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 (+18) Cage me like an animal, eat me like a cannibal ft. BB


BOYS AND GIRLS OF EVERY AGE, WOULDN'T YOU LIKE TO SEE SOMETHING STRANGE ?

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( Cage me like an animal,
eat me like a cannibal ft. @B. Brutal Ayaz )
J'ai cessé de compter les kilomètres, de regarder le nom des villes défiler sur le bas-côté, sur des panneaux colorés. Le bitume et ses aspérités, ses bosses et ses creux, il n'y avait que ça, que ça et les stations services pour foutre un peu d'essence et acheter de quoi vivoter en attendant. En attendant quoi ? L'endroit où poser nos bagages pour un jour, une semaine ou un mois ou deux. Je me suis déconnectée de la réalité, me suis lovée dans ses bras, l'ai laissé glisser entre mes cuisses et j'ai aimé ça, ouais, j'ai aimé ça. Nos brèves discussions sans fond, sur des trucs légers comme le nom des bleds traversés. Les chansons que j'ai massacrées de ma voix trop haut perchée. Dormir sur les sièges inconfortables de la caisse et parfois, dans un hôtel crasseux pour une poignée de billets. Il n'y avait que toi. Toi à regarder, toi à sentir, toi à écouter parler ou respirer. Je ne sais pas comment c'est possible, Brutal, mais tu es devenu le centre de mon monde avant même que je ne m'en rende compte. Durant nos éternels silence, je pense à ta peau sur la mienne, au goût de tes lèvres, à la mélodie de nos corps qui se joignent. Ça me fait quelque chose à l'intérieur du bide, des papillons ou des fourmis. Et je crois que je n'aime pas, ouais, que je n'aime pas quand les filles te regardent, qu'elles apprécient ou non ce qu'elles voient, qu'elles te détaillent. Ça me donne envie de leur faire mal, d'arracher un bras ou un sein et de le mâcher, ouais, de le mâcher et de l'avaler. Mais je fais rien, je me contente de serrer les mâchoires et ronger mon frein parce que tu n'es pas à moi, non, tu ne l'es pas. Jamais ou pas encore, je n'en sais rien, moi. Je me rassure en contemplant les ecchymoses qui parsèment la carne, celles qui me rappellent toi, nous. Je crois que je n'avais pas envie qu'on arrive, qu'on ouvre la portière en disant c'est ici qu'on va vivre. J'ai peur, je crois. J'ai peur de la réalité et sa routine. J'ai peur que tu te lasses, que tu rencontres une autre femme et que tu te rendes compte que je ne suis qu'une épine dans ton pied, un monstre caché derrière des traits doux et une rangée de dents acérées. Tu le sais déjà, mais je crois que tu oublies. Que tu oublies jusqu'à ce que je te rappelle que j'ai faim et que je n'ai pas envie de pizza, que j'ai besoin d'être seule pour ça. Tu oublies, jusqu'à ce que tu te demandes ce que j'ai bouffé, ce matin, ce midi ou ce soir, quand tu n'étais pas là pour vérifier le contenu de mon assiette. Tu n'as jamais demandé, parce que ce n'est pas intéressant, parce que je te l'ai déjà soufflé, aussi, en te disant que je n'avais jamais tué personne. Et si ça changeait, ça ? Si je tuais un jour pour me nourrir, est-ce que tu m'en voudrais ? Est-ce que tu partirais en pensant que je suis une trop grande menace pour toi ? Et il arrive, ce jour, il ne fait pas vraiment beau, plutôt gris. Un épais brouillard nous accueille à Sychevka, comme un signe. La chambre qu'on loue dans un petit motel, les bagages qui se posent avec l'envie de ne plus avoir à tout remballer. On est un peu plus au sud et à l'ouest, on a dérivé, fait des détours pour effacer nos pistes et duper quiconque tenterait de nous localiser. Je me love dans son dos quand il inspecte l'extérieur en fumant sa clope. Je reste là un moment, juste à l'écouter respirer. Les battements du myocarde me rappellent toujours ce qui pulsent à travers veines et artères. Hémoglobine qui ravive la faim qui tiraille le bide. Les lippes déposent un baiser à l'épaule, celle qui ne porte plus aucune trace de la balle et de la morsure. -On devrait peut-être rester un peu ici, le temps de se refaire un peu de fric. Ils doivent bien embaucher des serveuses ou des vendeuses dans le coin, que j'assure en l'enlaçant. Pourtant, je n'ai pas envie. Pas envie de le quitter, de nous séparer alors que c'est débile, ouais, totalement débile, on ne peut pas vivre l'un sur l'autre. Mais l'un dans l'autre... Cabèche secouée comme pour effacer ce qui pullule dans le crâne. J'ai envie de toi, tout le temps, c'est comme un pansement, un baume réconfortant qui fait taire les pulsions et les peurs, celles logées dans le fond de la boîte crânienne. Les tiges aguichent, glissent sous les fringues, déboutonnent le froc et se faufilent à l'intérieur. Sa queue dans ma paume, je le branle doucement et mordille son omoplate. il durcit entre les doigts bientôt rejoint par les lippes. Il gonfle et palpite sur ma langue et je maltraite son membre, suce, suce fort à en creuser les joues. il baise ma bouche et ma gorge, sa pogne entortillée au crin. Et je ne veux pas m'arrêter quand il gronde et râle oubliant la fenêtre et nos chers et tendres voisins qui ne voient rien mais imaginent parfaitement bien. Les ongles se plantent à ses cuisses, s'y plantent plus encore quand je l'avale tout entier. La menotte accompagne la succion, le presse et le branle jusqu'à ce qu'il jouisse entre les babines. Foutre lampée, l'instant perdure encore un peu, jusqu'à ce que la petite bulle éclate. -Vous n'avez pas honte ? Que la meuf rétorque en refermant sa fenêtre dans un claquement mécontent. Ça me tire un sourire et puis un rire. J'aime ton goût sur ma langue. On fume, on vit et puis on sort et on se sépare. Brutal doit acheter des clopes et de quoi becter pendant que je dois trouver de quoi bouffer à mon tour. Ça gronde dans le bide et dans la cage thoracique, ça force à aller plus vite à prendre des artères puis des venelles dans l'espoir d'y trouver un putain de clébard ou n'importe quoi, ouais, n'importe quoi, pourvu que ça calme ce qui dévore à l'intérieur. Je croise des gens, des gens qui me regardent bizarrement et à qui j'ai envie de gueuler quoi, tu veux ma photo, connasse ? Tu veux mon numéro, connard ? Irritable et nerveuse, je traverse la ville au pas de course, sans doute plus vite que je ne l'imagine. L'épaule percute un passant qui se met à beugler -Putain, mais ça ne va pas ? Vous ne pouvez pas faire attention ?! Il râle, houspille, mais je m'en fous. Je m'en fous, ne pense qu'à ces bois, là-bas et à ce que je vais pouvoir y trouver puisque ici, aucun animal ne semble abandonner, ou alors ils me fuient, qu'est-ce que j'en sais. Je traverse, manque de me faire percuter, détale sous les coups de klaxon.

Et l'odeur est familière ou presque, elle apaise le tintamarre entre les côtes et dans la tête. C'est comme si je rentrais à la maison. Dans ce chez-moi loin d'ici, largement plus au nord. Là où les hivers sont rudes et où il n'y a que la neige et la glace en compagne. Ça me manque, parfois, de ne plus ressentir le froid sur mon minois. Ça me manque, je crois, nos étendues vastes, nos pins à perte de vue et cette sensation d'être seule au monde. Les phalanges s'enfoncent dans la terre et le museau hume l'air à la recherche d'une flagrance particulière, celle du fer. Quelque chose passe beaucoup trop vite près de moi. Je sursaute, tombe sur le cul avant de me mettre en tête de pourchasser la proie. La grande et élancée aux pas lourds. Mais je ne la retrouve pas, la bestiole, me contente de quelque chose de moins grand et moins gros. Biche apeurée qui s'est fichue tout droit entre mes pattes et mes crocs. Les quenottes déchiquettent la barbaque à en remplir entièrement la panse.
Craquement.
Une branche pète sous le poids d'un inconnu. Les mirettes se redressent, à l'affût et s'illuminent à la manière d'un putain de sapin de Noël. J'ai seulement le temps d'entendre l'ordre avant le cric qui annonce la balle chambrée. Je me fige, ressens une panique dans le fond des tripes. Je me relève vite, cours, ouais, cours en slalomant entre les arbres.
Bang.
La balle perfore la carne, coupe la respiration. Ça parle, ça cri, ça hurle de s'arrêter, mais je n'écoute pas, déboule en plein milieu de la civilisation comme si j'avais le diable à mes trousses. Le visage est nettoyé d'un revers de manche pour ne pas affoler les passants et le flanc est maintenu derrière le cuir. Et je traverse la ville à nouveau, en sens inverse cette fois, me planque dans une benne à ordure en priant pour qu'il ne me retrouve pas, ce connard. Et sous le front, les hypothèses ne manquent pas. C'est la Colonie, ils sont là pour me récupérer, ils ont attendu que je baisse ma garde pour me buter, ou alors ce sont les Tigres d'Arkan, les hommes qui cherchent à récupérer les papiers que possèdent Brutal et qui veulent nous tuer par la même occasion. Mais rien n'a de sens.
Haut-le-cœur.
Relent de viande. La décomposition avancée me donne envie de dégobiller ce que je viens tout juste d'avaler. Le museau se niche sous le tee-shirt pour respirer. Respirer autre chose que la chiasse qui me colle aux pieds. Et j'attends. J'attends des minutes ou des heures, fracture du temps et de la psyché. Quand je ressors, je pue, ouais, je pue putain. Je me faufile à travers les ruelles, ne trouve plus mon chemin, me perds, alpague une connasse qui me dévisage en fronçant son petit nez. -Excusez-moi, vous pouvez m'aider ? Mais personne ne m'aide, tout le monde me regarde comme si j'étais une fucking SDF, une pestiférée ; le genre que l'on pointe du doigt en grimaçant à cause de l'horreur que ça nous inspire. J'ai peur, je panique, trébuche, me planque ailleurs, loin du regard des autres, de tous ces autres qui me rappellent les leurs. Ceux derrière la vitre sans tain qui épiaient le moindre de mes battements de cils. Je suffoque. Calme-toi, Kah. Calme-toi et souviens-toi de tes pas. Paupières closes, j'inspire puis expire, calme ce qui gangrène l'esprit. Je me détache du mur, tâtonne, retrouve finalement le motel après ce qui m'a paru être une éternité entière. La porte s'ouvre et je m'écroule, là, quelque part, entre la porte et le lit. Il n'est pas là, Brutal. Peut-être qu'il me cherche, peut-être qu'il boit pour oublier. J'en sais foutrement rien. La porte s'ouvre juste après et je me roule en boule comme si ça pouvait éviter les coups ou les balles. Petit cri étouffé, la paume se lève pour que ça s'arrête, mais c'est lui, seulement lui. Je crois qu'il me parle, qu'il pousse mes mains, qu'il allonge et qu'il cherche à mater pourquoi il y a du rouge, du putain de rouge sur le sol et sur le derme. La balle a perforé la chair, a traversé les tissus pour ne laisser qu'un mince trou. Peut-être que tu vas crever, Kah. Tu vas crever sans savoir ce que ça fait d'être avec quelqu'un vraiment, quelqu'un qu'on aime. Tu n'auras plus peur là-bas, dans le noir, là où il fait froid et où il n'y a plus rien pour toi. Ta gueule putain.
Il parle, il demande, mais je ne comprends pas tout, parce qu'il y a le rouge. Le rouge qui vrille les connectiques. Mais sa voix se fraye un chemin jusqu'aux esgourdes et apaise et rassure. Je ne vais pas mourir, je crois qu'il le dit à un moment donné. Que c'est rien, que la balle n'est plus là et que ça va aller, ouais, ça va aller. Arrête de chialer, c'est pas grave, tu vas bien, c'est le choc, juste le choc. Qui a fait ça, Kah ? Qui ? Dis-lui. -C'était un, un type, il était tout seul, ouais, tout seul. Un trappeur ou un chasseur, je sais pas, j'en sais rien. Je crois qu'il m'a vu. Qu'il m'a vu vraiment, vraiment, ou peut-être pas, je sais pas. Je grimace quand il comprime, sens la bile remonter le long de la trachée. -Il y avait quelqu'un, quelque chose, c'est pas moi, pas moi qu'il cherchait, qu'il visait, pas moi. Une biche ou un cerf ou un loup, je ne sais plus, je ne me souviens pas. -C'était une putain d'erreur, je crois, ouais, je crois. J'imagine que c'est drôle, qu'on peut y voir un retour de karma. -Je sortirai plus sans toi que je geins en me tortillant comme un ver dès qu'il tente de toucher. Parce qu'il faut désinfecter et suturer à grand renfort d'agrafes, le seul bordel malin qu'on a jugé bon d'emprunter dans une putain de station-service. Je dis -attends, je continue -parle-moi. Dis des trucs, n'importe quoi. Dis-les parce que ça m'apaise quand t'es là, quand j'entends ta voix. Ou sinon assomme-moi, ouais, c'est bien aussi. Éclate-moi la gueule dans un mur pour que je m'endorme et que je ne sente rien de ce que tu vas faire.


******


Chicots jaunis par la mâche du tabac, le grand brun se déplace d'un pas lourd. Long manteau en cuir, l'on raconte qu'il a participé à quelque chose de grand, de très grand sans jamais rien nommer comme pour ne pas froisser les âmes sensibles.
Ridley est un sauvage, il ne vit que pour la chasse et la traque, ça l'exalte. Il bute les autres, ceux qui ne sont qu'une aberration de cette salope de mère nature. Des rejetons difformes, des immondices sorties tout droit du ventre putride d'une terre en décomposition. Alors Ridley les prend en chasse, se fout qu'ils soient bons ou mauvais. C'est qu'il n'a plus rien à perdre, n'a plus que sa folie pour seule compagnie.
La main se lève, il marmonne -un double, qu'on lui sert dans la foulée. Il ne fête rien, le mâle, noie plutôt sa défaite. Cette chose qu'il n'a pas réussi à plomber et cette autre à la crinière blonde qu'il est certain d'avoir touché sans avoir retrouvé sa carcasse inanimée.
Le verre claque. Une autre tournée.
Il a soif, ça ne me fait que commencer.




( Pando )
( TWISTY.RAIN )
  Sam 12 Oct - 22:26
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B. Brutal Ayaz
MONSTER UNDER YOUR BED
B. Brutal Ayaz
Impétuosité : 164
https://thecult.forumactif.com/t1021-du-sang-et-des-larmes-bba https://thecult.forumactif.com/t1007-j-veux-les-chants-de-maldoro
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CAGE ME LIKE AN ANIMAL, EAT ME LIKE A CANNIBAL ft @K. FAUVE WARD

Go row the boat to safer grounds but don't you know we're stronger now. My heart still beats and my skin still feels ; my lungs still breathe, my mind still fears. [...] There's blood on your lies. The sky's open wide. There is nowhere for you to hide. The hunter's moon is shining.

C’est quelque part dans mon sommeil – dans une illusion de l’esprit, dans une illumination divine, dans une mise en scène cosmique – que je me rends compte vraiment que je vais passer des mois avec Fauve. Que je vais passer ces mois dans une sédentarité précaire, à vivre avec elle et plus seul sur un banc, à plus pouvoir voir qui je veux, ni même boire quand je veux ; à dormir avec elle aussi, et à coucher avec elle. A faire comme si nous étions ensemble quand ce n’est pas le cas – quand nous avons chacun, probablement, mieux à faire que fuir mes problèmes. Que je l’oblige un peu, Fauve, même si elle a dit oui comme si je lui rendais service – comme si je lui demandais sa main. Et je me vois, là-haut, dans ma tronche, la lui demander pour de vrai-faux, sa main. A genou devant elle, une boite entre les phalanges, le menton relevé vers son visage éclairé d’une joie indéfinissable. Elle sautille sur place, Fauve, quand elle arrache le diamant de l’écrin. Qu’elle accepte sans concession. Qu’elle promet tout ce qui est inconditionnel – quand je me rends compte que je ne l’aime pas, moi, et que je ne suis pas capable de l’apprécier comme elle m’apprécie. Mais, vite, Fauve, elle se retrouve nue à onduler devant moi. A danser pour moi. A se frotter contre moi. Et il ne me faut pas vraiment longtemps pour capter que cette impression là n’est pas un rêve. Fauve est nue. Palpable. Dans le même lit que moi. Je bascule entre les cuisses de Fauve qui les ouvre pour moi. Défonce les derniers doutes contre l’humidité de sa fente. Etouffe la raison à chacun de ses va-et-vient sur ma verge. Ne pense plus sitôt elle m’avale, Fauve. Sitôt que je disparais en elle. Y reste un peu. Crève une complainte contre son épaule alors que je ne bouge pas. Mais elle se met à remuer elle. Me pousse à me redresser pour la regarder faire – pour nous voir nous unir dans le bruit de nos chairs. Elle couine. Elle se cambre. Offre ses seins que je palpe. Que je lèche. L’intime que je pille. Elle relève ses jambes. Les flanque aux épaules. Je m’agrippe à ses cuisses. A son flanc valide. Vais au plus profond pour lui couper la respiration, à Fauve. La douleur explose dans ma tronche, brûle derrière l’œil. Enerve. Alors, je l’emmerde la douleur. Remonte les hanches plus vite, cherche la jouissance derrière ces constats électriques. Prend du plaisir là où il n’y a que des décharges. Pilonne. Touche. Touche l’entrecuisse de Fauve. Grogne chaque fois que le bas ventre percute le sien. Et quand elle s’éloigne Fauve, dans une contraction frénétique, je la récupère un peu vite – la reprend un peu fort pour la sentir se refermer sur ma queue. Palpiter autour de moi – pour éjaculer en elle dans un soubresaut de joie. Et je reste là. A l’intérieur de Fauve. Côtoie nos foutres de près – ceux qu’on a mis partout sur les draps. Je me redresse à peine pour me voir me retirer d’elle. Fixe nos sexes un instant – surtout le sien d’où notre plaisir s’écoule. Me vautre sur le côté pour me rendormir presque immédiatement.

Et c’est le lendemain. Le lendemain où tout devient réel. Où on se lève, un peu en vrac. Où on se parle pas – où je reste peut être un peu distant. Où je fume beaucoup trop de clopes avant de me décider à m’habiller – où j’oublie de prendre une douche mais où je m’en fous finalement. Où on charge tout dans la caisse de Fauve – où on se barre dans sa cabane dans les bois pour qu’elle prenne quelques affaires. Je l’aide, un peu distrait. Bois un dernier coup et pisse avant de partir. J’indique juste le Nord avant qu’elle ne démarre. Avant qu’elle ne le demande vraiment. Veux brouiller les pistes, contourner Mejdouretchensk et peut être d’autres villes – repartir dans le Sud et, pourquoi pas, repartir en Ouzbékistan à terme. Je crois que c’est là où on me cherchera le moins, ouais, je crois. Alors c’est des heures de route avec Fauve. Des heures où on pourrait apprendre à se connaitre mais où je préfère le silence gênant qui nous englobe depuis que nous nous sommes rencontrés – il me semble que nous n’avons jamais été à l’aise une seule fois depuis qu’on traîne ensemble. Juste… Il y a juste ces moments où nous nous engueulons ou où nous faisons l’amour… Tu penses que c’est normal, Fauve ? Tu penses que c’est comme ça que ça devrait se passer ? Comme ça que nous allons passer des mois entiers ? A baiser pour ne pas s’asphyxier ? Et ça me fait hyperventiler. Ca me met mal à l’aise. Ca me fait ouvrir la vitre et respirer l’air frai de dehors. Ca me fait fumer, aussi, puis demander à Fauve de s’arrêter dans le premier restaurant qu’on rencontre – un routier perdu au milieu de nulle part, sans caméra de surveillance. Je reprends le volant. Puis on se relais. On dort à tour de rôle côté passager les premières heures – les premiers jours. C’est quand notre corps commence à tirer qu’on s’accorde de dormir ensemble dans la malle – quand on estime être assez loin et assez paumé et assez invisible pour la menace. Mais c’est chiant, dans la malle de Fauve. Elle est emboutie sur le côté, ne nous permet pas de bien se caler – même si on s’emboite plutôt bien, avec Fauve, qu’importe où on se trouve. Le sexe devient un moyen de communication, pour nous, au fils des kilomètres qu’on enchaîne. Ca tait le stress. Ca fait oublier les silences et les pourquoi nous en sommes arrivés là. Parfois, Fauve, elle s’en va dans la forêt, parce qu’elle a faim d’autre chose que de pain ou de jambon. Je sais ce qu’elle va faire, Fauve, ai la décence de ne pas lui faire remarquer – de faire comme si elle était partie cueillir des fleurs quand je sais qu’elle est allée décortiquer une carcasse de bête. Alors, dans ces moments, je ne la touche pas de 24h, Fauve, au moins. Le temps que les images s’en aillent du crâne. Que son corps nu contre le mien réveille autre chose que le dégoût et l’odeur imaginaire de cadavre – les flashs du museau de Fauve déformer par cette chose en elle. Parfois, je ne veux pas qu’elle me prenne dans sa bouche, Fauve, par peur de voir ces dents autour de moi – par peur qu’elle me castre sans faire exprès. Parfois ça ne me traverse même pas l’esprit et je la supplierais, presque, à Fauve, de me sucer. Et je crois que ça ne la dérange pas, à Fauve. Je crois qu’elle en a pris l’habitude, Fauve. Et puis elle ne dit jamais non, Fauve.

Il en résulte que, Fauve, elle est facile à vivre. Dans un 4x4 ou une chambre d’hôtel. Elle se calque à mon rythme, Fauve, ne pose pas vraiment de question lorsque je m’en vais, quelque fois, pour aller voler. Je reviens toujours avec de l’argent alors, je ne sais pas, ça doit la rassurer. Fauve, souvent, elle me donne l’impression dérangeante que nous sommes ensemble – dans nos routines étranges et les câlins qui lui échappent. Je la flatte plus que ce que je ne l’enlace – termine majoritairement entres ses jambes. Parce que je ne m’accorde pas de simple moment de tendresse, avec Fauve, justifie toujours ça par le sexe – le sexe c’est binaire, il n’y a pas de sentiment dans le sexe, surtout quand on baise, ouais, surtout quand on fait ça comme ça. Un jour, j’ai pensé à abandonner Fauve pendant qu’elle partait nous chercher à manger. Me suis rétracté quand je l’ai vu me saluer à travers la vitre du petit magasin de quartier. Un sourire collé à la bouche, la dégaine décontractée dans son immense blouson de cuir – l’un de ceux que j’ai fini par lui céder pour ne pas qu’elle crève de froid, Fauve. Les températures sont descendues, dernièrement, un peu trop vite, à mon avis. Enfin tout ça pour dire que je suis resté avec Fauve. Même si, à ce moment-là, j’étais déjà presque certain que plus personnes ne lui feraient de mal. On ne nous a pas oublié mais, quitte à chercher quelqu’un, leur choix ne s’orienteront plus vers toi. Puis Fauve elle est remontée dans la voiture, les bras chargés de chips, et de gâteaux et de malbouffe ; un pack de bière et de l’eau sous le bras. Elle souriait toujours Fauve. J’ai démarré. Elle a enclenché la radio pour chanter – mal, principalement, mais parfois, à Fauve, une note si juste lui vient que je tourne la tête vers elle, persuadé que si elle y mettait du sien, elle chanterait bien. Elle a ouvert le salé pour en prendre une grande bouchée. – On va à Sychevka, que je lui ai alors annoncé. Elle a haussé une épaule, Fauve, ni heureuse ni malheureuse. Elle a haussé une épaule comme si elle s’en foutait, parce qu’elle devait s’en foutre. Elle a passé sa ceinture de sécurité – sans chercher à savoir pourquoi. Mais c’était juste comme ça. Pour ne plus penser à partir sans toi. Je crois que ça ne se fait pas, ça.

On pose les valises à Sychevka. Pour une heure. Deux… Peut être un jour ou deux. Un mois. On ne sait jamais, quand c’est comme ça. On choisit un motel nul pas trop excentré, cette fois. Il est plus facile de nous perdre dans la foule que dans un coin isolé – et même si on nous trouve il sera plus difficile de nous plomber à vue. Les affaires ne sont jamais défaites, toujours laissées dans un coin de la pièce – je ne pose jamais les miennes à côté de celles de Fauve, pour le principe. Je suis juste censé veiller sur toi, Fauve… Pas faire tout ce qu’on fait, en vrai. Et je vais à la fenêtre, ouais, parce que j’aime toujours ça. Mais à Sychevka, dans ce motel pourri très proche de la ville… Il n’y a que la ville, à voir. Un immense parking fait de sable et de gravillons, une rue passante et des immeubles. Je me prends une cigarette. Ouvre la fenêtre pour en laisser partir la fumer – ça put déjà assez, ici, sans en rajouter.[/i] La tronche se détourne quelques secondes après. Fauve s’est approchée. A glissé sur mon épaule, un tendre baiser. Tu vois, c’est exactement ça, que je ne veux pas, Fauve. Je ferme les yeux. Savoure à contre cœur la trace de ses lèvres sur ma peau – légèrement humide, assez pour m’extraire un frisson à la première brise. – Tu as raison, que je lui cède en tentant de capter son regard. On va rester ici pour se refaire une santé, et ensuite on partira encore plus au sud. Peut être qu’on ferait bien de se séparer, Fauve, la prochaine fois qu’on prendra la route. J’ai envie de lui dire. J’ai envie qu’on en parle. J’ai envie de Fauve. Les paupières clignent doucement. Un grognement remonte le long de la trachée dans un nuage nicotiné. Les petons dansent sur le sol. Tout ça, parce que Fauve à glisser une main dans le froc. Elle touche, Fauve. Fait bouger mes reins doucement quand sa paume se fait plus active. Et quand elle vire les fringues, Fauve, pour se mettre à genoux et me prendre à pleine bouche, je dois me tenir au mur. Bascule légèrement en avant. Tombe la clope quelque part, sans savoir où – nique surement la moquette de cette piaule pourrie de ce motel pourrie. Les phalanges restantes s’agrippent aux crins de Fauve. La fait s’activer sur ma queue comme je veux. La fait me prendre tout entier, sans bouger, dans la chaleur de sa bouche. Là. Dans le fond de sa gorge. Ne la libère qu’à la sensation de déglutition qui m’électrise. Et je le prononce, son nom. Je le murmure chaque fois que mes hanches cherchent sa langue – la moiteur et la douceur de ses joues. Jusqu’à ce que l’orgasme me vienne. Qu’elle ne m’avale. Que je gueule un peu en m’avachissant contre la cloison. Les jambes un peu coton – le sol un peu mou. J’attends qu’elle me lape, Fauve, pour qu’il ne reste plus rien de ma jouissance. Recule quand elle me lâche pour tomber lourdement sur le lit. Défroqué et heureux d’être là. Une main sur la queue parce que j’ai froid à l’extérieur de Fauve.

Fauve est plus en forme. Se bouge avant moi, m’oblige à m’activer pour ne pas rester dans une inertie qui me flinguerait les méninges. Je finis par me lever. Par me rhabiller – boire, pisser, fumer, la base. On doit sortir, pour les denrées de premières nécessitées – des clopes, de l’alcool et de la bouffe pour moi, une bouffe plus particulière pour Fauve. Ca m’écœure toujours. Je n’approfondie pas la discussion. On se sépare à peine la porte du motel passée – sans un au revoir ou un baiser. Je ne me presse que pour aller au tabac. Flâne en ville – devant quelques vitrines qui me laissent rêveur. Bouscule des gens, en m’excusant toujours d’un signe faiblard de la main. Pique assez pour m’acheter un repas dans un restaurant et un verre dans un bar. D’abord le verre, après le repas. Je m’arrête là, devant la première devanture sympa. M’installe. Pointe du doigt ce qui me fait envie – du whisky. Dérive vite – le verre se transforme en les verres et bientôt, je ne me suis nourri que de cacahuètes. Les spiritueux s’enchaînent aussi vite que les clopes que je vais fumer en terrasse. Personne m’emmerde, je crois que ça aide – même le barmaid est pas casse couilles et capte vite ce que je lui réclame sans que je ne parle. C’est l’heure qui s’affiche sur la télévision du bar, celle que le mec met pour voir les résultats sportifs, qui me fait sauter de ma chaise. Merde, ça fait une heure que tu glandes, Brishen, Fauve va péter un câble. Elle va encore penser que t’es crevé dans un caniveau… Elle va pleurer, ça va être chiant. Je bouscule un peu la table. Balance un billet au hasard. Me barre en trombe en m’apercevant trop tard du pourboire disproportionné que je viens de laisser. Tant pis. Je m’évite la marche, récupère un taxi pour retourner au motel. Déboule un peu vite dans la chambre. Manque de piétiner un truc. Fais un bond en arrière. Dois m’y reprendre à deux fois avant de voir ce que c’est. Fauve. Je bug. Reste statique. Des scénarios plein la gueule – je pense vaguement que des méchants vont sortir de la salle de bains, dois réaliser que c’est débile avant de m’accroupir. Je cause. Lui demande si elle m’entend. Si elle peut parler. Ce qu’elle a, où elle a mal. Enchaîne les questions à une vitesse folle – pas pour qu’elle réponde mais pour qu’elle reste attentive, pour qu’elle se raccroche à un truc. Pendant que les paupières papillonnent, je l’allonge là, sur le sol. Cherche où ça merde. Capte vite que c’est le flanc, encore, qui a chargé. Faut que tu penses à te faire canarder autre part, Fauve… Ou à sortir avec un gilet pare-balles, ça peut être pas mal, déjà. Je soulève ses fringues. Vois pas grand-chose parce que ça pisse le sang. Chope le premier bout de tissu qui me vient pour éponger la plaie – vérifier où ça en est. – Je crois qu’il n’y a plus la balle, que je murmure quand elle pleure, Fauve. De panique, d’adrénaline – dans la redescende d’une émotion pas positive. – Ca va. Ca va, personne ne va mourir. Sauf si ça s’infecte, et ça, ça serait sacrément con. Je demande pas, ouais… Je demande pas qui a fait ça. Ai une vague idée – pense à l’Outfit qui nous aurait retrouvé. Je trouve ça rapide, quand on a brouillé la plupart des pistes. C’est quand je vais pour me redresser qu’elle cause, Fauve. Qu’elle balaie les hypothèses d’un revers de main. C’était un pauvre connard. J’arque un sourcil, sceptique. Pourquoi ? Dodeline du chef. C’est pas le moment de réfléchir.

