14 novembre 1904 ► Sverige Suède - Göteborg. Naissance de Torsten Fredriksson, second fils de Liv Fredriksson et Stieg Fredriksson. Dernier enfant du couple. Couple d'instituteurs (Histoire et Anglais, à l'université). Fils de lettrés, donc. On appelle à la réflexion et à la culture, on parle et on rit. Une famille sans histoire. Une existence paisible.

... ► Suit ses études assidûment. Bon élève. Entre dans une université de droits. Poussé à l'excellence, on lui présage une carrière d'avocat ou de politicard. Il aime à manier les mots comme les marauds agitent un poignard. Ce qui, pourtant, ne l'empêche pas de jouer des poings dès que l'occasion de présente. Sa verve s'accroche et s'écorche à son impulsivité.

... ► Fait son service militaire. La politique et la guerre, découvre-t-il, ne sont jamais que deux sœurs. L'une n'allant que rarement sans l'autre. Il hésite, soudain, et l'ardeur de sa jeunesse le fait dévier de sa route si proprement engagée.

... ► vinterkriget  la guerre d'Hiver éprouve les cœurs. Utopiste et hardi. Torsten décide, malgré le soutien hésitant de ses parents, de suivre les traces de son frère ainé qui déjà combat au front (Ingvar - quatre ans de plus que lui). Se battre pour la liberté du peuple, pour la Scandinavie. C'est contre la Russie, qu'il lève les armes. Car il s'engage, le fou ; il se fait volontaire, afin de lutter auprès des armées finnoises.

29 décembre 1939 ► Il tombe en Finlande, non loin de Raippo. Durant l'hiver dur, très dur. Les membres bleuis par le froid. C'est dans le neige labourée par les bottes qu'ils posent genoux à terre. Il voit la forêt, lui, et il se concentre sur ce seul point d'impact tandis qu'il entend les déflagrations et les masses s'écraser tout près de son flanc. Ils se sont battus débattus comme des chiens. Comme des loups. Mais les ruskofs ne sont pas des hommes. Ces ruskofs sont des spectres, des créatures hantant les bois. Celles dont on ne prononce le nom et les légendes que tard le soir, pour effrayer les marmots. Ils ne sont pas là pour leur patrie de sales rouges. Ils ne sont là que pour faire couler la couleur. Couler la couleur partout. Torsten crève le dernier. Une balle lui arrache les tempes.

31 décembre 1939 ► Renaissance. Suffocations et douleur omnipotente. Il ne respire pas, il hurle. Il hurle un silence de damné. C'est ce qu'il est, devient - il ne sait plus. C'est impossible. Dans le crâne, le vide l'absence le néant. Un instinct de survie pour seul corde le guidant hors de son trou. Qu'est-ce qu'il est qu'est-ce que tu es - je suis. Annihilation de l'être devenu animal. On s'esclaffe soudain et les notes explosent ses tympans tout juste émergés de sous le noir de la neige retournée. Ongles cassés et mâchoire pendante. L'hémoglobine lui pisse encore de la boite crânienne alors que le buste tente de se défaire de la cage des membres morts qui le tire et tire et tire encore en arrière. Sous des mètres de bourbe gelée. Du béton rien que du béton et de la chair congelée.
[phase 1]

... ►Pourquoi. Pourquoi lui et pourquoi ça. Comme ça. On ne lui répond que par énigmes et on salue sa bravoure. Leur bravoure. Une balle à défaut d'une lame. Pas de cervicales brisées ni de jugulaires arrachées ; pas pour eux non pas pour eux. Trois guerriers qui - avec la chance d'un jour plus long - auraient sans doute pu venir à bout de l'un d'entre eux. Mais le jour s'est éteint et la nuit goudron est leur domaine. Sa vie n'est plus et son éternité s'ouvre. Prête allégeance chien. Prête allégeance à ta race et viens. Il ne comprend rien et réclame et gémit et quémande la liqueur. L'obscène liqueur dont on le nourrit comme on le ferait d'un chaton délaissé par sa mère. Conscience éclatée. Il reste ainsi, comateux et goinfre, des mois durant. Nouvelle guerre à l'aube de son éveil. On le lâche relâche pousse sitôt sur l'Ennemi.

