C’est la MERDE. La MERDE avec plein de majuscules comme POURQUOI CETTE VILLE SE BARRE EN SUCETTE PUTAIN.

Le commissariat grouille de monde, Miromir a l’impression d’être dans une ruche. Quant à savoir qui tient le rôle de la Reine, depuis l’arrestation de leur chef, ce n’est certainement pas lui. Il n’est qu’un bourdon parmi les abeilles, un bourdon qui tente, tant bien que mal, de faire son boulot. Par les temps qui courent, cela devient de plus en plus compliqué.

Miromir n’était pas au théâtre Yermolova le soir de l’incendie - il était de repos, douillettement niché entre les bras d’une employée de l’Abyssal, inconscient du drame se déroulant à quelques kilomètres de là -, mais les récits qui lui ont été rapportés de la soirée lui ont glacé le sang. Depuis, il a l’impression d’être dans un cauchemar. Les arrestations s’enchaînent et les rapports s’amassent sur les bureaux de la police. Ses doigts vont se mettre à saigner à force de s’agiter sur son clavier. Mais Miromir préfère se tuer à la tâche, plutôt que de songer au bordel qui se déroule autour de lui et menace de faire vaciller son self-control - surtout lorsqu’il songe à son frère et à sa belle-soeur, enfermés sous ses pieds, les poignets menottés. Cette simple image le révulse et il s'efforce de se perdre dans le travail pour ne pas craquer.

Cependant, l’épuisement finit par le gagner. S’il travaille cinq minutes de plus, il va devenir fou. Alors il se redresse, passe la main sur ses yeux cernés et se dirige vers l’une des salles de « détente » du commissariat, aka une petite pièce aussi large qu’un placard, dotée d’une machine à café et d’une fontaine à eau. Il aime bien cette pièce, envahie d’ombres qui remuent autour de lui. Il salue les autres policiers présents - qui lui répondent sans le moindre enthousiasme - et appuie sur le bouton du cappuccino de la machine. Celle-ci gémit et crache au fond de son gobelet une lichette de substance noire sans sucre (et sans café, vu l’odeur). Merveilleux.

Apercevant la silhouette d’Artiom - reconnaissable entre mille, à son ombre trop sombre, trop épaisse, comme si de l’encre noire se répandait dans son sillage -, il l’apostrophe :  « Hey Arti’, c’est toi qui as déréglé la machine à café ? » Il essaie de paraître léger, mais le frémissement de sa voix trahit sa nervosité. Il sirote une gorgée de sa boisson - infecte. Du jus de chaussettes.