Je tente de la soulever mais elle bouge, Fauve, elle se débat, Fauve. Elle me fait soupirer, même si je sais qu’elle ne le fait pas exprès. Elle part dans des extrêmes – elle ne sortira plus sans moi, paraît. Mais ça va être sacrément compliqué si tu veux travailler.Dis pas ça, soufflé-je en y allant plus doucement. Elle s’accroche comme elle peut à la nuque pour être transférée dans la salle de bains. Je bénis ce motel pourri d’avoir, au moins, une baignoire – moi j’y rentre pas mais je n’ai aucun problème pour y foutre Fauve. Ses fringues sont virées – déchirées quand ça devient trop douloureux pour elle de faire le moindre geste. – Ta plaie est profonde… Tu veux que je te parle, mais je ne sais foutrement pas quoi te dire à part ce qui est d’une ridicule évidence. Le jet d’eau est activé. J’attends qu’il soit tiède avant de le passer sur Fauve – sur la plaie. Cette scène, c’est un peu un remake de la dernière fois, non ? Je redresse le museau, capte ses prunelles semi-attentive, semi vaseuses. – Je ne vais pas te désinfecter. Arrête de serrer les dents pour rien. J’aimerais aussi nous éviter les agrafes, si tu veux savoir. Elle se lave un peu, Fauve, profite que je sois présent pour l’aider. Je la sors de là, une fois que la plaie semble être débarrassée de toutes ses merdes. Pose des compresses à son flanc. Décharge électrique. Grogne en me dandinant. L’amène sur le lit. – On va y voir plus clair. Les rideaux sont tirés. La lumière allumée. Fauve est aussi blanche que les draps sur lesquels elle repose. Me suit du regard comme si j’étais voué à disparaitre. Tu es toujours aussi malaisante. Je vais chercher les agrapes – dans le doute. Tire une chaise pour me poser à côté du lit. Lui pousse la menotte – celle qui tient les cotons pour avoir une vue d’ensemble. Y a besoin d’agrafes. Et merde. On va prendre cher. J’expire. Si tu crois que je peux souffrir autant que toi et te chanter la Traviata pendant que tu hurles à la mort, tu te plantes Fauve. T’auras pas d’histoire.Je vais te mettre des agrafes, que j’annonce en secouant l’engin de torture. Mettre une compresse et bander. Si ça ne s’arrête pas de saigner, Fauve, il faudra vraiment partir à l’hôpital. Je laisse planer un court silence. Ce n'est pas négociable. Elle fronce le nez, Fauve, ne semble pas emballée par l’idée. Doit capter que je ne le propose pas de gaité de cœur – que c’est pour ne pas qu’elle crève. Doit espérer, au fond, de ne pas avoir à assumer le fait qu’elle acquiesce. Alors ça commence. C’est aussi douloureux que des points de suture, mais c’est infiniment plus rapide. Je dois prendre des pauses – parce que Fauve gigote un peu et parce que je souffre un peu. Mais on y arrive. Je colle des compresses stériles et une bande pour fignoler le bordel. Marche en rond dans la chambre quelques minutes – fume dans le silence. Le temps que le bourdonnement dans ma tronche se barre. Je reviens vers Fauve ensuite. Fauve qui s’est foutue sous les draps sans que je ne sache dire si c’est parce qu’elle a froid ou si c’est parce qu’elle tente vainement de se protéger contre ce mec. Celui qui l’a canardé. – Il ne reviendra pas, que je balance en posant la paume à son front – manière de voir si la fièvre ne se pointe pas. – Si c’est une erreur, ce mec ne reviendra pas. Et s’il t’as vu… Je hausse une épaule. – Il t’as vu. Qu’est ce que tu veux qu’il fasse ? S’il raconte ça, on le prendra pour un barge… Puis il ne viendra pas jusqu’en plein centre-ville pour te faire taire… Il va pas risquer la taule pour une erreur de chasse, ok ? J’ai envie de rajouter qu’il a dû la prendre pour un ours, m’abstiens en partant doucement en arrière. – Il va falloir se débarrasser du 4x4 si on reste là, que je commence. Si tu veux que je parle, il faut au moins que je pense à voix haute.A moins que ce mec t’ai fait assez peur pour que t’ai envie qu’on continue notre chemin… De toute façon, dans ton état, on pourra pas reprendre la route demain mais, c’est envisageable pour après. Je penche la tête de côté. – A moins que tu veuilles que je retrouve ce mec pour lui demander s’il a besoin de lunettes ? Court silence.Le retrouver pour savoir ce qu’il foutait vraiment dans cette forêt, c’est bien aussi. Parce qu’il est hors de question que tu vives ici dans la peur de crever, Fauve. Ni qu’on reste collé comme deux putains de siamois… Je ne veux pas bosser dans un bar et servir des têtes de glands toutes la journée… Dans mon monde, c’est moi la tête de gland, tu comprends ?Repose toi peut-être. Ouais, c’est mieux avant de prendre ce genre de décision d’accord ?, murmuré-je en me levant pour repartir à ma fenêtre. Je reste là. Je te surveille. Je viendrais vérifier le bandage toutes les 10 minutes, et si demain tu te réveilles à l’hôpital Fauve, et que tout le monde t’appelle Lily, Candy ou Annie parce que j’aurais pas voulu donner ton vrai prénom, faudra pas que tu t’inquiètes.



Couleurs des Dialogues:

©️crack in time
  Dim 13 Oct - 1:14
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( Cage me like an animal, eat me like a cannibal
ft. @B. Brutal Ayaz )
Il ne cause pas vraiment, Brutal, ne fait qu'annoncer ce qu'il va faire comme on le fait avec les mômes pour les rassurer. Ça ne fait pas moins peur de savoir, ça ne fait surtout pas moins mal. Je ronge mon frein, fronce le museau quand il parle d'hosto. Il est hors de question que tu me traînes là-dedans, je préfère crever ici, sur un vieux lit de merde, plutôt que d'aller dans ce genre d'établissement, tu dois le savoir ou au minima, t'en douter. Les agrafes percent la peau, me tirent des couinements étouffés parce que les mâchoires se referment sur le coussin. Ça résonne, le clac à chaque tige qui s'enfonce dans les entrailles. Ce clac qui me crispe et me fait gigoter sur place. Il grimace, Brutal, d'une douleur qu'il partage, je crois. Pause. La respiration déraille et tord la ventraille. Je nous entends battre, nous entends dans des boum-boum qui me défoncent le crâne. Ça pulse entre les côtes et le bedon. Le silence m'écrase, me pousse et me repousse dans les méandres de la psyché. Là où traînent l'horreur et les cadavres. Monstre, monstre, monstre, monstre. Je me glisse sous le drap quand le calvaire s'achève et que la bande recouvre flancs et bedaine. La trogne se fige sur une imperfection du plafond. Une fissure qui part du centre de la pièce et s'arrête au beau milieu du pieu. Et le mâle accapare l'attention, les billes rondes le suivent et le dévisagent. Il cause, Brutal. Il cause quand j'aurais préféré qu'il le fasse avant. Et ce n'était peut-être rien, peut-être que tu as raison, qu'on le prendra pour un fou, avec un peu de chance il était alcoolisé et pensait réellement chasser le gibier. Je n'ai été qu'une erreur, une balle paumée, une histoire de karma, être là au mauvais moment, au mauvais endroit, ça arrive tous les jours à plein de gens, des gentils et des méchants. Hochement de tête fragile. Il pense se débarrasser de ma caisse, je m'apprête à dire non, je n'en ai pas envie, on fera comment après ? On se contentera de traverser la ville à pattes en attendant d'avoir assez de thunes pour s'en acheter une ? L'idée me fait grimacer, mais je crois qu'il ne voit pas, qu'il est déjà ailleurs, sur un autre sujet qu'il étale de ses pensées. J'aimerais que tu me regardes, que tu me regardes comme s'il n'y avait que moi et que nous parce que j'ai besoin de ça, Brutal. De tes yeux qui ne voient pas ce que l'autre a pu voir. Je déteste ce que je suis, je déteste ce que je suis devenue. Et tu vois, quand il a tiré dans cette forêt, ça a remué quelque chose. Un truc enfoui au plus profond de la cabèche, recouvert de crasse et de merde. Réminiscences foireuses de cette nuit sous la pluie, le bang résonne, résonne entre les synapses calcinés. Ce ne sont que des flashs, des images trop vagues ; des souvenirs ou des illusions, qu'est-ce que j'en sais, au fond. Les pupilles s'arriment à leurs vis à vis, la tête se balance de droite à gauche. Je n'ai pas besoin que tu ailles le voir, que tu lui demandes pourquoi il a tiré. Il a tiré parce que je ne suis pas normale, Brutal et je n'ai pas envie qu'on te le dise et qu'on te le répète. Je n'ai pas envie que tu t'en souviennes, je préfère quand tu oublies, que tu te couches à côté de moi et que l'on s'enlace ou plutôt, que je t'enlace parce que toi tu ne le fais pas. Pas vraiment. Tu le fais par mimétisme, je crois. Silencieuse, j'acquiesce, voudrais rouler sur le côté pour le rattraper, mais la douleur me rappelle à l'ordre. Alors je reste là, sur le dos, à contempler cette fissure dégueulasse, à le regarder bouger du coin de l’œil. Nos palpitants me bercent, me plongent dans un sommeil crade, bordé de cauchemars, de ceux qui réveillent au beau milieu de la nuit. Respiration flingué, les prunelles dérivent, ne savent s'accrocher à rien d'autres que les ombres. Ces ombres qui paralysent et appartiennent à une autre vie. Draps humides, front trempé. Ça me rappelle la fange, là où je suis comme morte et où l'autre est né. Je titube jusqu'à la salle de bains, repère une ombre plus massive et réelle que les autres. Sifflement aigu dans les oreilles, je n'entends pas, n'entends qu'un bip en continu qui brouille le reste. La trogne se niche tout contre la silhouette et je le respire, imprègne sa fragrance à la psyché comme pour ne jamais pouvoir l'oublier. Je dis -dors avec moi, s'il te plaît, d'une voix enfantine et enrouée. Les draps sont dégagés, ne reste que la couverture, celle qui est rêche et qui gratte un peu. Les corps s'y allongent et sous les paupières, les horreurs se dessinent, toujours. Les phases d'éveil sont courtes, mais suffisantes pour ne pas alarmer les secours. La plaie se referme mieux, ne saigne plus. Ne reste que les visions sous le front qui agite la conscience.

Il n'y a pas les néons beige au-dessus des mirettes, juste la lueur du dehors qui filtre au travers la fenêtre. La piaule m'apparaît plus fade que la veille ou l'avant-veille, moins imposante et moins flippante aussi peut-être. Je souffle un -merci, plein de reconnaissance. Merci de ne pas m'avoir largué entre des mains de médecins qui ne veulent que mon bien, de t'occuper de moi, de panser les plaies même si c'est douloureux pour toi. Merci de ne pas me laisser crever dans un coin, d'être là, de rester et de veiller sur moi. Et plus je le regarde, plus je me demande si j'ai envie de rester ici, de le regarder vivre sans avoir l'impression d'y avoir ma place parce qu'un connard a tiré sur moi. Et parce que je ne sais pas ce que c'est, la suite. Est-ce qu'on va rester ici, se séparer pour vivre séparément dans un coin, chacun de notre côté ? Comme lorsque l'on s'est rencontré, quand tu vivais dans ce motel et que j'avais mon chez-moi. On se verra comment, après ? Est-ce qu'on continuera de se voir ? -Tu peux dormir, si tu veux, je vais bien et tu dois probablement récupérer de cette nuit. Les doigts se triturent et je m'habille, planque sous un tee-shirt le bandage qui n'a pas bougé, je pisse, me brosse les ratiches, enfile les godillots. -Je vais aller nous chercher du café et regarder ce qui se fait autour. J'ai un élan pour aller l'embrasser par manque étrange, me ravise quand il se tourne. Je sors, hume l'air frais du dehors qui picote le terme déjà à cette époque et allume une clope. J'essaye de ne penser à rien, à rien d'autre que mettre un pied devant l'autre. Mais pourtant ça me fouette et ça me gangrène. J'ai peur, peur d'apprendre par le journal local qu'un monstre a été vu en forêt. Peur de le croiser lui, même si je serais incapable de le reconnaître, je crois. Alors les visages croisés deviennent potentiel danger. Ça me fait enfoncer les menottes dans mes poches et marcher plus vite encore. Respire, calme-toi, Kah. Tout ça, ce n'était qu'une grossière erreur, il ne t'a pas vu, il ne sait même pas ce qu'il a vu. Il a dû penser que tu étais un cervidé, ouais, voilà, un putain de cervidé. Ne réfléchis plus, arrête de te projeter, on va se casser la gueule, Kah, et il n'y aura personne pour te ramasser. Je pousse la porte d'un bar. Il est trop tôt pour boire, bien que quelques habitués sont déjà penchés sur le comptoir. Je commande deux cafés, reluque l'endroit un peu vieillot, constitué de planches de bois qui ont foncé avec le temps et les couches de vernis pour leur donner bonne mine. -Dites, vous ne savez pas où je pourrais trouver un job ? Il me reluque de la tête au pied comme si j'étais débile. -Je sais servir une pinte et je connais le langage des signes. Si seulement c'était vrai, mais disons que c'est facile de comprendre que quelqu'un à soif. -Essaye voir le Raspoutine, à deux rues d'ici, ils cherchent toujours des filles. Petit clin d’œil appuyé dont je me fous, je récupère mes cafés, arpente les rues, ne sais plus s'il est question d'aller à droite ou à gauche, hésite, prends la gauche, tombe dans un cul de sac. Ville de merde. Demi-tour, les guibolles se pressent dans le bar à l'ambiance bien différente. Murs et banquettes d'un superbe rouge cramoisi, le vieux côtoie le récent, comme ce lustre ridicule au beau milieu de spots et ces cadres aux moulures dorées qui semblent être là depuis des siècles entiers. Casquette vissée sur la tête, le type relève tout juste le museau. Les manches de sa chemise remontées, laissent apparaître de vieux tatouages que je ne prends pas tout à fait le temps d'étudier, si ce n'est une étoile sur le poignet. Je prends un café, pas à emporter celui-là et j'essaye de bavasser pour tâter le terrain. Quand je parle travail, il s'arrête, prend le temps de m'étudier sous toutes les coutures comme si ma gueule était mon curriculum vitae. Elle l'est. -Viens ce soir, c'est seulement pour un essai, on verra ce que tu vaux. Et il crache ça comme si je n'avais aucune valeur. Ça pique mon ego, me donne envie de l'envoyer chier et de lui balancer mon café à la gueule. Je m'abstiens, lance un sourire-grimace et me tire. La ville dégueule son jus, de ces gens qui se pressent pour aller bosser, pour ne pas manquer un rendez-vous. Ça klaxonne, ça crame les feux rouges et ça gueule. Vertige.
Je les sens glisser sur moi, les regards, comme si un truc clochait sur ma tronche. Je marche plus vite, aussi vite que la plaie qui semble moins douloureuse que la veille le permet. Je crois que je panique, que je me mets à courir au beau milieu des fourmis travailleuses qui poussent des cris d'indignation dès qu'on les touche un peu, qu'on les bouscule. Je pense, ils savent. Ils savent tous ce que je suis, ce que je fais, ce que je bouffe. Ils savent et je les dégoûte.
Je passe nerveusement la porte de notre chambrée, rapporte un café entièrement froid que je pose sur la petite table et me faufile dans son dos.

******

Ce soir arrive vite. Il n'a pas donné d'heure, me pointe à tout juste 18 heures. Il m'appelle Anastasia, parce que c'est le seul prénom qui m'est venu quand il me l'a demandé pour le gribouiller sur un bout de papier. Il me fourre une tenue entre les pattes, balance que -ça devrait t'aller, sans même me demander ma taille. La jupe est mise de côté, il n'y a que le débardeur qui est enfilé. J'ai dû choisir entre le porter court et laisser le bandage apparaître, ou le porter échancrée pour le cacher. J'ai baissé le tissu. Il dit -Et la jupe ? Je réponds -Pas besoin, on ne me voit pas derrière le comptoir et je ne suis pas rasée. Connard. Haussement d'épaules, torchon balancé sur l'épaule, les premiers assoiffés débarquent et réclament à boire. Je ne les regarde pas, ou très peu, me contente de faire ce qu'on me demande sans écouter ce qu'ils ont à dire ou la façon dont ils me jaugent et me jugent. T'as moins de nichons que Mylène, c'est pas de chance, Kah, tu devrais penser à mettre des prothèses pour être un objet de convoitise. Tu ne penses décidément pas plus loin que le bout de ton petit nez. Aussi muette qu'une tombe, je ne lâche aucun commentaire, espère juste toucher mon blé à la fin de la soirée. Et je ne le vois pas, le connard, celui qui scrute de loin et détaille pendant qu'il savoure son verre. Faut dire qu'il ne serait pas le premier ni le dernier à le faire. Alors je m'en fous, me contente d'imiter Pavel qui lorgne sur mes faits et gestes le reste du temps.
Fermeture.
Quelques billets fourrés dans la main, avant qu'il ne dise -à demain. Le rideau métallique se baisse, crisse et claque. Et je la sens pointer, la routine, dès le lendemain, quand tout se passe exactement de la même façon, il n'y a que les têtes de cons que je sers qui changent. Et je crois que ça me bouffe un peu plus le quatrième ou le cinquième jour, quand cette connasse louche sur la musculature de Brutal et s'avance pour le voir ou lui parler ou je ne sais même pas quoi. Et je m'avance, réalise à mi-chemin que je ne saurais pas quoi lui dire, à cette truie. Tu veux lui dire de ne pas toucher à ton mec, Kah ? Mais il n'est pas ton mec. Il n'a pas de statut, Brutal. Il est juste là, réconfortant et confortable. Vous vous envoyez en l'air quand tu ne sens pas la viande et qu'il ne sent pas l'alcool. Alors tu peux faire demi-tour, te bouffer la gueule dans le comptoir ou dans un mur, y planter tes chicots de carnassière. Il n'est pas à toi. Le constat me rend froide et nerveuse, moins attentive. Un verre se casse et ce connard de poivrot s'entaille la paluche.
Rupture.
La faim se fait violente, me retourne l'estomac dans un haut-le-cœur. Je me fige, hypnotisée, n'entends pas Pavel m'engueuler pour ma non-réactivité. Un autre s'approche, me fixe moi et mon teint qui vire au gris -Vous ne supportez pas la vue du sang ? Le grand brun s'interroge, s'intéresse aux changements qui opèrent. On me pousse, le patron me hurle que je suis virée et je n'ai toujours pas bougé. Erreur système dont Ridley ne perd aucune miette.
Les tiges se tendent pour récupérer le nectar, s'arrêtent lorsqu'elles rencontrent Brutal, butent sur la carne mâle et s'y enroulent, s'y ancrent. Le museau se redresse et les pupilles accrochent les siennes. La charogne gronde, s'étrangle à la trachée pour en crever l'instant d'après.



( Pando )
( TWISTY.RAIN )
  Dim 13 Oct - 11:56
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B. Brutal Ayaz
MONSTER UNDER YOUR BED
B. Brutal Ayaz
Impétuosité : 164
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CAGE ME LIKE AN ANIMAL, EAT ME LIKE A CANNIBAL ft @K. FAUVE WARD

Go row the boat to safer grounds but don't you know we're stronger now. My heart still beats and my skin still feels ; my lungs still breathe, my mind still fears. [...] There's blood on your lies. The sky's open wide. There is nowhere for you to hide. The hunter's moon is shining.

Pour une fois, Fauve, elle ne cause pas beaucoup – voire pas du tout. Elle reste muette, Fauve, se contente de secouer la tête avant de partir loin dans le pays des songes. Ou des cauchemars. Parce qu’elle bouge énormément, Fauve. Plus que d’habitude. Ca ne me laisse pas tranquille. Me fait tourner en rond plus vite dans la piaule – soulever le drap toutes les deux minutes pour voir si tout se passe bien au niveau de sa plaie. Ca ne semble pas saigner fort. Ca semble normal alors, je me demande ce qui se passe dans la tête de Fauve. De quoi elle rêve – de quoi c’est fait sous le crâne. De quoi elle a peur – si elle a peur ou si c’est autre chose. Et je reste là, comme un con. Persuadé qu’elle va s’en remettre et pourtant craintif qu’elle ne se réveille jamais. Qu’elle me laisse seul. Qu’elle reste bloquée dans sa tête ou une connerie dans ce style. Qu’elle m’abandonne comme ils le font tous – qu’elle me trahisse dans cette fuite insidieuse, dans ce lâché prise psychique. Je m’assoie par terre, fume encore trop. Me retrouve vite sans la clope mais n’ose pas sortir pour me racheter un paquet. Sais, pourtant, qu’il y a un bureau de tabac pas si loin que ça – mais pas si loin ça fait quand même trop loin pour moi. Et ça m’énerve, je crois, de la fixer, à Fauve, comme elle me fixe parfois. D’être là, à côté d’elle, sans savoir quoi faire. D’éponger son front comme un infirmier, un pote, un amant régulier ou un amoureux transi. D’être là pour elle quand c’est le bon moment pour dégager de sa vie. Quand elle pourrait croire que tout ça, ça ne faisait partie que de son cauchemar – parce que j’en suis un peu un, pour toi, n’est-ce pas ? Ca serait facile, de la laisser. Dans le concept, s’entend, ça serait facile. Je n’ai qu’à prendre mes valises, juste là. Je n’ai qu’à les foutre dans son 4x4, à Fauve. A enclencher le contact et à disparaitre pour toujours. Je l’ai déjà fait, une fois. Ouais. Je l’ai déjà fait. Alors pourquoi j’y arrive plus, Fauve ? Dis moi, Fauve ! Qu’est ce que tu m’as fait, Fauve ?! Libère moi, bordel. Deviens grande. Deviens forte. Dis moi que t’as pas besoin de moi – je crois que c’est ça qu’il me manque. Que c’est ça que je veux t’entendre me hurler. Je crois que c’est le seul moyen – dis moi qu’on se sépare demain ou plus tard. Qu’on se recroisera jamais. Que c’était drôle, nous deux, un peu. Que je suis un abruti fini, souvent – invivable, tout le temps. Que je vais crever, mais que tu ne seras pas là pour y assister. Que tu me laisses, dans la prise de conscience de ton subconscient. Que tout s’est éclairé, cette nuit – que t’as été touché par la lumière divine de la lucidité. Que je suis dangereux – une bouteille de gaz dans une cheminée. Que je suis un monstre plus monstrueux que tu ne le seras jamais – avec les gens, ouais, avec les gens. Qu’on s’en sortira mieux si on se sépare. Dis moi que tu vas t’en sortir, Fauve. Dis moi que tu t’en sortira mieux sans ma putain d’aide.

Et je me lève, épuiser d’avoir trop veillé – d’avoir veillé sur elle comme, je crois, je n’ai jamais veillé sur personne. File dans la salle de bains pour me foutre de l’eau sur la gueule. Me raisonner loin de sa présence – de son profil et de la tendresse de ses traits. Pense que, comme ça, toutes mes décisions seront plus faciles à prendre. Appelle une ambulance, Brishen, même si elle détestera ça. Appelle une ambulance pour être sûr qu’elle ne crève pas et voilà. Vous serez tous les deux débarrassés. Je me détourne, prêt à exécuter la sentence. Hoquette de surprise lorsque je vois Fauve débarquer – se jeter à moitié dans mes bras. Nicher sa gueule à mon cou. Tu me fais chier, Fauve. Tu me fais chier puissance mille. Mes bras se referment sur elle. J’sais pas vraiment si elle est véritablement réveillée ou complètement déphasée – dans une crise de somnambulisme aigue. La fous dans un coin le temps de virer les draps trempés de ses démons. Me couche à côté d’elle. La récupère, doucement, pour la lover à mon torse. La presse contre moi – lui répète que je suis là et que tout va bien se passer jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Ca ne sera pas mon cas. Je passe une putain de nuit blanche à la maintenir fermement chaque fois qu’elle tente de me fuir – chaque fois qu’elle remue vivement. La canalise pour ne pas que ses rêves horribles ne l’emportent trop loin de la réalité.

L’esprit valdingue pendant ces heures de rien. Ces heures de silence – les premières, je crois, où je ne me sens pas si mal, contre Fauve. Parce que je sens qu’elle a vraiment besoin de moi, là. Parce que je me sens utile, contre elle… Peut-être un peu utilisé. Que la routine d’une vie a au moins ça de rassurant. Mon nez s’est perdu dans ses cheveux. Dans son odeur plus acide de vanille. Et je relâche la pression, un peu vite, lorsque je capte qu’elle s’est réveillée, Fauve, et qu’elle me dit merci. Je me pousse. Grogne comme simple réponse. Ne t’étouffe pas en reconnaissance, tu me mets mal à l’aise. N’ai pas envie qu’en s’étende sur mon élan affectif – me convainc, de toute façon, que c’était pour lui rendre service, que ça n’arrivera plus parce que Fauve, c’est un monstre un peu sale. J’acquiesce simplement lorsqu’elle me cause d’un café, qu’elle va aller chercher. Aimerais lui dire de faire attention – lui proposer de l’accompagner pour nous éviter une seconde mauvaise surprise, un nouveau tir et de nouvelles agrafes. Me rétracte pourtant en la voyant s’approcher de la porte, assez sûre d’elle. Plante ma tête aux oreillers. Me pince l’arête du nez. Détends-toi, Brishen, tout va bien se passer. Je m’assoie sur le bord du lit, dos à la sortie, quand je l’entends qui s’évade de ma vie. Ca ne sera pas long. Et ça l’est. T’aurais dû lui demander des clopes, que je me confie. En déduis que Fauve, elle sera assez gentille pour aller m’en chercher après, quand elle reviendra. Que ça ne va pas lui prendre des heures, de toute façon, de me ramener un café. Mais Fauve, elle revient pas. M’empêche, dans son absence, de trouver le sommeil. Mes yeux sont rivés à l’heure digitale du téléphone de la chambre. Fixent les points des secondes qui clignotent dans une obsession malsaine. Je tente de me rassurer – me martèle qu’elle ne va pas tarder. De nerfs, je finis par aller me les acheter moi-même, mes clopes – et bien fait si elle revient et qu’elle s’inquiète. Mais elle n’est toujours pas là – et c’est moi qui m’inquiète. Un paquet de cigarettes y passe avant que je ne me recouche. Et que je me relève. Et que je me recouche. Les immeubles en face me donnent la nausée – j’ai envie de me barrer juste pour lui donner une leçon, à Fauve. Lui faire comprendre que ça ne se fait pas, ça, après ce qu’il s’est passé la veille. Mais je la vois, finalement, traverser le parking à la con de ce motel moisi. Panique, dans l’enthousiasme de mon bide. Trépigne quand je capte qu’elle est déjà sur le ponton. Me glisse rapidement sous les draps – comme si tout était normal, comme si j’avais dormi paisiblement. Elle entre, Fauve, vient se mettre à mon dos. Pose sur la table de chevet le café qu’elle devait m’apporter il y a une bonne heure. Je me redresse légèrement. Tate le godet. Il est froid. T’étais où Fauve ? Je lui balance une œillade par-dessus mon épaule. Elle n’a rien, Fauve, qui prouverait une quelconque agression. Les traits fatigués, peut-être, mais ce n’est pas suffisant pour lui poser des questions. – Je suis allé acheter des clopes, que je souffle en lui achoppant le poignet pour la forcer à rester contre moi. Je me recouche et, enfin, je m’endors.