... ► Balafres à la psyché autant qu'au corps. Torsten en T. Vestige d'un gamin trépassé. Sur la carne fraîchement pourrie, la Völva inscrit les chaînes à l'encre des croyances. Vieilles croyances. Esclave tu es tu seras tu resteras, dit le Père. Ton espèce tu serviras et plus encore la Mort tu imploreras. Maîtresse à ta résurrection. Obéis à son Appel.

1939-1945 ► Seconde guerre mondiale. Il traverse villes et landes la langue imbibée de carmin, les papilles excitées par les fluides. Monstre guerroyant contre toute une espèce. C'est de l'Homme dont il se bâfre. Adversaire ou allié, T ne fait aucune différence. Faucheuse sur les champs de dynamites et sous les tempêtes de balles. Il n'y a rien qui puisse te stopper, fils. Rien que la purification par le feu. Les flammes sauront t'exterminer. Éloigne-toi de leur bûcher, venge tes frères. Ripaille sur le massacres des faibles.
[phase 2]

... ► La Russie en refuge. Apatride. Torsten Fredriksson a été désintégré. Des trous à la mémoire. Les souvenances en déliquescence. Il s'habitue, lentement, sauvagement, à sa nouvelle nature. C'est à Moscou qu'il échoue, avec deux de ses parents. Niklas, son repère. Stig, son frère. Ils ont perforé les batailles pendant des années. Le calme apparent, le retour à la civilisation ; tout ça les fait vaciller. La Bolshoy en famille - Niklas initie ses victimes-enfants.

1950 ► [phase 3]

1958 ► [phase 4]

1965 ► Finesse d'esprit ou poison. T se hisse au rang de dyada ; bras et doigts agiles au sein des jeux où l'argent ruisselle. Son rang obtenu ne fait pas l'unanimité et le sang coule dans les artères de la maudite cité. Il s'installe. Il s'annonce. Il fait taire rumeurs et complots par la violence et la peur. Une marée de violence et de peur dans laquelle le bel ange se réjouit.

Nuit du 10 mars 1965 ► C'est dans la discrétion du soir naissant et pourvu de sa haine trop longtemps ravalée, qu'un carnage flamboie. Coin de rue coin de mur. L'angle de la Mort et son Appel, explique-t-il hilare. Niklas en chasseur chassé. Proie d'une chimère enfantée. Tue le Père. T tue Niklas, charogne démembrée, morceaux balancés dans l'un des gigantesques fourneaux offert par les usines d'acier du quartier - pas une balle dans la tête à défaut d'une épée, marmonne-t-il tout à son œuvre. Craquements mémoriels. Vengeance achevée ; Stig s'amène, aide à faire disparaître la preuve du crime, de l'intolérable félonie faite au clan. Besoin maladif d'exorciser les ultimes traces de leur Enfer, de leur Père, de leur démon personnel.

11 mars 1965 ► La nouvelle se répand : brat disparu, Niklas absent, introuvable, envolé. Soupçon d'acte criminel. Soupçon de trahison. Le silence répond seul le silence répond à la multitude de questions.

... ►Assoit son règne. Fortifie sa place. Business florissant. Le Draugr protège le trésor de la Bolshoy. Dans les méandres des affaires, les noms et prénoms changent. L'Humanité dont il se joue. T aime à paraître Mystère. T s'amourache des illusions et prospère ; diverses identités sous lesquelles il se glisse au gré des saisons des besoins des transactions. (en 1980 ► [phase 5])

1995 ► [phase 6]

Juin 2002 ► Déplacement rapide pour affaires et alliances. Il retourne, des nœuds au bide, sur les territoires qui l'ont vu naître et mourir. Soudain plus qu'un être de chair et de sang. Il tangue et manque vomir tant l'angoisse le prend. Stig et Kira, bras armé et bras droit ; laissés sur les terres soviétiques afin de tenir les rênes du Closed Eyes en sa courte absence. Relève-toi et avance.

