paradis perdu
«
Je t’aime »
Baisers d’or.Feux mêlés, calices énamourés.
Larmes d’ivresse, perles de rage.
Ce sont les épaves qui s’entrechoquent, les babines qui se rossent, les langues qui s’enchaînent sous fastueux coyaux. C’est l’amour qui éclate, c’est la passion qui éventre à l’exode Salope.
«
Je suis désolé »
D’avoir été aveugle, ignorante, imperceptible à l’égide,
à Vénus sacrifiée. S'être crue cocufiée à l'ignoble sans égards. Labres se piétinent, hanches se pétrissent, phalanges se ligotent dans la marée des souffles tièdes. Rebelles d’un monde difforme et livide, elles sont
Icare sur les célestes rivages.
«
Je t’aime Oda »
Secousse du ventricule, syncope de la brioche. Dans le bleu outremer des orbiculaires humides, thaumaturge bluette rutile, onirisme dégueule des artères.
«
Partons. Ce soir. Quitte cette cage. Avec moi. »
Quitter cet endroit ? Caleter loin de sa geôle dorée, galoper sur dans les nocturnes gloires, sous les astres impassibles ? Pourquoi hésiter ? Elle ne tergiverse, ne croque le marmot, s'épluche d'un sourire, pétille pâmoison, embrasse sa madone.
«
Oui »
Peu importe où, destination futile, tant qu’elles se molletonnaient loin du sérail infâme, loin du carcan infernal. Doigts joints à l'inébranlable union sur les noirs ravins.
On lui pigmente liberté, on lui moucharde amour. Pour la première fois depuis vingtaine. Piaf enchaîné, martyr au gouffre, anomalie, gerbe défectueuse. Entre Prince et Princesse, le vilain Canard, l'impure pécore. Racine tarie depuis l'aube incendiaire. Gourmes paternelles, ignorance maternelle, mépris du frère, jalousie cadette. Bête Noire, Vibrion, Cendrillon corroyée par l'étreinte familiale. Firmament d'horreurs, mer d'ombres, solitudes éternelles jusqu'au préambule de la Divine.
Theresa. Putride séraphin éructée aux pénards d'un théâtre parfait, d'une famille sans entaches. Nominée par cousine famille pour tisser vérité, humer parfum de sincérité. Noirceur féminine dénichée au creux du ravin. L'électron libre, le maillon défectueux. La hargne broyée par successive passion.
Oda, le rebut, le fretin désinvolte, la princesse aux pieds nus, aux cheveux dissidents. L'indocile, la pétulante, la révoltée. Un interdit flamboie sans crier gardes. Les injures se muent baisers, l'inconnu se sculpte béguin.
«
Ce soir, dans les jardins, près de l'étang »
Parfum de liberté, fragrances de témérité. Oda embrasse, Oda enlace. Promesses sacrosaintes.
Mais sous Clair de Lune, Oda ne vient. Solitude cueille Theresa, qui tourbillonne, s'ouate jusque dans les entrailles de l'adamantin sérail, dyspnéique, affolée.
Ça pue, ça trouillote l'embûche. C'est la Mort dans le palais, l'assassinat muet, la jalousie mortifère. Une couenne figée aux lèvres violacées, un fratricide maquillé en accident. Une famille déplumée de son imperfection, des ogres débarrassés du Poucet. Ce sont les joyeuses funérailles, les putrides obsèques. Où parents se taisent, où grand frère goguenarde, où cadette ricane contre l'amante éplorée. C'est la fin d'un théâtre, l'expulsion de Satyre loin du bourgeois donjon. Une étoile solitaire, sans auréole, sans comète pour se marier dans l'écume amer.
Sans Lys Rouge à étreindre loin de l'âpre Enfer. Une promesse rompue, un amour perdu. La dépression écrase nombril et sanglote blondeur loin du méphitique cercueil, sous ciel rugueux, dans flots cinabres.
Adieu Norvège sanguinaire. Adieu à Oda, sur sa couche d'ivoire, sous granit immortel. Chagrin roucoule dans un auguste écho et berce les mille oiseaux. Ces ailes qu'elles auraient aimer être...
*
mensonge divin
Amstrong.
La vie en Rose. Vieux jazz crachote, colosse de la trompette vagit à travers antiquité. Un modèle des années 50 niché près du comptoir. S’agglutinent odeurs, plexus d'arômes. Réglisse, miel et lait chaud piétinés dans un ressac d’amertume.
Café impérial. Qui brosse moindre narines, qui ramone jusqu’au cortex, moucharde douceur, pensées, souvenirs. Des cauchemars, des rêves éclatent en gamètes.
«
Mimi, tu me sers un lait chaud ? »
Un sourire convulse sur le rouge glamour. Une œillade au petiot croqué sous charlotte rouge.