C’est Fauve qui me lâche – qui se lève – qui m’extrait des bras de Morphée. Je râle et grogne. Vire de côté pour m’enquérir de l’heure. Fin d’après-midi.Putain, que je crache en passant une main sur ma gueule. Louche sur la donzelle qui s’agite dans la pièce. – Mais qu’est ce que tu fous ? que je finis par demander en me redressant sur les coudes. Elle s’en va Fauve. Pour bosser. L’information me fait tiquer – me rend sceptique. J’ai envie d’insister. Est-ce que tu es sûre Fauve avec ce qu’il s’est passé ? Ce n’est pas toi hier à peine qui me disais que tu ne voulais plus rien faire sans moi ? Tu délirais ou tu as compris rapidement que ce n’était pas viable ? Je hausse une épaule. L’air de dire qu’elle fait bien ce qui lui chante. Ouais, en fait Fauve, c’est pas mon problème que tu te barres. Fais donc ce que tu veux. Mais au fond de moi, ouais, au fond de moi, y a comme un truc que j’aime pas. Un sentiment dégueulasse. Une sensation perfide. Le genre qui me pousserait presque à me lever et à l’accrocher au pied du lit pour ne plus qu’elle en bouge. Je dois te protéger alors, reste dans mon champ de vision, ok Fauve ? que lui hurle une raison malsaine au sein de l’encéphale. Alors je la quitte du regard Fauve, le palpitant martelant la cage thoracique – la respiration en berne et une goutte de sueur à la tempe. J’achoppe le café gelé pour le boire d’une traite, dans une grimace amère. – Bonne soirée, que je balance d’un air désinvolte quand elle passe la porte. Et mes phalanges écrasent brutalement le godet en papier. Regrette de n’avoir trouvé aucune résistance salvatrice.

Et Fauve, ils l’aiment bien dans le bar qu’elle s’est trouvée. Elle y revient le soir d’après – puis le soir suivant. Ca me fait bizarre – me dérange en un certain sens sans que je ne puisse me l’expliquer vraiment. Ca me fait aller avec elle, finalement, en prétextant la soif et pas l’obsession. Ca ne l’emmerde pas, à Fauve. Elle se contente de faire son travail et de me servir comme si j’étais un client normal. Elle ne me regarde pas plus que les autres, il me semble – c’est les autres qui la regarde beaucoup, par contre. L’ambiance, au Raspoutine, est détestable jusque dans la proximité des tables. Ca me rend nerveux – plus froid et distant. Le soir, quand on rentre – souvent ensemble – je ne lui cause pas, à Fauve. Me contente de rester en arrière, de la regarder vivre et bouger et respirer sans moi à côté d’elle pour l’aider, et je m’accorde qu’il serait peut-être tant qu’on l’est, la discussion. Celle qui soulignerait qu’il faut qu’on se sépare et quand et comment – et à quelle date. Mais on l’a jamais. Et on ne couche plus ensemble. Peut-être parce que je bois trop en ce moment et qu’elle n’a plus envie de moi, Fauve. Fauve, elle s’éloigne. Se reprend rapidement dès qu’elle veut être tactile. Elle le dit pas, mais je le vois. Dans ces soubresauts discrets lorsqu’elle veut s’approcher. Dans l’hésitation de ses prunelles qui me lorgnent. Dans ces faibles mouvements de main – dans ces attitudes. Nous sommes en train de nous dire Adieu, tu penses ? C’est le cinquième soir, que je me motive. Que je me file du courage avec un whisky hors de prix – le genre qui fait faire les gros yeux à Fauve quand elle voit le prix du verre. Ce soir on se quitte parce qu’on ne risque plus rien. Et j’ignore cette fille qui vient me causer – qui sent le vin de mauvaise facture et qui porte un blouson en léopard si moche que ça me pique les yeux. Elle se dandine, pourtant, et se donne beaucoup de mal en me proposant la prochaine tournée – s’excuse lorsqu’elle comprend que je suis sourd et muet. Balance une remarque sale sur ma capacité à grogner à l’horizontale, et s’éloigne quand je me lève pour payer. On ne doit pas être loin de la pause de Fauve, le moment parfait. Ou pas. Le bruit d’un verre qu’on brise me fait relever le museau. Je ne vois que le sang et Fauve et la couleur de sa peau qui vire. Les gens s’affolent comme si c’était grave. Lui causent ou lui gueulent dessus. Je crois comprendre qu’on la met à la porte. Me pense Bande de connards quand je m’approche un peu fort. Quand Fauve se penche – pour prendre de l’hémoglobine, j’imagine. Mais je la récupère avant, Fauve. Avant qu’elle montre – avant que les autres ne sachent. Je la serre contre moi et elle me serre contre elle. – Elle est incompétente, votre amie, que beugle un type. Et c’est difficile de faire comme s’il ne disait rien.Sortez la moi de là ! qu’il continue en s’activant dans mon dos. Et je lui relève la gueule, à Fauve. Encercle son visage de mes paluches – remarque aujourd’hui à peine que sa tête paraît minuscule entre mes mains. Que ça serait facile de la briser mais que j’y parviens beaucoup mieux en m’attaquant à sa psyché. Et j’articule sans causer – sans un son – on y va, ok ? Et elle hoche la tête, Fauve.

J’entremêle nos doigts, la tire à l’extérieur, la fait monter dans la caisse. Prend le volant et démarre un peu vite pour nous éloigner du Raspoutine. Et je roule. Roule. Enclenche la musique pour ne pas que nous soyons bercés par le silence. Gravi une route de montagne, clope au bec. M’arrête, après plus de trente minutes, en bordure d’un bois, sur un chemin de terre dégueulasse qui nous a fait ballotter dans tous les sens. – Depuis quand tu n’as pas mangé ? que j’interroge en coupant le moteur. Le calme de la nuit nous revient comme un boomerang – fait paraitre ma voix plus grave et profonde encore. Elle relève le menton fauve. Et je ne sais pas si elle compte ou si elle n’ose pas me répondre. – Manger vraiment, j’entends… Je dodeline du chef. Me penche lourdement pour ouvrir sa portière. – Trop longtemps j’imagine. Vas-y Fauve. Et elle bloque, la donzelle. Reste sagement assisse. Dois croire que je vais me barrer pas plutôt elle sera sortie de là. – Je vais t’attendre… Silence.Sérieusement Fauve. Je vais rester là, sagement, pendant que tu fais tes trucs. J’ai eu des occasions franchement moins vicieuses pour te laisser de côté.Je te le promets. Maintenant, sors de là. Et elle esquisse le mouvement, Fauve. Ses cheveux se balancent. Effleure son visage baigné par la clarté de la lune – pleine en cette soirée. Elle va pour se faufiler à l’extérieur, un peu penaude, un peu résignée. – Attends, que je murmure en essayant d’achopper le poignet. Me ravise pourtant. Qu’est-ce que tu fais, Brishen ? Je voulais l’embrasser. Me rabat dans mon siège comme si elle venait de me brûler. Parce que… Parce que je sais qu’après j’aurais pas envie tu comprends ? Après ça va être compliqué et peut être qu’après on va se séparer… Ca fait des jours que je n’ai pas senti ta peau contre la mienne -et tes lèvres me manquent, je crois. Mais c’est con, ça. Ouais, complètement con. Ca ira mieux quand tu ne seras plus dans mon champ de vision.Non rien. Juste, sois pas longue j’vais me faire chier sinon.

Fauve s’éloigne. J’attends qu’elle soit assez loin pour sortir de la caisse, moi aussi. La ferme derrière, part à son opposé pour me poser dans la forêt. Coller le râble à un arbre – me repaître de la nature et oublier, un instant éternel, les immeubles de Sychevka. La nuque roule. Les clopes s’enchainent. Et je ne sais pas combien de temps je reste là, contre mon arbre, à écouter le Rien reposant d’une Terre qui s’endort. C’est les pas, qui me surprennent. Me font me décoller doucement. Capter le froc de Fauve et Fauve qui s’avance doucement – comme si elle avait peur de m’effrayer, ou comme si elle avait été effrayer que je l’aie quitté. – Pardon, que je souffle en me calant de nouveau à ma place. Je lui tends mon paquet de clopes, à Fauve, espère que ça lui suffira pour ne pas qu’elle me presse – pour qu’elle me laisse encore un peu profiter de l’endroit. – C’était long et puis, finalement, ici, je n’ai pas vu le temps passer, que je m’explique en lui balançant les clés du 4x4. Elle s’en fout de tes explication Brishen. Elle doit juste vouloir rentrer. Et je la regarde, à Fauve, ouais, je la regarde. Un moment, et avec insistance, je crois. Je regarde le rouge qu’elle porte sur ses manches parce qu’elle a du vouloir supprimer les preuves sur sa bouche – autour de ses lippes charnues. Ces manches qu’elle triture et qu’elle tente de cacher à ses poches ou derrière son dos – pour moi, pour que la vision de sa monstruosité de me dérange pas, ne me rappelle pas que j’ai voulu la tuer. Puis je regarde sa face. Sa face qui se tord et se plis comme une excuse, maintenant que la colère de ne pas m’avoir vu au 4x4 est partie – maintenant qu’elle capte que je la fixe et qu’elle ne sait pas trop pourquoi je fais ça. Parce que je ne la regarde pas, à Fauve, d’habitude. Au début, peut-être, sur la fin, jamais. Ou quand on couche ensemble… Mais, ouais, jamais quand elle revient de ses chasses… Jamais quand je sais qu’elle vient de s’empiffrer d’un cadavre ou du chat de la voisine. T’as mangé quoi ? que j’ai envie de savoir, tout à coup. Et comment ? Et ça te fait quoi dans le bide et dans la tête quand tu manges ce genre de trucs ? C’est quoi ton problème Fauve ? T’es allée voir un docteur pour ça ? Je crois… Je crois que ça peut être une maladie. Dis, tu es malade Fauve ? On peut y aller ensemble même, si tu veux. Mais j’essai de me taire. Me relève. Ca n’a aucune putain de foutue d’importance. Vais pour me diriger vers la voiture. M’arrête. Me tourne vers Fauve. C’était ce soir ou jamais. Et puis, j’ai jamais su choisir les bons moments.Ca va, Fauve ? Elle plisse un peu le nez, doit pas comprendre ce que je veux dire. Elle vient de bouffer de la chair fraiche Brishen, son bide doit aller mieux mais pas l’image que tu lui renvoie d’elle. Pourquoi tu demandes quand ça parait si évident ?Non, je balance la gueule de droite et de gauche, pas… Pas là maintenant. Ces derniers jours, est-ce que ça allait ? Là, je capte au moins son attention, une attention qui prouve qu’elle comprend ce que je lui veux et ce que je lui demande. – Tu as mal, encore ? Les tiges pointent le flanc où la blessure est censée être prospère. – Tu veux qu’on se sépare et tu ne sais pas comment me le proposer ? Surtout maintenant que tu viens de perdre ton travail ? que je soumets, dans la maladresse qui me caractérise. N’ose pas lui demander pourquoi elle ne m’a pas ouvert les cuisses, dernièrement – lui demander pourquoi nous sommes rester sagement chacun de notre côté du lit. Probablement parce que ça nous va et que ça nous détache l’un de l’autre. Je crois que ça, ça c’est pas plus mal, je crois qu’elle est intelligente de pas venir te chercher Brishen alors ferme ta grande gueule à ce sujet.Tu es bizarre Fauve, depuis quelques jours… Et tu veux comprendre ? Depuis quand les autres t’intéressent ?



Couleurs des Dialogues:

©️crack in time
  Dim 13 Oct - 18:35
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( Cage me like an animal, eat me like a cannibal
ft. @B. Brutal Ayaz )
La faim tiraille le bide, fait vriller les connectiques. Alors je le tiens et le retiens, le respire, me perds dans sa fragrance boisée, mélangée au whisky et à la nicotine. Vision restreinte, je n'entends pas, n'entends rien que des boum-boum qui agressent les esgourdes, me concentre sur son palpitant, celui que je sens battre au bout de mes doigts. Visage de bambin qu'il soutient entre ses larges paluches et le regard qu'il accroche. C'est comme une bouée de sauvetage pour empêcher la noyade. Les pupilles fixent les lippes qui s'animent sans qu'aucun son n'en traverse la barrière. Il nous tire de là et tout paraît flou, tout, sauf lui. Lui que je tiens toujours, phalanges entremêlées aux siennes dans un quelque chose qui fait du bien dans la poitrine. Dans la bagnole, la menotte s'avance pour toucher son bras, le toucher tout court, mais il bouge, Brutal, allume le poste radio qui crachouille ses vieux tubes. Geste avorté, le front se colle contre la vitre froide. Je comprends assez vite qu'on ne va pas à l'hôtel, hasarde une œillade derrière pour tenter d'y voir nos affaires, ne découvre que la banquette toujours couchée que l'on a jamais pris le temps de remettre. Les lumières de la ville s'éloignent et je gigote sur mon siège. Elle est prise ta décision, Brutal ? Tu m'emmènes loin pour te débarrasser de moi ? Tu veux m'attacher à un arbre ? Me planter au beau milieu des bois en espérant que je ne retrouve jamais mon chemin ou du moins, que ça te laisse le temps de te tirer ? C'est pour ça, tes silences et ta distance ? Ça bat trop vite entre les côtes et la psyché s'égare, imagine tous les scénarios possibles, les pires, sinon, ce serait trop joli. Il n'a pas besoin de toi, lui, Kah, il te l'a déjà dit plusieurs fois. Il n'a pas besoin de tes mains sur son corps, de ta tendresse, de vos rapports. Il ne les a jamais vraiment cherchées, s'est contenté de prendre ce que tu avais à donner. Et maintenant que tu ne donnes rien, il s'en fout, ton mâle. Il s'en fout, ouais, il s'en fout. C'est difficile à concevoir et à avaler. Les carcasses sont ballottées de tous côtés.
Arrêt.
Les mirettes s'égarent sur les alentours, se tournent et se relèvent, achoppent les siennes. Et la question dérange, me confine dans ce mutisme dégueulasse. Silence. Il pense peut-être que je n'ai pas compris, reformule puis se penche, ouvre ma portière. Les yeux s'écarquillent. Qu'est-ce que tu fais ? Tu m'ouvres la portière pour que je dégage, et après ? Après tu vas t'en aller, Brutal, pendant que je serai ce monstre qui te débecte ? Tu ne me proposes pas un arrêt chez le boucher, préfères me paumer dans la forêt, me laisser aller à des instincts qui te font me regarder comme je déteste que tu me regardes ? Pourquoi tu fais ça, putain ? Pourquoi ? Je ne bouge pas, laisse mon derche sagement assis sur le siège. Et il assure, le mâle, qu'il va attendre. Attendre vraiment. Va même jusqu'à promettre qu'il sera là à mon retour. L'hésitation me perfore, mais la trogne se creuse lentement et je ne veux pas. Je ne veux pas arriver à un stade où je vais devoir choisir entre lui ou moi. Parce que ce n'est pas toi que je vais choisir, seulement moi, toujours moi et c'est comme ça, ouais. Comme ça. Le minois ravagé par une colère devenue honte et tristesse, je bouge, m'arrête quand il demande de le faire. Hochement de tête et je m'éclipse, parce qu'il ne voulait rien, Brutal. Juste s'assurer que je ne serai pas trop longue parce que t'es chiante aussi, connasse, à avoir besoin de becter des bestioles. Je marche lentement, sans envie, me retourne souvent pour m'assurer que les phares de la caisse ne se rallument pas pour s'éloigner l'instant d'après. La charogne s'enfonce dans le sous-bois, guette les mouvements qui bientôt réveillent la monstruosité. Les pupilles se dilatent, les mâchoires craquent et les gencives éclatent dans une poussée de crocs. L'autre s'installe, repousse la conscience et le dégoût puisqu'il n'y a que la faim, que les battements rapides d'un petit cœur. La course est longue et infructueuse, les petons cognent dans le cadavre d'un petit animal, un lièvre dont la chair putride, suinte et dégouline. Simple en-cas qui sert bien souvent d’appât. Animale, la trogne déformée se penche et les quenottes déchiquettent un morceau de viande. Tout s'arrête quand une autre odeur plus forte perfore le nase. La gueule se tord et les prunelles cherchent et fouillent, découvrent la moitié de cervidé pendu par les pattes arrières. Des restes que je gobe, crocs plantés à la couenne. Le carnage prend fin lorsque la bedaine enfle et que l'autre semble rassasié. Ne reste alors que l'hémoglobine sur les tiges et les babines et le désespoir dans le bide.

Les paumes s'essuient sur l'écorce rêche d'un chêne et les manches retirent, les restes de rouge qui salissent les commissures. Effacer les traces de l'infâme pour le retrouver, pour ne pas lire l'immondice dès que son regard se posera sur moi. Je reviens doucement, retrouve la caisse sans même me demander pour qui était ce morceau de gibier. Probablement un ours ou quelque chose comme ça. La pogne se pose sur la portière et le geste crève. Parce qu'il n'est pas à l'intérieur, Brutal, pas plus qu'il n'est adossé à la carcasse de métal. Ça déraille aussi violemment qu'un train lancé à pleine vitesse. Je tourne sur moi-même pour ne pas m'effondrer. Elle est violente, la douleur, celle qui me bouffe la poitrine et se répand comme un putain de poison paralysant et dévorant les organes. Je le cherche comme un foutu clébard cherchant son maître. Tu m'as menti, tu t'es tiré, c'est tout ce que tu as fait. Tu m'as envoyé une ba-balle et tu en as profité pour te tirer comme un malpropre. Et on s'en fout de ce que ça me fait, on s'en fout du moment que toi, tout est OK. Je me crispe à chacun de mes pas, me détends l'instant suivant, quand sa silhouette se dessine non loin de là. Je le retrouve, lentement, pour ne pas qu'il ait un sursaut de recul, qu'il pense que je vais l'attaquer lui. Pour ne pas que tu crois, que ce sera toi, mon repas. Il s'excuse, file des explications sans doute parce que je dois encore avoir l'air paniqué et j'ai envie de le serrer contre moi, de l'entendre et de le sentir battre dans ma gorge et entre mes côtes. Un pas puis deux, il me balance les clés de la bagnole, je les rattrape maladroitement et je crois que ça me blesse, ouais, ça me blesse parce que je prends ça comme un rejet comme un t'approches pas de moi, monstre. Penaude, je triture mes manches pendant qu'il me regarde, me jauge et je ne sais pas, non, je ne sais pas s'il me juge, si je le dégoûte au point de lui filer la gerbe. Je ne sais pas quoi foutre de mes mains, les cache un peu, devant, derrière, sans savoir où les mettre. Silence. Il se remet sur ses guibolles parce que je l'attends, que je n'ai pas bougé, moi, comme figée, paralysée. Le mâle se dirige vers le tas de tôle, s'arrête, se retourne, me mire et se demande si ça va. Je ne comprends pas, grimace dans un froncement de museau, alors il se reprend, offre les détails manquants. Le minois dégringole à la plaie, celle qui ne fait plus vraiment mal, se soulève subitement.-Quoi ? Pourquoi je voudrais qu'on se sépare, moi, quand c'est toi, toi qui fais tout pour qu'on s'éloigne ? Je ne comprends pas, Brutal, je ne pige rien à ce que tu veux, ce que tu désires. Tu veux de moi, mais pas trop ? Elle est où la demi-mesure ? Tu m'empêches de te toucher et tu penses que je ne vais pas bien ? Pourquoi j'irais bien, quand tu passes ton temps à me rejeter ? Et tu me trouves bizarre ? Peut-être parce que j'attends le moment où tu vas te tirer sans moi parce que tu en auras marre de poser ton regard sur ma gueule. Tu crois que je suis débile, que je ne vois pas ce que je t'inspire ? Alors ouais, t'as raison, on devrait sans doute se séparer, pas pour moi, juste pour toi, pour que tu cesses de vivre trop près d'un monstre que tu ne veux même pas toucher. Alors quoi, je t'ai forcé les autres fois ? Tu t'es laissé faire dans un désespoir de cause ? Tu veux que je me sente comment, Brutal ? Je ne tilte même pas sur la perte de ce travail pourri, me braque, en laisse tomber mes bras. -C'est ce que tu veux ? Qu'on se sépare, pas vrai ? Et tu fais comme si ça venait de mon fait, comme si c'était moi qui le désirais alors que c'est toi, putain, toi qui me balances ces putains de clefs pour m'empêcher de m'approcher, de te toucher. Le trousseau voltige, change de propriétaire à l'image de ce qu'il a fait plus tôt, mais implique un peu plus de rage dans l'élan.  -Je pensais que tu comprenais, que t'arrivais à me voir moi, moi vraiment. Mais c'est des conneries, tu ne me vois pas, toi. Tu ne vois que ça, les manches s'agitent, dévoilent l'hémoglobine. -Tu ne vois que ce que je fais à cause de ce truc qui me bouffe. J'essaye de le contenir, d'être normale, mais je n'y arrive pas ! Tu crois que je ne sais pas que je te dégoûte ? Et tu veux que tout aille bien ? Je beugle et m'agite, passe les mains sur ma gueule parce que je crois, je crois que j'aurais voulu que rien ne soit jamais dit, que tout reste enfoui. C'est plus facile de se mentir, de croire que les choses peuvent changer et évoluer dans le bon sens. Ça me fait mal. Mal partout. -Je suis quoi pour toi ? Un boulet à ton pied, une expérience ? Tu t'essayes sur moi, tu te règles pour voir ce qui est faisable, ce qui sera acceptable pour une autre, une autre qui comptera elle et que tu n'auras pas envie de dégueuler ou de fuir dès qu'elle viendra s'approcher ? C'est ça ? Et les mots se coincent dans la trachée, tous les autres, ceux que je voudrais lui cracher pour comprendre, pour capter quelque chose à tout ce merdier. Tu m'emmerdes, Brutal, tu me fais chier, ouais. J'ai envie de te hurler de te tirer, de m'abandonner comme toutes ces fois où je t'ai pensé capable de le faire. J'ai envie que t'expliques pourquoi t'es comme ça, si tu te sers de moi juste pour trouver tes putains de limites ou si ça compte aussi un peu pour toi. -Tous ces jours et semaines, j'ai pensé que t'avais juste besoin de temps, que je ne sais pas, t'avais vécu des trucs de merde et que ça expliquait, tu vois, ta distance. Mais je me suis menti, je ne voulais pas m'avouer ce que je suis pour toi parce que je pensais vraiment que toi, putain, toi, tu pouvais comprendre. Je me suis accrochée à ces moments qu'on a partagés, des ridicules. Ce café que tu m'apportes le matin, ta manière de t'occuper de moi ou encore quand tu regardes dehors, ouais, par la fenêtre et que tu me laisses t'enlacer et qu'il n'y a rien, rien que ça. J'aime bien te regarder, surtout quand tu ne sais pas que je le fais, parce que tu parais vrai, que ça ne me donne pas la sensation d'être juste anormale. L'idiome se brise comme un miroir que l'on vient de cogner. Je renifle un peu bruyamment, sens les larmes monter sans que je ne puisse les ravaler. -Alors si tu veux te tirer, fais-le, Brutal. Si c'est tout ce que tu veux. Fais le pas pour.

Bang.

******

Il l'a reluqué un moment, celle qui se fait appeler Anastasia. Une habitude de vieux chasseur, il analyse sans vouloir, tique sur des détails. La nervosité, les pupilles, l'odeur. Il avale l'ambre, Ridley, s'intéresse à la blonde parce qu'elle est nouvelle, parce qu'il en a croisé une dans les bois il y a quelques jours et qu'il ne l'a jamais retrouvé. Le mâle pensait qu'elle avait pu tout simplement fuir en voyant le danger se présenter, mais il a comme un doute en la regardant marcher et déambuler.

Le spectacle s'offre à ses mirettes et il n'en perd pas une miette, le chasseur. Persuadé qu'elle est celle qu'il recherchait ou à défaut, d'être une de ces choses à abattre, il patiente, prend en filature le 4x4. Il n'est pas vraiment surpris du chemin emprunté, se demande vaguement si le type est aussi une de ces saloperies. Il se gare à distance, arme son fusil et fourre des balles dans ses poches. La masse se faufile à travers les bois. Terrain de chasse préféré, il en connaît les moindres recoins pour les arpenter chaque jour depuis tellement d'années qu'il a cessé de compter. Félin, il glisse entre les arbres, repère sa proie après quelques longues minutes. Il reste loin de la charogne qui, attirée par l'odeur de mort, se dirige tout droit vers l'un de ses pièges. La lune et ses rondeurs offrent une belle vue, mais aucun angle ne semble vouloir se dégager sans qu'il ne s'approche trop près. À pas de velours, il s'amène et contemple la furie dévorer la carne putride. S'il a déjà entendu parler de ces immondices, il n'en a encore jamais vu. Fasciné autant que dégoûté, il la laisse s'en aller sans le vouloir. Le monstre a le ventre plein, retourne d'où il vient.
Le chasseur la talonne, prend garde à ne pas être vu. Parade nuptiale dans les cris, Ridley règle son tir. Trois, deux, un.

******

La détonation est lointaine, semble irréelle. Ça chatouille à l'intérieur de la bedaine. Il n'y a pas de cri, juste un silence qui s'éternise. Bruit de flaque.
Le tee-shirt se tâche d'une large auréole. Les réminiscences afflux, celle d'une exécution, d'une balle dans le front. La carcasse chute vers l'avant dans un bruit mat, ou peut-être que c'était avant. Avant quand ? Avant, je ne sais plus.
Ridley déboule, canon braqué sur le mâle. -Éloigne toi d'elle et ne bouge pas si tu ne veux pas que je te plombe la cervelle, saloperie de monstre. Il est persuadé, le mâle, qu'il est comme elle, vise sa tête pour pouvoir lui faire ravaler ses quenottes. Il jubile à l'idée de rapporter deux putains de poroniecs sur sa longue liste de chasse. -Qu'est-ce que vous foutez là, tous les deux, hmm ? Il râle plus qu'il ne parle, Ridley, la faute au timbre éraillé.



( Pando )
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  Dim 13 Oct - 22:05
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B. Brutal Ayaz
MONSTER UNDER YOUR BED
B. Brutal Ayaz
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CAGE ME LIKE AN ANIMAL, EAT ME LIKE A CANNIBAL ft @K. FAUVE WARD

Go row the boat to safer grounds but don't you know we're stronger now. My heart still beats and my skin still feels ; my lungs still breathe, my mind still fears. [...] There's blood on your lies. The sky's open wide. There is nowhere for you to hide. The hunter's moon is shining.

Comment ça, c’est ce que je veux ?Quoi ? C’est la soirée des quoi et des couacs. J’arque un sourcil. Bombe le torse dans une maigre défense. Parce que peut être qu’elle a un peu raison, Fauve, dans ce qu’elle me reproche. Juste un peu. Peut être que j’aimerais qu’elle prenne pour moi une décision que je suis incapable de prendre pour elle – sans son aide. Mais tout n’est pas vrai, non… Tout ne l’est pas. Fauve elle extrapole. Fauve elle abuse. Fauve elle en rajoute. Fauve elle me fait monter les nerfs – le rouge aux pommettes. Le palpitant se met à cogner partout, partout dans ma poitrine, force la cage comme s’il voulait en sortir. Et les poings se serrent et les phalanges blanchissent. Et ça pulse aux tempes, et ça rend presque sourd. Sourd pour de vrai tant les mots s’enchaînent, dans la bouche de Fauve, sans que je ne puisse rétorquer. Mais ferme là ! Ferme là bordel de merde ! Tu ne m’entends pas ! Tu ne m’écoutes pas ! Tu inventes là, tu inventes pour que te faire du mal, je ne sais même pas pourquoi. Et tes connasses d’émotions, elles sortent de toi, elles sont presque palpables. Elles fusent. Elles fusent comme des étoiles filantes – elles soufflent le froid et le chaud, bombardent mes défenses. Pénètrent l’encéphale. Elles s’écrasent à mon crâne comme l’écume sur les rochers. Elles sont chiantes, tes émotions. Chiantes comme toi Fauve. Fais les taire bordel, fais les taire. Et les clés du 4x4 me sont jetées à la gueule. Je peine à les récupérer. Elles s’accrochent à l’index comme le miracle de la soirée. Et je me prends la tête. Me prend la tête dans les paumes. Piétine et grogne. Je veux dire des trucs, mais Fauve elle ne veut pas. Ne m’en laisse pas le temps. Aboie et feule – mais Fauve je préfère quand elle feule pour moi, sur moi et sous moi. Et ça me rend dingue – ça me rend fou. Je dis – Arrête Fauve. Mais elle continue, Fauve. Veut me faire exploser, probablement. Faire crier la mécanique de mon cœur. Mais comment tu veux que j’arrives à te voir Fauve ? Comment tu veux ? Je n’arrive même pas à me voir moi-même ! Sauf peut-être dans tes yeux, parfois. Et j’aime pas ça. Et ça m’fait peur ça. Tu me fais peur Fauve. Et tu m’as tout donné Fauve, tout, trop vite je crois. Je crois que c’était trop rapide, trop facile, ouais. Tu m’as donné des choses comme personne et j’ai cru que c’était un piège. J’ai cru que c’était un leurre. Et je me suis méfié comme je me méfie encore parce que je sais pas – parce qu’on ne se connait pas. Parce que ça ne démarre de rien, Fauve. Ca démarre d’une putain de balle dans l’épaule. Et je t’ai détesté quand tu as fait ça – tu aurais dû me détester quand je t’ai menacé. Et ça, tu vois, ça c’est pas normal. T’es pas normale Fauve. Pas… Pas parce que tu bouffes de la chair – n’importe laquelle, même celle de carne putride. T’es pas normale parce qu’on dirait que tu m’apprécie. Mais que tu ne m’apprécie pas pour les bonnes raisons… Pas pour celui que je suis mais pour celui que tu aimerais que je sois – celui qui te renverrais une belle image de toi. Mais c’est pas comme ça que ça marche Fauve… Non, c’est pas comme ça. Et tu devrais pas changer, pas changer pour moi. Tu devrais changer pour personne – t’es comme ça Fauve et je crois que c’est pas ta faute, comme c’est pas la mienne. Mais… Mais tu devrais pas attendre ma bénédiction. Pas attendre que je te trouve belle et normale et fascinante. Parce que tu risques d’être déçu, Fauve. Pas parce que je ne te trouve pas belle, normale et fascinante, mais parce que je ne te le montrerais jamais à la hauteur de ce qu’il te faudrait. Et j’ouvre la gueule. Montre les crocs. Serre les clés. Fais un pas.