18 juin 2002 ► Par complaisance, l'acceptation d'une soirée de dépravation. La drogue l'alcool le sang le sang le sang qu'on lui offre et les filles. Il y aurait pu avoir des garçons ; ils n'auraient servi à rien d'autre qu'à le nourrir. La braguette ne s'abaisse pas. Le pantalon ne descend pas aux chevilles. Les affaires l'obsèdent et l'âge avançant de la Bête n’œuvre d'aucune façon pour le ramollir. Bien au contraire, tout en lui durcit. La haine l'impatience le dégoût l'irritation. Pourtant, il affiche mine affable et paroles courtoises. Il faut savoir jouer, il faut savoir tromper, si l'on veut gouverner. Et c'est ce qu'il fait.
Et puis elle arrive. Avec les femelles dont les guibolles maigres présagent chutes fréquentes et cames dans les artères. Elle est là. A peine pubère. Vierge, qu'on lui indique. Une main pour la faire aller tout contre lui. Un cadeau pour le contrat négocié, pour saluer son retour en Scandinavie. Sa virginité en bonus aux profits à venir.

La fille attend dans le couloir inanimé de l'hôtel. Elle a le bras pris dans l'étau froid et rugueux des jointures de Sergueï. Un bodyguard qui ne sert que de façade à T. Miroitant la faiblesse d'un être, la peur peut-être, le souci d'une tacite sécurité. Sergueï est un fantoche à sa botte.
A l'intérieur de la chambre grand luxe, des bruits dissolus. Des coups et des brisures - de meubles de verres de tout. C'est un joyeux foutoir. Dix minutes s'écoulent. Cinq de plus expulsent des supplications ténues, assourdies. Les cinq supplémentaires affichent un silence d'église. Sergueï prend l'initiative de descendre et fourrer la fille dans la Mercedes qui attend en bas du bâtiment.
Portière claquée, portable extrait de sa poche intérieure. Il compose un numéro, colle à son tympan l'écran bleuté. Et dans la chambre, là-haut, la sonnerie du fixe retentit.

Les affaires sont annulées. Le contrat avec les finnois est un échec. Le retour à Moscou est rapide. Le soir même les billets sont pris. La fille emportée dans ses bagages. Il ne sait ni son nom ni son âge. Il ne sait que ses origines. Le suédois a percé quand elle a tenté de roucouler des fadaises à son oreille. Ça a éveillé un truc en lui. Réveillé, plus exactement. Un vieux démon. Enfoui. Perdu. Tué, pensait-il. Sirène à sa psyché, il n'a fait des bourreaux et victimes qu'une bouchée. Dans la chambre 312, nul corps ne fut néanmoins retrouvé. Des litres de sang, cependant, ont copieusement imbibé draps fauteuils et plancher.
Affaire classée.

... ► C'était quoi toute cette merde en Finlande ? T'as cru que tu pourrais enterrer ça sans qu'personne ne se rende compte des absents ? C'est à cause de la pute ? T'es sérieux là ? Tu pensais à quoi, T ? Putain mais tu pensais à quoi ?
C'est toi qui va payer les dettes à éponger. Et t'as intérêt à leur faire fermer la gueule si tu veux pas qu'les oncles et tantes montrent les dents. Démerde-toi et fais ça vite. Et si la pute est un problème... tu sais ce qu'il te reste à faire. Dresse-la. Si une merde supplémentaire se produit, ce sera ta tête, T. Ce sera ta putain de tête qu'ils feront sauter.

... ► La fille ne parle pas. Plus. La fille n'a craché ou soupiré aucun mot depuis la banquette arrière de la Mercedes louée. De faux papiers ont servi à lui faire prendre l'avion, à passer le territoire, les frontières. Désormais, elle est là. Immobile. A miré tout ce qui se trame sans s'émouvoir de rien. Mutique. Coléreuse. Sans un geste déplacé, sans un cri. Tout pèse dans son regard bleu. Bleu si bleu. Un bleu-tristesse que Kira prédit dangereux. Elle a le même bleu que toi, elle a des démons en elle, des démons qui jamais ne disparaitront. Tu les connais, T, tu les connais ne me mens pas. Pas à moi.

