Vis cosmicis

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D’un œil expert, Agnes jaugea la tenue des artistes qui se produisaient sous la grande toile du chapiteau. Assez jolie, colorée comme elle l’aimait. Elle aurait sûrement trouvé quelque chose à redire si elle avait été plus près mais de loin l’ouvrage faisait illusion pour qui était prêt à se laisser enchanter. Et puis, tout bien considéré, elle se fichait comme d’une guigne de donner ou non un feed-back qualité sur les atours des acrobates. Le cirque, après tout, ce n’était pas son truc. Trop de poussière, pas assez de confort et de ce… petit je-ne-sais-quoi qui fait la différence entre une production de haut-vol au prix exorbitant et un simple spectacle que le péquin moyen trouverait à son goût.

Une chose était sûre, la brune n’était pas là pour profiter de la magie circassienne. Si elle s’était fait entraîner sous le chapiteau la première fois, c’était uniquement pour faire belle figure auprès des trentenaires du boulevard Richesse dont les contacts ne nuiraient pas à ses affaires. Désormais, ce n’était plus ses voisins qui l’attiraient ici, ni même les contacts – bien qu’on en soit pas loin – mais ce n’était toujours pas le spectacle. Le seul numéro qui aurait pu l’intéresser était passé. Elle n’attendait plus que la dernière parade de salut pour bouger et quitter son banc. Lasse, la brune supporta les derniers numéros avant de se redresser, bien droite, les mains en évidence pour qu’on la voit applaudir depuis la piste et s’en donna à cœur joie quand tous les artistes défilèrent pour le clou du spectacle. Enfin libérée, Agnes descendit les tribunes d’un pas léger et sautillant, attendant avec toute la meilleure volonté du monde que le reste des spectateurs se dissipent pour sortir à son tour de sous le chapiteau et se diriger non pas vers la sortie mais vers les loges artistes.

Agnes entra comme en terrain conquis dans la loge des artistes – ce qui était sa façon générale d’entrer où que ce soit – sans attendre qu’on l’annonce, et refit le chemin qu’elle finissait par bien connaître jusqu’à trouver son voltigeur. Elle s’adossa au support le plus proche, se drapa de son sourire le plus enjôleur et lança :

« Merveilleux votre numéro ce soir, comme d’habitude. »

Ses yeux noisettes caressèrent la silhouette du blond, y voyant plus les possibilités que les charmes réels de l’homme, frissonnant à la perspective d’un jour pouvoir les saisir et les mettre à son service. Mais chaque chose en son temps. Son doux rêve pourrait disparaitre dans l’ether d’un réveil douloureux si elle se précipitait pour jouer ses cartes. Son sourire se réchauffa encore quand il se tourna vers elle.

« Bonsoir. »

(c) oxymort