BANG.

Sursaut.
Ralenti tragique.
Mes paupières se ferment. Une sensation humide et chaude sur les fringues. Un peu sur le visage. Gerbe écarlate. Les yeux clignent doucement. Est-ce que c’est moi ? Est-ce que je suis mort ? Le palpitant s’est arrêté brutalement. Les genoux cèdent dès qu’ils captent le corps de Fauve qui tombe. Qui bascule. Les connectiques ont du mal à se faire quand je récupère la carcasse qui s’effondre dans mes bras. La paume, pourtant, instinctivement, vient se foutre à la plaie. La sienne. L’unique. Sent le tiède de son fer qu’elle dégueule de son bide. Et la main valide palpe le visage. Le dégage de ses quelques mèches de cheveux sauvages. Et je cherche. Cherche le regard de Fauve avant de chercher celui qui lui veut du mal. Stupide Brishen.Fauve ? La paume compresse. Comprime. – FAUVE ! que je beugle dans une panique qui ne se veut même pas discrète. Les lippes balbutient. Ca ressemble à un gargouillis. Fauve n’est plus capable de parler. – Dis rien, que je murmure soudain. – Ca va aller, que je mens en sentant la blessure béante. – Reste avec moi, ok ? Reste avec moi je t’en prie Fauve, reste là. Et elle respire en saccade funeste. Je le sens. Le sens jusque dans ma tête quand j’appuie sur le ventre pour arrêter ce sang – tout ce sang qui s’écoule. Et je répète ouais. Répète inlassablement que ça va aller. Entends à peine l’autre causer. Me cracher quelque chose comme Eloigne toi d’elle…. Mais je ne peux pas. C’est plus fort que moi. Je crois que je tiens à ta vie, Fauve… Je crois que j’y tiens vraiment. Je crois que c’est pour ça que je ne t’ai jamais vraiment laissé à mejdouretchensk. Je crois que c’est pour ça que t’ai prise avec moi – que c’est pour ça que je veux te protéger. Je crois que, même si tu es un monstre, tu as de l’importance. Et le canon du flingue – du fusil – braque mon crâne. Là. Presque à ma tempe. La pulpe de mes doigts s’enfonce dans le derme de Fauve. Lui arrache un soupir douloureux – m’en arrache un aussi. Je sais que si le chasseur fou tire à cette distance il ne restera rien de ma tête. Rien de moi. Mais tant pis. Ouais. Tant pis. - Qu'est-ce que vous foutez là, tous les deux, hmm ? Ca te regarde pas connard. Et je la serre contre moi à Fauve. Pose les lèvres à son front. La ressens. Ouais. Je ressens Fauve. Là. Partout dans la tronche. Ca pique. Ca brûle – ça brûle à la main. Ca me fait flancher, un peu, dans l’espoir muet qu’elle s’en remette Fauve. Et de l’énergie me quitte. Et ça fait bizarre. Ca fait fléchir la carne. Le râble. Ca me fait m’affaisser sur Fauve. Fermer les yeux – ça me donne envie de dormir et ça fait danser des images et des points blancs. Je crois que Fauve elle saigne moins sous ma paume. Et je sens un bras qui s’enroule faiblement à ma nuque. Une inspiration profonde pas loin du tympan. La crosse du gun à l’arcade. Le choc est violent. Me fait lâcher Fauve. J’ai à peine le temps de me retenir pour ne pas m’écrouler dans un tas de feuilles mortes. A moitié à quatre pattes, la paluche tâchée de sang se redresse devant le canon. Il va tirer et c’est ridicule de se défendre d’une balle avec une main.Qu’est-ce que vous foutez ici, les monstres ? que ça articule comme si j’étais débile. Il va tirer.Rien. Elle avait faim connard, tu veux que je te fasse un dessin ?Menteur, qu’il ricane en ajustant sa ligne de mire. Il ne sait pas si je suis comme elle et ce connard va tirer.

Les mirettes s’affolent. Voient Fauve qui se tortille. Tâte la bedaine. Tente de se redresser. Désorientée. – Fauve, que je souffle sans être sûr qu’elle puisse m’entendre. – Un dernier mot ? que l’autre jubile. Il m’en faudrait des dizaines pour te dire à quel point je te méprise, connard.Humain, que je balance là, comme ça. Il perd un peu son sourire, le type. Hésite. – Je suis humain, merde, que je clame d’une voix qui porte. Et il se détourne légèrement. Vers une Fauve plus ou moins remise sur ses jambes. La plaie toujours présente mais nettement moins mortelle. J’ai pas le temps de me demander comment. Ni pourquoi. Me relève à mon tour. Profite de l’inattention passagère du chasseur pour achopper le fusil. Les phalanges se referment. Le bruit du métal qui plie est assez strident pour lui faire perdre tout sourire. Le menton se baisse. L’échine tremble. – T’es pas humain, qu’il murmure comme une évidence. Mais je ne suis pas non plus comme elle. Le crochet part un peu malgré moi, dans une pulsion survivante – une vengeance viscérale. Tu ne toucheras plus à Fauve. Tu aurais dû me viser à moi avant de la viser à elle. Mauvaise pioche, connard. La puissance est sidérante – le craquement humide significatif. Le nez s’enfonce sous les phalanges. S’enfonce dans tous les os de sa face qui tremblent et implosent à tour de rôle. Ses pieds se décollent du sol, au chasseur, lorsque sa carcasse entière voltige. Percute le premier arbre qu’elle rencontre. Il se disloque, le chasseur, comme une marionnette – comme s’il n’était rien d’autre qu’une putain de poupée de chiffon. Et le choc. Là. L’électricité à la hauteur du coup porté. Ca vrille le cerveau. Explose à la gueule. Parcourt tous mes muscles de la tête aux pieds. Me ferait presque convulser, gerber – m’empêche de réfléchir et de penser. La mâchoire se contracte. Le cœur s’arrête de battre. La décharge se décharge – ne semble plus vouloir s’arrêter. Ca crame les synapses. Je m’écroule.

Blackout.

Ca fait ça, de crever ? que je me demande avec un arrière-goût de déjà vue. Un arrière-goût qui ne reste pas longtemps. Le noir de la cabèche s’isole et s’éclaircie. Les esgourdes captent un son lointain, comme si j’avais la gueule enfoncée sous la flotte. Et les épaules… Les épaules sont secouées, maltraitées. Peut-être un peu le visage. Je devine une baffe – ou c’est juste mon arcade qui gonfle. Et les poumons se gorgent d’air avec violence. Ca me fait sursauter. Bousculer un peu Fauve et la pousser, carrément, pour vider l’alcool qui me retourne le bide. Je gerbe ma bile, enfonce les phalanges à la terre. Gerbe encore quand une putain de douleur vive et lancinante s’excite derrière la pupille. Boum boum boum j’ai l’impression d’avoir un second cœur sous le crâne, le genre prêt à exploser à tout moment – à la moindre secousse ou contrariété. En fait, je crois que j’aurais préféré crever. Je titube sur mes genoux. M’essuie d’un revers de manche. Reste encore un peu sans bouger. Respire l’air frai – compte doucement pour essayer de penser à autre chose. Mais ça couine, pas loin. Dans un sanglot ou une expression de joie. J’sais pas. J’entends toujours tout comme si ça se déroulait à des kilomètres à la ronde. – Ca va, que je murmure en essayant de me remettre sur mes pieds. La première tentative est un véritable échec. La seconde est beaucoup plus concluante. Je me tourne vers Fauve qui se dandine, le nez rougi et les bras autour de son bide. Plus loin, le chasseur. Celui qui n’a pas eu plus de chance que nous. Lui, ce soir, il ne se relèvera pas. – Il faut partir. Les clés.Merde… Et je dois me baisser. Me baisser pour chercher les connasses de clés de voiture. Celle que Fauve m’a balancé à la gueule. Je me souviens. Je me souviens de tout même si mon cerveau est en miette. Un bon point pour moi. Je cherche à tâtons. Me fais aider par Fauve, même si je ne suis pas certain qu’elle capte ce que j’ai paumé. En tout cas c’est elle qui met le pied sur les précieuses et qui nous permet de décoller. Mais c’est compliqué, de partir. De marcher sans tomber, de la soutenir sans m’écrouler sur elle. A un moment, elle veut me soutenir, me semble. Ta plaie va se rouvrir, que je me pense en refusant son épaule. Je me dis qu’elle va encore croire que je la rejette – je pourrais tuer le monde entier que tu penserais toujours que je te déteste. On rejoint la caisse. Je prends la place du conducteur. Maudis l’autoradio qui crache sa merde dans une grimace qui pousse Fauve à éteindre ce bordel. On démarre. On se barre en trombe.

Le trajet est silencieux. Secoué de quelques nausées, de mon côté. Je réalise que lorsqu’on se gare sur le parking du motel que je suis couvert de sang – le sang de Fauve et peut être un peu le mien. Je bug. Reste assis là des secondes éternelles – des secondes qui s’étirent et qui m’enlisent. Un coup d’œil dans le rétro me fait savoir que j’en ai juste dans la barbe, de son hémoglobine, et dans les cheveux, aussi. Puis que mon arcade est difforme. Qu’elle me boursoufle la gueule et qu’elle me fait ressembler à un monstre – genre Quasimodo. Je crache une injure. M’avance encore un peu. Touche là où ça fait mal dans une grimace. Et c’est Fauve qui me fait sortir de ma contemplation d’une caresse tendre sur l’avant-bras – ou pas tendre, mais après ce soir, tout peut facilement me paraitre super sympa. Je décroche. Sors de l’habitacle. Entre dans la chambre. Dans une synchronisation presque parfaite on se dirige tous les deux vers la salle de bains. J’crois qu’on ralentis juste un peu, à un moment, en se demandant comment on va gérer la relève à la douche ou une connerie dans le style, mais c’est pas suffisant pour nous décourager de partager la pièce. De toute façon, je me jette sur le lavabo quand elle se jette dans la baignoire. Les fringues sont virées, balancer un peu partout. Et elle y reste un moment, Fauve, sous le jet d’eau, quand je me brosse les dents avec un certain acharnement – comme si l’odeur de menthe pouvait atténuer mon mal au crane. Puis elle sort, Fauve. A poil ou en serviette. Elle embarque le reste de compresses quand j’ai comme un blocage, moi. Que j’arrive pas à aller sous la putain de douche – obnubilé par sa sève de vie partout sur ma peau. J’ai l’impression qu’il y en a beaucoup… Ne sais pas comment elle fait pour marcher et vivre. Comment elle fait pour pas tomber pour crever. Elle est juste blanche et fatiguée, Fauve. Juste blanche et fatiguée. Et je me décide pas. Sors de la complétement dégueulasse et puant le musc et la terre et le fer. Rejoins Fauve qui a fini de se bander le bide. Elle me regarde bizarrement parce que, je crois que j’ai une gueule bizarre. Je crois que je fais flipper – que je ressemble à un guerrier barbare tout droit sorti d’un film d’une autre époque. J’enlève le tee-shirt et le froc. Me retrouve nu. Grimpe sur le lit. Vais pour me vautrer à côté de Fauve mais, je dérive. Me fous au-dessus d’elle. Elle s’enfonce un peu dans le matelas. J’saurais pas dire pourquoi – peut être pour pas me voir flou. – On part pour Moscou demain, que je lâche comme une suggestion étrange. M’écroule sur elle. M’endors presqu’instantanément.

Je dors bien, sur Fauve. D’un sommeil de plomb, sans cauchemar. Sans rien. Même pas un rêve. D’un sommeil profond et réparateur – j’crois même que j’ai jamais autant dormi de ma vie. Je me réveille quand le soleil il est haut et que Fauve, elle est déjà levée. Elle traine dans la piaule, des fringues sur le cul et une clope à la main. Je me redresse un peu. Grimace quand je sens que mon crâne me fait toujours chier – regrette la seconde d’après parce que l’arcade s’y met. Je repars en arrière, abandonne, dans une très mauvaise volonté, l’envie et l’espoir de me lever. – J’ai dormi combien de temps ? que je demande d’une voix rocailleuse. Longtemps. Très longtemps. Il faut que Fauve regarde l’heure pour me donner le chiffre plus ou moins exact de mes exploits. C’est assez astronomique pour me pousser à rouler sur le flanc pour poser mon cul sur le bord du lit. Je me masse doucement la tempe. Capte la sanguette à la paluche. Me souviens vaguement que je suis toujours sale. Me lève. Me mange un ou deux murs quand je capte du coin de l’œil que Fauve me tend un truc. Un café. Un café ? Je me fige. Choppe doucement le godet. Du bout des doigts. Les lippes s’ouvrent et se ferment comme si j’étais un poisson hors de l’eau et que je cherchais mon air. Je tente de me reprendre rapidement. – T’es sortie ? que je finis par lâcher. J’suis déjà surpris de ne pas t’avoir senti quitter le lit, alors quitter la piaule… Elle acquiesce, Fauve. – OK, que j’articule sceptique en lui rendant ce que je tiens. – Garde moi ça, il faut vraiment que je prenne une douche. Et que je m’éclate la tête dans un putain de mur. Je disparais derrière la porte voisine. Ou pas vraiment parce que je ne prends pas la peine de la fermer. Laisse couler l’eau gelé un moment sur ma gueule. Ca soulage. Ca soulage de façon très éphémère – un peu comme si un placebo me ruisselait sur la face. Je me contente d’une serviette aux hanches, ne me sèche pas parce que je me le rêve, ce café avec ma clope. Sors un peu vite pour aller récupérer ce que Fauve me garde précieusement. Lâche un – Merci, rapide avant d’aller me coller à la fenêtre pour fumer ma cigarette.

Une minute. Puis deux. Trois… Quatre… Six… Dix… J’entends les petons de Fauve sur le sol derrière, qui froissent doucement la moquette. Je lui coule une œillade par-dessus mon épaule. – Dis rien, que je souffle avant qu’elle n’ouvre la bouche. Dis pas merci Fauve. C’était stupide ce que j’ai fait hier. Et on dit pas merci à quelqu’un qui ôte la vie sans scrupule. On dit merci pour un café tu vois, pas pour un meurtre.Comment ça va ? que je demande, comme pour changer de sujet, en exécutant un léger geste à son buste. Elle caresse le tee-shirt Fauve, comme pour s’assurer que tout est en ordre avant de répondre. Ca laisse planer un court silence, son constat. Et quand elle ouvre la bouche pour en laisser s’échapper un son ; pour me dire que ça va ou que ça va pas. Quand j’entends le ronron qui remonte le long de sa trachée – ça me donne un courage que j’ai pas eu le temps d’avoir la veille. – T’es pas une expérience, que je pose sans introduction. En lui tournant le dos, aussi, par la même occasion. – T’es pas une expérience, que je répète, pour l’en convaincre, pour le lui enfoncer dans la tête, à Fauve. – Tu comprends juste rien… Et ça serait complètement masochiste d’expérimenter le temps qu’il te faudra pour comprendre mieux. Je hausse une épaule. Tente de la voir dans le reflet de la vitre. Ne vois qu’une ombre, sans trop de détails. – Mais, Fauve, arrête d’idéaliser l’image que je pourrais te renvoyer de toi-même. T’as besoin d’aucune approbation pour être quelqu’un de bien – certainement pas de la mienne. Tu ne me connais pas assez pour que j’ai ce genre d’importance pour toi… Même si ce n’est pas sexy le fait que tu manges des charognes. Ne laisse personne te dire qui tu es ou qui tu dois être, ok ? J’imagine qu’avec une bonne explication et un côté moins obsessionnel, tout un chacun serait capable de s’y faire… Parce que, Fauve, concrètement, si tu es encore là, c’est parce que je suis bon et beau et peut être - peut-être – parce que je parais vrai quand je ne parle pas et que je regarde au travers de cette putain de fenêtre. T’es là juste pour ça, toi, alors, me juge pas. Juge pas le fait que je n’apprécie pas que tu bouffes des morts quand tu restes dans la même pièce que moi par soucis de superficialité… Juste parce que tu penses que je peux te faire te sentir mieux dans ta peau d’un coup de baguette magique – ou de queue magique. T’es pas plus noble et rassurante que moi… Mais t’es sympa, Fauve, même si t’as une part de monstre. T’es sympa dans tous les efforts que tu fais pour me supporter.Je ne veux pas que tu me plaises, tu sais. Je ne veux pas que tu te forces à faire toutes ces choses parce que tu as peur que je m’en aille. Tu finiras par les regretter si je m’en vais. Et ça me fait un peu peur, je crois. Un peu peur parce que… Je ne sais pas si c’est vrai, tout ça. Soupir. Silence. – J’aimerais te connaître. Te connaître toi. Fauve. Celle que tu es quand il n’y a personne pour te regarder, pour te juger ou te renvoyer une image de toi que tu n’aimes pas vraiment. Je crois que je la préfèrerais à toutes ces autres que tu pourrais jouer. Je la préfèrerais même si je devais la détester – ou détester certaine de ses manies ou une partie de sa nature profonde. Ou si elle devait me détester et me le dire. Et ça serait tellement logique qu’elle me déteste. Le râble se tord. Les mirettes cherchent les siennes. Elle existe cette Fauve, Fauve ? La Fauve rationnelle… Celle qui est capable de voir que la première Fauve m’apprécie pour un tas de mauvaises raisons… Et que je peux pas, ouais, que je peux pas vraiment lâcher prise à cause de ça.


Couleurs des Dialogues:


©️crack in time
  Lun 14 Oct - 1:22
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( Cage me like an animal, eat me like a cannibal
ft. @B. Brutal Ayaz )
Battements de paupières sur une réalité qui se désagrège. Son visage se délave, comme de la flotte sur une toile. Les pupilles louchent sur les traits, ceux que la main voudrait retenir, remettre en place pour qu'il soit là, toujours là, Brutal, malgré le froid et le chaud et le tiède. Celui qui s'écoule de la bedaine dans une gerbe écarlate qui tache ses paumes. Je crois que je lui souris quand j'entends mon prénom entre ses lèvres, lui murmure c'est -Kahsha, mais aucun son n'arrive à s'éclipser du gosier encrassé, alors le prénom crève au bord des babines qui se couvrent d'hémoglobine. Je voulais que tu saches, que tu connaisses le vrai prénom, celui que l'on m'a donné à la naissance, même si c'était pour me le voler par après ou qu'il moisisse de lui-même dans des relents de rage. Et je crois que ça me rend triste, parce que je sais que je vais mourir, là, comme ça dans ses bras, sans jamais être capable de savoir si c'était lui. Lui qui était bon pour moi, bon vraiment. Sans jamais comprendre pourquoi et comment c'était lui. Il dit que ça va aller, Brutal. Le dit et le répète dans une litanie qui me file une boule dans la gorge et noue les tripes déchirées. Elle est froide, la douleur qui se répand partout dans le corps et dans le cœur. Voile glacial qui s'abat sur la carcasse. J'ai froid. Les lèvres tremblent, mais je ne veux pas. Ne veux pas mourir parce que personne ne le désire jamais sans l'avoir décidé. La bouche s'ouvre et se referme à la recherche de l'air qui se raréfie, il me semble. L'échine se tend quand il presse, Brutal, m'arrache un soupir dans un mélange de souffrance. Je voudrais le toucher, lui demander le plus égoïstement du monde de ne pas m'oublier, mais il y a ce type, celui dont la voix grave résonne en arrière-fond et me paraît aussi loin que la vision se trouble. Je ferme les yeux, suis terrifiée à l'idée de tomber dans le vide. Et est-ce que ça fait mal, quand on ne respire plus ? Est-ce que je vais m'éteindre comme une flamme sur laquelle on souffle et disparaître à tout jamais, moi et ma conscience, ou ce truc qu'on surnomme conscience ? Je ne veux pas m'en aller, je voudrais que tu m'embrasses, sentir le goût de tes lèvres sur les miennes pour n'emporter que ça, le souvenir d'un nous qui n'existe que lorsque tu me touches. Il me semble qu'il y a le vide, la fin. Ça m'englue et me gobe pour me raccrocher l'instant d'après. Les lippes s'entrouvrent, la bedaine brûle d'abord, réchauffe ensuite. Ça afflux partout jusque dans les petites veines dans une décharge électrique, ça éclate dans la boîte crânienne. Les paupières s'ouvrent et je m'agite, bouge, me redresse comme si tout ça n'était qu'un mauvais rêve. Les souvenirs très récents flinguent les synapses, la menotte se porte au bide encore humide. Et là où il n'y avait qu'un trou béant, ne reste qu'une plaie plus fine, une égratignure. Incompréhension déformant les traits, les prunelles fouillent et cherchent, clignent à plusieurs reprises pour chasser les vestiges d'un brouillard épais. Les quilles peinent à tenir la carcasse, tremblent, me donnent la sensation d'être un nouveau-né. Je titube quand ça s'imbrique sous le front. Danger immédiat qui se dessine devant les mirettes, pousse à se mouvoir, mais l'impulsion crève quand Brutal éclate la gueule du type qui se tord et vrille et traverse l'espace qui le séparait d'un tronc d'arbre. Le choc est puissant, laisse flotter dans l'air le craquement humide des os qui cèdent. Quelque chose foire, parce qu'il tombe, le mâle. Tout se joue au ralenti, de sa chute à mon cri. Un -NON ! Qui s'arrache de mes poumons. Les petons se précipitent, tuent la distance qui nous séparent. Je n'entends rien. Rien que le myocarde, le mien et seulement le mien qui s'agite dans sa cage dans une agonie qui le transperce. Je le secoue, -Non, tu ne peux pas, tu ne peux pas partir comme ça, tu ne peux pas s'il te plaît, réveille-toi, REVEILLE-TOI ! Le chagrin déforme le minois, me fait hoqueter et renifler. La paume cogne la poitrine, le poing par après comme si ça pouvait aider le cœur à repartir. Dans la panique, je le secoue encore, m'installe finalement en rageant de ne pas me souvenir où mettre les paumes pour aider le palpitant à battre. Maladroite, je place mes mains, ai du mal à voir devant le flot de larmes qui me bousille. Et je compte. Je compte, mais je ne sais plus jusqu'à combien il faut compter. Je tremblote comme une putain de feuille, incapable de me dire que tout doit s'arrêter maintenant et ici. Incapable de me dire que je l'ai perdu, pour toujours, tout le temps. Et la poitrine se gonfle subitement, se redresse, me fait vaciller et retomber mollement à l'arrière quand il repousse, Brutal. Il dégueule et pourtant, j'arrive à sourire derrière les larmes, celles qui ne forment qu'une grimace dégueulasse. Je me redresse et j'hésite à le toucher, ne sais pas où on en est, alors j'attends. Ouais, j'attends qu'il se relève, le regarde lui pour ne pas penser à ce qui est derrière. La chair éclatée et encore tiède qui gît dans sa mare carmine. La respiration se bloque pour ne pas humer ce que la charogne désire. Chétive, je me balance d'un pied sur l'autre, détourne le museau pour garder une certaine distance avec ce qui obsède, menottes enroulées autour du bide, pognes serrant le tissu humide.

Il faut partir. Partir parce qu'il y a ce cadavre qui réveille l'instinct, parce qu'il y a un putain de cadavre tout court. Il dit merde, cherche quelque chose, alors j'avance, ouais, j'avance d'un pas fragile parce qu'il a du rouge sur lui, Brutal. Du rouge à moi, du rouge à lui ou du rouge à l'autre. La godasse fait tinter quelque chose, les clefs de la bagnole qu'il ramasse. Et on se tire, en claudiquant parce qu'il est presque mort, je crois et parce que je n'ai plus de trou dans le bide. Je tente de l'aider, essuie un énième refus, pense qu'il n'a pas envie de se sentir diminué ou parce qu'il ne sait pas pourquoi je tiens encore debout. Parce que je l'ai senti sous mes doigts, le trou perforant mes entrailles, j'ai senti la mort gangrener organes et artères et je ne sais pas, je ne sais pas pourquoi je suis encore là, je crois que c'est toi. C'est toi qui as réparé ça, je ne sais pas comment ni pourquoi, mais tu l'as fait, Brutal. L'habitacle est réconfortant, sent nous et la nicotine. La radio dégueule sa musique un peu fort, froisse les traits du mâle, alors je l'éteins, ouais, je l'éteins, laisse nos silences nous envahir et combler les trous. Ceux qui restent à l'intime comme des plaies béantes à l'âme. Arrêt.
Le parking de l'hôtel est silencieux, désertique de vie. Et Brutal ne bouge pas, Brutal ne me regarde pas, se contemple dans le rétroviseur, découvre l'arcade abîmée et enflée. Lentement les tiges s'avancent, délivrent caresses sur l'avant-bras comme pour dire viens, on y va. Alors on rentre dans cette chambre qui n'est pas la nôtre, pas vraiment. Elle ne sent pas nous, celle-là. Elle sent seulement le pin et l'écorce d'orange. Elle est fade, je ne l'aime pas. Je me douche pendant qu'il se brosse les dents, presque aussi longtemps que je reste sous la flotte. Les fringues dégagées au plus vite pour retirer le poisseux, pour retirer ce qui ne devrait pas y être. Je reste immobile sous le jet, lui tourne le dos, laisse les phalanges errer sur le bide que je contemple. Et là, entre les dessins qui bariolent la peau de fleurs, la déchirure, celle qui ne dégobille pas la moindre goutte d'hémoglobine. L'eau martèle le haut du crâne, l’assomme de ses vibrations. Et maintenant ? Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? On ne va pas pouvoir rester ici, ils vont finir par le retrouver, lui ou des restes de lui. C'est la deuxième fois que tu tues pour moi et je ne sais pas, je ne sais pas si je dois te remercier ou te dire que je suis désolée.
Je sors de la salle de bains, nue, telle une automate. Fissure pansée pour qu'elle disparaisse de la vue, je relève la trogne après quelques secondes ou minutes. Il se dessape, là, devant moi et je ne comprends pas, le reluque, des points d'interrogation dans les yeux. Qu'est-ce que tu fais ? Il a de petites taches sur le front, du sang séché, je crois. Il s'amène dans le pieu, se pose sur moi et j'ai du mal à saisir, ne percute pas ce qu'il vient de dire parce que je le respire et que je l'entends, je l'entends différemment, dans un boum-boum régulier qui nous berce. Il s'endort bien avant moi, épuisé. Les tiges glissent sur ses cheveux et son dos, les ongles retirent la crasse à son front. J'embrasse son crâne, le laisse m'envahir, m'envahir toute entière.
Et il retient les cauchemars de ses bras et de sa présence sur moi. On bouge, il roule sur le dos et la tête se pose sur son épaule. Je me rendors parce que je suis bien et qu'il est là et qu'il va bien, je crois, ouais, il va bien. Les lueurs du jour pointent à l'horizon, se dessinent sur la fenêtre dans des nuances de rouge et d'oranger. Il a son bras autour de ma taille, je le sens tout contre mon échine et j'aimerais que ça perdure encore et encore. Je me lève, bois, pisse et fume ; regarde dehors, lui reviens pour m'assurer que tout va bien en glissant ma mimine sur son front. Les heures passent et je navigue entre la fenêtre et les draps, m'allongent un peu juste pour le regarder dormir et le sentir près de moi. Le ventre gargouille. J'ai faim et j'ai envie d'un putain de café. Mais j'attends, dans la peur qu'il se réveille, laisse une note à côté de la lampe de chevet après des heures d'errance et d'inutilité.
Dans les rues, je marche vite, m'affole au moindre petit bruit. Je sors quelques billets, achète des clopes, des chewing-gums et deux cafés, longs et corsés. La distance est écrasée, je le retrouve, soulagée de le voir encore en train de pioncer même si ça commence à m'inquiéter. J'ai du mal à tenir en place, me sens nerveuse à l'idée que quelque chose n'aille pas. Et si tu ne te réveillais pas ? C'est possible, ça ? Ouais, je crois que ça l'est. J'ai peur pour toi, qu'un truc déraille et je ne peux rien faire. Rien faire si ce n'est attendre que tu te réveilles. Alors réveille-toi, s'il te plaît. J'avale mon café, fume plus que de raison, occupe doigts et bouche en fumant et en bouffant l'intérieur de ma joue. Je contemple une tache sur le mur, me retourne quand il bouge.

