soir là , elle a disparu dans la nuit, sa silhouette vite avalée par les ténèbres d'une soirée hivernale aux températures mordantes. Il est sorti des ténèbres comme remonté d'un cauchemar et Evgenia a vite fait de réaliser qu'elle a eut tord de relâcher sa vigilance. Quelques secondes infimes ont suffit.
"Tu poses trop de questions, moineau."
Le ton est donné d'office et elle ne peut que se figer sur place. Oh oui des questions elle en a posé ces dernières semaines. Dans une tentative un peu folle, une mission vengeresse sensée faire payer aux coupables de sa transformation le prix de ce qu'elle est devenue. Elle aurait dû se douter que l'affaire finirait par faire des vagues. Regard glacé dans la direction du titan qui lui barre la route. Il ne sait rien. Mais il ne va pas tarder à comprendre. "Passez votre chemin. Il n'y a rien à voir ici." répond-elle d'un ton qui transpire l'indifférence
Et alors , stupeur. Rien ne se produit. Rien d'autre qu'un frémissement sur son visage, une onde vite disparue. Et le croquemitaine n'a pas reculé pour autant, tout juste s'il s'est laissé impressionner avant qu'un rictus mauvais ne torde ses lèvres dans une parodie de sourire. Et il s'avance, un pas après l'autre, nonchalamment.
"Qu'est ce que tu fiches, petite sorcière? - Rien du tout. Vous avez peur. Reculez."
Mais la certitude s'effrite doucement dans son esprit. Elle a beau y mettre toutes ses forces, ça ne marche pas. Et l'appréhension s'infiltre doucement dans son être, se propageant jusque dans ses os. Sa voix n'est qu'un murmure vite disparu dans la noirceur moscovite. Sa plus belle arme vient de l'abandonner. Loin de se sentir libérée, Evgenia réprime un frisson mal à l'aise, ne pouvant s'ôter de l'esprit l'impression qu'elle s'est présentée à l'ennemi les mains vides et mise a nue. Un souffle contre son oreille et des relents de vodka bon marché lui tordent les entrailles dans un haut le coeur. "Tu n'es pas la seule à être maudite, petite sorcière. C'est l'Epouvantail qui m'envoie. Si tu continue à traîner sur ses plates bandes, il va t'arriver des bricoles."
Une main sur son cou. Et ça serre, encore et encore et encore, jusqu'à moucheter son champ de vision de petites étincelles sombres. Les rues de Kitaï-Gorod, piquées d'étoiles mortes, prennent des accents de tableau de maître. Van Gogh au pays des monstres. Mais en fait de nuit étoilée c'est un visage bien vivant qui fait face au sien et Evgenia a beau déployer ses illusions, rien n'y fait. Elle le sent au fond de son esprit, cette petite enclave de son cerveau est endormie provisoirement. Cet homme là lui à fait quelque chose. Il a jeté un voile de silence sur ses mélodies et elle aura beau chanter à s'en user les cordes vocales, rien n'y fera. Et le voile d'indifférence qui aurait pu la sauver ne vient pas non plus. La peur, intense et viscérale, l'a grignotée jusqu'au fond de ses entrailles et pour la première de sa vie, Evgenia se débat. Avec le peu de forces à sa disposition. Elle y met tout ce qu'elle a. Même si ça ne sert a rien, même si c'est perdu d'avance, la jolie poupée dit non. L'odeur du sang, la mélodie de ses dénégations étouffées, la chair qui cède à peine sous ses ongles. Elle ne fera pas silence.
Les secondes s'étirent en minutes, les ténèbres se tordent, se distendent à l'infini, le ciel se rapproche et tend vers elle une étreinte apaisante.
Un grondement d'orage. C'est tout proche. Ou pas? Elle ne sait pas. Elle est déjà loin. Après elle, le déluge.
Accueil