Il la nomme Dagmar. Jour brillant. Appellation poétique pour arroser cette fille. La pâlir. Elle qui provoqua des semaines auparavant un véritable brasier en lui. Son nom se couple au reste. Premier dernier seul parent. Il est désormais tuteur légal. Il est désormais père. Il ne se sent ni l'un ni l'autre. Créature désincarnée, il oscille entre indifférence et possessivité.

Dagmar est confiée au bon soin de Kira ; qui de bras droit, mère parfois, amie souvent, partenaire toujours - devient également tutrice, éducatrice, mère-louve. A celle dont on retira les enfants jadis, on accorde le pardon en mettant entre ses griffes et crocs la maigre mioche.
Reproches et grondements dans l'antre de la Bête. Kira expose et explose ; des ordres érigés en lois, qu'elle impose. Pour protéger l'enfant. Tu ne la toucheras pas. Elle saura qui tu es. Qui nous sommes. Elle sera liée au clan. Et tu la formeras et tu seras là, T. Toujours tu seras là. Avec ou sans moi. C'est à toi qu'incombe la faute, c'est à toi qu'incombe le problème. Tu l'as voulue, tu l'as. Je vais t'aider. Bien sûr que je vais t'aider. Je vais t'aider uniquement parce que je t'aime. Mais au moindre faux pas, souviens-toi, c'est à toi que reviendra le devoir de remédier au problème.

Et les années coulent et l'enfant devient adolescente. Et Dag est une évidence pour ces êtres bouffis de violence. Elle est des leurs. Elle l'a toujours été.

2014 ► Dagmar grandit. Gravit la hiérarchie. Elle obtient le titre de book-keeper. Elle est celle par qui l'argent passe. Pont à l'armature d'or. En équilibre sur le sommet de la pyramide. Les comptes officieux et officiels du Closed Eyes sont scrutés et décortiqués par ses soins.

1 Juin 2019 ► En pleine nuit, et ce malgré l'intervention de Stig et un petit groupe d'hommes de confiance, la propagation furieuse des sbires du gouvernement n'est pas endiguée. Torsten est pucé. Sa tentative d'évasion n'aboutit à rien de plus que davantage de violence, fractures au sein des deux camps et giclées de sang sur le sol et les murs de la planque. On l'immobilise par les armes, non sans y laisser des plumes. Face contre terre, le draugr en calbut se débat et son don particulier s'anime. S'anime et menace. Jusqu'à. Jusqu'à ce qu'on le paralyse par les faits : Dagmar et Kira, amenées devant lui. Leurs genoux choquant sur le ciment de l'entrepôt. Un canon d'acier pour chacune sur la tempe.
Silence.
Silence et acceptation. T. ne se débat plus et la puce lui est enfoncée profondément dans la viande. Sa nature est ensuite calmement répertoriée.
Animal tu es, animal tu resteras.

2019 ► Évite de justesse une puce "renforcée" lors du discours du 5 septembre. Se réjouit du chaos ambiant. Escompte tirer partie de la période de pagaille pour fomenter de nouveaux partenariats financiers. Distille son doux poison dans les basses strates de la Bolshoy : le Tsar héritier doit mourir. Décide de changer d'emplacement son logement principal (autrefois dans le quartier commun) qu'il achète sous l'une des fausses identités de Kira, dans le quartier Sud (sans qu'on ne lui en laisse véritablement le choix). Sa puce tourne à l'obsession. La découverte du créateur de cette abomination (octobre 2019) réveille ses instincts prédateurs. La traque afin de mettre la main sur Mehdi Aghilas est lancée. T, en parallèle, néglige les comptes du Closed Eyes ; cédant sa pleine et aveugle confiance à Dagmar.