Et il se réveille, après plus de dix-huit heures de sommeil. J'ai envie de parler de lui demander est-ce que ça va ? Tu te sens bien ? Tu as besoin de quelque chose ? Mais je me tais, me contente de tendre le café tout juste encore tiède. Et il s'étonne, Brutal, de savoir que je suis sortie, pense probablement que c'était une mauvaise idée, mais n'en dit rien. Il disparaît dans la salle de bains et je m'assois sur le rebord du lit, attends sagement sans jamais le quitter des yeux tout à fait. Parce que j'ai peur, je crois, de te voir tomber à nouveau, de te voir allongé par terre ou dans la baignoire et de ne plus te sentir, de ne plus t'entendre. J'ai peur que tu meures, tu vois. Il ressort, serviette enroulée autour de la taille, dégouline sur la moquette, récupère le gobelet cartonné et se poste près de la fenêtre. Je n'ose pas m'approcher et le toucher comme j'aimerais pouvoir le faire, en vérité. Mais rien n'a vraiment changé, pas vrai ? Nous en sommes toujours au même stade, alors c'est quand que tu vas m'annoncer que tu vas t'en aller ? Je redoute l'instant, craque au bout de plusieurs minutes, le rejoins pour lui chuchoter que je suis désolée. Je suis désolée pour hier, pour ce type, pour ce que je t'ai dit, pour ce que je ne t'ai pas dit. Et comme s'il devinait mes intentions, il me demande de ne rien dire. Pourquoi ? Je suis si chiante que ça quand je l'ouvre, ma gueule ? La conversation vire. Quoi ? Les menottes touchent le bide, c'est que j'avais presque oublié ce détail, hochement de tête et la voix veut percer, dire que tout va bien, je crois., mais il coupe la chique, largue ce que je ne suis pas prête à entendre. Je ne suis pas prête à reprendre cette conversation, pas prête à t'écouter me dire ce que je n'ai pas envie d'entendre. Pas prête à te regarder partir, Brutal. Non, je ne suis pas prête à ça. Le dos qu'il me tourne, je me sens crever. Et ok, ok, je ne suis pas une expérience, mais je suis quoi alors, Brutal ? Tu me qualifies comment ? On est quoi, des potes qui couchent ensemble parfois, quand je suis demandeuse et que tu veux bien ? Ou même pas ça, juste des étrangers ? Je me crispe parce qu'il a sans doute raison dans ce qu'il dit, je crois. Et peut-être que c'est ça, que c'est parce que je ne suis pas quelqu'un de bien. J'ai oublié qui j'étais, parce que je suis morte là-bas, entre des murs crasseux et humides ; que je me suis noyée à trop boire la tasse, qu'ils ont défoncé la psyché. J'ai oublié, mais avec toi, j'ai l'impression de me souvenir. La suite me déstabilise, parce que je ne sais pas où il veut en venir, je ne sais pas si je dois m'offusquer ou hocher docilement la tête. Je ne sais pas comment réagir quand tu penses que je suis fausse, que je me force à être quelqu'un d'autre pour te plaire. Tu dis ça, parce que tu ne me regardes pas, Brutal. Tu dis ça, parce que tu m'as probablement détesté quand quelque chose est né. Je voulais savoir au début, pourquoi tu étais différent. Je voulais savoir pourquoi tu ne m'avais pas fui quand tu avais vu ce que j'étais, quand tu as senti mes crocs se refermer autour de ta chair. Je ne t'ai pas détesté quand tu as voulu me tuer, parce que j'ai pensé, à un moment donné, que tu pouvais avoir raison. Je sais que je suis un monstre. Je le sais, je le vois et je le ressens. Alors ouais, peut-être que ça te paraît faux et peu profond et surfait, peut-être que tu crois que si ce n'était pas toi, ce serait un autre, que si c'est juste parce que tu m'acceptes, il y en a beaucoup d'autres qui pourraient tout autant faire l'affaire. Mais ce sont des conneries, ça. Des foutaises parce qu'avec des si, on pourrait refaire toute l'histoire. Et je ne sais pas si tu veux vraiment me connaître, ouais, je n'en sais rien, parce que tu ne me parles pas et tu ne me regardes pas. Tu ne demandes rien comme si tout devait être évidence. Mais ça ne marche pas comme ça. Et il me regarde enfin, comme pour évaluer les dégâts que les mots ont causés. Ceux qu'il m'a balancés sans protection autour. Peu importe ce que je vais te dire, peu importe les raisons que je vais t'offrir, tu les démonteras, tu te persuaderas que c'est faux parce que c'est plus facile comme ça. Je me sens vide et incomprise. Les mots se coincent dans le gosier et il n'y a que le silence en retour. Je recule d'un pas puis deux, bute sur le sommier. -Tu ne veux pas me connaître, Brutal. Tu voudrais trouver une autre à travers mes traits, une qui te dirait qu'elle te déteste parce que tu as voulu la tuer quand l'autre te dirait qu'elle arrivait à comprendre pourquoi tu le faisais, même si elle ne voulait pas crever. Tu voudrais qu'elle s'assume d'être ce qu'elle est, parce que ce serait sans doute plus facile de déterminer si tu veux bien l'apprécier ou seulement la détester. Tu voudrais que cette autre, elle te dise que tout ça, c'était une erreur monumentale, parce que qui pourrait te suivre, toi, Brutal, pas vrai ? Toi, tout ce que tu veux, c'est une Fauve qui ne tiendrait pas à toi, une que tu pourrais quitter sans regrets. Le constat blesse à mesure que les syllabes s'envolent et résonnent. -Elle n'existe pas, cette Fauve-là et je m'appelle Kahsha. Silence.
Le cul retombe mollement sur le matelas, les pognes glissent sur la gueule dans l'espoir de se réveiller, mais tout est beaucoup trop vrai. -Je suis désolée. Désolée que tu aies dû tuer des gens à cause de moi, pour moi. Je suis désolée d'être chiante, de te regarder trop souvent et d'avoir besoin que toi, tu ne me vois pas comme moi je me vois. Et est-ce que ça paraît si dingue que ça ? Je veux dire, évidemment que je voudrais que tu me vois, moi, celle que tu dis vouloir connaître et pas l'autre. Tu voudrais que je te regarde comment, toi ? Comme une putain de machine destructrice ou comme un homme? Ça n'a pas de sens, tu ne peux pas me reprocher ça. Tu ne peux pas me reprocher d'être affectée par ton dégoût. Ouais, tu n'as pas le droit en fait de me le reprocher, de me dire que ça, ça rend tous nos échanges faux ou même juste une partie. Ce n'est pas juste, ça. Ouais, ce n'est pas juste. -J'idéalise rien du tout, Brutal. Je me fis à ce que je vois et je sais que parfois, tu me vois, je m'accroche à ça. A des petites bribes que tu veux bien me laisser sans que je ne te demande de mes les expliquer. J'ai jamais ressenti ce truc, cette alchimie avec quelqu'un, ce truc qui te retourne le bide. Comment tu veux que je te l'explique ça ? Qu'au début je culpabilisais et qu'après, j'aimais juste ça que tu sois là, parce que tu me faisais du bien et pas seulement parce qu'on couchait ensemble, mais parce que tu étais là. Je te le dis comment, sans que tu penses que n'importe quel connard aurait pu faire l'affaire ? -C'est toi qui idéalises, qui penses que tout trouve une explication logique et rationnelle. Je pourrais te dire qu'on a vécu des choses que personnes d'autres que nous avons vécu. Que ça pourrait nous rendre aussi proche que deux personnes lambda qui se fréquentent depuis quelques mois. On n'est pas là en train de partager un cinéma ou un bon restau, on est là parce qu'on a fait des choix, toi et moi qui nous impliquaient tous les deux, ensemble. T'aurais pu ne jamais revenir la première fois, pourquoi tu l'as fait ? T'aurais pu m'abandonner un nombre incalculable de fois, sans même que je m'en doute une seule seconde ; t'aurais pu me laisser crever hier soir et te tirer pour ne pas subir le même sort, et pourquoi, tu ne l'as pas fait ? -Je ne suis pas quelqu'un de bien, que je largue. Si je l'étais, ma mère ne m'aurait pas vendu, je n'aurais pas cette putain de malédiction au cul, je ne tuerais pas d'animaux, le genre que quelqu'un, quelque part, cherche en foutant des affiches sur les poteaux électriques et les devantures de boutiques. Je ne suis pas quelqu'un de bien, je suis quelqu'un d'immonde qui contemple la mort sans vraiment s'en offusquer. Je soulève mon derche, navigue jusqu'à lui, le touche, touche son avant-bras dans une sensation salvatrice. -Mais c'est OK, OK si tu veux qu'on se connaisse, si tu veux vraiment que l'on apprenne à le faire. Mais n'attends pas que je te juge comme tu voudrais que l'on te juge, comme tu te jugerais toi-même. Parce que moi, je ne le ferais pas. Pas pour te plaire, seulement parce que je ne vois pas que le mauvais.



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  Lun 14 Oct - 20:20
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B. Brutal Ayaz
MONSTER UNDER YOUR BED
B. Brutal Ayaz
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CAGE ME LIKE AN ANIMAL, EAT ME LIKE A CANNIBAL ft @K. FAUVE WARD

Go row the boat to safer grounds but don't you know we're stronger now. My heart still beats and my skin still feels ; my lungs still breathe, my mind still fears. [...] There's blood on your lies. The sky's open wide. There is nowhere for you to hide. The hunter's moon is shining.

Et je crois qu’elle n’a pas tort Fauve. Ca me fait un peu baisser le menton. Tirer un peu plus fort sur la clope. J’ai pas envie de te connaitre. J’ai pas envie de te connaitre dans les conventions de ce monde – dans ce que cette société nous apprend à faire. J’ai pas envie de t’inviter boire un verre pour parler de nos vies et de ce qu’on a fait hier. J’ai pas envie de t’inviter au cinéma ou au restaurant. De te demander le nom de tes parents et de quoi et qui est faite ta famille. J’ai pas envie de savoir d’où tu viens, ce que tu sais et ce qu’il t’ai arrivé. J’ai pas envie de te tenir la main dans la rue. De te raccompagner chez toi en me demandant s’il faut que je t’embrasse sous le porche de ta maison ou sur le pallier de ton appartement. J’ai pas envie de regarder la porte se refermer sur moi – de sentir dans mon ventre l’émoi des premiers instants. J’ai pas envie de ce second et de ce troisième soir – de ce quatrième peut être. De ce temps perdu et de cette porte qui s’ouvre, finalement. De cette gêne et de cette hésitation. J’ai pas envie de me demander comment il faut que je t’embrasse pour te plaire et où elle est ta chambre – ou ton canapé ou n’importe quel mur pourvu que je sois entre tes cuisses. J’ai pas envie de cette passion que ça peut engendrer – de l’émoi qui se transforme en brûlure et en nécessité absolue. J’ai pas envie de te faire l’amour. D’aimer le faire. De te regarder dans le fond des prunelles quand je te prends et de t’embrasser comme si c’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver. J’ai pas envie de passer du temps avec toi. De trouver tes silences chantants. J’ai pas envie que tu sois un baume – un baume au cœur et à l’esprit. J’ai pas envie que tu m’attendes après le travail, avec un repas ou une connerie comme ça. J’ai pas envie que ton appartement se transforme en notre appartement. J’ai pas envie que nos odeurs et nos affaires se mélangent. Qu’on devienne un nous et qu’on fasse tout ensemble. J’ai pas envie de t’acheter des cadeaux – de faire ces choses folles qu’on fait pour plaire. J’ai pas envie de te charmer, chaque jour, comme si c’était le premier ou le dernier. Comme si t’étais mon souffle de vie. J’ai pas envie de parler de projet, de bébé, de maison et d’union. J’ai pas envie de composé avec ton histoire et la mienne – de broder quelque chose de plus beau, plus sain et plus serein. Ouais, j’ai pas envie de te connaître Fauve. J’ai pas envie de savoir si tu es quelqu’un de bien. Pas envie de te dire que, en chacun de nous il y a une bonne ou une mauvaise personne – qu’on cache tous un monstre qui prend différente allure. J’ai pas envie de te rassurer et de te protéger avec d’autres ambitions que celles que j’ai là. J’ai pas envie de me dire que c’est pour toi, juste pour toi – pas pour ma conscience ou par morale. Pas parce que je t’ai promis. J’ai pas envie de me dire que plus te voir ça ôterait mon goût de vivre. J’ai pas envie de te connaitre comme ça. J’ai envie de te connaître dans toute cette superficialité qui fait que tu restes. J’ai envie de te connaître comme tu me connais toi – juste assez pour justifier que je sois là mais pas assez pour t’apprécier. J’ai envie de te connaître sans échanger. En te regardant évoluer, seulement. Sans que tu ne te force à pas être toi. Parce que c’est ça le problème, Fauve. Tu te changes pour ne pas me dégoûter – mais tu devrais t’en foutre de me dégoûter. Tu as déjà tout ce que tu souhaites. On partage froidement notre quotidien et on baise. Il n’y a aucune passion, juste du primaire. Je ne sais même pas ce que tu aimes. Mais je crois aussi que Fauve, elle aimerait plus. Je crois même que Fauve n’existe pas.

Je tique à la déclaration du nouveau prénom. En comprenant que le sien était un leurre – le genre qu’elle doit donner à tous les badauds qu’elle saute. Et ça me fait grimacer, légèrement. Relever l’arcade dans une autre grimace plus douloureuse. Elle m’a menti Fauve, sur un truc pas important. Sur un prénom à la con. Elle m’a fait assez confiance pour m’amener chez elle, pour coucher avec moi, pour me bouffer la main mais pas pour me dire qu’elle s’appelait Kahsha. Pourquoi ? C’est quoi ce délire ? Tu tuerais pour moi mais tu serais même pas foutue de te présenter correctement ? Et j’me dis que si Fauve elle m’a pas donné le bon prénom, ce truc qui n’aurait jamais mis en péril sa vie – plus en péril que m’amener chez elle – sur combien d’autres choses importantes elle m’a menti ? Alors je recule. Ecoute sans écouter ce qu’elle a balancé ensuite. Ses excuses passent à la trappe. Je me rassure en me répétant que j’ai tué pour ma vie avant de tuer pour la sienne. Qu’il faudrait que j’arrête de faire des promesses et que, elle peut bien penser ce qu’elle veut de moi, ça n’a aucune valeur. Ouais. Aucune. Puis son histoire d’alchimie est moquée - n’a rien à faire là, à mon avis. J’ai envie de cracher : Comment tu t’appelles Pecnode ? Comment tu t’appelles pour de vrai ? C’est quoi ton nom complet ? Mais je ferme bien ma gueule. Ravale les injonctions. Le problème ce n’est pas que tu m’ais menti, c’est que je ne pourrais plus te croire. Et je la crois pas, à Fauve. A Elle. A la Fille. A la Pecnode. J’crois pas ses histoires de paillettes et de trucs dans le bide. J’ai envie d’lui conseiller d’aller voir un docteur, qu’elle a probablement chopé une saloperie – que c’est ça, sa connexion à deux balles. Ou que c’est à force de bouffer du cadavre, ça doit forcément finir par retourner l’estomac. Puis on ne se fréquente pas, Pecnode. On a couché ensemble parfois et on cohabite par obligation technique. Mais si t’as le pèze pour prendre deux piaules, je t’y invite. Je rage. Fulmine. Mâchouille l’intérieur de ma joue. Trépigne quand j’ai la sensation que mon cœur bat jusqu’à ma tempe – se mêle à la brûlure de l’arcade. T’es qui ? ritournelle qui tourne en rond dans la cabèche. Quand je la regarde, à la Fille, je ne vois rien d’autre que quelque chose de visuellement optimisé. J’vois plus personne. J’vois les Autres. Ceux qui me mentent pour se servir de moi. Je crois que Rose était un peu comme toi, en fait. Et toutes les autres femmes qui ont composé ma vie. Alors je sais, Pecnode, que tu n’es pas quelqu’un de bien. Tu es quelqu’un d’intéressé qui joue assez bien la comédie pour faire passer ça pour quelque chose d’inconditionnel. Tu pourrais avoir un bel Award. J’crois que t’es la meilleure que j’ai rencontré. Mais pourquoi tu me dis la vérité, maintenant hein ? Juste sur ton connard de prénom de merde ? Elles sont où tes vérités suivantes ? Parce que tu veux quoi là ? Un truc plus personnel de moi ? Tu tentes de te racheter une conscience ? T’as de plus en plus de mal à te mater dans un miroir ? Et elle vient me toucher, la Fille. Ca m’arrache un soupir ténu, neutre – un soupir reste un soupir. Ne-me-touche-plus-jamais. Et je comprends, ouais, je comprends que c’est parce que j’ai parlé de se connaître. Que c’est pour ça qu’elle me livre une petite pièce de son puzzle minable. Un bout d’elle. Un prénom – un autre faux, très probablement. Surement pour que je fasse pareil. Que je me livre aussi. Et après ça sera plus simple de me planter un couteau dans le dos ? Et ça dérive salement, dans la tronche. Les scénarios se noircissent alors que je la fixe sans causer. L’œil hagard. Paumé dans les méandres de la psyché. J’sais pas combien de temps ça dure… J’sais juste que vient le moment où il faut que je respire parce que j’ai complètement oublié de le faire.

Le torse se secoue dans un frisson survivant. Les lippes s’ouvrent pour inspirer bruyamment – crachent une toux grasse qui me fait tourner la face un instant. Je capte que la clope est finie. La cendre s’est échouée sur la moquette. L’a tâché et peut-être un peu cramé. – Merde, que je murmure en y passant le pied dessus. En reviens rapidement à la Fille. Toujours là. Fidèle au poste. Foutaise déguisée en jolie Fille.Ok… Ok Fau… Je me mords la langue. Détourne les mirettes pour me concentrer sur un bout de mur. Sur la tapisserie moche et son angle qui se décolle lentement. Depuis quand c’est comme ça, tu crois ?Ok, que je reprends plus fermement. On va faire comme ça. On verra ce que ça donne. Des mensonges. Je laisse passer quelques secondes. Juste le temps de pouvoir bouger – de pouvoir bouger sans que ma première pensée ne soit d’assommer la Fille. Je vais choper une clope, la colle aux lèvres tout en faisant mon sac – en m’habillant rapidement. Elle est à peine consumée lorsque je suis prêt. Lorsque je balance un vague : - Moscou, nous voilà, d’un timbre si plat qu’il pourrait être tiré d’une bande son de mauvaise qualité. J’ouvre la porte à Pecnode. Pecnode passe. Je la suis jusqu’à la caisse. Insiste pour conduire malgré mon arcade – et parce que je préfères, je me fais confiance à moi.

La route est longue, jusqu’à Moscou. Interminable, il me semble. Dans un souci de sécurité, j’aurais dû faire plus de détour et d’arrêt que ce que j’en fais là. Choisi, stupidement, le chemin le plus court, ne coupe par aucune ville, et ne m’arrête que sur une aire d’autoroute pour prendre un café dans un distributeur. Il est dégueulasse, mais il fait l’affaire pour me faire tenir. Je justifie mon entrain par les 18 heures de sommeil. Conseille à la Pecnode de se reposer tant qu’elle peut le faire – de toute façon je ne peux pas l’abandonner dans la caisse avec la caisse. Alors, il nous faut seulement 6h pour rejoindre Moscou l’emmurée. Une merde incommensurable pour y entrer. On nous mate les paluches, on nous dit d’aller au putain de Commissariat pour prévenir de notre arrivée. On se regarde un peu paumé – moi j’ai juste envie d’envoyer chier tout ce beau monde. N’en joue que rarement, mais sors la carte qui indique que j’suis sourd et muet, manière qu’on me laisse tranquille. Mais j’suis capable de tomber sur un connard qui sait signer – qui nous demande encore de faire un détour par la Commissariat. Et il comprend pas, ce connard, pourquoi on a pas été identifié. Et je comprends encore moins ce que ça veut dire – comprend pas pourquoi il faudrait qu’on soit identifié parce qu’on est pas du bétail, à ce que je sache. Dans une mauvaise foi absolue, je demande à becter avant de faire la moindre putain d’identification. C’est la première fois de ma vie qu’on me demande ça bordel de merde. Veux choper un troquet minable dans une rue populaire où j’engloutirais plus que ce que je ne savourais. Puis je rêve de digérer le tout avec un bon litron de vin. Mais la requête m’est refusée. Mes traits se tirent. Les signes commencent à monter. La querelle est silencieuse mais suffisante pour qu’on finisse par y être escorté, au Commissariat. Le connard reste avec moi, sur l’arrière, quand on passe derrière un guichet spécifique. Des dossiers avec l’appellation BDS le recouvrent. Puis j’sais pas, c’est plutôt rapide. Le bureau, ces types ; les questions bizarres qu’ils nous posent. On nous demande nos espèces et je dois faire un effort surhumain pour ne pas tiquer avant qu’on me le signe. J’aimerais leur répondre que je suis un homme et rajouter qu’ils sont très cons mais je crois que Pecnode le dit avant moi – sans la vulgarité qui m’aurait caractérisé. Ca rigole pas, ça reste sérieux. Ca nous cause d’infraction et de ce qu’on pourrait risquer à force de s’enliser dans le mensonge. Je me lève brusquement. Clame l’humanité quand on me demande de me calmer et de me rasseoir. Je refuse. On me laisse debout. – Ipsolin, que ça annonce. Le poignet est bloqué sur la table quand les prunelles s’écarquillent. – Bougez pas, qu’on ordonne quand un type tâtonne la crosse de son gun pour m’intimer de rester sage. Trois poinçons à l’aiguille indélébile que je regarde percer la chair d’un air abruti. C’est la marque de mon inhumanité ? Qu’est ce que je suis ?Poroniec, que ça s’exclame à l’autre bout de la table. Et Pecnode a le droit au même traitement que moi. Au poignet bloqué et au poinçons tatoués. On lui cause d’une puce. On lui cause de trucs bizarres quand j’ai la sensation que je suis dans un putain de cauchemar – que je ne me suis en fait jamais réveillé de mes 18 heures de sommeil. – Vous serez transféré au quartier haute sécurité, que ça lui récite comme un texte de loi chiant. Vous n’avez pas accès au quartier Mortel. Vos repas seront délivrés à la Boucherie du Pont. Vous avez obligation de vous y rentre une fois par semaine. A chaque non présentation nous nous réservons le droit de vous interpeller pour vous demander comment vous vous êtes nourri. Qu'est ce que c'est que ces conneries ?

Les informations s’enchainent et les prunelles dérivent. Chavirent. Je me sens mal. – Ca va Monsieur ? Vous êtes bien blanc. – Je crois que j’ai besoin de prendre l’air, gesticulé-je en titubant légèrement. Le cœur palpite. Bombarde la cage thoracique à la fréquence d’un champ de mines – je viens de foutre le pied sur une bombe qui a déclenché toutes les autres. Et on me demande dans quel quartier je vais vivre. Ce qu’ils doivent noter sur mon putain de dossier. J’dis – Je sais pas. Je me reprends – Pareil qu’elle. J’imagine.Zamoskvoretchiye, quartier haute sécurité, que je l’entends balancé à haute voix. Comment ça haute sécurité ?Il sait qu’il a le choix ? que s’interroge un des flics quand l’autre connard me le signe. J’hoche la tête. Je réponds que oui alors que non, j’en sais foutrement rien. C’est quoi mes autres choix ? C’est pire où c’est mieux ? Je ferme ma gueule quand je capte que c’est le moment où on nous laisse sortir. Pucé, poinçonné mais pas vacciné. Et ils ne nous laisse pas sur la palier. Pas juste là, sur les marches, dans l’espoir qu’on puisse se barrer maintenant qu’on sait qu’on s’est planté dans la destination – que Moscou ce n’était finalement pas une bonne idée. Non. On nous y amène à Zamoskvoretchiye. Dans une voiture banalisée. A l’arrière, comme deux truands… Avec un fond de musique des Bee Gees, Stayin’ Alive. C’est une blague. Je coule un regard sur Pecnode, prostrée dans un coin – si elle pouvait fusionner avec la portière de la caisse je crois que ça l’arrangerait. Je crois que moi aussi, si je pouvais fusionner avec la portière ça m’arracherait.

Quand ils s’arrêtent, il nous explique qu’on n’a exceptionnellement pas été fouillé parce qu’ils étaient là. Ah ? On doit vous dire merci pour nous avoir épargné le toucher rectal ? Paraît que ça sera systématique – avec une nuance pour Pecnode parce qu’elle aura droit, elle, à une fouille au corps un peu plus musclée que moi. Je saisi toujours pas pourquoi – ose penser que c’est parce qu’elle bouffe des morts qu’elle est si peu considérée. Dans une violente bouffée de rage j’ai envie de lui cracher Tu vois que j’ai toutes les raisons du monde d’être dégoûté de toi, j’espère que t’as honte. Tout ça c’est ta faute ! Mais j’extériorise pas. Non. Parce que ça serait bas, méchant et gratuit et que je sais que tout ça, ce n’est pas sa faute. Pecnode elle serait restée sagement à Mejdouretchensk si j’étais pas entré dans sa vie – si elle ne m’avait pas flingué l’épaule et choisi de me suivre. Puis Pecnode, elle a déjà honte, ça se lit sur ses traits. Sur son visage qui se tord et sur ses prunelles rougies. On lui explique vaguement pour aller se chercher à manger, je crois. Ca fait un peu des gestes qui ne veulent rien dire et, enfin, on revient à moi pour me signer que, pour le 4x4, je pourrais venir le récupérer quand je veux. J’acquiesce. Je m’en fous. On nous laisse là, comme deux pauvres merde au milieu d’un trottoir avec nos valises, nos papiers et nos yeux pour chialer.

Me semble qu’on reste des heures, comme des cons, à se fixer sans bouger. Juste comme ça. J’sais pas, comme si on cherchait dans l’autre une réponse débile – la réponse à nos questions muettes. Mais je ne vois rien dans les biles claires de Pecnode. Je ne vois pas ce que c’est qu’est un Ipsolin, encore moins ce qu’est un Poroniec. Je vois juste deux personnes qui se trouvent dans un quartier de haute sécurité surnaturelle et que ce n’était peut-être pas que des merdes ce que le vieux chaman m’a dit, il y a quelques mois de ça. Il avait employé le même terme et j’avais ris en pensant qu’il sortait ça d’un conte pour enfant. Et je dodeline de la gueule. Et je fini par me mouvoir dans la douleur de mes muscles qui se contractent. Dans une nervosité que je ne saurais exprimer – verbaliser. La première façade qui a un luminaire qui se targue d’être un hôtel est choisi. Y a de la donzelle dans tous les sens. Le genre qui se trémousse un peu trop aux bras d’homme bedonnant. Ca sent le sperme jusque dans le hall – cet hôtel est clairement un hôtel de passe. Un peu plus tôt, j’aurais eu le cœur à prendre deux piaules pour qu’on apprenne à se connaitre très séparément avec Pecnode mais là, je ne demande qu’une chambre dans un mouvement très approximatif. C’est suffisant à la taulière qui se dandine pour regarder par-dessus mon épaule. – Oh ! C’est une petite nouvelle ? J’te connais pas Chérie, bienvenue chez toi, qu’elle ricane en pensant que Pecnode est une pute et moi un client. – Il vous faut la chambre pour combien d’heures ? Je reste un peu pantois. Lui coule un regard torve. Arrive un moment où même faire semblant de pas entendre des conneries ça devient difficile. Je pose un billet sur le comptoir. Elle siffle, la taulière, en enfonçant le billet dans son décolleté tombant. – Et bien mon mignon, t’es un gaillard. Elle se penche un peu pour jeter un clin d’œil complice à Pecnode. – Si c’est ton premier client t’as pas pris le plus facile. Il vient de payer pour la nuit, Chérie. J'espère pour toi qu'il est pas monté comme il est grand…

J’achoppe le poignet de Pecnode quand ça commence à pouffer gras. Monte les marches baignées par un néon rougeâtre – ambiance tamisé. M’engouffre dans le couloir étroit. Ouvre la porte qui nous est dédiée. Ne trouve dans la piaule que le strict minimum – un lit, une télévision sans antenne, un téléphone pas branché, une salle de bains précaire et la fragrance d’une partie de baise qui n’est pas la nôtre. Je balance violement la valise que je tiens. Elle explose dans une gerbe de fringues – dans une couverture en peau d’ours. Et je m’arrête plus. Blackout. Surenchère de destruction massive. Après la valise, c’est le lit qui est retourné dans un fracas colossal. Il est retourné jusqu’au sommier. S’éclate dans un mur à en trouer le placo. Les voisins de chambré – ceux qu’on entendait consommer – s’arrêtent subitement. En même temps que la table de chevet qui traverse la pièce. Que la tv passe par la fenêtre. Et je crois que ça frappe à la porte. Que ça gueule à côté. J’sais pas si c’est Pecnode ou si c’est les autres. J’sais pas et je m’en fous. Ouais. Je m’en fous. Laissez-moi être un monstre.



