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 Faire causer les morts (Milesia)


BOYS AND GIRLS OF EVERY AGE, WOULDN'T YOU LIKE TO SEE SOMETHING STRANGE ?

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- Pressez-vous, mon chef est quelque part dans le bâtiment et j’aurais du mal à expliquer ce que vous foutez là, vite, vite.

Retroussant légèrement les narines de dégoût, Yegorovich jeta un regard comminatoire au petit bonhomme en uniforme d’agent de sécurité qu’il avait face à lui, mais dont on se demandait bien de quoi il aurait pu assurer la sécurité ? De sa bedaine guère menaçante sur un autre plan que l’accumulation de cholestérol ? De cette matraque télescopique qui avait l’air d’une imitation quand on la voyait à la ceinture d’un type aussi tremblant et dégoulinant ? Pourtant il avait été ravi d’accepter l’argent de la mafia à de nombreuses reprises pour faire des copies de rapports médicaux ou leur en dire plus sur l’emploi du temps de tel ou tel médecin et une foule d’autres menus services. Mais faire entrer Yegorovich dans une morgue sans passer par les contrôles de sécurité en ouvrant une issue de secours, voilà qui soudain semblait hors de ses capacités. C’est que la mafia, le gros homme n’en voyait que la queue de souris, quand une petite frappe du clan venait collecter ce qu’on lui demandait de trouver ou qu’il appelait un certain numéro, en échange d’argent liquide dans sa boîte aux lettres. Mais avec Yegorovich en face de lui, la mafia devenait soudain bien plus… tangible.

- On se calme, Alexei Vitchovski. Comme vous l’avez dit vous-même, votre supérieur est dans son bureau et il n’y a aucune caméra entre cette issue de secours et la morgue, si vous arrêtez de vous conduire comme un enfant tout se passera bien. Conduisez-moi, maintenant.

L’autre se le tint pour dit et l’étrange duo reprit sa progression. Il y avait plusieurs morgues à Moscou évidemment, mais celle-ci n’était pas la plus importante et se trouvait en annexe de l’Hôpital Central de Kitaï-Gorod. Pour autant qu’il le sache – et il s’était très bien renseigné – elle n’employait que peu de légistes, et rarement plus d’un présent à la fois dans les locaux. En l’occurrence, Yegorovich le savait, il n’y aurait assurément qu’une seule personne présente, et il aurait tout loisir de s’entretenir avec elle dans la mesure où son adjoint d’un soir, le bon Alexei, ouvrirait l’œil et le bon en le prévenant de toute venue intempestive grâce à son accès aux caméras de surveillance du poste de sécurité de l’étage.

Il y a bien longtemps l’homme dragon était déjà venu dans cette même morgue, pour réquisitionner au nom du SGR le cadavre d’un espion de l’Ouest qui avait été abattu en fuyant les agents des services venus l’appréhender. Bien des choses avaient changé depuis. Il portait des costumes moins luxueux, à l’époque du SGR, gris, ternes. Tandis que là, à le voir avec cette ostentatoire cravate bordeaux, ce costume trois pièce sur mesure de première qualité et ce pardessus à la française, on discernait l’homme riche. Dans un sens, c’était aussi un uniforme qu’il était contraint de porter : celui d’un cadre de la mafia, qui devait afficher sa réussite financière pour être respecté. Au moins ne portait il pas de Rolex ou autre immondice vulgaire du même acabit, et surtout, avait-il pu éviter les tatouages non sans devoir déployer des trésors de persuasion.

Et puis évidemment, sous le vêtement, autre chose avait changé. Le rugissement n’était jamais loin, au fond de son esprit. Sous sa peau le sang battait et les écailles étaient là, presque perceptibles, comme des membres fantômes. Il eut un frisson qui ne devait rien à la fraîcheur des lieux. La femme qu’il allait rencontrer, il le savait, n’était pas moins douteuse que lui quant à l’humanité.

- C’est là. Tout droit, la double porte rouge. Le code c’est 8960. Sorel y est. Mais… hé, pas de sang hein, vous m’avez dit…

- Si vous ne filez pas tout de suite aux caméras faire votre part, il y aura du sang mais ce ne sera pas celui de la légiste.

Yegorovich fronça les sourcils en voyant l’agent de sécurité filer. Ce type était peu fiable, même quand il s’agissait de tâches aussi peu sensibles que de lui faire passer un contrôle de sécurité. S’il parlait… Les flics n’étaient pas la seule chose qu’il devait redouter, puisque Andrei n’était pas du tout au courant de cette petite visite de son conseiller en affaires crapuleuses dans cette morgue. Non pas que le chef mafieux soit si difficile à manier au quotidien, mais si lui cacher des choses était possible, justifier un mensonge éhonté et l’usage injustifié de son autorité… Mais, bah. Quand le vin était tiré il fallait le boire, et Alexei Vitchovski retrouverait sûrement son sang-froid loin du grand méchant loup.

Ses pas résonnant sur le dallage blanc, Yegorovich arriva devant la fameuse double porte rouge menant à la morgue, protégée par le digicode Vitchovski avait fourni la combinaison. De ses doigts gantés de cuir noir, l’intrus tapota sur le clavier et la porte s’ouvrit dans un chuintement avant de se fermer derrière lui. L’homme-dragon n’aimait guère la situation. Il était sans aucun doute possible de commander le blocage à distance de la porte depuis le PC sécurité. Si l’agent de sécurité ventripotent se sentait des envies héroïques… Bien entendu la porte, toute épaisse qu’elle soit, ne résisterait pas longtemps à quelques charges menées sous sa forme écailleuse et finirait par céder, mais cela ferait du bruit, prendrait du temps et exposerait sa nature en public… Yegorovich serra les dents, s’efforçant tant bien que mal de chasser sa paranoïa, et s’avança au milieu des tables d’autopsie.

Elle était là, la femme, en train de se retourner. La quarantaine, fort peu redoutable d’apparence, jolie, si on attachait de l’importance à la chose. On imaginerait pas quelle immonde petite bestiole nécrophage se cachait derrière ces traits, même s’ils ne respiraient pas la joie de vivre et la sérénité. Yegorovich était plutôt content, quand il lisait des monceaux de documents détaillant les pratiques des pareils de cette femme, d’être possédé par un dragon plutôt que d’être un… poroniec. Au moins y avait-il une certaine noblesse dans l’association qu’il se trouvait forcé d’accepter.

Au demeurant il n'avait guère de raison de la trouver très sympathique. Le hasard faisant curieusement les choses, il avait là affaire à une autre membre de l'Intolérante. Sincère, hypocrite, engagée à plein ou à reculons, peu importait. Elle le connaissait, comme tous les autres, sous le nom d'Ivan Drogloff, et lui n'en savait guère que le peu qu'il s'était soucié de glaner. Sans aucun doute elle serait surprise de cette irruption, mais l'urgence commandait et il n'avait pas été question pour lui de prendre le temps de s'annoncer ou de la contacter, d'où la visite quelque peu cavalière.

- Docteur Sorel. Permettez que je vous vole quelques instants.


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  Dim 12 Mai - 12:08
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