«
Va t’asseoir David »
Mouflet trébuche jusqu’à banquette en gloussant.
«
A quoi pensais-tu Mimi ? »
Cils trémulent dessus onyx.
«
Pourquoi me demandes-tu ça ? »
Curiosité.
«
Tu avais le regard dans le vide. Presque triste. Tu ressassais le passé ? »
Le passé.
Quel passé ?
La renaissance des entrailles de la terre ?
L’abominable rage familiale ?
L’exil loin du climat norvégien ?
Ses amours ?
Ses enfants ?
Ses erreurs ?
Ses pertes, ses chagrins ?
Son inexorable rédemption depuis poignée d’années ?
Peut-être un peu de tout.
Mais avant tout ça ?
Avant la mort, avant la haine ? Avant l’oubli, avant l’amnésie ? Enfance incertaine, jeunesse sans méandres. Gravats d’esquisse, fracture de parfum. Essai à compléter puzzle de l’âme. A colmater trous d’une imparfaite mémoire. A se recycler, survivre, inoculer chicots d’espoir dans son entourage. Délinquants, chômeurs, gredins, gourgandines, sans abris, dépressifs. Des squelettes en géhenne, des échines de tout horizon. Tous franchissent le seuil de la bénigne gargote. Tous se glissent dans le moelleux collenchyme pour quelconque ambition. Crever solitude, débusquer conseil, fouiner objet, dégoter calibre, pictonner boisson, jacasser au bruit de sons rococcos, s’imprégner du bouquet de vieille clope ou de café cubain. Chez madame Mime. Jolie carogne, vétuste salope. Adulée, méprisée. A dégueuler quatre vérités, à collecter pécules contre gueules d’acier, ressources mortifères. Trafic dans l’arrière boutique où mignotent filous et bandits. Vestige d’un passé où se glorifiait gorgone dans le sillage de la pègre. Elle était douée. Trop. Flirtant avec crapule, accouchant de marmots. Idylle aux teintes cinabres. Rubescente péroraison. Tombeaux des lucioles, deuil maternel, béotien divorce. Rupture des pulpes, apoptose des ventricules. Chagrin sur les funestes stèles, à pleurer minouches, à rugir désillusion.
Dix ans ont tari mamelon depuis.
L’amertume, l’aigreur, le cynisme lèchent babines flétries d’une clope. Avec fléau dans la moelle, elle s’est muée vieille égide, incontournable des putrescents faubourgs. Accueillent éperdus dans son antre, chuinte douceurs et sarcasmes. Café des miracles, gorgé de mille odeurs, pétri par moult humeurs.
Et Belzebuth distille la lymphe, nargue tinée de maux.
Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Synapses en miette, neurones têtus. Et elle lorgne parfois, dans le miroir de sa baignoire, les contours du lys rouge imprimé dans sa couenne. Mystérieuse origine, énigmatique tatouage. Doigts sillonnent contours, effeuillent rubis nostalgique. Quelque chose d’important jadis…
«
Mimi ? »
Clignote, sourcille, vomit mine affable.
«
Désolé, voilà. Au fait, j’ai parlé au vieux Yuri, il serait d’accord pour te prendre sous son aile et t’apprendre les rudiments de la menuiserie »
Entremetteuse, cerbère, fontaine à remèdes. Elle essaie, à la sueur de son front, au labeur des conflits, de sortir coquâtres de la mouscaille, de moucharder espoir au creux des calots. D’échecs à victoire, de momies à séraphins ressuscités, routine belliqueuse creuse l’ennui.
«
MISHA! Sers moi du café! »
Guenon débarque. Maksim l'infernal. Méduse bougonne, mâchure havane.
«
Va donc crever sur le trottoir au lieu de souiller ma nouvelle moquette »
Sous les javelles de hargne, David sirote son lait, impassible, habitué. Amour vache, cascatelle de boîteuses affections.
«
Baise un coup'! P'tain, t'es chiante de bon matin »
Ça grommelle, ça dégueule insolence.
Elles s'apprécient pourtant, sous les cuirasses barbares.
Vieilles s’injurient, vieilles s'écoutent. Et parfois, ça vérignole, ça réchauffe les draps, chasse douleurs, sarclent grisaille.
Vertige, mirobolant tournis. Elle parle, elle mange, elle dort, elle baise.
Fable humaine.
Monstre sous vertèbres.
Ça saigne à quelques heures, privant pompes du cœur, noircissant hémoglobine. Car à la charitable se supplante l'impitoyable. Bombyx rouge, dragon rubis. Paluches craquent les nuques. A l'affable se déloge la sauvage. Ange gardien se souille pour chaperonner fidèle clientèle.