Couleurs des Dialogues:


©️crack in time
  Mar 15 Oct - 0:11
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( Cage me like an animal, eat me like a cannibal
ft. @B. Brutal Ayaz )
Je me souviens. Je me souviens de ce matin-là, du vent et du froid. Sourire étirant la commissure des lèvres. Elle m'a regardé en lançant des banalités. Elle a dit ma fille et c'était une journée comme toutes les autres. Pourtant, ouais, pourtant, elle les a laissé rentrer. Elle les a laissé m'emmener. Ma mère, elle n'a pas demandé pardon, n'a pas dit qu'elle était désolée, non. Elle est restée là, plantée sur le seuil à maintenir la porte pour ne pas qu'elle se referme dans un claquement. Elle n'a soutenu aucun de mes regards, ma mère, s'est contenté de hocher la tête quand on lui a remis un papier puis de verrouiller la porte d'entrée. Je me souviens de l'incompréhension et des sentiments dégueulasses que ça m'a faire ressentir. Je me suis demandée pourquoi, ce que j'avais bien pu faire de mal pour mériter ça. Et peut-être que c'est seulement parce que je suis née, que mon père nous a abandonné. Ouais, peut-être qu'elle m'en a toujours voulu, qu'elle ne m'a jamais aimé, qu'elle a menti, ouais, menti toutes ces années. On ne m'aime pas, moi. On me tolère, on s'entiche de ma chair, de ma chatte et de mes nibards mais c'est tout ce qu'on aime chez moi. Je crois qu'il n'y a rien à aimer, pas d'esprit vivace, d'intelligence hors du commun. Il n'y a qu'une façade qu'on reluque, qu'on apprécie, qu'on visite et qu'on oublie. Tu feras pareil, Brutal, quand tu apprendras à me connaître, quand tu ne verras rien d'intéressant sous les courbes, ces courbes que tu ne touches pas, jamais vraiment. Le fil de la confiance craque et s'étiole. Cette confiance que j'ai placée en ce nous qui n'existera jamais parce qu'il soupire, Brutal, quand la paume rencontre le bout de peau. Et il ne dit rien. Ne revient sur rien, balaye ça comme si c'était des conneries, des mots sans importance. Comme si je n'étais rien et que mes paroles n'avaient pas la moindre valeur. Je me fige et romps le contact, laisse ma menotte retomber le long de mon corps. Il bouge et parle et je reste là, absente à une réalité qui me bousille. J'ai envie de lui dire que non, j'ai changé d'avis, je ne veux pas y aller, à Moscou. Je veux m'en aller. Je ne sais pas où, mais quelque part, où il n'y aura pas toi. Parce que j'ai compris, Brutal. J'ai compris qu'il n'y a rien à connaître, que tu n'en as pas envie, que tu t'en fous, que tu me traînes comme tu le fais avec ta mallette, que je ne suis rien qu'un objet qu'on déplace par peur que quelqu'un le casse et qu'on t'accuse ou que tu t'accuses. J'en sais rien putain. Les fringues sont ramassées, foutues dans le sac comme de vulgaires torchons. Je mets moins d'entrain, préfère aller pisser plutôt que de le voir s'agiter dans tous les sens. La porte se ferme et je ne sais pas, je ne sais pas pourquoi il y a cette douleur insane dans le poitrail, qui s'étend jusqu'aux côtes et au gosier. Tu t'attendais à quoi, Kah ? Tu voulais qu'il te prenne dans ses bras, qu'il t'embrasse, qu'il te rassure et te dise d'une voix mièvre que vous allez essayer de vous apprivoiser ? Mais pourquoi il ferait ça, Kah ? Pourquoi, quand tout ce qu'il a fait, lui, depuis le début, c'est te repousser ? Ne sois pas conne et arrêtes, arrêtes avant que ça ne te détruise et que tu t'enlises dans ce quelque chose qui est déjà en train de te buter.
Il insiste pour conduire, ne me regardera pas une seule fois durant le trajet. On s'arrête seulement pour pisser et pour boire un café. Moi je ne prends rien, n'ai envie de rien. Je reste silencieuse, regarde les kilomètres défilés en me rongeant les ongles et en bouffant même la peau autour. Je fume pour occuper les mains et la bouche, regrette de ne pas avoir pris une bouteille d'alcool pour pouvoir me la siffler égoïstement. Je n'arrive pas à fermer l’œil, parce que dès que je le fais, les cauchemars me grignotent. Ceux où tu m'abandonnes comme ils le font tous.
Je compte les voitures, celles qui sont rouges, m'arrête après une cinquantaine de véhicules. Les mirettes ont cessé de le regarder, préfèrent s'égarer sur le lointain et sur Moscou, sans savoir pourquoi il faut que l'on aille là-bas. Sans doute pour que personne ne vous retrouve, connasse. Et le trajet me paraît atrocement long si bien que je suis soulagée lorsque l'on débarque enfin dans cette ville de tarés qui a érigé ses propres murs et barrières de sécurité. On nous sort de la caisse, il faut montrer patte blanche et passeport et décliner son identité dans un mensonge appris par cœur. Je n'entrave rien de ce qui se passe, ne pige que dalle à cette histoire de commissariat et pourquoi on me touche. Je retire violemment les mains, me fais immédiatement rappeler à l'ordre d'un ton grave. Il n'en faut pas plus pour que l'on soit escorté chez les poulets. Il y a des bruits partout, des bips stridents et des sonneries de téléphone. On nous pose des questions, des inutiles et des débiles, surtout quand on demande notre espèce. -De toute évidence des humains, pas des chiens que je crache, incapable de supporter les regards et les mots à notre égard. Et tout va trop vite par après, je comprends sopalin, quand on le maintient et qu'on le marque comme un putain de bovidé. Je reste sans voix, comprends assez vite que je vais subir le même sort. Je me débats dans un premier temps, dans un mouvement d'épaules et on froisse mes reins, me force à me courber pour qu'on imprime à ma peau ce que je suis à leurs yeux. Une poroniec. Je pourrais en rire, m'imaginer à mi-chemin entre un porc et un fennec, mais je ne ris pas. Le type me regarde avec dédain, crache ses lois avec lesquelles j'ai envie de l'étouffer. -Vous devez porter cette puce en tout temps. En cas de contrôle, si celle-ci n'est pas en votre possession, vous serez en infraction. Et il me cause d'autres choses, de prison, de droits, de bouffe, de boucherie. Ils savent, que je me pense, de plus en plus mal à l'aise, sursaute quand la puce est injectée sous le derme. J'ai envie de partir, de faire demi-tour, prétexte une envie de pisser qu'on ne m'accorde pas avant de me foutre dans une caisse en compagnie d'un surnaturel comme moi. Mais toi, on t'a demandé où tu voulais vivre, quand on m'a assigné à un quartier en particulier, celui hautement surveillé pour que je ne puisse plus jamais me tirer. Tu le savais, pas vrai ? Tu savais qu'ils feraient ça, que tu allais pouvoir te tirer sans même que je ne puisse une seule seconde te suivre, par pseudo-amour ou putain de connerie. Je me sens trahie, trahie vraiment pour la seconde fois de ma vie. La première, c'était ma mère et tu vois, je ne pensais pas ça possible qu'on puisse me faire aussi mal. Mais j'avais tort.

Je reste muette, enfermée dans un silence qui me salope le crâne. La psyché déraille, remue la chiasse comme pour s'assurer que ça sentira bien mauvais pendant encore longtemps. Je lui en veux, à Brutal. Lui en veux de nous avoir emmené ici, d'être ici avec lui, d'être un connard de sourd et muet aux yeux des autres. Ouais, je lui en veux. Et tu devrais être content, je crois que je vais réussir à te détester. Je le fuis, me colle à ma portière, tente même de l'ouvrir dans l'idée folle de sauter de la caisse pour m'arracher la gueule. Il y a le nom qui résonne dans la boîte crânienne poroniec et je ne sais pas ce que c'est, ne pige pas ce que ça veut dire et pourquoi on m'enferme moi quand je n'ai rien fait, putain, rien fait de mal. Pas encore, me souffle l'encéphale. Le front se cogne sur la vitre, laisse le froid envahir le carne dans l'espoir que ça puisse anesthésier psyché et synapses. Je me renferme, n'écoute rien, rien d'autres que les pulsations qui se répandent à mes esgourdes comme du putain de poison. Le type annonce d'une voix monocorde où je vais pouvoir trouver ma nourriture, balance sa paluche vers la droite et indique le chemin, me rappelle mon nouveau quotidien, celui d'une putain de dangerosité. Je sors très vite de la caisse quand la portière se déverrouille, respire l'air vicié de ce quartier, manque de dégueuler dans une entrée en matière sublimée. Je déteste cette ville, je déteste ce nom qu'ils m'ont donné, je déteste cette puce et ce tatouage forcé. Je te déteste toi, autant que je me déteste moi, par la même occasion. J'ai envie de chialer, de tuer des gens juste pour leur prouver qu'ils ont raison. Les gyrophares s'éloignent, nous laissent-là, paumés dans un endroit dont on ne connaît rien. Est-ce que t'es content, Brutal ? C'est que tu voulais ? Un joli tatouage qui te rappelle qui tu es, ce que tu ne veux pas être, parce que tu n'avais pas prévu ça, connard ? Tu n'avais pas prévu qu'on te passe au scan, qu'on te colle une étiquette sur le front, une verte pour dire que toi, c'est ok, t'es libre de circuler avec MON putain de 4x4. Je le regarde parce qu'il me regarde, n'ai jamais appris à lire dans le regard de l'autre et suis bien contente de ne pas savoir ce qui se trame dans sa cabèche. Parce que je m'en fous, je crois, de toi, de ce que tu penses. Je m'en fous, parce que regarde ce que tu m'as fait, à moi. Mais même ça, je crois qu'il s'en fout, qu'il est comme moi, qu'il ne pense qu'à ce truc dégueulasse qui marque son poignet comme s'il était affecté à un putain de troupeau. J'ai presque envie de lui dire que c'est bien fait pour lui, ça, ne dis pourtant rien, incapable de prononcer le moindre mot sans éclater en sanglots. Je la regarde, ma vie et je n'y trouve rien, n'y trouve que du vide. Parce que c'est toujours pareil, personne ne sait qui je suis, personne ne peut pleurer quelqu'un qui n'existe pas ou plus, quelqu'un qui a disparu, probablement morte aux yeux de tous, là-bas, dans mon Alaska. Il bouge, le mâle et je tarde à lui emboîter le pas, voudrais partir en sens inverse pour le laisser face à ses propres démons qu'il a invoqué tout seul, comme un grand. Mais je le suis, comme une débile, n'aide pas quand il faut prendre une chambre, ne bouge même pas le petit doigt quand il est question de payer, ne crache aucune insulte à cette grosse putain qui a des airs de tenancière de bordel. Et pourtant, tu les mériterais, avec ton gras et tes nichons qui dégueulent de ton corset. Le poignet se retire de sa paluche après quelques pas. Amas de chair qui se déplace jusqu'à une chambre, celle qu'on va devoir partager en érigeant des barrières au milieu du lit pour être sûr qu'on ne se touche pas. Parce que je crois que c'est bon, qu'on a appris à se connaître là, tu vois, dans nos galères et que t'as raison, ouais, t'as raison de ne pas vouloir en savoir plus.

La porte se referme et Brutal déraille, animal. Il gronde, balance sa valise et retourne le reste, détruit la chambre, piétine tout ce qui s'y trouve. Et moi, je ne bouge pas, reste dans un coin, le regarde faire dans une fascination profondément malsaine. Je regarde avec quelle force, tu nous as foutu en l'air et tu images parfaitement ça, dans ton pétage de câble. Les voisins s'agitent et cognent dans la pièce d'à côté, après des minutes ou secondes, on tape à la porte, c'est l'autre pute avec ses boucles sur le crâne qui exige qu'on lui ouvre. Lui, il n'entend rien, il préfère broyer ce qui reste de meubles et de fausses décorations. Je me déplace ouvre la porte à la volée quand l'autre chienne beugle qu'elle va nous balancer. Nous balancer de quoi, vieille pute ? La menotte se niche à sa gorge grasse, la force à reculer jusqu'à ce que l'occiput percute la porte voisine. -Tu vas surtout fermer ta grande gueule de mal baisée et tu vas retourner sagement derrière ton comptoir pour compter les billets de toutes les putes qui traînent dans ton putain d'hôtel de merde, tu comprends ce que j'te dis ? Elle avale sa salive de travers, acquiesce surtout pour que je la lâche quand un client demande ce qui se passe. Les pupilles se dilatent et la faim se fait violente dans le bide, aussi déchirante qu'un coup de poignard. Les mâchoires craquent et les petites dents se pointent. Elles claquent dans le vide, juste à côté de sa joue pendante. Les mains de la conne se lèvent et personne ne bouge. Je fais demi-tour, referme la porte dans un claquement puissant, ravale l'autre dans un grondement. Et il est là, Brutal, le myocarde défonçant les parois de sa cage, la respiration en berne comme s'il venait de courir un putain de marathon. -C'est bon, t'es content ? Tu voulais qu'on se fasse remarquer dès le début ? Tu t'attendais à quoi, qu'on m'enferme juste moi, qu'on me tatoue comme du bétail et qu'on me puce comme un putain de clébard sans qu'ils ne te fassent rien à toi ? Et tu veux déjà que je termine en taule ? C'est quoi ton putain de problème, Brutal ? C'est toi qui nous as amenés ici, et tu savais, tu savais putain pourquoi cette ville était emmurée, pas vrai et t'as rien dit. Ouais, t'as laissé faire, t'as beuglé que t'étais humain, juste toi, pas nous. Pas nous. -On vient de t'annoncer que t'étais inoffensif, que tu pouvais te balader partout et conduire mon 4x4 comme s'il n'était qu'à toi. Ouais, ils t'ont foutu une grosse étiquette verte sur la gueule en disant que c'est OK, que tu peux circuler, alors merde, tu exploses parce qu'on t'a donné un nom de merde ? Beuglé-je. J'ai envie de le cogner, de l'insulter, d'évacuer ma rage, mais tout crève quand je cogne et vois le contenu de la valise. Pourquoi tu l'as gardé ? Pourquoi, putain, pourquoi ? Un souffle sec s'échappe de mes nasaux et je me pince l'arête du nez, tente de reprendre plus calmement. -Calme-toi, on doit juste, ouais, juste réfléchir à comment sortir d'ici. En fait non, à comment je vais sortir d'ici, parce qu'il me semble que c'est moi, qui suis emmurée contrairement à toi. Je glisse le long d'un mur, pose mon cul par terre, au milieu des débris de la pièce. Les mains sur la gueule, les guibolles tremblent, de rage et de peur. T'es égoïste. T'es égoïste et tu ne regardes que ton propre petit nombril. Tu dégueules ta rage incontrôlable parce qu'il n'y a que toi qui compte et ce que pensent les autres. Il est beau, ton discours sur le fait de ne laisser personne me dire qui je suis et ce que je dois être. Ouais, ils sont beaux, tes mensonges.
Je ravale ma bile, sors une clope à défaut de prendre la tangente. J'ai envie de te planter au beau milieu de ton bordel, que tu restes seul avec tout ce que tu t'es fait à toi en plus de me le faire à moi. Ouais, j'ai envie de prendre cette porte et de ne plus revenir, de faire comme si tu n'avais été qu'un mirage pendant tout ce temps, qu'un truc beau que j'ai voulu me raconter pour me bercer lors de mes cauchemars. M'en aller, m'arrimer à un bar et boire jusqu'à ce que je tombe en arrière, le regard dans le vague, la tronche embrumée. Boire pour oublier. Oublier que je suis conne à rester quand toi, tu as tout fait pour te tirer. Je veux juste tout oublier. Oublier ce qui me tord le bide. Je me sens seule et paumée. J'ai honte, frotte le tatouage et irrite encore plus la peau. Je suis un monstre. Je lui ai fait peur, à la grognasse. J'ai montré les dents et elle est devenue si pâle, presque transparente et personne a bougé, tu sais, personne. Ils m'ont regardé, interloqués, comme si j'étais la première qu'ils voyaient et je ne le vis pas bien, ça, tu vois. Je ne le vis pas bien, mais on s'en fout de moi. On reste un moment dans notre silence, à fumer ou à fulminer, à entendre les meufs gueuler leur plaisir et les mecs à le cracher dans des râles immondes. Je me lève, me fraye un chemin dans les décombres, tire sur le matelas pour le foutre à même le sol. Les phalanges s'égarent sur le doux de la peau, celle offerte il y a une éternité, il me semble. Je voudrais lui demander pourquoi tu l'as gardé, pourquoi si rien ne compte pour toi ? Je m'allonge sans rien dire, garde mes fringues sur le cul, attrape un bout d'oreiller dont la mousse pendouille pour le mettre en boule. -Viens te coucher, que je lance, d'une petite voix, après plusieurs minutes. J'attends qu'il finisse par s'exécuter par dépit ou choix, je n'en sais trop rien. Je lui laisse son espace, m'empêche de me coller à lui ou de le toucher, glisse les phalanges à mon bide, là où la mort insidieuse s'est propagé avant de disparaître. C'est ça, notre différence, Brutal. Les gens, tu les soignes pendant que moi, je les mange. Je me fous sur le flanc, me tourne dans sa direction, le fixe lui et un peu derrière, là où il y a un renfoncement dans le placo. Pourquoi on est ici ?

******

Je crois que je dors un peu, mais je sais que je dors surtout très mal. Je rêve de cette puce qui se balade, qui émet ses ondes captées par un radar. Les mauvais rêves se superposent aux peurs les plus enfantines, du monstre sous le lit à l'abandon. Je me vois courir dans un labyrinthe qui ne prend jamais fin, duquel je suis incapable de sortir alors que l'eau commence à monter pour me noyer.
Réveil.
Je suffoque, me redresse brutalement, la gueule en nage. Ça me fait tituber jusqu'à la salle de bains pour me passer de la flotte sur le visage, avant de boire goulûment au robinet comme si je n'avais pas bu depuis des jours. Et je les entends, nos nouveaux voisins. Ça couine et ça tape dans le mur à un rythme régulier sous les cris de la fille qui simule dans des vocalises ridicules. Ça me fait soupirer, retrouver le chemin du pieu. Je crois qu'il dort, me poste devant la fenêtre pour fumer une clope. Les larmes dégoulinent, silencieuses pendant que les prunelles errent sur le dehors. Ce dehors qui schlingue la pisse, la merde et le foutre. On les entend brailler au loin, les connards. Ce quartier ne dort jamais. Je le vois se lever, le soleil, teinter le ciel de ses nuances. Les rayons se faufilent jusqu'à son visage. Je ne sais plus, Brutal, si je dois te détester ou non. Si je suis la victime de ta trahison. Un jour, tu me hais, l'autre, tu te faufiles entre mes cuisses, celui d'après tu penses me tuer pour finalement me faire l'amour. Tu t'en vas et tu reviens, tu me regardes avec dégoût, mais tu prends soin de moi quand rien ne va. Tu souffles le chaud et le froid depuis le début et je ne sais pas ce que tu veux, peut-être que tu ne le sais pas toi-même. Ouais, tu n'en sais rien. Je sors de la chambre, croise la connasse qui a fait nuit blanche pour empocher son fric. Elle me dévisage, lance un -je vois que tu lui as survécu, à ce grand brun. Pourquoi ? T'avais peur qu'il foute du sang partout sur tes murs ? Les mains dans les poches, je retrouve la venelle crasseuse. J'erre un peu, demande vite mon chemin pour trouver du café et de l'alcool. Surtout de l'alcool. Je repère un bar, pense m'y échouer jusqu'au soir, tourne les talons pour tomber sur une supérette qui vend de tout, des nouilles, aux protections hygiéniques. Je reviens assez vite, les pattes chargées de caféine, de nicotine et de poison en bouteille. Je commence raisonnablement par le café et la clope en attendant qu'il se réveille. Le sien est posé au sol, à même hauteur que sa trogne. Je crois que c'est l'odeur qui le tire de son sommeil. Bienvenue en enfer.
Il bouge et vit pendant que je regarde dehors, appréhendant cette nouvelle vie contraignante. Ça veut dire qu'ici, il y a tout un tas de gens qui sont aussi dangereux que moi et pire encore. Parce que je ne peux pas croire que je suis la pire. Tu nous as emmenés au pays des monstres. Alors je les reluque, tente de déterminer ce qu'ils sont, sans être capable de les classer, de les foutre dans des cases colorées. Parce que je ne sais même pas combien il en existe de différents. Ça m'emmerde vite, parce qu'à part dire que certain ont une gueule de truand, je suis incapable de déterminer qui parmi eux est comme moi. -Ça va ? Que je lui demande quand il apparaît dans mon champ de vision. Mais ouais, ça va parfaitement, Kah. Vous êtes emmurés comme deux cons, c'est génial, non ? Puis il va vachement te dire qu'il va mal. Et il dit que ouais, me ment sans doute parce que non, ça ne peut pas aller. -On va partir d'ici, que j'assure, cherche à me convaincre moi-même. -Il nous faut juste... Du fric, ouais, le monde est corruptible, on trouvera bien un moyen de payer le bon type et... On n'en a pas, du fric. Pas assez. Je vais devoir servir des connards et sourire parce que quelque chose me dit, qu'on n'a pas le droit de chasser, par ici.



( Pando )
( TWISTY.RAIN )
  Mar 15 Oct - 18:33
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B. Brutal Ayaz
MONSTER UNDER YOUR BED
B. Brutal Ayaz
Impétuosité : 164
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CAGE ME LIKE AN ANIMAL, EAT ME LIKE A CANNIBAL ft @K. FAUVE WARD

Go row the boat to safer grounds but don't you know we're stronger now. My heart still beats and my skin still feels ; my lungs still breathe, my mind still fears. [...] There's blood on your lies. The sky's open wide. There is nowhere for you to hide. The hunter's moon is shining.

Je m’arrête quand il n’y a plus rien à détruire. Plus de matériel. Quand tout est éventré comme ma vie – mis en lambeaux. Qu’il ne reste que des miettes, des copeaux, des bouts, des lamelles et de la poussière. Quand j’envisage de m’attaquer aux murs, aux vitres, au lavabo, aux chiottes et à la douche. Quand j’estime que, tout ce qui peut m’arriver maintenant, ça ne peut pas être pire. Ouais, ça ne peut pas être pire que ce qu’il vient de nous arriver là. Et je pèse le pour et le contre – savoir sur quoi me jeter, un truc qui serait satisfaisant de préférence. Sens dans le bide quelque chose gronder. Quelque chose qui est différent de la faim. Quelque chose de plus animal – un instinct primaire vivace qui fait remonter au nase une vague fragrance de steppes fraiches. Ca me donne froid. Froid en dedans – mais c’est un froid réconfortant et enveloppant, comme si j’avais passé ma vie dedans. Et je me concentre sur ça, les poings serrés et la respiration frénétique. Je me concentre sur cette sensation étrange et familière. Puis sur la voix de la Fille qui perce. Mais elle perce de façon beaucoup plus désagréable. Me fait relever le museau dans un grondement bestial. Tu te fous de ma gueule ?! que j’ai envie de beugler en sachant par avance que ça va rester coincer dans la gueule. Et ça fait remonter la rage, le ressentiment dégueulasse. Le sombre des pensées et les miasmes qui l’accompagne. Ca me fait la foudroyer du regard dans les accusations qu’elle me porte. Parce que tu penses vraiment que je me serais donné autant de mal pour me débarrasser de toi sale conne ? Tu penses vraiment que j’aurais risqué ma putain d’intégrité juste pour le plaisir de te voir te faire tatouer trois points sur la main ? J’ai envie de la crever. De m’acharner sur elle. D’exploser sa tête dans un mur – de plonger mes phalanges dans son visage trop parfait pour être vrai. De lui démolir son arc de cupidon avec son arc trop fascinant. De la fracasser jusqu’à ce que la seule chose qui ferait qu’on pourrait la reconnaître, ce soit le reste de ses tatouages sur son corps. Et la pulsion est assassine lorsque je fais un pas en avant. Je peine à me rappeler que j’ai une puce qui m’en empêche, de lui faire tout ce dont je rêve. Je me rappelle que ça serait terrible – que ça serait un meurtre. Je me rappelle que sa vie m’était importante la veille et, derrière ça. Derrière la violence de ses mots, la froideur de son regard et l’amertume de ses traits je me souviens de nous. De ce parcourt débile et improbable qui nous amené jusque-là. Je me souviens de toutes ces fois où sa présence m’a dérangé, où je lui ai demandé de partir mais qu’elle est restée. Je me souviens de l’aide qu’elle m’a proposé pour me libérer des Tigres d’Arkan, des solutions qu’elle a élaborées et du corps qu’elle m’a aidé à enterrer. Je me souviens qu’elle aurait pu me balancer, à de nombreuses reprises, mais qu’elle ne l’a jamais fait. Qu’elle a eu mille et une occasions de s’énerver contre moi, de me dire les pires trucs au monde mais qu’elle a toujours fermé sa gueule, la Pecnode. Je me souviens ne jamais m’être privé de lui faire du mal pour me décharger des frustrations de la vie – je me souviens qu’aucun être humain n’est fait pour supporter ça. Mais nous ne sommes pas vraiment des humains, pas vrai ?

Et on reste là, comme on est resté sur le trottoir, à se regarder en chien de faïence. Deux hères dans une piaule défoncée par la colère. Le palpitant se tempère après des minutes qui doivent se transformer en heure. Pecnode fume quand je suis bien incapable de faire quoi que se soit. Je ne bouge que pour me laisser glisser contre un mur. Enfouir ma gueule entre mes genoux et la faire disparaitre dans mes paluches. Le silence nous englobe. Un silence réhaussé de tous les bruits dans les chambres à côté. Les bruits de ses filles qui gueulent leur plaisir quand nous, on aimerait gueuler notre désespoir. Et je me sens vide. Horriblement vide. Pompé de toute mon énergie, de ma combativité – de ma haine même. J’en arrive à un stade où je n’en veux même plus à Pecnode de m’avoir dit qu’elle s’appelait Fauve, puis Kahsha – puis peut être que demain ça sera Samantha ou Anastasia ou Oustina tout ça pour que je ne la retrouve pas quand elle partira. J’arrive à trouver ça profondément insignifiant par rapport à ce qu’on est devenu depuis que nous sommes à Moscou – depuis pas longtemps mais ça me parait déjà être une éternité. Des monstres avec des noms et une classification. Puis maintenant je crois que nous ne pouvons compter que l’un sur l’autre, Pecnode. Va falloir que tu me les sorte tes vérités à la con si tu veux qu’on s’en sorte. Je réfléchis. Vaguement. Très vaguement. Commence à comprendre tous ces murs aux frontières et autour des quartiers. Saisi que les gens y sont enfermés selon leur niveau de dangerosité et me demande s’il est possible à ceux qui ne sont pas dangereux de se barrer au-delà de la Putain de Moscou. Une fois qu’on est répertorié, ouais. Une fois qu’on a notre dossier et qu’on peut savoir où on est, est-ce qu’on peut aller au-delà de tous ces murs pour fuir ? Pour fuir vraiment ? Est-ce que Pecnode est destinée à rester à Zamoskvoretchiye ? Est-ce que l’aventure se clôture là ? Dans cette chambre d’hôtel minable parce que, dans tous les cas, Pecnode y restera ? Y restera pour toujours ? Est-ce qu’on peut vraiment sortir ?

C’est elle qui me sort de ma torpeur. De mes angoisses qui gonflent sous la carne – dans le crâne. Je ne l’ai même pas entendu installer le matelas qui vomi sa mousse par un angle. La voit juste coucher dessus me proposer de la rejoindre. Elle semble s’être calmée, Pecnode. Le visage est moins blanc, moins crispé et contracté. Peut être que c’est de la résignation. Et de la fatigue. Il faut qu’on dorme dans l’espoir impossible que demain, lorsqu’on ouvrira les yeux, tout ça n’aura été qu’un putain de cauchemar. Un truc qu’on aurait fait en commun et dont on ne reparlera plus jamais. Je me traine à quatre pattes jusqu’à la Pecnode installée. Hésite à me foutre à poil mais, comme elle, décide finalement de garder mes fringues en voyant l’état du truc sur lequel on va s’assoupir. J’suis sur qu’on peut choper une MST juste on effleurant le tissu molletonné. Je râle dans un gargouillis claqué. Roule sur le flanc – fais gaffe à pas la toucher parce qu’elle s’est bien foutue dans un coin, Pecnode, et que les ressentiments doivent toujours être présent. Ceux qui m’accusent à tord de nous avoir trainé ici en sachant pertinemment comment on allait finir. Je dois la dégoûter – elle doit me trouver abject. Je lui en veux, je crois, d’être capable de penser ça. Je ne trouve pas ça juste pour moi mais, après tout, je n’ai rien fait de juste pour elle. Et on se fixe, ouais. On se fixe un moment. Recroquevillé sur nous même sans gigoter parce que, ça serait peut-être grave si on se touchait - comme si on avait une putain de maladie transmissible. Je ne sais pas ce que Pecnode cherche en moi, à ce moment précis – si c’est des réponses ou une sempiternelle approbation. Si elle me cherche des excuses minables sur ce qu’elle pense que je nous ai fait ou si elle ne sait pas par quelle insulte commencer. Si ça la satisfait de me voir si désemparé ou si ça ne lui fait rien, rien du tout juste du Vide et du Néant et de l’Indifférence. Si elle le voit, finalement, tout le mauvais qu’il y a en moi – si elle cherche le monstre, la bête, le diable derrière ma sale gueule. Derrière la barbe et l’arcade énorme. Si elle évalue comment elle me déteste – sur quelle échelle par rapport à son pire ennemi actuel. Si elle s’écœure de m’avoir fait confiance à un moment et d’avoir coucher avec moi quelque fois. Pendant que moi… Moi je me raccroche juste à son visage. A ces lignes et ces traits. A ces mèches de cheveux un peu folles qu’elle à partout autour d’elle comme un halo. A ces tâches de rousseaux qui s’éclatent en voie lactée sur sa peau. A sa respiration qu’elle laisse sortir par ses lippes entrouvertes – par le clignement régulier de ses paupières qui me berce jusqu’à ce que je m’endorme.

Nuit de merde. Je me réveille, souvent, dans une panique inexplicable. Remu sur le matelas difforme et rampe pour chopper la lumière avant de me rappeler que j’ai pété jusqu’aux ampoules, la veille. Reviens sur le lit où Fauve est en sueur. La contemple encore. M’apaise de son souffle avant de repartir dans le pays détestable des songes. Et les cauchemars sont nombreux et horribles. Me ramènent des mois en arrière sur ce banc, avec ce vieux chaman. Il n’est juste plus vraiment lui-même. La peau décharnée par le temps – putride et puante. Ses yeux sont blancs et vitreux. Il sourit quand les muscles flasques de sa mâchoire se déchirent pour laisser apparaitre une rangée de dents noires à travers ses joues. Le parfum y est atroce. Me prend aux tripes. – Va mourir, qu’il me dit en remuant dans un gargouillis humide – celui de sa gorge qui palpite. Et il répète, le vieux. Encore et encore et encore. Jusqu’à le hurler, qu’il faut que j’aille crever. Et il se lève comme pour avoir plus de poids sur la déclaration. Il me postillonne dessus – des postillons noirs et moisies et un ver à un moment aussi. Il tape du poing sur sa cuisse. Se démet le poignet. En rigole. Mais ce n’est pas drôle. Et il se tord la nuque sous l’hilarité. Se tapote son bide creusé. Je suis mort ? que j’aimerais lui demander. Mais il s’arrête subitement, le chaman estropié. Se redresse comme un automate. Le visage fermé et lisse et neutre. Il pointe du doigt quelque chose derrière moi. Je mets un temps interminable à me tourner. Ai peur de ce qui pourrait s’y trouver. Mais ce n’est que Pecnode qui tient un gobelet fumant, prunelle dans le vide. Kahsha qu’il y a écrit sur son verre nominatif. – Elle aussi. Quoi, elle aussi ?

Sursaut. Cœur paralysé. Il me fait ramener une main sur le torse. Palper et palper comme pour y faire reprendre sa mécanique. Il me faut un moment pour voir le godet à côté du plumard. Celui qui laisse s’échapper la chaleur et l’odeur d’un café frai. Le chope pour le boire d’une traite. Me lève, sans un mot, fouille les poches pour récupérer mes clopes à moitié écrasées par le poids d’une nuit terrible. J’en fume une. Puis deux, puis je crois que le paquet y passe. Je ne prends même pas la peine de sortir le briquet, sur la fin, allume la prochaine avec la dernière. C’est quand j’ai la sensation d’avoir un cendrier dans la gueule que je m’échappe dans la salle de bains pour me brosser les dents et pisser et me doucher. Ressors de là pour naviguer dans la piaule à la recherche d’un froc et d’un tee-shirt. Ne trouve qu’un froc à travers les débris et m’en satisfait pour le moment. M’avance vers la fenêtre pour voir la vue merdique que nous avons. M’arrête lorsqu’elle cause, la Pecnode. Pourquoi tu veux savoir si je vais bien ? Pour être sûre que je regrette bien mes choix ? Pour t’assurer que t’es pas la seule à souffrir ?Ca va, que je balance dans un mensonge. Ca se voit et ça se sent jusqu’à l’intonation de ma voix que c’est du flan. Je hausse une épaule. Suis plutôt surpris de la suite du discours. Hoquette, amer. – Va déjà me falloir une certaine somme pour rembourser tout ce que j’ai pété hier, que je murmure plus pour moi que pour elle. Ca va nous prendre des années pour corrompre des connards de Pecnots si tu veux mon avis. De toute façon, je ne suis même pas sûr qu’elle m’écoute, Pecnode. Je ne suis même pas sûr que ça l’intéresse, ce que j’aurais à lui répondre sur ces solutions féériques. Elle louche sur la rue. Accroche les prunelles aux passants dérangeants comme s’ils pouvaient lui expliquer, comme si c’était écrit sur leur face de cons – comme s’ils pouvaient résoudre ses problèmes. Tu veux savoir quoi ? Qui est plus dangereux que toi dans un quartier haute sécurité ? Probablement tout le monde Pecnode… Dans ta vie la chose la plus grave que t’ai faite c’est buter les chats et les chiens de tes voisins. Ici, pour qu’il y ait une Boucherie pour les gens de ton espèce, c’est qu’ils ont passé la cran au-dessus.Hey, que je murmure en lui effleurant le dos. Et comme elle me jette une œillade par-dessus son épaule, Pecnode, sans me dire d’aller me faire foutre – sans me menacer de me bouffer – la pulpe gratte au tee-shirt pour se faufiler au-dessous. La paume s’appose sur les reins. J’avais presque oublié que ta peau était si chaude et si douce. Ca me réchauffe le bide d’un truc bizarre. D’un truc que je mets de côté en caressant doucement les reins de Fauve. Kahsha. Pecnode. Ca me fait du bien, je crois. Puis ça m’empêche un peu de parler. Ca fait tomber les mirettes jusque sur mon bras. Je me raccroche à ça. A cette putain de sensation là. A cette sensation très humaine de deux personnes qui s’apprivoisent. A cet échange tactile même si je déteste ça, d’habitude… Mais… Mais c’est le truc le plus normal et le plus rassurant que j’ai fait depuis des jours et des mois… Même si je ne l’ai pas toujours su. Même si je ne l’ai pas toujours compris. – Je ne savais pas ce qui nous attendait à Moscou, que j’avoue, au bout de trop longues minutes. – Je… Savais, pour les murs, comme tout le monde, mais je n’ai jamais su pourquoi ils avaient été érigés. Je pensais qu’on serait en sécurité ici. Parce qu’il y a du monde et que les Tigres d’Arkan est une mafia Serbe et qu’il faut qu’elle montre patte blanche dans les grandes villes… Pour les incidents diplomatiques. Les règlements de compte… Tout un tas de conneries comme ça. Et le timbre se brise. Se meurt. Capte que, peu importe ce que je bave désormais, la bourde est déjà commise. Qu’on s’en fout si j’ai fait ça en ayant conscience que j’étais un connard ou en ne le découvrant que maintenant.

La paluche abandonne le dos de Pecnode qui se tourne légèrement. Assez pour me faire face. T’attends quoi ? que j’ai envie de lui cracher. Et c’est moi, bordel, qui ait envie d’ériger des murs entre nous comme ils ont fait sur la putain de Moscou. – J’ai pas fait exprès, ok ? que je balance, plus sec. Pourquoi tu l’engueule Brishen ? Qu’est-ce qu’elle a fait là, pour mériter que tu lui parles comme à une merde ? Tu flippes de quoi ? De la ville ou d’elle ou des deux ? De la ville parce que tes espoirs de liberté sauvage viennent d’être emprisonnés ou d’elle parce que ça te fait mal qu’elle ait mal ? Ca fait quoi, Brishen, de ressentir de l’empathie pour quelqu’un qui nous a menti ? Pour quelqu’un qui ne t’estime pas ? Et j’sais pas, ça m’emmerde. Je lève la main. La rabaisse. La relève quand elle soupire la Fille. Peut être parce que ça l’emmerde aussi. Et j’la pose sur sa gueule, ma main. Sur sa joue là. Sur sa pommette trop haute, sur sa face trop ronde. J’tâte un de ses piercings du bout du pouce. Celui qu’elle a à la commissure des lèvres. – Poroniec, que je murmure comme si ce putain de mot pouvait rendre ça plus vrai. Voir ce que ça peut justifier de le dire vraiment – si ça la change ou pas. Mais ça ne la change pas, à Fauve. Je pense même que ça l’explique. Le pouce dérive pour naviguer sur les lippes. Les lui ouvre doucement pour venir y encastrer les miennes. Un Poroniec, ça a le même goût qu’une femme que je me dis dans un début de baiser chaste. Mais ça dérive, ouais. Rapidement. La paume s’accroche à la nuque. La langue force le passage pour trouver celle de Fauve. J’soupire une insulte entre ses dents. En fermant les yeux. En cherchant le derme de la pulpe. – Vire ça. J’aimerais murmurer mais je crois que je le gueule. – Vire ça putain. Je m’accroche à son haut. Le triture dans une maladresse pressée pour le lui retirer. Viens coller nos bustes. Bouscule Fauve jusqu’à la fenêtre. La fraicheur de la vitre lui arrache un frisson. Elle se cambre Fauve. Contre moi et sur la bosse de mon froc. Et moi j’l’embrasse. Je l’embrasse et je la touche. Je la touche partout. La soulève un peu pour laper ses seins. La repose. Tâte le bouton de son jean. Pousse ma tronche de la sienne pour la laisser un peu respirer, à Fauve. Taquine son nez avec du mien – cherche son regard quand je lui baisse le pantalon. Qu’elle remue un peu pour m’aider à l’enlever. Qu’on ne prend pas vraiment le temps d’enlever le mien. Il est flaqué aux cuisses quand je soulève Fauve pour lui plaquer le dos contre la fenêtre. Qu’elle ondule. Qu’elle se frotte au bas ventre. Que je la sens humide et prête et que ça me rend dingue. Et que je grogne et râle. Que je me branle contre la fente qui gerbe son plaisir. Et Fauve elle couine. Elle couine partout dans mes oreilles. Elle se tient à la nuque aux cheveux. Elle se débat lorsque je la pousse un peu. Se remet en mouvement dès que mes doigts la fouille – lorsque ses doigts à elle m’accompagne. – Tu veux que je t’appelle comment, que je balance vite en posant mon front contre le sien. Elle ne répond pas de suite, Fauve. Elle cherche le chibre. M’arrache un hoquet et une morsure à son épaule et un grondement quand je sens qu’elle me guide, qu’elle me flatte et qu’elle me nargue. Me frotte à sa chatte. Je résiste un instant. Repose la question dans une saccade enivrée. Et quand elle me répond, Fauve, je la prends dans un coup de rein profond. Murmure le prénom. Lâche l’arrière d’une cuisse pour me retenir à la vitre, derrière. Me dis qu’elle va céder quand je ressors de Fauve, et que je rerentre. Quand elle râle, Fauve, et qu’elle crie. Puis je reste là. Pousse sur ses hanches pour m’enfoncer en elle jusqu’à lui faire du mal et du bien. Jusqu’à ce qu’elle balance sa nuque en arrière et en avant et qu’elle cherche à me faire bouger en elle. Jusqu’à lui faire cracher son miel en des filament accueillants. Et je la pille, à Fauve. Je l’empêche de se toucher dès que je la fois essayer de passe ses menottes entre nous. Je gobe ses feulements et ses protestations. Je m’enivre de son cul qui tape contre la vitre et des craquements qui en résulte. J’crois qu’on se bat, un peu. Qu’on se bat pour notre humanité à chaque coup de queue – qu’on cherche dans l’union à rassurer l’autre et peut être un peu nous. Qu’on se console de ce qu’il nous arrive. Et je sors de Fauve. Elle griffe le dos quand je la redresse un peu plus. Que les jambes s’écartent un peu plus. Les prunelles cherchent une vague confirmation dans celles de Fauve. Mais je la vois un peu flou, à Fauve, quand je me glisse entre ses fesses. Comprends que c’est Ok pour qu’elle soupire, Fauve, et que je capte un sourire à sa gueule. Quand elle m’aide à la prendre. Et la danse reprend sitôt les premiers va-et-vient passés. Sitôt le chemin fait. Et c’est bon. Et j’lui dis, à Fauve, que c’est bon. Je lui murmure de plus en plus fort. De plus en plus vite. Bloque ses poignets au-dessus de sa tête. Sens l’humide qui s’échappe de la fente et le bruit mouillé qui claque à mon ventre. Accélère la cadence quand elle se débat, Fauve. De plus en plus vivement. Quand elle supplie, Fauve, que je la lâche ou que je la touche. Quand elle crève et que ses cuisses se resserrent autour de mes hanches. Et c’est par là, ouais… Par là que je la libère. Que je baisse le menton pour la voir faire. Pilonne à la sensation de ses doigts en elle. Jouis à la première contraction de son orgasme, à Fauve. Manque de m’écrouler. M’appuie sur la vitre qui se fend sous la pression. Bascule un peu dans un dernier coup de reins. La respiration complètement foutue. Le cœur dans le bas ventre. Le visage enfoui dans l’épaule de Fauve. J’crois que je ricane en soulevant un peu son cul pour la soutenir. Reste dans cette position carrément inconfortable encore un moment, il me semble. Maintenant, dans la piaule, ça sent notre foutre à nous. Notre partie de baise à nous.Ca va ? que je ronronne d’une voix ronde et chaude contre son cou. Tu vas pas tomber si je te lâche là ? Parce que moi je ne suis pas sur de tenir vraiment debout, sans l’aide d’un putain de mur. Je crois qu’elle acquiesce, Fauve, alors je sors d’elle. Me sens soudainement à la merci des gens. Des passants. Arque l’arcade valide pour regarder par-dessus l’épaule de Fauve quand je la repose doucement sur le sol. Recule quand un connard me salut à la fenêtre d’en face. Pousse un peu Fauve pour qu’elle dégage de la vision commune. Me pousse aussi. Ai du mal à marcher. Oublie le froc qui a glissé aux chevilles. Trébuche sur le lit quand Fauve titube là où je l’ai mise. On est beau, tiens. Je me redresse sur un coude quand j’sais pas trop ce qu’elle essaie de faire – peut être éviter que ca coule de trop à l’entrejambe. Quand y avait des préservatifs plein la table de chevet. Plein le sol. Plein partout.J’ai plus de clope, que je jette là. Elle se trémousse un peu, Fauve. Me montre le sien, me dit que j’en ai là. Je relève mon froc. Me décide à me relever. J’ai les jambes un peu coton mais, j’crois que ça va le faire. Chope une clope. – Faut que j’aille récupérer le 4x4, que je beugle un peu fort quand elle disparait un instant dans la salle de bains. Ressort la tronche de là la seconde d’après. – S’il est à Zamoskvoretchiye, tu pourras le conduire. Ce qui n’est actuellement pas le cas.Ca serait bien que tu ne sortes pas le temps que j’y aille. Le nez se retrousse. J’sens la protestation arrivée. La bloque d’un mouvement vague de la main. – C’est pas comme si la ville était jolie et que t’avais envie de la visiter. Tu vas survivre, j’en ai pas pour trois heures. Je me redresse. Tapote des bouts de meuble du bout du pied pour dénicher un pull que je passe. Vais vers la porte. M’arrête. Hésite. Laisse filer un court silence. – J’suis pas content, tu sais. De ça. De ce qui nous arrive. Mais peut être que ce n’est pas plus mal, de savoir. - Tu le penses vraiment ? que j'interroge sans oser la regarder. Tu penses vraiment que j'aurais pu nous faire ça ? J’hésite encore. Joue avec la poignée de la porte. La lâche, dans un effort surhumain. Dépose un dernier baiser sur la bouche de Fauve avant de filer.


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©️crack in time

  Mer 16 Oct - 1:07
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( Cage me like an animal, eat me like a cannibal
ft. @B. Brutal Ayaz )
Les prunelles errent sur le bordel, analysent et calculent la somme qu'on va lui demander quand on sera sur le point de partir. Parce que j'imagine, ouais, qu'on ne disparaît pas aussi facilement dans un quartier comme celui-ci. Le genre qui confine, qui empêche de sortir mais il n'y a que toi qui ne peux pas sortir Kah, lui, il peut, il a le droit, il n'a pas de puce ni un tatouage comme le tien. Il est libre, lui, toi, tu es dans une putain de prison, même si on tente de te faire croire le contraire. T'es en prison, Kah et il n'y aura plus rien qui ne pourra changer ça. Les mirettes se détournent, retrouvent le dehors et cette vue de merde, celle qui donne sur des gens qui vivent et respirent et marchent quand j'aimerais qu'ils soient tous morts, inexistants. Je ne veux pas vivre ici, partout, ailleurs, mais pas ici, Brutal. Ici, je ne suis qu'un monstre, traité comme tel et demain, qui sait, ils me mettront peut-être une muselière. Et on fera quoi, et je ferais quoi ? Ma survie ne dépend plus de moi, mais des autres et j'ai peur, tu vois. J'ai horriblement peur de me perdre entre tous ceux-là. Peur de perdre des bouts de moi, des restes de Kahsha, de n'être même plus Fauve mais encore une autre, celle qui va et vient et qui s'en fout des autres. Qui te prend et qui te jette comme si tu n'étais qu'une pauvre merde, qui disparaît tard le soir ou tôt le matin ou qui ne revient jamais après avoir été pissé dans le bar du coin. Et j'ai l'impression de voir ma vie au ralenti, ce qu'il en reste du moins. Je me vois moisir à Moscou, crever dans un caniveau par passion ou par vengeance, et même eux, s'en foutent, ce ne sera qu'un cadavre de plus dans les venelles crades et poisseuses de ce quartier des oubliés. Il dit hey, me sort de mes pensées dégueulasses en effleurant l'échine. La trogne se tord, le regarde du coin de l’œil. Il touche et la sensation apaise, offre une chaleur quand tout semble froid et mort à l'intérieur. Les paupières se ferment un peu, profitent de l'instant et du réconfort que ça offre du bout des doigts. Et il cause, Brutal, avoue qu'il ne savait pas pour Moscou. Ça me fait le regarder à nouveau, lui et ses babines qui larguent des explications. Je ne savais pas pour les murs, moi. Je n'en savais rien, tu sais. Je ne pensais pas que l'on pouvait se retrouver enfermer et être traité comme du bétail ni ici, ni ailleurs. Ouais, je ne pensais pas ça possible, mais j'avais tort. Sa chaleur me quitte et je me retourne, me retiens de lui demander pourquoi tu arrêtes, continues s'il te plaît, continues. Pourtant rien ne sort d'entre les lippes, aucun mot, aucune syllabe.
Changement de ton. Plus sec, aussi cassant qu'une fine couche de verre. Pourquoi tu râles ? Je ne t'ai rien dit, je ne t'ai rien fait. Tu interprètes mes silences et mes regards quand il n'y a rien de plus là-dedans qu'un silence et un regard. Je n'y arrive pas, je n'y arrive plus, Brutal. Tu voulais que je te rassure ? Que je te dise que c'est OK, que t'as merdé et que c'est tant pis si on se retrouve ici ? Tu voulais que je te caresse la joue, que je te murmure des mensonges en te disant que tout finira par bien aller quand je ne suis même pas certaine de survivre une année, un mois, une semaine ou un jour ? Je ne peux pas faire ça parce que tu ne le vois pas, toi, que je suis au fond du trou et que je suis incapable de surmonter ça toute seule ? Incapable d'accepter être cette putain de poroniec qu'ils disent que je suis sans que je ne sache vraiment ce que ça veut dire. Je crois, parfois, que c'est une blague, que quelqu'un va venir me tapoter le dos, caméra sur l'épaule en beuglant que c'était pour rire, une foutue caméra cachée, un sketch débile inventé par dieu sait qui. Mais il n'y a jamais personne qui arrive, qui fait cesser le cauchemar. Sa paluche se lève et s'abaisse et je soupire, éreintée par tout ce qui traverse la psyché. Par le chaud et le froid qu'il continue de souffler. Les tiges se lèvent finalement, glissent sur le minois et mes grands yeux clairs s'arriment à ses traits. Qu'est-ce que tu fais, Brutal ? Je sens mon cœur battre dans ma gorge, à moins que ce soit le sien ou les nôtres. Et il le prononce, ce mot sale et honteux. Il ne paraît pas plus doux entre ses lèvres, n'offre rien de plus que lorsqu'ils l'ont dit, eux aussi. Je ne sais toujours pas ce que je suis. Les mirettes dégringolent, voudraient fixer les phalanges qui triturent le métal et roulent sur les babines qui s'entrouvrent. Et le baiser est étrangement tendre et doux, laisse mes paupières grandes ouvertes comme pour l'interroger. Est-ce que tu es sûr ? Est-ce que c'est ce que tu veux maintenant que tu as la certitude que je ne serai jamais normal, jamais comme les autres filles à qui tu as déjà dû sourire et avec qui tu as déjà dû vivre ?

Réponse offerte du bout de la langue, quand elle rencontre et enlace la mienne dans un ballet langoureux. On s'embrasse comme si c'était la première fois, je crois, avec une passion et un empressement adolescent ; pour se goûter et pour se boire. Il me touche sans que je ne l'implore de le faire, il me touche, ouais, et ça n'a pas la même saveur que les autres fois où c'est moi qui le demandais. Les phalanges l'explorent, roulent sur la carne, se nichent à son bide et flirtent avec son futal. Les fringues sont retirées à la hâte, balancer quelque part. Il envahit mon espace, Brutal, de sa bouche et de ses doigts, arrache râles et frissons. Les hanches se dandinent pour qu'il retire le froc et il ne me laisse pas le temps de lui virer complètement, le sien. Le mâle soulève et écrase contre la paroi vitrée. Les guibolles s'arriment à ses hanches et le bassin danse et danse tout contre sa queue. Sa queue qu'il branle et glisse entre la fente humide qui dégouline de plaisir. Je le veux et il le sait, ça me fait râler, tirer sur sa nuque et sur son crin. Il prend de ses doigts et la trogne se tord pour le voir faire, pour voir ses phalanges disparaître à mon intimité quand les miennes se meuvent sur les siennes. Et il demande, ouais, il demande comment il doit m'appeler Brutal. Je pense j'en sais rien, n'importe comment, comme il te plaira à toi, réalise que ce serait des mensonges. La menotte s'enroule à sa queue, serre et branle, recueille le miel du bout de son sexe qui glisse entre les lèvres. Je le torture autant que je me torture jusqu'à ce qu'il réitère, parce qu'il veut savoir, Brutal, comment il doit m'appeler, maintenant. -Fauve soufflé-je, enfiévrée. Je ne veux pas que tu appartiennes au passé, Brutal, je veux que tu sois mon présent et mon avenir et Kahsha n'existe plus maintenant. Elle est morte là-bas même si elle est liée à Fauve, mais je ne suis plus elle, plus vraiment, plus totalement. Et ça le libère et ça me libère. Les tiges se plantent à la viande quand il pénètre d'un coup de rein puissant. La respiration claque et pète, ça bourdonne aux oreilles. Je me sens partir vers l'avant quand il se retire, partir vers l'arrière quand il prend à nouveau jusqu'à la garde. Il emplit, le mâle, m'arrache un cri et ça me rend dingue, me fait chavirer et me balancer d'avant en arrière. Les accords se règlent et la mélodie n'est pas que simple chaos, elle résulte du claquement de nos chairs qui se percutent et qui s'aiment. Et elle résonne, notre mélodie, sous le front et sur les murs de la chambre. Les tiges veulent toucher, nous toucher, extraire le nectar pour nous goûter, mais il refuse, le mâle, retient la mimine et la repousse à me faire gronder, d'un grondement profond et sauvage. La gueule se referme tout contre la gorge, lèche le sel sur sa peau, s'enivre de sa fragrance et des pulsations du myocarde. Les ongles marquent, raclent l'échine pour ne laisser que des traînées rouges à la carne. Respiration flinguée, je le sens pointer à mon cul, m'étonne d'abord pour lui sourire par après, quand il me regarde si près que je ne le vois pas vraiment, pas en entier et tout brouillé. Les phalanges se faufilent en amont, achoppent sa queue pour le guider dans les tréfonds de l'intimité. Le miel dégueule sous l'excitation jusqu'à ce qu'il pousse lentement, écarte les chairs, se fraye un chemin une fois puis deux puis trois. Je frissonne, la carne se couvre de chair de poule, durcit les tétons qui s'écrasent sur le buste mâle. Il besogne, retient les menottes au-dessus du crâne à me faire râler, parce que je veux me toucher, nous toucher dans une explosion de sensations. Et je m'arque, au bord des convulsions, l'entrecuisse se referme brutalement autour de lui. Je tremble et beugle, quémande d'une petite voix déformée par la violence du désir -touche-moi, je t'en prie, touche-moi ou lâche-moi et ne t'arrêtes pas putain, t'arrêtes pas. Les vocalises s'envolent, n'ont finalement absolument rien à envier à leurs voisines et il libère, Brutal. Les phalanges s'immiscent entre nous et je regarde sa queue luisante de nos foutres, l'emprisonne de mes doigts qui branle en même temps qu'il pille. Et ça me fait dérailler, ça, ça me fait le lâcher et enfoncer les tiges à la chatte qui gerbe son nectar. Je le sens, je le sens aller et venir et j'éclate dans une jouissance qui me tord, me fait convulser, tout lâcher et claquer la fenêtre de mes bras dans un boum sonore. Les corps se pressent l'un contre l'autre et je ne veux pas bouger, enroule mes menottes à son cabèche pour le maintenir là, tout contre moi, dans le chaos de nos respirations défoncées. La joue se colle à la sienne et je me sens bien, tellement bien que j'ai oublié tout le reste. J'ai oublié Moscou et ses tatouages et ses flics et ses ruelles putrides. J'ai oublié, ouais, nos différences parce qu'il n'y en avait aucune, là. Il n'y avait que toi et moi, que nous et seulement nous et pas les autres. Il n'y avait que les trous et les creux de nos âmes et je crois que ça fait du bien ça, de trouver écho en toi. C'est bon et rassurant.

Silence brisé, il parle le premier, demande si ça va dans un ronron qui me file un frisson. J'acquiesce dans un soupir tendre. Il se retire, son foutre s'étale dans un petit ploc et les petons retrouvent le sol qui semble horriblement mou, maintenant. Je peine à tenir sur mes guibolles devenues morceaux de coton et je la sens, sa semence, s'écouler le long de l'entrecuisse. Ça me fait bouger bizarrement alors qu'il lance qu'il n'a plus de clopes, Brutal, dans une conversation d'après-sexe si banale que ça me fait sourire. -Dans ma veste, j'en ai dans ma veste ou quelque part par là, prends-les. Je pousse la porte de la salle de bains, m'y engouffre, ressort presque aussitôt, le visage grave. Comment ça, tu veux aller chercher le 4x4 ? Ça ne peut pas attendre ? Est-ce que t'es obligé de faire ça maintenant, maintenant ? Il assure que je ne devrais pas sortir et ça me fait retrousser le nez dans une grimace enfantine. Herbe coupée sous le pied la seconde d'après. Et il a raison, Brutal, je n'ai pas envie de visiter les lieux, de faire connaissance avec les autres, de me faire des potes qui seraient comme moi. Puis de toute façon, ici, c'est moche et gris et ça pue la pisse. Alors je me détends, reste dans l'encadrement de la porte en attendant qu'il s'en aille. Pourtant il s'arrête, triture la poignée, explique, ouais, explique qu'il n'est pas plus heureux que moi de cette situation. La suite me cloue sur place, m'emmure dans un silence crade qui me semble épais et envahissant. J'en sais rien, tu vois. Je l'ai cru, ouais, je crois, parce que j'étais en colère et triste et désemparée. Parce que le monde venait de s'écrouler sous mes pieds et que c'est con, tu vois, mais j'avais besoin d'en vouloir à quelqu'un et c'était facile de t'en vouloir à toi. Et il me revient, m'embrasse, me laisse pantois. J'ai seulement le temps d'achopper son poignet pour le retenir. -Attends que je souffle. Je me sens merdeuse, me mords la langue en me disant que j'aurais seulement dû le laisser filer pour ne pas avoir à répondre. -Non, je ne le pense pas. Je sais que cette situation t'est aussi désagréable que moi et qu tu détestes cette étiquette, cette merde qu'ils ont apposé à nos poignets. Mais je l'ai pensé, ouais, quand on est arrivés, qu'ils m'ont donné un nom, un code et une puce. C'était injuste de le penser. C'était méchant et gratuit et stupide. Je pose mon front sur le chambranle, le mire. -Tu ne le méritais pas, je suis désolée. J'ai lâché son poignet, le regarde passer la porte sans savoir vraiment si la vérité n'est pas plus douloureuse qu'un pieu mensonge.
La douche accueille la carcasse rougie et fatiguée. La paume glisse à l'entrejambe, à l'intérieur de nos fluides que je goûte. Sensation étrange que de le sentir encore entre mes jambes, à piller fente et cul. Les pensées dérivent. Est-ce que tu as aimé ça ? La psychose s'apaise aussitôt parce que je me souviens, ouais, je me souviens de ses murmures dans une voix grave, rauque. C'est bon. La flotte martèle la boîte crânienne pendant que l'on cogne à la porte. Je l'ignore, continue de me laver avec ce pain de savon qui pue les produits chimiques et ça reprend, quelques secondes après. Je râle, m'enroule dans une serviette plus grise que blanche et déboule devant la porte. C'est la vieille pute, avec un type, cette fois. -Ton client n'est plus là et... Elle se penche, la chienne, reluque l'intérieur dévastée et fronce le nez comme si l'odeur de sexe lui était insupportable. Tu te fous de ma gueule ? Tout schlingue ici, ne fais pas comme si tu avais l'odorat fragile. -Il va falloir que tu me rembourses tout ça. T'as d'la chance, j'ai encore une place de libre. Pardon ? J'ai de la chance ? La chance de quoi ? Le mec se racle la gorge. -Oh oui, pardon, je n'ai pas fait les présentations. La truie s'approche de ma gueule et chuchote -Il aime qu'on lui mette un doigt pendant qu'on le suce. Ça te ferait un bon pourboire. Je crois que je ne dis rien, dois devenir aussi blanche qu'une putain de dame blanche. Le type fait mine de vouloir entrer. Je crache un -Non ! Avec véhémence. Il recule, fronce les sourcils, mate la connasse. -Je prends zéro client, j'suis pas une pute, connasse. Ça grogne et je sens qu'elle voudrait me tarter, se retient pour une raison qui m'échappe. Elle avance un peu trop vite, me fait tendre la menotte pour l'arrêter. -T'as jusqu'à demain pour me payer. Elle ajoute des mots que je ne pige pas, qui appartiennent à une langue dont je n'entrave pas la moindre voyelle. J'imagine qu'elle m'insulte de traînée ou de pute. -Te payer quoi ? Y a rien de bonnes qualités, je vais te filer une poignée de billets et ce sera OK, ça ne vaut pas plus que ça. Et tout va un peu trop vite à mon goût, quand on me pousse, qu'on rentre dans la piaule et qu'on prend nos affaires. Je m'accroche à un bras, y plante mes dents, ramasse juste une baigne. Et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je me retrouve sur le trottoir, avec nos sacs et nos fringues et mes pompes et plus aucun sous en poche. J'attends sur un banc avec mon blouson sur le dos et un froc sur le cul pour planquer les guibolles. Je déteste cet endroit.
 
Le 4x4 déboule après ce qui m'a paru durée des heures. Des heures à essuyer des remarques, des propositions sales. Je crois que Brutal, il bug quand il se gare à côté de moi. J'ouvre la portière assez vite, balance les affaires derrière, manque d'oublier des trucs. Je sens qu'il a besoin de savoir ce qu'il y a et je lâche un -cette grosse connasse, elle m'a prise pour une pute, elle voulait que je la dédouane en prenant ses clients. J'n'ai pas voulu. Encore heureux. Et je t'épargne les détails sordides au sujet d'un gros pourboire. -Alors elle m'a foutu dehors avec ses potes et je lui ai donné jusqu'à mon dernier putain de centime. On va se dire que ça aurait pu être pire. Cette psychopathe serait capable de nous faire buter pour revendre nos dents. Le derche enfoncé dans le siège, on roule un peu, sans savoir où il faut aller. Rien ne semble être respecté, il y a carrément un connard qui roule sur notre voie en sens inverse. C'est hautement sécurisé... Mais dans quel sens ? Parce que jusque-là, j'ai l'impression que chacun fait ce qu'il a envie, du moment qu'il reste sagement enfermé ici. Et ça me rend nerveuse, ça. Ça me fait triturer ma manche et la fermeture éclair, ça me fout mal à l'aise. Je le regarde conduire, le regarde se concentrer sur la route et beugler parce que les gens sont tous cons ou presque. La pulpe effleure le dessus de sa poche. Je suis contente que tu sois là. On trouve un autre motel, le genre pas mieux fréquenté que celui d'où l'ont vient, mais peut-être un peu plus calme en apparence. Quelques putes et dealers se partagent le coin. Je débarque à l'accueil, hausse un sourcil quand on me demande -c'est pour quoi ? C'est une blague ? Je viens acheter des cornichons. -Pour une chambre que je lance en tentant de ne rien cracher d'autre. Celui-là nous fait moins chier, réclame la thune avant de nous filer une clef sans faire de commentaire à chier. Par chance, Brutal semble avoir des arbres à fric dans les poches et peut payer. La fenêtre est ridiculement petite, il fait sombre, l'ampoule à nue au plafond éclaire la piaule d'un jaune pisse. Ça pue le tabac et autre chose que je n'arrive pas à déterminer, un truc que je n'ai probablement pas envie de déterminer. Tout est gris, je crois. La tapisserie est tachée d'auréoles marron et le plafond de noir. Ça me rappelle ma chambre-prison, celle avec son lit sans matelas au milieu de la pièce, ses sangles et ses néons pétés. Je me décompose, me sens mal, ne sais pas comment on va pouvoir vivre ici ou ailleurs, dans ce quartier de merde. Ça me fait regretter ma cabane dans les bois ou même l'autre chambre d'hôtel. J'ai envie de chialer, d'éclater en sanglots et de me laisser aller là, par terre, dans un coin à me balancer sur moi-même, comme une gamine dépressive. -Brutal ? Attention quémandée d'un timbre éraillé. Il tourne la tronche, me regarde, attend que je balance ce que je lui veux. Et quand je le crois excédé par mon silence de merde, je lâche un -J'ai peur. J'ai peur de cette ville, des gens qui y traînent, des gens qui la surveillent. J'ai peur qu'on te fasse mal, qu'on me fasse mal. J'ai peur que tu ne supportes pas l'endroit, comme moi, que tu veuilles partir, là où il y a les gens qu'on surnomme mortels parce qu'ils sont normaux, eux. Pas comme toi, pas comme moi, pas comme ces autres connards. Et j'ai peur de ce que je suis, de ce qu'ils sont eux aussi. J'ai peur de cette puce, sous la peau, celle qui balance en tout temps où je suis. Est-ce que tu crois, qu'ils peuvent me faire mourir ? Et il n'y a rien à répondre à ça, à de la peur à part dire qu'il est là et ça suffit, ouais, ça suffit à rassurer, à ne pas flancher tout à fait dans des jérémiades enfantines.
Je me laisse choir sur le matelas qui ne rebondit même pas, laisse tomber l'échine qui secoue la mousse et m'y enfonce. Les prunelles errent sur le plafond sale avant de se braquer sur lui. -Viens, soufflé-je. J'attends qu'il s'installe à côté, prends sa main, celle qui porte les points au milieu des autres tatouages de ses bras. Je caresse le poignet, appuie sur cette merde comme si ça pouvait les faire disparaître, remonte le long de l'avant-bras pour détailler des tatouages qui paraissent plus anciens. -Ils veulent dire quoi, pour toi ? Ils représentent quoi ? Des épreuves que tu as dû traverser, des souvenirs ? Tous les tatouages ont un sens, le sens commun et puis l'autre, celui que personne ne peut deviner juste en les regardant. Parce qu'on le fait pour une raison, à un certain moment de notre vie, pour graver quelque chose à la carne sans que ça ne corresponde, parfois, au dessin. Et comme il tarde à répondre, je dézippe ma veste pour dévoiler le buste resté nu. Sur la hanche, une simple rose en triangle. -Je l'ai fait pour me rappeler qui j'étais avant qu'ils m'achètent. En souvenir de Kahska.



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  Ven 18 Oct - 17:55
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B. Brutal Ayaz
MONSTER UNDER YOUR BED
B. Brutal Ayaz
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CAGE ME LIKE AN ANIMAL, EAT ME LIKE A CANNIBAL ft @K. FAUVE WARD

Go row the boat to safer grounds but don't you know we're stronger now. My heart still beats and my skin still feels ; my lungs still breathe, my mind still fears. [...] There's blood on your lies. The sky's open wide. There is nowhere for you to hide. The hunter's moon is shining.

C’est plus compliqué que ce que je pensais, de me repérer après avoir tout traversé dans une voiture banalisée. D’autant qu’à Zamoskvoretchiye, trouver un taxi semble être synonyme de miracle. Faut que je sorte de notre ruelle pourrie. Que je longe beaucoup trop de bâtiments désaffectés. Que je m’enfonce dans la masse et dans les avenues plus passantes – et plus plaisantes, finalement – pour réussir à me faire amener à l’extérieur de ce quartier. Dans le suivant, je remarque que je me suis paumé. Tente de me faire comprendre. N’y parviens forcément pas parce que la malchance ça se cultive me fait envoyer à l’opposer de ce connard de 4x4 – ai très envie de le laisser là où il est. Finalement, je vais peut-être y passer trois heures. Prend mon courage à deux mains. M’arme de mon reste de patience – m’arrête dans un tabac pour acheter un stock de clopes et dans une supérette pour faire le stock de bières. Bouscule quelques personnes pour pouvoir leur faire les poches et repayer une nuit d’hôtel. Manque de me faire prendre parce que, ici, tout le monde n’est définitivement pas humain. Rencontre un mec assez sympa qui m’y amène charitablement, au 4x4 de Fauve. Je lui dis – Merci. il me répond – De rien. On se sépare sans que je n’aie rien d’autre à lui offrir qu’un vague sourire. Les phalanges à la portière, une main gantée entre dans mon champ de vision. Claque sur la vitre. Me fait sursauter. Je repousse le bras violemment. Me redresse aussitôt. Suis surpris de voir le type qui a signé tout le débat qu’on a eu chez les flics. Je pense qu’il prend son métier très à cœur, s’il a attendu presque 24h à côté du véhicule pour être sur qu’on allait pas se le faire faucher. – Vous vous souvenez de moi ? qu’il demande toujours en langage codé. Non, j’ai la mémoire d’un poulpe. Qui êtes-vous monsieur ?Oui.Bien. Il s’adosse un peu à la carrosserie. Sort une clope. M’en propose une. T’as cru qu’on était pote ? C’est quoi ton problème ? J’aimerais rentrer dans mon quartier pourri. Merci. Je lui en prends une. M’installe pas aussi confortablement que lui parce que je ne comprends pas bien ce qu’il me veut. – J’aurais besoin d’un service, qu’il finit par poursuivre. Le contraire m’aurait étonné. Vous êtes vraiment tous les mêmes.Vous serez rémunéré, forcément, pour ce que vous allez faire. Une belle somme, je vous assure. J’arque un sourcil. Me voilà sceptique. Tu vas me demander de buter quelqu’un ou bien ?Votre amie… OK. Ca commence à puer. Je dodeline du chef, un sourire indescriptible sur la gueule – le genre qui veut plus dire va te faire foutre que je t’aimerais pour toujours quand même. Il me rattrape. Je le dégage un peu fort. Calme toi. Me touche pas. M’emmerde pas.Ok. Ok… Il me fait signe de me tempérer. Doit voir le diable qui brûle aux prunelles. – Les poroniecs sont très surveillés, vous savez. Non je sais pas. Et alors ? Un quartier de haute sécurité c’est pas suffisant ? Vous voulez lui mettre des chaines et une muselière aussi ?On souhaiterait savoir si votre amie est stable. S’il n’y a pas d’élément qui pourrait la faire… Comment dire… Basculer, vous voyez ? Non, je vois pas. T’insinue qu’à tout moment elle peut me sauter à la gorge, c’est ça ? Qu’ils sont comme ça, tous les gens de son espèce ?C’est assez rare et violent, un poroniec… qu’il se sent obligé de préciser quand il doit capter que je bite pas un mot de ce qu’il me chante. Elle peut tuer des gens. Parce qu’elle est différente. Mais j’en ai tué, moi aussi. Pourtant je suis pas comme elle. Ca veut rien dire ta merde.Est-ce que vous pouvez me faire un compte rendu. Il gigote, sort un papier de sa poche. Ca ressemble à un brouillon dégueulasse tellement que c’est froissé. Il le pose sur le toit du 4x4. – Quelque chose de simple. Voir si elle supporte bien sa nouvelle vie. Si ça ne la rend pas instable. On aimerait avoir des éléments de son histoire, aussi. Le basique. Vous savez quelque chose sur elle ? Je redresse le museau de ses mains à ses yeux. Non. Je peux te décrire son corps au grain de beauté et à la tâche de rousseur près – je pourrais reconnaître ses vocalises entre mille… Mais te dire ce qu’elle préfère au diner, sa couleur préféré ou le nom de ses géniteurs ou son pays d’origine… J’en ai aucune putain de foutue idée.Parce que, si tout est ok, nous aurions besoin d’elle. De ses facultés. Nous n’en rencontrons pas tous les jours, des gens comme elle. Et il me secoue la feuille. C’est une histoire tordue qui parle de morts et je la dégage sans lire vraiment – pour ce que je sais lire de toute façon. – Pourquoi je ferais ça ?Pour l’argent, qu’il répond du tact au tact. A ma tronche, il argumente. Balance que c’est aussi pour la sécurité des autres. Appuie fortement sur le danger que peut représenter une fille comme Fauve et je me souviens… Je me souviens de cet appartement. De la photo de cette gamine et de Fauve qui vrille fort… Qui se jette sur le moindre bout de viande et je me souviens de ma peur – ma peur qu’elle se jette sur une enfant. Je me souviens de mes menaces. De mon envie de la tuer – mais je me souviens aussi que Fauve, à part me proposer de tuer pour moi, elle n’a jamais vraiment tué en vrai. Elle était seule et elle n’a jamais pété un câble. Pourquoi ça serait différent aujourd’hui ? Zamoskvoretchiye a déjà rendu des gens dingues ? C’est ça que tu essais de me dire ? Que vous allez la rendre dingue pour justifier de lui tirer une balle entre les deux yeux ? Il me remontre le papier avec les instructions et l’ordre de mission. Celle qu’ils veulent donner à Fauve. Et je la lui claque sur le torse, sa merde. Cligne lentement des mirettes à la décharge légère que ça inflige à la tête. Le bouscule. Monte dans la caisse. Va te faire foutre. Je l’entends juste dire qu’on se reverra. Et j’aime pas ça. Mais je renchérie pas. Je peux pas. Alors… Je t’attendrais.

En sens inverse, c’est déjà beaucoup plus facile, la traversée. Je commence à m’y faire, on dirait. Ne me fait fouiller qu’en rentrant dans le quartier de haute sécurité et, de toute façon, le fait qu’ils captent que je ne suis pas d’un danger ahurissant les laisse profondément négligeant, aux types de la sécurité. Je ne sais pas vraiment ce que ça signifie, être un Ipsolin, mais ça me semble assez nul et précaire. Je fonce dans les bas fond, une clope au bec. M’arrête sur le bord du trottoir, vais pour sortir de la caisse. Sursaute, presque, en voyant la Fille sur un banc, assisse avec toutes nos fringues. Est-ce que c’est une nouvelle blague, Fauve ? Une nouvelle blague pas drôle que nous fait ce quartier de merde ? Ne m’explique pas qu’on t’a foutu dehors pour le bruit, l’état de la piaule ou une connerie comme ça… Je me disais bien que cette connasse de taulière semblait trop aimable quand je suis sorti tout à l’heure. Avec son grand sourire faux et sa question à la con pour savoir si tout s’était bien passé avec toi… J’ai pas répondu moi, parce que je ne suis pas censé entendre. J’aurais certainement dû payer encore, en partant. C’est parce que la nuit était passée et que j’avais payé que pour la nuit c’est ça ? J’crois que j’ouvre un peu la gueule, sous la surprise écrasante. N’arrive pas vraiment à causer pendant qu’elle charge tout, Fauve. Elle balance tout à l’arrière. S’énerve sur la malle qui peine à fermer. S’assoie à côté. Gavée. Elle ne met pas longtemps à capter que je la regarde de travers, sans comprendre ce qui vient de se passer. Alors, Fauve, elle me donne une explication rapide, la voix un peu chevrotante – de nerfs, de colère ou de fatigue. On l’a prise pour une pute et elle a refusé le client suivant.Quoi ? que je crache sans savoir s’il faut en rire ou en pleurer. Sans avoir envie de faire ni l’un, ni l’autre. J’détourne un peu la gueule vers l’entrée. Hésite à y retourner juste pour le plaisir de gueuler. T’sais que c’est pas comme ça qu’on traite les gens, connasse de taulière ? Que c’est pas correct. Que c’est pas élégant. Que juste demander de l’argent c’est mieux que d’amener des clients ? C’est quoi ton putain de problème ? Mais je m’abstiens… Ouais. Je m’abstiens. Ai assez amené de problème dans nos vies sans en rajouter derrière. Va-t’en voir qui je peux me foutre à dos en allant défoncer le hall d’un bordel qui semble plutôt bien fonctionner. Et tu fais parti des mecs les moins dangereux du game Brishen. Imagine ce que ça doit donner, ici-bas, niveau querelle. Je fous le contact. Reprend la route. Beugle sur la moitié des gens que je croise – tout ça pour passer ma haine sur quelqu’un d’autre que Fauve ou la taulière. Dois passer une bonne demi heure à faire des cercles dans les venelles. M’éloigne un peu plus du centre pour tomber sur un autre motel minable. En ai marre de jouer à la carte au trésor – surtout qu’elle ne doit pas exister, la perle rare des motels pas cher à Zamoskvoretchiye. On décide de dormir ici, au moins pour cette nuit. On sort les valises – les sacs d’alcool. Je regrette vaguement de pas avoir pris de la bouffe. M’est avis qu’ici ils ne servent pas non plus le petit déjeuner en chambre.

Ca s’enchaîne ensuite. Et c’est le même délire, niveau hall, mais ça refoule peut-être moins le sperme. Le mec de l’accueil est moins aimable que la taulière mais aussi infiniment moins chiant. Ca nous arrange. Je sors les billets volés pour payer la piaule. On nous file les clés et on s’engouffre dans notre nouvel antre. C’est pas magique, ouais. La déco n’est pas superbe ou éblouissante. Y a juste un lit et de quoi se laver. C’est sommaire, pas super propre et moisi. Je m’approche d’un mur. Etudie la tapisserie colorée – pas d’une couleur très naturelle. Aimerais en soulever l’angle parce que je suis certain qu’il y a des blattes, tout derrière. Je pose les valises que je tiens. Me hisse un peu sur la pointe des pieds. Brutal. Je me fige. Avais presque oublié Fauve tant elle est restée silencieuse. Je me tourne vers elle – abandonne l’inspection sanitaire. Attend. Et attend. Et attend que Fauve elle daigne bien causer. Qu’elle débloque – qu’elle reconnecte. Elle semble paumée Fauve, au milieu de cette pièce. Paniquée et mal à l’aise. Avant même qu’elle enchaine j’ai envie de lui proposer de se barrer. J’ai choisi cet hôtel mais j’imagine que ce n’est pas le seul qui reste. Si c’est pour te mettre en PLS et pas bouger, ça ne sert peut être à rien d’insister. Et j’ai pas tout à fait tort. Et je suis pas loin. Fauve elle a peur – peut être plus ici qu’ailleurs. Peur de quoi ? Tu dois être l’espèce la plus dangereuse qu’on trouve, ici. Tu dois avoir des facultés inestimables. De quoi tu as peur, Fauve, quand tu te situes en haut de la chaine alimentaire ? J’te demande pas de faire valoir tes pouvoirs, mais vas-y au bluff, au moins. Pour te faire respecter et pour plus avoir peur. C’est comme ça que ça marche dans la rue et je suppose que Zamoskvoretchiye c’est un peu la poubelle des rues de ma vie. Elle se laisse aller sur le matelas. Durant un instant – un infime – je pense qu’elle va se mettre à pleurer, Fauve, et je n’ai jamais su quoi faire avec les gens qui pleurent. Mais elle me l’épargne. Me propose plutôt de venir à côté d’elle. Ca, ça va, je sais faire. Alors je bouge. Je bouge jusqu’au lit inconfortable pour m’y foutre. Me glisse à côté d’elle quand elle m’achoppe une paluche. Qu’elle gratte ce qu’on m’a rajouté – ce qui dit que je ne suis pas vraiment celui que je croyais. Mais le tatouage s’efface pas. Il reste – il restera toute la vie tu sais. Et, j’sais pas, probablement pour penser à autre chose, pour s’enlever la peur du crâne. Pour décrasser l’encéphale, elle me parle, Fauve. S’intéresse aux tatouages avant d’ouvrir sa veste – de dévoiler un sein puis les deux – pour me montrer l’un des siens. Une rose juste là. Sur la hanche. Encré en souvenir d’avant. – Avant que qui t’achète ? que je ne peux retenir malgré toute ma bonne volonté. C’est que, c’est pas tous les jours qu’on croise quelqu’un qui a visiblement fait partie d’un trafic d’êtres humains. On t’as prise pour une pute Fauve, mais t’en a été une, c’est ça ? que je ravale avant de la vexer, encore. C’est ça que tu essaies de fuir ? Ces gens là ? C’est pour ça que tu t’es perdue dans ta cabane dans les bois et que ça ne te fait rien de me suivre ? Est-ce que t’as l’impression de t’appartenir au moins, Fauve ? Et pourquoi Fauve ? Pourquoi m’avoir dit que tu t’appelais Kahsha si ce n’est même pas pour que je l’utilise, ce prénom… C’est qui Kahsha ? Quelle partie de toi ? L’ancienne, la nouvelle, la future ? Je parle à qui là ? Je me redresse un peu. Me penche au-dessus de Fauve. La tignasse partout autour de ma gueule. La paume se pose sur sa poitrine. La pelote doucement. Elle soupire, Fauve. Passe une main sur ma face. Je crois qu’elle bouge les guibolles. Peut être pour m’y faire de la place mais je m’y déplace pas. Pince plus fort ce que je tiens. La fait soupirer encore. – T’es qui Fauve ? Dis moi qui tu es. C’est bien plus important que mes tatouages. Je veux savoir avec qui je vais rester là, à Moscou. Le lit de qui je partage. Avec qui je couche. Et elle me répond Fauve. Me parle d’une Colonie, mais ça parait vachement abstrait dit comme ça. Ca me fait arrêter. Arrêter de la toucher. Qui peut acheter quelqu’un en prétendant que ça va lui faire du bien ? T’avais quel âge pour croire à des conneries pareilles ? Puis t’as quel âge, d’ailleurs ? Puis elle s’accroche à la nuque, Fauve. Me fait baisser la tête jusqu’à ce que les fronts se touchent. Jusqu’à ce que je puisse sentir son souffle sur mes lèvres. Ca me force à me foutre sur le flanc. A lui écraser un peu le sien pour ne pas que ça me soit inconfortable. La vision se perd sur les lippes qui remuent encore. Fauve elle leur a survécu, à ces types. Elle s’est échappée de là où ils l’avaient enfermé pour faire je-ne-sais-quoi. Elle est floue, son histoire, à Fauve. Même si je ne doute pas une seconde que, pour elle, ça fait beaucoup de révélations d’un coup. Mais j’ai rien compris moi. Rien du tout. Tu viens d’où ? Je ne le sais même pas, ça. Alors, Fauve, elle veut que je partage, aussi. Ca me fait rouler des yeux quand je recule la face pour la voir mieux. – Je suis Brutal. Y a pas de renaissance. Je hausse une épaule. Je viens de partout. J’ai pas de maison. J’ai juste volé des trucs que j’aurais pas dû voler. On a pas tous une vie rocambolesque, tu sais.J’imagine que c’est trop tard pour faire machine arrière… Maintenant qu’on est ici, que je soupire en me tournant légèrement pour regarder la mallette.

Les phalanges de Fauve pressent la nuque quand je tente de me relever complètement. Ca me fait grogner. Ca me fait me baisser pour mordre un des seins de Fauve. Ca la déconcentre assez pour que je puisse m’extraire de ses bras en un sourire furtif. Vais à la fenêtre – embarque au passage bière tiède et cigarette. Pousse du bout du pied le sac vers Fauve. – Faudrait trouver autre chose que des motels, que je murmure après une longue gorgée de binouze. Et du travail Brishen, parce que ça ne va pas être simple de jouer au pickpocket dans un quartier où 90% de la population a des armes blanches à la place des chicots. Tu vas te faire bouffer la gueule et tu ne vas même pas pouvoir te défendre. Je me tâte le crâne. Puis l’œil maladroitement. D’un revers de main. Si tu savais, Fauve, comme c’est douloureux d’être un connard d’Ipsomerde. On est des bisounours forcés avec un nom de pokémon.

☽ ☽ ☽

L’entrevue de Stanislas et de l’Ipsolin fut un échec. Un échec cuisant. Le grand gaillard a refusé de lui rendre un service, à Stanislas et ça l’a beaucoup contrarié, à Stanislas. C’est qu’il n’a pas l’habitude qu’on lui dise non – c’est le blason, ça. Le blason de flic. Du coup, Stan’, il a passé ses nerfs sur un suspect comme il aime le faire. Il l’a poussé à bout, avec des questions indiscrètes et des fausses déclarations – ça l’a rendu dingue, à l’autre. Ca a fini par le rendre violent, à l’autre, et Stan’, il a pu le frapper en prétextant qu’il s’était fait attaquer… Puis il a pu reprendre son calme. Il a pu mieux réfléchir à la situation qui se présentait à lui. C’est qu’on lui a demandé un service, à Stan’ avant qu’il en demande un à l’Ipsolin. Parce que Stan’, en étant flic, il gagne pas beaucoup. Aime arrondir ses fins de mois un peu comme il peut – sans effort, parce que Stan’ il n’aime pas trop en faire, des efforts. Alors, Stan’, il est tombé dans un réseau. Il trouvait que c’était bien, y a quelques mois de ça. Des anonymes – probablement des truands, des malfrats, des gens comme ça – l’ont contacté pour lui demander le nom de certaines personnes. Des voleurs ou des meurtriers – des types qu’il avait arrêté ou croisé. Et il a commencé à les fournir, Stan’, contre des sommes astronomiques. Il a fourni ces personnes qu’il ne connaissait pas jusqu’à ce que les demandes se fassent plus ou moins précises. Bientôt, à Stan’, on ne lui a plus demandé de lui trouver des noms dans ses fichiers – on lui a demandé de lui trouver des profils particuliers. Il a voulu refuser, Stan’, parce que, ce qui lui arrondissait ses fins de mois allait bientôt lui faire perdre son vrai travail mais… Pauvre Stan’, il avait donné le nom et l’adresse de beaucoup trop de Bêtes pour se sentir à l’aise lorsque la première menace est apparue dans sa boite aux lettres. Tu nous aide ou tu meurs, Stan’ qu’on lui a gentiment glissé. Alors Stan’, il a continué… Par défaut. Par envie de vivre. Et aujourd’hui, à Stan’, on lui demande un Poroniec. Peu importe lequel – il faut juste qu’il soit assez fiable, qu’il n’ait pas d’attache et qu’il soit bien stable. Quelle aubaine quand il a vu la Fille apparaitre, Stan’. Elle paraissait naïve. Il s’est dit qu’avec un peu de chance, Stan’, il n’aurait même pas à chercher davantage. Et pour le profil psychologique détaillé qui lui a été demandé, il savait l’Ipsolin qui l’accompagnait, à la Fille, apte à le lui fournir. Mais cette partie là a foiré. Alors Stan’, il a un peu enjolivé, sur la fiche. Il a un peu menti. Il a dit que tout été ok avant de se rendre dans le quartier de haute sécurité. Il a posé quelques questions, il a prétexté une mission. Et il les a retrouvés Stan’, le soir. Ils étaient dans un motel en périphérie des grandes artères de Zamoskvoretchiye.

Posé dans sa voiture, un sandwich sur les genoux et un café dans un thermo, il attend, Stan’, que la Fille se sépare de l’homme. Il a vu des ombres dansées, Stan’, à travers les rideaux de leur piaule. Puis il a un peu rougi, Stan’, quand il les a imaginé faire l’amour, tous les deux, et qu’il s’est caressé à travers son pantalon. Il n’a jamais aimé les planques, Stan’, de toute façon.

C’est tard quand, finalement, la Fille sort de la chambre. Qu’elle s’avance un peu vite vers leur 4x4 pour y récupérer un sac. Stan’ doit saisir le bon moment – celui de l’angle mort. Il n’a pas envie de se faire voir par l’Ipsolin, Stan’, sait pertinemment qu’au bras de fer, c’est lui qui gagne – qu’il ne sera probablement pas content de le voir insister auprès de cette amie qu’il se tape. Alors il n’a que quelques secondes, Stan’, pour bondir de sa voiture lorsqu’elle passe dans le fin trait d’ombre, la Fille – celui qu’on ne peut pas voir de leur fenêtre. – Mademoiselle ! qu’il beugle – parce qu’il peut beugler, l’Ipsolin est sourd. – Excusez-moi, qu’il poursuit d’une voix amicale, presque tendre. – J’vous ai fait peur ? qu’il lui demande en voyant le regard qu’elle lui lance. – Je suis désolé, vraiment. Vous vous souvenez de moi ? qu’il poursuit, dans la même approche que ce qu’il a servi à son copain. Il espère, Stan’, qu’il ne lui a pas écrit l’entrevu sur un bout de papier – parce qu’elle ne semblait pas capable de signer. Que l’Ipsolin est aussi bête que ce qu’il en a l’air – qu’ils ne font, tous les deux, pas plus que s’envoyer en l’air. – J’ai pas pour habitude de suivre les filles, la nuit, jusqu’à chez elles. Il lève un peu le minois vers le motel, Stan’. Hausse une épaule. – Même si là, ce n’est pas vraiment chez vous… Tente-t-il dans un trait d’humour. Colle un sourire charmant à ses lèvres. Stan’, il sait y faire. Puis Stan’, il a toujours paru aimable et serviable. – Mais il fallait vraiment que je vous vois… Je… Je sais que c’est très cavalier de ma part mais… Rah… Il fait mine d’hésiter, Stan’. Se triture la bouche comme si la requête peinait à monter. Il se trémousse et se dandine. – J’ai un service à vous demandez… C’est un service rémunéré ! qu’il s’empresse d’ajouter en faisant un pas en avant. – Ne vous inquiétez pas… Et Stan’ ne lui dira jamais, qu’elle a toutes les raisons du monde de s’inquiéter.

Couleurs des Dialogues:


©️crack in time
  Sam 19 Oct - 20:49
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